Montrer patte blanche au loup

patte blanche.jpgLe 4 février 2019, l’Union européenne s’est déclarée « vivement préoccupée par les tirs expérimentaux de missiles balistiques » de l’Iran (Ouest France).

Traduction : on a très peur de se prendre un missile nucléaire sur la tête, mais on a encore plus peur de passer pour des islamophobes, surtout que c’est l’ayatollah Khomeini, serpent réchauffé dans le sein français, qui a inventé l’expression.

A l’origine, c’était juste pour mettre au pas les Iraniennes qui refusaient de s’habiller en boîtes aux lettres et renâclaient à demander l’autorisation d’un mâle pour accomplir tous les gestes quotidiens qu’elles faisaient librement, sans y penser, avant la révolution.

Le succès inespéré de « Islamophobracadabra » est à mettre au crédit des idiots utiles occidentaux, qui se sont emparés de la formule magique et, en deux temps trois mouvements, l’ont élevée au rang d’anathème le plus craint de la bien-pensance planétaire.

Faut pas fâcher le t’Iran en appelant un shah un shah

C’est pourquoi l’UE se contente de lui demander gentiment « de s’abstenir, pendant une durée allant jusqu’à huit ans, de réaliser de nouveaux tirs et de chercher à accroître la portée et la précision des engins (24Heures). »

Pardon de vous importuner, Votre Éminence ayatollesque, tant que vous ne visez qu’Israël, pas de problème, nous détournons les yeux et grondons même le parano-sémite qui veut jeter l’opprobre sur vous. Mais si vous visez les Juifs qui habitent chez nous (ce que nous trouvons parfaitement légitime), vous risquez de faire de nous des victimes collatérales.

Cher Ayatollah, nous ne pouvons pas croire, nous ne voulons surtout pas croire que vous le feriez exprès. Au contraire, nous savons, nous voulons savoir, nous nous appliquons à psalmodier notre croyance que ce serait par inadvertance. Et puis, nous garantissons que cela n’aurait rien à voir avec l’Iran, berceau d’une civilisation pacifique et raffinée. Cela aurait encore moins de rapport avec l’islam dont vous prêchez la primauté et la nécessité de le répandre sur la planète, non, non. Ce ne pourrait qu’être l’œuvre d’un déséquilibré aux antécédents psychiatriques, dont les perspectives professionnelles auraient été bouchées par le racisme ontologique des Occidentaux et pour ce racisme, ô cher ayatollah, nous faisons amende honorable en nous prosternant à vos pieds.

Musclons nos paupières pour mieux fermer les yeux

Certes, « L’Iran continue de mener des efforts pour augmenter la portée et la précision de ses missiles, et accroît le nombre d’essais », précisait le communiqué de l’UE, quand la Perse éternelle, fêtant le 40e anniversaire de la révolution qui l’a transformée en champ de ruines intellectuel, social et économique, a dévoilé au monde son nouveau missile de croisière, capable d’atteindre des cibles situées à plus de 1.300 km.

Pas de raison de s’inquiéter tout de suite : à vol d’oiseau, 4.200 kilomètres séparent Téhéran de Neauphle-le-Château, mais on ne sait jamais… En matière technologique, les progrès sont imprévisibles : à peine ces provocateurs d’Israéliens ont-ils détruit les logiciels indispensables pour accélérer l’enrichissement de l’uranium, que la République Islamique d’Iran nous exhibe ses missiles sous le nez !

Alors mieux vaut prévenir que guérir. Rappelons que les dirigeants européens s’imaginent avoir « fait la paix » tout seuls comme des grands en 1945, oubliant que, grâce aux Américains, c’est avec une Allemagne vaincue et dénazifiée que la France a pu signer un traité. Depuis lors, l’Europe refuse tout jugement de valeur et privilégie, à l’inverse, une bienveillante symétrie entre agressés et agresseurs, victimes et bourreaux et, traîtrise sur le culot, juifs et nazis. Dans cet état d’esprit, quoi de mieux que l’apaisement à double détente ?

