Le Hezbollah est-il intéressé, en ce moment, par une guerre avec Israël ?

Hezbollah.jpgSource : INSS Institut d’études stratégiques de l’université Bar Ilan, Tel-Aviv
Orna Mizrahi, Yoram Chvaïtzer
23 mai 2019

Les médias arabes se sont récemment préoccupés d’un éventuel déclenchement, cet été, d’un conflit entre Israël et le Hezbollah. Même avant la dernière escalade de la tension entre les États-Unis et l’Iran, il était constamment possible que l’Iran utilise le Hezbollah afin d’attaquer Israël. Toutefois, dans ses récents discours, le Secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s’est empressé de tempérer ces allégations, sans omettre d’envoyer des messages à Israël, afin que celui-ci s’abstienne de prendre des mesures à l’encontre de l’organisation chi’ite. Il a affirmé que le Hezbollah avait la capacité de frapper des sites stratégiques sur le territoire israélien ainsi que d’occuper des parties de la Galilée.

Ses déclarations reflétaient les difficultés du Hezbollah consécutives à son implication dans la guerre en Syrie, ainsi que son souci de l’érosion de la place du Hezbollah dans le système politique libanais, mais également à cause des problèmes économiques du Hezbollah consécutifs aux sanctions américaines contre l’organisation et son patron, l’Iran.

Cependant, même si le Hezbollah, à l’heure actuelle n’a aucun intérêt à une confrontation avec Israël, il n’est pas possible d’exclure une escalade provoquée par un enchaînement incontrôlé d’incidents frontaliers. C’est pourquoi Israël doit se préparer à toute éventualité dans le nord du pays.

La possibilité d’une guerre entre le Hezbollah et Israël a récemment été évoquée dans les médias arabes, en particulier ceux des États du Golfe, de la Syrie et du Liban. Cela à cause des déclarations attribuées à Nasrallah dans le journal koweïtien Al-Rai (21 avril), qui rapportait que lors d’une réunion à huis clos avec les officiers supérieurs du Hezbollah, Nasrallah avait affirmé « préparer une guerre avec Israël pour l’été 2019 ». Nasrallah a démenti ces déclarations, mais en même temps, il a envoyé un message dissuasif à Israël, soulignant la capacité du Hezbollah, malgré la destruction par Israël des tunnels offensifs traversant la frontière, à frapper Israël et occuper le nord de la Galilée,

Dans un discours prononcé lors d’une cérémonie marquant le 34e anniversaire de la fondation de l’organisation de scouts Al-Mahdi (journal Al-Miyadin du 22 avril), Nasrallah a démenti les informations du journal koweïtien et a déclaré qu’Israël ne lancerait pas de guerre contre le Liban, sachant que le front intérieur israélien n’était pas préparé à la guerre. Nasrallah a souligné la vulnérabilité d’Israël, donnant en exemple la roquette tirées depuis Gaza vers le centre d’Israël, au mois d’avril dernier et qui n’a pas été abattue.

Dans un autre discours (journal Al-Manar du 2 mai), que Nasrallah a prononcé en mémoire de Mustafa Badr al-Din, assassiné en Syrie en 2016, il a mis en doute la volonté d’Israël d’entrer en guerre à Gaza car,

selon Nasrallah,
« Israël a peur d’entrer dans la bande de Gaza ». Et il a enchaîné : « si les forces israéliennes entrent au Liban, elles seront anéanties ».

Le chef du Hezbollah a fait allusion à la capacité du Hezbollah de détruire des cibles stratégiques israéliennes, telles des réservoirs d’ammoniaque à Haïfa. Ces coups seraient portés lors de l’invasion de la Galilée par le Hezbollah. Nasrallah a affirmé que la destruction des tunnels à la frontière israélo-libanaise ne portait pas atteinte à sa capacité de prendre le contrôle de la Galilée.

