Un Palestinien accusé de normalisation avec Israël : info ou intox diffamatoire ?

Info intox.jpgPar Liliane Messika

Il s’appelle Ibrahim al-Madhoun, il est directeur du Centre Médias du Hamas en charge de la Jeunesse. Il a plaidé coupable et demandé pardon. De quoi ? D’avoir accepté d’être interviewé par la télévision israélienne. Ouh la la, c’est gravissime !

Condamnation pour relations normales… C’est passible de combien ?
Al-Madhoun a été interviewé via Skype sur I24 News-TV pour parler de la situation des « réfugiés palestiniens ». Note de la traductrice : on appelle ainsi les gens, où qu’ils naissent et vivent, qui peuvent justifier qu’un de leurs aïeux a vécu de 1946 à 1948 en Palestine sous mandat britannique.

« Je voulais seulement faire connaître à la société israélienne le point de vue palestinien et transmettre un message de résistance de la rue palestinienne pour influencer les téléspectateurs israéliens, modifier leurs convictions et ouvrir une cinquième colonne chez eux. Je présente officiellement mes excuses à la jeunesse, aux médias et à tous les citoyens palestiniens pour mon erreur d’appréciation de la situation », s’est aplati le coupable.

Cela n’a pas suffi à désamorcer la tempête d’insultes que son apparition sur une chaîne israélienne avait déclenchée. Pourtant, dans une interview donnée cette fois à un média autorisé, Al-Monitor, Madhoun a déclaré qu’on ne le reverrait jamais sur une chaîne israélienne. « J’ai décidé de donner au public palestinien ce qu’il voulait » (ici).

Dans le même article, le directeur de la communication du Hamas à Gaza City, Salameh Maarouf, explique que la décision gouvernementale de 2012 d’interdire toutes relations avec la presse israélienne est toujours en vigueur. « Nous ne sanctionnons pas ceux qui la violent pour la première fois, mais nous les convoquons pour discuter de leurs motivations. Nous leur (…) demandons un engagement écrit ou oral de ne plus la violer. (…) S’ils récidivent, les coupables seront accusés de normalisation avec Israël et seront donc bannis par la société palestinienne. Les médias palestiniens ne leur donneront plus jamais la parole. Cette décision protège la société palestinienne de la propagande israélienne. »

Les palestinolâtres français ont bien raison de décréter que l’État de Palestine une fois créé sera démocratique et respectueux des droits de l’homme. Il a bien commencé !

Pour enfoncer le clou, un professeur de journalisme et de relations publiques à l’Université palestinienne Birzeit, Nashat al-Aqtash, a expliqué que laisser les gens décider eux-mêmes s’ils devaient ou non parler aux médias israéliens représentait une « inacceptable normalisation avec Israël ».

La Cisjordanie n’a rien à envier à Gaza en matière de dictature
A l’occasion d’un festival culturel à Jérusalem, qui invitait des artistes palestiniens, leur syndicat professionnel a menacé d’expulser de ses rangs ceux qui se livreraient à une « normalisation avec Israël ».

Bien évidemment, ce syndicat d’artistes ne prend pas plus ses décisions que ne les prenaient ses homologues russes sous Staline. C’est l’Autorité palestinienne qui rejette tout événement conjoint et toute opération commune en faveur de la paix avec Israël, activités coupables agrégées sous le terme de « normalisation ».

De la même façon, les événements sportifs ne doivent pas permettre de rencontre entre Palestiniens purs et Israéliens sales. Jibril Rajoub, terroriste qui a purgé sa peine dans une prison israélienne pour avoir été impliqué dans des attentats, a qualifié, en 2014, de crime contre l’humanité « toute activité de normalisation dans le sport avec l’ennemi sioniste. » A l’époque, il était secrétaire adjoint du Comité central du Fatah et chef du Conseil suprême palestinien du sport et de la jeunesse. C’est dire s’il était habilité à exprimer le point de vue officiel. En 2016, il a été plus précis à la télévision palestinienne : « Quiconque a commis des actes d’héroïsme individuels (des attaques terroristes), nous, dans le mouvement Fatah, les bénissons et les encourageons. Nous les considérons comme des héros ».