Un coup pour la chèvre, un coup pour le chou

La simili-semonce contre l’Iran sert à montrer que l’Europe, elle a des « musques » qu’elle pourrait gonfler, si le loup y était, mais comme il n’y est pas (enfin pas encore), il nous mangera pas et on n’a pas (encore) peur. Cette astucieuse manœuvre permettra aussi d’attendrir le grand méchant Trump, en lui montrant qu’on résiste à celui qu’il veut empêcher d’éradiquer Israël.

Et en attendant que le loup mette ses chaussures, sa culotte et arme ses missiles nucléaires, on contournera les sanctions américaines avec un système de troc mis au point spécialement pour ça par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Nul ne met en doute l’efficacité de ce qu’on évoque par la pudique métaphore de « véhicule à objectif spécifique » (special purpose vehicle), puisque le système, Instex de son vrai nom, est fondé sur un théorème incontournable : Trump est bête et nous sommes l’intelligence incarnée. Non, le IN de Instex n’est pas là pour « intelligence », mais pour Instrument in Support of Trade Exchanges, « instrument de soutien aux échanges commerciaux » en langue de bois dans le texte. Les intelligents européens vont donc contourner les sanctions américaines et les rendre inopérantes grâce à cet instrument sur mesures.

En-même-temps n’importe quoi et son contraire

Petit rappel des épisodes précédents : Obama a signé un accord personnel avec l’Iran, pour laisser à celui-ci l’opportunité de développer une industrie nucléaire civile et pacifique. Comment sait-on qu’elle est civile et pacifique et non destinée à abattre le Grand et le Petit Satan[1], comme le déclarent régulièrement les ayatollah aux commandes ? C’est tout simple, si les mollahs le disent, c’est que c’est vrai.

Trump, qui a succédé à Obama, est beaucoup trop lourdaud pour percevoir la subtilité stratégique de son prédécesseur. Pourtant, on voyait bien qu’Obama était noir (synonyme : parfait) ! C’est pourquoi Trump a dénoncé l’accord. Par bêtise et par jalousie. Il est tellement primaire, Donald, qu’il trouve idiot d’encourager son ennemi à construire l’arme avec laquelle il veut les tuer, lui et tous ses compatriotes. Et puis il espère affaiblir les mollahs en s’appuyant sur l’exaspération du peuple iranien vis-à-vis de dirigeants qui ne songent qu’à détruire l’État juif, fût-ce au détriment de leurs propres citoyens.

Pour contrer Trump, le système Instex est justement destiné à améliorer les conditions de vie des Iraniens et à « encourager l’Iran à respecter son engagement à ne jamais chercher à obtenir ou mettre au point des armes nucléaires (CNN). » Comment le fait de céder aux menaces d’une brute peut-elle conduire celle-ci à renoncer à ses objectifs reste un grand mystère pour les citoyens européens moins intelligents que leurs dirigeants, c’est-à-dire nous tous.

Prendre les Européens pour des hémi-neuronaux et le leur dire

« L’Instex va permettre à l’UE de poursuivre un commerce licite avec l’Iran dans les domaines de la santé et de l’agroalimentaire », s’est vanté le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Licite ? Meuh oui ! Les devises passeront par un Instex iranien qui « ne doit avoir aucun lien avec la banque centrale d’Iran, sous le coup des sanctions américaines, et respecter les règles internationales contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. » La preuve qu’on y croit, c’est qu’en-même-temps, les commerçants qui licitent avec les pacifiques ayatollahs dénoncent « la fourniture par l’Iran d’un soutien militaire, financier et politique à des acteurs non étatiques en Syrie et au Liban » et s’inquiètent de son engagement militaire et de la présence de forces iraniennes en Syrie. Personne n’imagine que l’Iran a des liens avec le terrorisme, sinon, jamais l’UE ne se lancerait dans une telle aventure ! Hémi-neuronaux ? 100% lobotomisés, vous voulez dire !

