Le transfert de l’ambassade du Brésil à Jérusalem. L’AFP juge.

Brésil.jpgPar Liliane Messika

L’annonce par le nouveau président brésilien du futur transfert de son ambassade à Jérusalem met en lumière plusieurs thèmes, qui devraient alerter le lectorat : la subjectivité médiatique, le conditionnement insidieux du public par des méthodes subliminales et ce qui en découle : le réflexe remplaçant la réflexion, dès qu’il s’agit de l’Etat juif.

Subjectivité médiatique

Les journalistes laissent-ils transparaître leurs préjugés par manque de vigilance ? Non, plutôt par excès de la très haute opinion qu’ils ont de leur supériorité morale. On ne croit pas exagérer en disant qu’un article impartial vaudrait à son auteur un mauvais point de la part de ses confrères. Or les journalistes n’écrivent plus depuis longtemps pour informer et, s’ils s’adressent au lectorat de leur média, c’est pour se faire entendre d’un autre public et de lui seul : celui de leurs pairs, dont ils ont à cœur de mériter l’approbation.

Il y a, dans cette corporation, qui s’identifie à l’intelligentsia, des marqueurs identitaires du bien et du mal : le bien est constitué (dans un désordre non exhaustif) par les migrants et l’islam, Obama et Lula, le féminisme et l’antispécisme, l’antiracisme et l’autoflagellation. A l’inverse, le mal (dans le même désordre) est symbolisé par Trump et Netanyahou, les scientifiques qui savent que le réchauffement climatique est cyclique et les mangeurs de viande, Israël et les sionistes, la politesse et le patriotisme. Le plus gros mot du vocabulaire médiatique s’écrit « extrême droite » et il n’a d’équivalent que le sulfureux « islamophobe ».

Journalistes français démocrates contestent le résultat des urnes brésiliennes

Les médias français n’ont pas voté pour Bolsonaro et ils ne manquent pas de remettre son élection en question. « Jair Bolsonaro élu président : le Brésil prend le virage de l’extrême droite (Le Monde) », a titré Le Monde. « Brésil : Bolsonaro élu, l’extrême droite au pouvoir (L’Express) », s’est inquiété L’Express. Alors que, sous le titre « Bolsonaro élu : le Brésil plonge dans l’inconnu », Médiapart a fait son possible pour relativiser la victoire de l’élu : « Si Jair Bolsonaro a remporté l’élection avec plus de 55 % des voix, une trentaine de partis seront représentés au Congrès, et le Parti des travailleurs, grand perdant, a tout de même rassemblé 47 millions de votes au second tour, soit 16 millions de plus qu’au premier tour (Mediapart). »

Ainsi téléguidé, le lecteur est censé rejoindre les pleureuses qui se lamentent à l’unisson contre le « populisme gagnant du terrain sur toute la planète », mais qui se rassérènent à l’idée de faire partie du camp du bien. Combien de lecteurs-auditeurs-téléspectateurs auront assez d’indépendance d’esprit pour réserver leur opinion et juger sur pièces ? Bolsonaro est-il vraiment d’extrême droite ? Que recouvre ce vocable sous la plume des journalistes français ? Et pourquoi accusent-ils cette « extrême droite » indéfinie de 100% de l’antisémitisme hexagonal, quand 85% des manifestations d’icelui sont, dans notre pays, le fait de l’extrême gauche ?

Le tropisme anti-israélien dans un chœur sans fausse-note

Lorsque plusieurs marqueurs du mal sont associés dans un événement, il n’est pas étonnant que le concert médiatique entonne la mélopée du regret crescendo. Dans ce registre, le disque d’or de la partialité va aux réactions médiatiques au souhait du nouveau Président brésilien de transférer son ambassade en Israël à Jérusalem.

On ne peut parler d’une unanimité des articles, car il s’agit d’une seule et même dépêche AFP, publiée telle quelle par des titres visant des publics divers : Le Figaro, Libé, Le Point et Paris Match, liste non exhaustive.

Cela commence par la figure imposée de la délégitimation d’un Président élu par 55% des voix : « M. Bolsonaro, 63 ans, a remporté dimanche le second tour de la présidentielle brésilienne après avoir suscité l’indignation avec des propos misogynes, homophobes et racistes ». Au Festival de Cannes ou aux Oscar, la majorité constituée de minorités visibles vêtues de noir haute couture l’aurait trempé dans le goudron et les plumes : que peut-il bien y avoir de pire que la juxtaposition des trois plus ignobles crimes de discrimination ?

