Giléjaunix et Macronus

CESAR-IMPERATOR.jpgLes Gilets Jaunes en sont à leur troisième mois de contestation. Dans notre société du spectacle, il n’est pas étonnant que l’évolution du mouvement ait suivi une courbe parallèle à sa notoriété : ce qui vaut pour The Voice ou Koh Lanta est également valable pour Les Gilets Jaunes ont du talent : avec la célébrité, les caprices attendus par les médias sont devenus plus nombreux et plus violents. Mais les médias n’ont pas fait le boulot tout seuls : ne rendons pas à César ce qui appartient à Aurélius.

L’histoire ne se répète pas, mais les politiques se plagient

L’empereur Aurelius régna sur Rome pendant un quinquennat (270-275 de notre ère).

Son dieu, Soleil Invaincu (Sol Invictus pour les Romains qui parlaient latin), lui avait ordonné de réunifier l’Empire, lequel dévalait le toboggan bien huilé de la décadence.

A tout seigneur, tout honneur, l’empereur décida de commencer par mater la plus turbulente des provinces : la capitale. A Paris, oups, Rome, en effet, un État s’était installé dans l’État : les ateliers monétaires de la capitale. Les ouvriers tapaient dans la caisse, prétendant « dives autem sunt quae nos opitulari egenis » (taxer les riches pour enrichir les pauvres). En sus d’un train de réformes économiques qu’il voulait imposer, Aurélien avait mis en place des mesures spécifiques contre « qui nummos operarios in praesentibus Idolis » le Bercy de l’époque : les ouvriers de La Monnaie de Rome.

Évidemment, la pomme que nous sommes n’étant pas tombée loin de l’arbre, nos ancêtres pommiers répondirent à ces mesures par une émeute. Aurelius, qui ne se prenait pas pour Jupiter, en prit prétexte pour les réprimer dans le sang et, avec eux, les Sénateurs qui s’opposaient à son autoritarisme. Le directeur du fisc impérial, Felicissimus le mal nommé, ou plutôt, le mal inspiré, avait pris la tête de la révolte, dans l’espoir d’évincer Aurélien et de devenir empereur à la place de l’empereur.

O tempora, o mores !

Certains qui, aujourd’hui, sont confrontés à la grogne d’une plèbe qu’ils imaginaient soumise, doivent soupirer de nostalgie en pensant aux conditions de travail d’Aurelianus Imperator…

caligula
Une caligula (singulier de caligulæ)

Pourtant, il n’est pas sûr que, dans ses caligæ[1], ils eussent été aussi bons stratèges que lui : ayant maîtrisé la capitale, l’empereur s’attaqua aux ennemis extérieurs, que son armée vainquit presque tous. S’il n’en resta que deux, ce furent les Gaulois au nord et les Arabes du Royaume de Palmyre, au Proche-Orient. Les Gaulois étant des braillards brouillons, qui passaient leur temps à se battre les uns contre les autres, n’inquiétaient pas l’empereur romain. Il se concentra sur l’est d’où venait la menace la plus dangereuse.

Arrêtons-là le cours d’histoire, bien que le cours de l’Histoire, lui, ait continué jusqu’à la décadence de Rome, en 476, puis jusqu’à la nôtre, que nous avons achetée en VEFA : vente en état de futur achèvement.

Du péplum en toges aux salariés en gilets jaunes, identité et continuité

Pour faire monter les Gilets Jaunes en violence, les médias n’ont pas fait le boulot tout seuls, disions-nous. La sociologie des GJ a évolué et, au fur et à mesure de l’agrégation, dans leurs manifs, de tous les mécontents et frustrés de l’Hexagone, leur mode opératoire a reflété ces ajouts successifs. Un point commun, cependant, a émergé : entre les initiateurs du mouvement, qui revendiquaient clairement de vouloir vivre de leur travail dignement, et les mécontents de tous ordres qui les ont rejoints, l’identité et l’insatisfaction tenaient la vedette, avec leurs corollaires, l’immigration pour la première et la jalousie contre les seconds.

C’est ce qu’a bien compris la maire de Montauban, Brigitte Barèges (LR), qui, lors de la réunion à Souillac entre le Président de la république et 600 maires du Sud de la France, l’a reproché à Emmanuel Macron, évoquant, dans le désordre, une octogénaire de sa commune attaquée et sodomisée chez elle « par un Algérien qui était en situation irrégulière, sous le coup d’une reconduite à la frontière » qui n’avait jamais été mise en œuvre, la présence « d’au moins 70 fichés S » et surtout le fait que « Les clandestins sont mieux traités que les Français. Il n’y a pas d’ONG pour défendre les Gilets Jaunes (BFMTV, Youtube). (…) Quand on ne peut pas s’offrir de lunettes, de prothèses dentaires et quand on voit que, par le biais de l’Aide médicale d’État, [qui coûte] un milliard d’euros par an, un étranger peut se faire rembourser tous ses soins à 100%, Monsieur le président il faut l’entendre, c’est un vrai souci de justice sociale. »

La maire a dit la vé-ri-té, elle doit être exécutée !

Eh oui, c’est sous les huées de certains autres maires participants que Brigitte Barèges a conclu : « Le politiquement correct a fait beaucoup de mal à ce pays ».