Qui a peur du Grand méchant loup ? C’est nous !

Tenter d’amadouer le grand méchant loup n’a jamais payé, et encore moins en lui montrant patte blanche, car les pattes blanches sont le menu préféré du Canis lupus. De plus, il ne connaît qu’un langage, celui de la force, décuplé par son appétit. Plus les petits agneaux se présentent à lui tête basse en implorant sa pitié, plus le plaisir de manger cette chair goûteuse se double de la satisfaction de voir les adultes lui offrir leurs bébés, ou les éléments les plus vulnérables du troupeau, dans l’espoir qu’il les épargnera, eux.

La technique donne évidemment envie de citer Churchill, jugeant les diplomates européens partis faire des génuflexions devant Hitler : « Vous avez eu à choisir entre la guerre et le déshonneur ; vous avez choisi le déshonneur, vous aurez la guerre.[2] »

Elle donne une pertinence contemporaine à cette blague des trois résistants juifs sur le point d’être fusillés par les nazis. Avant de donner l’ordre au peloton d’exécution de tirer, le colonel allemand demande aux prisonniers s’ils veulent prononcer une dernière déclaration. Résistant numéro 1 s’exclame : « Vive la France ! » Numéro 2 murmure « Shema Israël » et Numéro 3 hurle : « Bande de salauds, vous perdrez la guerre et vous finirez dans les poubelles de l’histoire ! » Les deux autres, ligotés aux poteaux, furieux : « Moyshe, tu crois que c’est malin de les énerver maintenant ? »

L’Iran promet, jure sur le Coran, que ses missiles ne peuvent pas être équipés de têtes nucléaires : d’abord, ils sont parfaitement inoffensifs, deuxio, ces petits suppositoires volants ont une vocation purement dissuasive et tertio, seulement si la dissuasion ne fonctionne pas, d’inoffensifs, ils deviendront défensifs sans intervention humaine, par la seule volonté d’Allah.

Alors ce n’est pas le moment de les énerver ! LM♦

Liliane Messika, mabatim.info

Logo Liliane Messika[1] Les Etats-Unis et Israël en farsi dans le texte.
[2] The Official Report, House of Commons (5th Series), Hansard, 13 May 1940, vol. 360, c. 1502

5 commentaires

  1. Il ne faut pas oublier que l ue est unisuement une machine a vendre , sa seule dimension politique semble etre parfois l antisionisme delirant : mais en y regardant bien , je pense que meme la , l antisemitisme est marginal , le gros moteur c est le mercantilisme forcené et le sentiment que le monde arabe est une chasse gardée europeenne ! Comment ne pas y lire la nefaste influence française ?

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  2. Vrai sans doute; MAIS un commentaire sur ce genre de texte : il convainc les déjà convaincus auprès desquels il enfonce des portes ouvertes.
    La partie adverse ne s’y intéresse pas et reste donc sur ses positions.
    Cela s’inscrit dans la problématique globale commentée, parmi tant d’autres, récemment par Juppé : « la vie publique est devenue délétère » ; non sans raison il attribue ça aux médias et notamment aux réseaux sociaux.
    Dont la disparition du débat courtois et le remplacement des opinions et idéologies par les identités et tribalismes.

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    • Quelle est votre proposition pour changer :
      1) Le manque d’intérêt des ennemis d’Israël ?
      2) L’absence de débat déplorée, notamment par tous les hommes politiques qui le refusent ?

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      • MA solution, Liliane ? AUCUNE. Et la vôtre ?

        Autrement dit : vous et moi, nous sommes fondés à nous plaindre d’un symptôme, voire identifier un syndrome, sinon diagnostiquer une pathologie, sans pour autant en connaitre le remède.

        Dans l’espoir (qui fait vivre) que d’autres, mieux qualifiés que nous, en trouvraient un jour.

        Et d’ici-là on se consolera par le vieil adage :
        « Il n’est en ce bas monde un problème qu’une absence de solution ne saurait résoudre ».

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