affiche_insulte_doueiri.jpgPrimé à Venise, interdit à Ramallah et inquiété à Beyrouth
L’insulte, film libanais de Ziad Doueiri, a obtenu en 2017 le Lion d’or, le prix de la meilleure réalisation et le Lion d’argent du meilleur premier film à la Mostra de Venise. Il a cependant été interdit à Ramallah, où il devait être projeté dans le cadre d’un festival de cinéma. Du fait qu’il pouvait être pris comme une « normalisation des relations avec Israël », le film a été retiré de l’affiche « à cause de notre responsabilité à maintenir la paix », dixit Ahmed Abou Laban, directeur général de la municipalité de Ramallah.

Essayons de comprendre : la paix à laquelle les Palestiniens aspirent n’inclut pas Israël ? Ou bien la paix avec Israël n’inclut pas une normalisation des relations entre les deux populations ? Une paix qui considère l’ennemi d’hier comme un ennemi aujourd’hui, ça s’appelle une guerre.

Le film précédent de Ziad Doueiri, L’attentat, d’après un roman de Yasmina Khadra, racontait le point de vue palestinien d’un attentat commis en Israël. Certaines scènes avaient donc été tournées dans l’État juif, où il avait été projeté en 2012. C’est ce qui « justifie » que le suivant, dont toute l’action se passe en Égypte, soit banni des écrans palestiniens, mais les ennuis ne s’arrêtent pas là pour Doueiri : il a aussi été arrêté par un tribunal militaire lorsqu’il s’est rendu dans son pays pour le lancement de L’insulte et accusé de « délit d’entrée sur le territoire d’un pays ennemi sans autorisation préalable ». Devinez quel est le pays ennemi qui rend le visiteur passible d’au moins un an de prison selon le droit libanais ?

Vouloir des relations normales avec des Juifs, c’est anormal
Le sujet est brûlant, et il ne concerne pas que les malheureux Palestiniens qui se sont fait pincer à dire bonjour à un Israélien. Il a fait l’objet (le sujet, pas le Palestinien courtois) d’un interminable article sur le site de l’ISM, International Solidarity Movement, une ONG palestinienne qui « lutte pour la fin de l’occupation israélienne ».

Petit florilège des réflexions sur la normalisation, dont on peut retrouver l’intégralité ici.

  • « Il faut penser à la normalisation comme à une « colonisation de l’esprit ». » Ah ah ! On commence par dire « Bonjour madame, au revoir Monsieur » et on finit Président de la Cour Suprême israélienne. Cela ôterait quelque crédibilité à l’accusation d’apartheid, donc on interdit de dire Bonjour. Rassurez-vous, le fait que le Président de la Cour Suprême soit effectivement un Arabe israélien n’enlève aucune énergie aux accusateurs de l’État juif.
  • ahed-tamimi[1]
    A condamner pour normalisation ?
    La suivante est encore plus croquignolette : « Pour essayer de blanchir ses violations du droit international et des droits de l’homme, Israël travaille à améliorer son image de marque ou à se présenter comme un État normal – et même « éclairé » – par un réseau complexe de relations et d’activités qui englobent la haute technologie, la culture, le droit, les droits des lesbiens, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) et autres domaines. » Est-ce qu’on a bien compris qu’Israël est en avance sur la plupart des pays en matière de respect du Droit, des droits de l’homme et de l’égalité entre tous les citoyens ? Oui, mais c’est uniquement pour cacher qu’en réalité c’est un État qui ne respecte pas les droits de l’homme et qui pratique l’apartheid ?
  • La preuve qu’on a bien compris, c’est que : « La première forme de normalisation, que nous pouvons qualifier de relations coercitives quotidiennes, sont ces relations auxquelles un peuple colonisé, vivant sous l’apartheid, est obligé de participer s’il veut survivre (…) au sein de structures oppressives établies… (comme) l’emploi quotidien dans les lieux de travail israéliens et l’accès aux services publics et aux institutions comme les écoles, les universités et les hôpitaux. »
    Ça, c’est fortiche : bénéficier de l’accès aux écoles, aux universités et aux hôpitaux est un apartheid. Intéressant concept, que cette égalité des citoyens dont la constatation est qualifiée de « complaisance » parce qu’elle donne « l’impression fausse et nuisible d’une normalité dans une situation manifestement anormale d’oppression coloniale. »
  • Mais il y a pire : le ou la citoyen(ne) israélien(ne) de confession musulmane (si on comprend bien le salmigondis publié sur le site d’ISM) qui serait ambassadeur d’Israël dans un pays étranger ou Miss Israël ou encore qui représenterait Israël à l’Eurovision serait coupable d’une « forme de normalisation qui ne présente pas (…) une nécessité pour sa survie, comme (…) la participation à des forums internationaux en tant que représentant d’Israël (comme le Concours Eurovision de la Chanson) ou dans des événements israéliens ciblant un public international. » Là, on dégringole dans l’impardonnable, le péché mortel !