D’après Nasrallah les conditions géostratégiques actuelles ne lui permettent pas d’engager un conflit avec Israël. Donc pour sa part, le Hezbollah, à ce stade, est intéressé surtout à dissuader Israël. D’autant plus, que son implication continue dans la guerre civile syrienne nécessite une mobilisation de ressources de plus en plus conséquente. La guerre en Syrie a eu de lourdes conséquences pour le Hezbollah. 1800 de ses membres ont été tués et 8 000 autres blessés. L’organisation est contrainte de financer les familles des victimes et d’investir dans la réhabilitation des blessés. Nasrallah est aussi intéressé à la sauvegarde des acquis du Hezbollah dans le système politique libanais. Cela s’est traduit par les résultats des élections de mai 2018 et la formation du nouveau gouvernement, dans lequel les membres de l’organisation ont acquis une majorité de fauteuils ministériels. Le Hezbollah a un droit de veto sur les décisions gouvernementales et contrôle les principaux portefeuilles budgétaires. Une aventure militaire pourrait compromettre ces acquis.

Parallèlement à tous ces faits, apparaissent des signes d’aggravation de détresse économique du Hezbollah. L’organisation a été obligée de réduire les salaires et les avantages sociaux accordés à ses employés civils. En même temps, une forte réduction des soldes a été appliquée aux combattants, mariés ou non. Les salaires des prestataires de services du Hezbollah dans la communication, l’éducation et la médecine ont également été réduits. Certains employés d’institutions religieuses n’ont pas été pas payés depuis plusieurs mois. En outre, l’organisation a fermé plusieurs centaines de bureaux afin de réduire les charges et a cessé les embauches. Pour remplir les caisses le Hezbollah a fait appel au grand public pour stimuler des dons. Même des « fonds de charité » ont été complètement suspendus.

Les dégâts sont amplifiés par la situation économique difficile au Liban. L’utilisation des fonds publics, qui permettait au Hezbollah de dispenser des services sociaux à la population nécessiteuse est devenue impossible. Les tentatives du Premier ministre Hariri de promouvoir un « budget d’austérité », pour freiner le déficit abyssal, se sont heurtées à une opposition interne et n’ont pas réussi. Les sanctions américaines imposées à l’organisation et d’autres initiatives monétaires américaines visant à étrangler l’économie, telles que le récent appel (au gouvernement libanais) du département du Trésor américain de lui fournir des informations sur les circuits financiers du Hezbollah, complètent le sombre tableau des finances de l’organisation.

Aux difficultés propres du Hezbollah, s’ajoute le marasme de son « sponsor », l’Iran. Soumis à de lourdes sanctions américaines, le pays des ayatollahs a de plus en plus de mal à compléter le budget du Hezbollah. On estime que l’Iran transfère environ 700 millions de dollars par an, sur un budget total de 1,1 milliard de dollars, bien qu’il n’y ait toujours pas d’informations sur l’ampleur des compressions budgétaires.

Sur la scène politique, la pression augmente sur le Hezbollah, en particulier après l’adhésion britannique (février 2019) à des pays qui reconnaissent l’ensemble de l’organisation (y compris son aile politique) en tant qu’organisation terroriste. Ce sont les États-Unis, le Canada, les Pays-Bas et Israël. La reconnaissance américaine de la souveraineté d’Israël sur le Golan en mars 2019, a accentué la pression politique sur l’organisation. De plus, le débat renouvelé (bien que limité) sur l’appartenance des fermes de Chebaa au Liban ou à la Syrie, alourdit le climat entre les deux pays. Dans ce contexte, les déclarations du leader druze libanais Walid Joumblatt, affirmant dans une interview accordée à la télévision russe le 25 avril, que ces fermes n’étaient pas libanaises, ont fait vivement réagir le Hezbollah, qui rapidement a démenti ces affirmations.

Notons la molle réaction du Hezbollah, à la découverte et la destruction des tunnels pénétrant dans le territoire israélien. Cela pourrait indiquer une « frilosité stratégique » à engager un conflit avec Israël. Récemment (25 avril), la FINUL a annoncé avoir reconnu trois tunnels du Hezbollah pénétrant en Israël, et avait, en accord de la résolution 1701 de l’ONU, appelé à leur destruction, légitimant ainsi l’action israélienne.