L’AFP continue en formulant avec précision toute l’aversion que le Quai d’Orsay et les médias portent à l’Etat juif et tout leur espoir que les transgresseurs du palestiniquement correct et du bon goût en seront punis. Après la mise en cause de sa légitimité, le jugement condescendant mais sans appel de la première initiative du Président brésilien à l’international : « S’il passe aux actes, le Brésil deviendrait le troisième pays à faire ce choix hautement sensible, après le Guatemala et surtout les Etats-Unis, dont la décision, rompant avec des décennies de diplomatie américaine, a ulcéré les Palestiniens. »

Le passage à l’acte est une expression qu’on trouve très rarement dans un autre registre que celui de la psychiatrie ou de la criminalité. Après l’éventualité de voir Bolsonaro tuer un gardien de prison ou une infirmière, l’AFP met en garde contre un « choix hautement sensible », comprendre « insensé », fait après le petit Guatemala, « mais surtout les Etats-Unis ». Surtout ! Quel politicien sain d’esprit copierait les Etats-Unis, alias le diable incarné ? Circonstance aggravante, ils ont déjà « ulcéré les Palestiniens » que l’on a toujours connus parangons du discernement et de la modération.

Tous les prétextes sont bons, mais l’ambassade US à Jérusalem, c’est le pompon

A l’occasion de la provocation originelle, le déménagement de l’ambassade du Grand Satan[1] dans la troisième ville sainte de l’islam, les moralistes médiatiques s’en étaient déjà donné à cœur joie et à gorge déployée : « De nombreux pays européens dont la France et l’Allemagne, ainsi que la Russie, ont, sans surprise, boudé la réception. Signe d’une division croissante de l’UE à ce propos, l’Autriche, la Roumanie, la Hongrie et la République tchèque ont répondu présents (Le Figaro). » C’était en mai dernier, Cyrille Louis, antisioniste certifié, expliquait dans Le Figaro que deux pays européens avaient sauvé l’honneur, mais que le Grand et le Petit Satan étaient responsables de la division au sein de l’UE. Sur place, « la tension était brusquement montée dans la Vieille Ville lorsqu’une foule de juifs religieux {s’était} rendue sur l’esplanade des Mosquées. » Une foule de juifs religieux qui se rend sur le Mont du Temple, cela scandaliserait moins, mais le but du jeu est justement de discréditer les Juifs et de les dissocier aussi souvent que possible de leurs monuments historico-religieux. Imagine-t-on, lorsque Paris aura officiellement été sacrée quatrième lieu saint de l’islam, la phrase : « la tension était brusquement montée dans la Ville Lumière lorsqu’une foule de catholiques pratiquants {s’était} rendue sur le parvis d’Almasjid Alkabir fi baris ». Vous ne connaissez pas encore Almasjid Alkabir fi baris, la Grande Mosquée de Paris ? C’est parce que vous parlez l’ancien français : vous dites encore « Notre-Dame ». Exercez-vous à prononcer correctement, sinon vous serez d’abord ringardisés, puis rapidement traités d’islamophobes. Vous croyez que ce qui arrive au Mont du Temple n’est pas une maladie contagieuse ? Il faut dire que les Juifs sont particulièrement stupides : ils ont laissé les lieux saints musulmans sous la garde du Waqf, l’autorité religieuse jordanienne qui leur interdisait l’accès des lieux saints juifs avant 1967. L’accord, qualifié par Cyrille Louis d’informel, autorise « les non-musulmans (…) {à} s’y rendre à certains horaires et en nombre limité – pour autant qu’ils s’abstiennent de prier. » Cherchez l’erreur : les non musulmans auront le droit de se rendre sur le parvis de Almasjid Alkabir fi Baris à certains horaires et en nombre limité pour autant qu’ils s’abstiennent de prier.

Les Juifs sont stupides ET provocateurs

Ils cherchent la bagarre : « Trois adolescents, dont le fils du député d’extrême droite Bezalel Smotrich, ont par ailleurs déployé un drapeau israélien au pied du Dôme du rocher, tandis que plusieurs personnes se sont prosternées en direction de ce monument à la place duquel se trouvait il y a 2 000 ans le ‘’saint des saints’’. Ces provocations ont été condamnées par divers responsables musulmans, qui ont appelé la population à se mobiliser pour ‘’défendre’’ la mosquée al-Aqsa. »

Trois ados qui déploient le drapeau de leur pays dans leur pays, cela ne casse pas trois pattes à un canard. Préciser que l’un deux est le fils d’un député d’extrême droite ajoutera un remugle de purin à la sauce. Et puis plusieurs personnes (combien ? Deux ? Dix ?) se sont prosternées en direction du « saint des saints » (ne pas nommer le Temple juif, cela risquerait de faire penser aux moins décérébrés que les Israélites ont une légitimité en Israël). Bon, de toute façon, leur Saint des Saints, Titus l’a rasé il y a presque deux mille ans, autant dire au Pléistocène. Alors que les revendications palestiniennes, elles, datent de 1967 : cinquante et un ans, c’est du sérieux !