Cette évidence aveuglante a encore excité le ressentiment des animistes, qui constituent la majorité de notre classe politique. En effet, notre pays n’est pas seulement le théâtre d’un conflit entre autochtones et immigrants et d’une guerre de religion entre laïcs (pour qui la religion est affaire privée et intime) et intégristes (pour qui il ne peut y avoir de paix tant que tous les humains, sans exception, ne sont pas soumis à Allah). Non, il souffre aussi d’une âpre lutte politique entre la minorité de ceux qui veulent « dire ce qu’ils feront, puis faire ce qu’ils ont dit » et la masse des autres, ceux pour qui « dire, c’est faire », puisqu’il suffit de prononcer les mots magiques pour qu’ils transforment la réalité.

A preuve la réponse à la Maire de Montauban de celui qui incarne l’autorité de l’État[2] : « l’immigration fait partie du débat et ne doit pas être un tabou, mais c’est une erreur de l’aborder par l’intermédiaire du terrorisme ». Et d’insister sur le fait que le défi se posant à nous depuis plusieurs années est celui de l’intégration qui a mené à des « injustices » et à du « ressentiment ».

Et le fait de rapatrier bientôt 130 djihadistes au motif qu’ils « sont français avant d’être djihadistes[3] », Qu’on se rassure, cela ne mènera personne au ressentiment, car ils seront « judiciarisés ». C’est rassurant : Adel Kermiche, l’assassin du Père Hamel, était assigné à résidence sous bracelet électronique et c’est muni dudit bracelet qu’il a tué le prêtre. Encore Kermiche n’avait-il pas réussi à se rendre sur le front syrien afin de combattre les « croisés » occidentaux. Là, nous parlons de djihadistes qui sont passés à l’acte et qui ont été capturés en flagrant délit de crime contre l’humanité par nos alliés Kurdes. « En matière de terrorisme, le risque de récidive est très élevé », disent tous les spécialistes. Que ferons-nous de ces djihadistes dans nos prisons surpeuplées ?

Un malentendu peut aussi être un mal répondu

En France, récemment, un délinquant fiché et sous le coup d’une reconduite à la frontière a cependant eu la latitude de violer une octogénaire à son domicile. Le remarquer ne signifie pas que l’on regarde l’immigration par le petit bout de la lorgnette, mais au contraire que le terrorisme est en soi un sujet qu’il faut reconnaître au lieu de le nier et traiter avec force et détermination. Celui qui confond les genres et cherche à culpabiliser son interlocutrice pour susciter les applaudissements-réflexes des autruches n’est pas celle qui en est accusée.

On n’a pas l’impression que Madame Barèges ait été satisfaite par la réponse du Président. Les spectateurs français, eux, ont bien entendu qu’on allait noyer le poisson et que la seule question qui serait abordée serait la façon de l’assaisonner. Quant aux injustices et au ressentiment, Macron parlait-il de celui qui faisait manifester les Gilets Jaunes ou faisait-il du bruit avec sa bouche en politiquement correct dans le texte, en alignant bien comme il faut la faute de ses prédécesseurs coupables de n’avoir pas dépensé assez dans les politiques de la ville, pas donné assez de gages au CFCM, pas interdit que le papier toilette ou le dessous des semelles portent des dessins qu’on puisse interpréter comme le nom d’Allah ? CA♦

Cécile Attal, mabatim.info

[1] Les sandales super trendy des légionnaires.
[2] Selon l’article 5 de la Constitution, « le président de la République incarne l’autorité de l’État. Il veille, par son arbitrage, au respect du texte constitutionnel, et assure le fonctionnement normal des pouvoirs publics et la continuité de l’État. Vis-à-vis de l’extérieur, il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités conclus par la France. »
stylo-plume attal[3] Dixit Christophe Castaner, Ministre de l’Intérieur, sur BFMTV, le 29 janvier 2019.

5 commentaires

  1. Un texte rafraîchissant, spirituel et pragmatique: une lecture plaisante, sans agressivité, malgré la gravité. Tous mes contacts concernés le recevront! Merci Cécile!

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  2. Que la Rédaction de M@batim ne se fasse pas d’illusions sur l’importance des moyens nécessaires pour faire connaitre largement un message, surtout inhabituel, moyennant les « réseaux (a)sociaux ».

    Au risque de me répéter j’ai eu l’honneur de publier ici-même en janvier un texte intitulé « duopole » :
    https://mabatim.info/2019/01/23/duopole/ :
    Anglicisme peu usité chez nous, s’agissant évidemment du double monopole numérique Google & Facebook (et leurs acolytes Twitter, WhatsApp et que sais-je). Les « réseaux (a)sociaux », c’est ça.

    Croyez-moi, inutile de se fatiguer. Lisez mon texte. A moins d’être acoquiné avec les fermes d’élevage de trolls virtuels à Saint-Pétersbourg et ailleurs, dire qqc qui vaille sur les « Réseaux » revient à crier dans le désert.

    Pour ceux qui seraient trop paresseux (occupés…) pour lire mon article cité :
    « Notons que la radicalisation expresse du mouvement des Gilets Jaunes, passant, en un clin d’œil, de la revendication pécuniaire (prix du carburant) à l’insurrection politique (« Macron démission », RIC et batailles de rue), n’a pas germé autour des ronds-points mais sur Facebook et ses semblables, fomentée par des meneurs dont ces réseaux sont le vivier naturel.
    Notons qu’elle n’est pas pour déplaire aux archi-poutiniens RT (« Russia Today ») et Sputnik. Coïncidence ? ».

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  3. chronique de la deliquescence d un etat , mais ne sommes nous pas collectivement responsables ? Qui en effet descend dans la rue pour proteger le democratie ?

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    • Pour diffuser il faut en fait utiliser les réseaux sociaux: groupes Facebook et hashtags pertinents sur Twitter. A défaut d’avoir une personne qui s’occupe de cette diffusion, mabatim.info doit s’en remettre à ses lecteurs

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