
Notre rêve septuagénaire de paix a vécu, écrasé par les bombardements russes sur l’Ukraine. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, l’Europe vivait sur une illusion de paix prolongée, sinon éternelle, en dépit de quelques conflits localisés et suffisamment lointains pour que nous osions nous imaginer à l’abri.
Étions-nous naïfs, présomptueux et sots ! Comme si l’humain pouvait changer ses modes de réactions primaires, psychiques et instinctives, par la seule vertu d’une décision basée à la fois sur la morale et sur la mémoire des horreurs passées. Si c’était le cas, les guerres et leurs cortèges de crimes de masse auraient disparu depuis longtemps.
Pulsions d’emprise, destructivité et sadisme sont inscrits dans notre Ça1 depuis la nuit des temps. Seule une mince couche de vernis civilisateur – auquel concourent respect de la Loi et classique peur du gendarme – empêche ces pulsions d’émerger. Nous savons bien que cette protection est imparfaite, voire totalement absente, chez certains individus privés de ce surmoi élaboré qui est l’accès nécessaire à une morale digne de ce nom, ou quand leur sens commun est aboli par une maladie psychiatrique – voire une substance psychodysleptique entraînant une prétendue altération du jugement, suivez mon regard.
L’affaire se corse quand l’individu (ou le groupe) en question est en capacité d’imposer ses desseins criminels à une population entière (son état – major compris), sans que rien ni personne ne puisse l’arrêter, quel que soit le moyen à employer. On s’interroge beaucoup sur la santé mentale du dirigeant russe, mais qui peut croire qu’un homme capable d’un tel comportement possède encore un quelconque sens commun, pour ne rien dire de son éthique ?
Depuis le 24 février dernier, déclenchement de cette guerre russo – ukrainienne, on glose beaucoup dans les médias pour légitimement tenter d’analyser les causes proches et lointaines du conflit, les responsabilités de l’un ou l’autre camp.
Sur les réseaux désocialisants, c’est une autre affaire, car y sévissent des millions de stratèges de salon, de géopoliticiens de comptoir, de généraux de clavier, d’experts en polémologie en robe de chambre. Tous donnent leurs avis dérisoires et ubuesques, alimentés par les pires ragots colportés sur la toile. On choisit son héros, on justifie, on conspue, on condamne, on distribue bons et mauvais points, on pronostique, on conjecture, on prophétise. Ces obscènes clabauderies d’ignorants majorent, s’il en était encore besoin, l’horreur de ce retour de la guerre sur un continent qui s’en croyait à l’abri depuis 77 ans.
Je me garderai bien de rajouter mes interrogations à ce triste catalogue, mais une chose est certaine : le monde vient de connaître un déchirement tel que, selon le lieu commun rabâché, rien ne sera plus comme avant puisque d’autres équilibres géopolitiques sont à venir, favorables ou délétères. En attendant les inimaginables révolutions prochaines.
Ma réflexion d’aujourd’hui vient de la lecture de deux avis opposés ayant cependant le mérite d’apporter des lumières complémentaires à qui prétend être informé et réfléchir sur ce drame.
D’une part les quatre pertinents articles de Jean-Pierre Lledo parus ici-même. De l’autre le dernier papier de Stéphane Juffa (réservé aux abonnés) paru sur le site de la Metula News Agency .
Lledo évoque à juste titre l’antisémitisme et les éléments nazis (historiques et actuels) en Ukraine.
Pour Juffa, il y a l’argument ultime du Président-dictateur du Kremlin et de son fan-club : les Ukrainiens sont-ils nazis ?
Il y a une unité dans l’Armée ukrainienne qui n’est pas loin de l’être, le Régiment d’Azov. Il a conservé cette qualification, mais il a désormais la taille d’une brigade, environ 5 000 hommes. Il revendique une idéologie proche de celle des hitlériens, et un drapeau qui ressemble à la croix gammée. Mais le Régiment d’Azov est apprêté à la sauce ukrainienne ; il est antisémite, certes, mais il compte des dizaines d’Israélites dans ses rangs et ils y sont bien traités.