Petite remarque en passant, les Juifs ne se prosternent ni ne s’agenouillent quand ils prient. Tout au plus certains se balancent-ils au rythme de la prière. Alors qui sont ces « plusieurs personnes » ? Mystère. Mais les lecteurs ignorants des rituels judaïques n’ont certainement pas manqué d’y voir des Juifs. D’autant que ce sont des provocateurs : imaginez le drapeau français devant Notre-Dame, oups Almasjid Alkabir fi Baris. C’est bien de nature à provoquer la colère dans les banlieues. Ils ne l’auront pas volé, les faces-de-craie !

Toujours dans Le Figaro, le détail des protestations

« En Indonésie, archipel voisin de la Malaisie et pays musulman le plus peuplé au monde, plusieurs centaines de personnes ont manifesté devant l’ambassade des États-Unis à Jakarta (Le Figaro) » Le rapport entre la population et le nombre de manifestants est aussi impressionnant (et probablement aussi efficace) que les deux cents Juifs qui se réunissent à Paris à chaque assassinat antisémite… « Un chiffre à relativiser : la ville ne compte pas moins de 10 millions d’habitants intra-muros », admet la rédaction. « En décidant de transférer l’ambassade américaine (…) à Jérusalem, Donald Trump décide de reconnaître de fait cette ville comme la capitale d’Israël. Une décision qui compromet un peu plus un processus de paix déjà au point mort. » Intéressant aveu de parti pris : compromettre un processus au point mort, c’est comme compromettre l’arrivée de la voiture en tête de la course, alors qu’elle n’a pas encore démarré.

L’inénarrable Federica Mogherini, celle qui se fait photographier à Téhéran en compagnie des mollahs, la tête couverte d’un hidjab, a parlé d’un risque de « retour à des temps encore plus sombres que ceux que nous vivons aujourd’hui ». C’est surtout le jour le plus sombre pour cette palestinolâtre consommée.

Nickolay Mladenov, coordonnateur spécial des Nations unies pour le processus de paix au Proche-Orient, s’est déclaré « particulièrement inquiet des risques d’une escalade violente » et il a incité les chancelleries du monde entier à « montrer de la sagesse ». Il a une influence incontestable sur le monde entier, Monsieur Madlenov : à part la poussive marche du retour organisée par le Hamas sur le budget de l’UE, l’escalade violente n’a pas dépassé la hauteur d’une butte et le radicalisme religieux n’a ni progressé ni baissé d’un iota.

Méthode Coué pour impuissants roués

La France, le Royaume-Uni, l’Italie, la Suède et l’Allemagne ont déclaré, par la bouche de leurs ambassadeurs, que « Le statut de Jérusalem doit être déterminé par des négociations entre Israéliens et Palestiniens, qui doivent conduire à un accord sur le statut final. Jérusalem devra être la capitale des deux Etats, Israël et la Palestine. En l’absence d’accord, nous ne reconnaissons aucune souveraineté sur Jérusalem ».

En 1947, quand l’ONU a décidé la partition de la Palestine mandataire en deux Etats, l’un pour les Juifs, l’autre pour les Arabe, les seconds l’ont battue en brèche, lançant une offensive groupée contre les premiers qui, eux, lui avaient obéi. Lorsque l’armistice a été déclaré, Jérusalem était sous domination jordanienne, strictement judenrein et en aucune façon internationale. L’ONU a avalé la pilule en silence et le club des cinq démocrates qui montent aujourd’hui sur leurs grands chevaux a fait profil bas.

A l’époque, le « peuple palestinien » n’avait pas encore été inventé par la France et les Arabes de Palestine ne revendiquaient d’autre identité que celle de Syriens du sud. Quant à réclamer une capitale, ils en étaient à des années-lumière.

Depuis qu’Israël a reconquis Jérusalem, en 1967, toutes les religions y ont pignon sur rue et les pèlerins de toutes les nationalités s’y retrouvent. L’ONU trouve tous les jours à y redire.

Les Palestiniens sont maintenant reconnus comme peuple par tout ce que la planète compte d’antisionistes, sauf par eux-mêmes : on voit mal comment les Égyptiens de Gaza et les Jordaniens de Cisjordanie pourront un jour constituer un seul peuple et renoncer à leurs rêves de grandeur (« la Palestine du fleuve à la mer » et l’éradication des mécréants de la surface de la terre).