A ce compte-là, l’icône Tamimi devrait être condamnée pour normalisation
En effet, l’idole des jeunes antisémites, à peine sortie de sa prison israélienne, a été interviewée par une chaine de télévision égyptienne. La joufflue (elle a beaucoup grossi en prison) détaille ses vacances formidables : elle a suivi le programme scolaire normal pour ne pas être pénalisée à la fin de l’année, elle a participé à des ateliers de cuisine, elle faisait des pique-nique tous les midi avec ses copines des cellules voisines (voilà qui explique sa nouvelle surcharge pondérale) et elles ont même organisé des soirées dansantes. Regardez la vidéo, elle est attendrissante, la petite victime de la barbarie israélienne (ici).

Tamimi n’est pas dénoncée par ISM, mais IPCRI l’est. IPCRI ? Israel-Palestine Center for Research and Information. C’est une association qui se décrit comme « le seul think-tank public mixte israélo-palestinien au monde, dédié à la résolution du conflit israélo-palestinien sur la base de deux États pour deux peuples » et qui reconnaît à égalité « les droits du peuple juif et ceux du peuple palestinien ». IPCRI commet donc deux crimes aux yeux de ISM, l’ONG pacifiste qui milite pour la paix, à condition qu’elle se fasse sans reconnaître Israël ni les Israéliens et sans avoir de relations avec eux.

Logo Liliane MessikaLes internautes pourraient penser qu’on a peu de sympathie pour celle qu’on a déjà qualifiée de « Leonarda palestinienne » et ils n’auraient pas tort, mais comment trouver sympathique quelqu’un qui fait la promo des prisons israéliennes gratuitement alors que le Club Med paie si cher une agence de pub pour dire la même chose ? Casser les prix comme ça, cela s’appelle de la concurrence déloyale. LM♦

8 août 2018

3 commentaires

  1. Un sémite est quelqu’un dont la langue maternelle est sémitique (hébreu, syriaque, arabe)
    Un antisémite est quelqu’un qui déteste les Juifs. Etymologiquement, c’est une fausse construction, mais sémantiquement, il n’y a pas d’erreur: L’origine du mot « antisémite » est attribuée au journaliste Wilhelm Marr, en 1879 dans un pamphlet anti-juif. Il ne s’agit pas d’une haine du judaïsme, mais d’une détestation socio-politique et économique de la personne juive. La construction étymologique du mot « antisémite », qui n’a été utilisé que vis-à-vis des Juifs, est impropre car l’adjectif sémite désigne en réalité les peuples parlant les langues sémitiques originaires du Moyen-Orient et du nord-est de l’Afrique, et non une ethnie particulière.
    Ce n’est pas le seul exemple d’aberration étymologique: aujourd’hui on dit « grave » pour « agréable » et « islamophobe » pour « antis-musulmans » alors que l’étymologie indique réellement une peur irraisonnée de l’islam.

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  2. Merci chère Madame de donner un nouvel exemple de la pseudo frontière entre antisionisme et antisémitisme.
    Encore que, les musulmans étant aussi des sémites, un antisioniste n’est il pas juste un antijuif qui se le cache à lui même ; ou pas ?

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