Cependant, les défis économiques n’empêchent pas le Hezbollah de se préparer à un éventuel conflit avec Israël. L’organisation dispose de diverses sources de financement et au fil des années, elle a accumulé de nombreux actifs utilisables à cette fin. Par ailleurs, l’instabilité de la région nous interdit d’exclure une explosion, surtout si les intérêts de l’Iran prévalent sur ceux du Hezbollah. Ainsi, même si cela contredit les intérêts actuels des deux parties, Israël doit se préparer à la possibilité d’une guerre dans le nord. EG♦

Edouard GrisTraduit et adapté par
Edouard Gris, MABATIM.INFO

5 commentaires

  1. Merci pour la finesse de cette analyse. Ne pensez vous pas que le hezb serait plus pressé d’attaquer Israël si ses tunnels et ses livraisons iraniennes d’armes n’étaient pas détruits par Tsahal ?
    Jean-Jacques H

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  2. Si le Hezbollah était tellement sûr de pouvoir envahir la Galilée, il l’aurait déjà fait. Mais il sait très bien que s’il ose lever le petit doigt il va se faire aplatir par Israël. Nasrallah c’est beaucoup de blabla du fond de son bunker du style -retenez-moi ou je détruis Israël…. j’espère qu’un jour le Liban se débarassera de ce nuisible criminel mais c’est probablement Israël qui le fera.

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  3. Le Hezbollah, tout comme les palestiniens d’ailleurs, sont TOUJOURS intéressés pour une guerre A SENS UNIQUE avec Israël…..: bombarder des localités israéliennes avec des civils est toujours intéressant tant qu’Israël prend les coups sans répliquer….. Mais si Israël réplique et fait des trous au Liban en Syrie ou chez les palestiniens et AVEC DES MORTS AU PASSAGE, CE QUI SERAIT TOUT A FAIT NORMAL, alors la, l’intérêt d’une guerre avec Israël baisse graduellement jusqu’à disparaître…..

    Ainsi agissent les lâches : lorsqu’on peut tuer plus faible que soi sans rencontrer de résistance donnons nous a coeur joie, …mais si l’ennemi se défend et fait pire chez nous, mieux vaut baisser la tète et repartir la queue entre les jambes jusqu’à la prochaine fois…..

    Le tout pour Hezbollah/Hamas/ autorité palestinienne est de connaitre la juste mesure de ce qu’on peut assassiner sans avoir de réplique israélienne, réplique toujours réprimée par les instances internationales qui par contre minimisent ou ignorent carrément les attaques meurtrières et SURPRISES des ennemis d’Israël…..

    Donc si par laxisme israélien, ou par pressions internationales, on peut continuer a tirer et imposer la terreur aux civils israéliens sans qu’Israël ne bronche, on est TOUS pour la guerre avec Israël….

    Mais si Israël passe la soupape de tolérance a nos tirs et que les pressions internationales (surtout européennes avec la France bille en tète) n’agissent point, soignons alors TRES VITE contre une guerre avec Israël …..

    De toute manière, soyons patients et confiants dans les instances internationales, dans l’EI qui répète comme un singe ce que nous disons, dans l’UNESCO qui dépossède Israël de son patrimoine archéologique pourtant ANCESTRAL et EVIDENT pour tout le monde, dans l’ONU qui n’intervient que lors de répliques israéliennes et JAMAIS au cours de nos attaques A SENS UNIQUE, ou dans l’Egypte qui n’intervient pour concéder des cesser le feu qu’au moment des répliques israéliennes et JAMAIS au moment de nos attaques…. La guerre n’est intéressante pour nous les ennemis d’Israël que lorsqu’on attaque un agneau attaché a un piquet……mais si tout a coup l’agneau devient Tigre et en plus libre de ces mouvements sans cage ni chaîne, foutons vite le camps car ça ne devient plus le moment d’attaquer ……

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  4. Le boa americain se resserre autour de la gorge des mollahs , donc aussi du hezbollah , on imagine leur dilemne : se faire lentement etouffer sans reagir ou lancer une grosse provocation et disparaitre dans le sang et la destruction !

    A ce stade , seuls les psychiatres peuvent repondre car ces gens sont avant tout des illuminés sortis du moyen age , il n empeche qu on est pas a l abri d un derapage incontrolé qui provoque l embrasement general .
    Trump a pris ses precautions en musclant le dispositif us , Israel est sur le qui vive , si rien ne se passe , l iran implosera sous la pression d un peuple a bout de souffle

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