Taper sur un petit pour se sentir grand n’est pas toujours efficace

Les grands de ce monde, eux, ont trouvé une belle occasion de se redonner un filet d’importance en menaçant le plus petit – et le plus ancien – peuple du Moyen-Orient de leur non reconnaissance.

Les médias français ont cessé de surnommer les Etats-Unis « l’hyperpuissance » depuis que Trump a été élu et qu’il fait retrouver à son pays un rayonnement international. L’Amérique fait maintenant sans complexe ce qu’elle estime le meilleur pour elle, au lieu de chercher à se faire aimer de ceux qui la haïssent ontologiquement. L’une des manifestations de ce retour au pragmatisme est la mise en acte, par Trump, d’une décision prise par ses prédécesseurs, il y a des décennies : le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem.

Toutes les chancelleries ont prévu un désastre. Il ne s’est rien produit. Le Brésil va en faire autant. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les chancelleries remettent sur la platine leur vieux 33 tours « Menaces à ceux qui font ce qu’ils veulent et pas ce qu’on veut, nous. » Cela n’a jamais été un tube et on lui prédit de nombreux fours à venir.

Belle constance dans l’illustration de la définition qu’Einstein donnait de la folie : « répéter les mêmes erreurs en espérant des résultats différents. » LM♦

Logo Liliane Messika[1] Ce n’est pas une blague, c’est la façon dont les Etats-Unis sont officiellement nommés dans la presse iranienne !

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9 commentaires

  1. oui M.Kravi les français ont la mémoire qui se dilue dans l’eau d’Evian !!!!!(film excellent de Najman décédé trop vite), quand il s’agit de s’opposer à l’ambiance infecte qui s’établit dans ce pays, il est plus facile de critiquer les nations qui essayent de changer……………….

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  2. Je suis régulièrement stupéfait des thèses que nous propose Mme MESSIKA dans ses rubriques, dont je me demande chaque fois si elles représentent l’état d’esprit de la communauté juive de Versailles.
    Des certitudes assénées (les journalistes n’écrivent qu’en fonction de leurs pairs!), et le mépris de l’opinion opposée mettent déjà mal à l’aise et donnent à penser à un problème d’ego un peu surdimensionné.
    Les affirmations sur le caractère fallacieux du réchauffement climatique, en contradiction avec les études scientifiques du GIEC et 90 % de la communauté scientifique, feraient sourire… si elles ne confortaient pas la menace que fait peser cette situation sur mes six petits-enfants!

    Le soutien affiché au nouveau Président brésilien BOLSONARO, chrétien évangéliste et d’extrême droite, et à ces deux titres soutien inconditionnel de l’Etat d’Israël, n’est pas plus réjouissant: « dis moi qui sont tes amis… ».

    De la haine qui sourd régulièrement de ces propos par ailleurs élégamment écrits ne peuvent hélas naitre ni la vérité, ni la paix entre communautés!

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    • Pour information, mabatim.info ne représente en rien la communauté juive de Versailles. Les Regards Juifs peuvent parfois être iconoclastes, c’est ce qui fait leur richesse…
      Merci de votre intérêt pour mabatim

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    • Antoine Billet, vous êtes libre de vous laisser manipuler par une presse convenue aux ordres des Roquets d’Orsay (pour ce qui concerne Israël). Vous êtes libre de croire aux fadaises du GIEC, organisme politique et non scientifique, aux ordres de gouvernements intéressés avant tout par le catastrophisme des gaïatollahs. Vous êtes même libre de croire que les journagandistes de la presse française ont une déontologie journalistique.
      Mais de grâce n’insultez ni Liliane Messika, ni notre intelligence de citoyens réveillés.

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  3. Comment dit on déjà de façon imagée ? Boire du petit lait ?
    Je n’ ai pas lu cet article, je m en suis délecté…. Humm…! que c était bon…

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  4. En ce qui concerne les États-Unis, ils ont été de tout temps l’objet de critiques voire d’une haine farouche et continue de la part de l’extrême gauche, des partis socialiste, communiste et gaulliste en France. Rien de nouveau sous le soleil… Les mêmes disent aujourd’hui ne pas comprendre les positions de Trump en faveur de la seule défense des intérêts des États-Unis. Quel culot ou quelle inconscience…

    Aimé par 1 personne

    • Oui, Hanna, non seulement ceux que vous citez sont infects, mais en plus ils sont amnésiques.
      Nous n’oublions pas à qui nous devons la victoire contre le nazisme. Nous n’oublierons pas non plus qui collabore avec le totalitarisme islamique.

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