Mais ce sont 5 000 hommes sur un million, et le reste de l’Armée ne lui ressemble pas du tout. Il agit tel un aimant pour tous les nostalgiques de l’ultra-nationalisme. Et ce sont eux qui défendent Marioupol encerclée. Dans les conditions qui ont été imposées à l’Ukraine par l’invasion russe, il ne serait pas raisonnable de se passer du moindre bras capable de tenir un fusil.
D’autant plus que la Russie a engagé pour sa part le Groupe Wagner, une formation de mercenaires de dimension égale à ses ennemis du Régiment d’Azov. Et son idéologie revendiquée est clairement le nationalisme russe, le néonazisme, la Rodnovérie et le Slavisme.
Ces deux groupes se valent idéologiquement, mais cela ne fait pas des Ukrainiens et de leur gouvernement des nazis ou même des adeptes de l’extrême droite. Idem pour le camp russe.
Sauf qu’il existe des différences fondamentales entre les deux armées. L’une agresse, sans raison avouable, l’autre se défend et se bat pour la survie de sa nation.
L’une, la russe, bombarde les civils avec toutes les armes dont elle dispose. L’autre, l’ukrainienne, à part dans des occasions anecdotiques, fait tout ce qui est en son pouvoir pour éviter de blesser des civils.
Et le pire participe de ce que la soldatesque russe n’a pas évolué dans son esprit depuis la Seconde Guerre Mondiale. Elle multiplie les exécutions sommaires, notamment de civils et de prisonniers, les victimes ayant souvent les bras entravés dans le dos. Elle viole, même les petites filles, souvent jusqu’à la mort. Elle pille tout ce qu’elle trouve, sans risquer de sanctions de la part de son commandement. Elle détruit tout sur son passage. […]
La propagande russe affirme que les Ukrainiens sont des nazis endémiques, et qu’ils ont été les collaborateurs du IIIᵉ Reich.
C’est vrai qu’il y avait des gardes ukrainiens dans la plupart des camps d’extermination, mais il est vrai aussi que l’Ukraine a fourni à la résistance et à l’Armée rouge des millions d’éléments, souvent les plus héroïques.
Quant aux Russes, ils n’étaient pas en reste, ils ont constitué un corps d’armée entier, l’Armée de Vlassov, forte de 50 000 soldats au service d’Hitler. Plus des milliers de Russes blancs, réfugiés en Allemagne après la Guerre Civile, qui ont combattu dans les rangs de la Wehrmacht.
Au niveau des tentations nazies, c’est ex-æquo et bono entre ces deux nations. »
Il est illusoire de nous imaginer être à l’abri de nos opinions, dilections et répugnances. : nous savons que l’objectivité pure n’existe pas. À chacun de se forger une opinion, fondée sur une information crédible – en la matière, nous autres sionistes savons mieux que quiconque combien cette denrée est rare dans les médias français. En gardant toujours à l’esprit que ce que nous appelons réalité est contingente.
Souvent femme perception de la réalité varie, bien fol est qui s’y fie (d’après François 1ᵉʳ). DK♦

Dov Kravi, MABATIM.INFO
1 C’est le réservoir de nos pulsions, dont beaucoup sont inconscientes car culpabilisées et donc « interdites » à la conscience.
« En gardant toujours à l’esprit que ce que nous appelons réalité est contingente. » C’est une belle leçon à tirer de cet article et de cette situation. Merci pour cet article mesuré, cher Dov. Un détail: Solzhenitsyn consacre un chapitre entier de l’Archipel à l’histoire de l’armée du général Vlassov. Ce dernier était obsédé par l’idée de la Russie indépendante, il espérait que la Wermacht pouvait lui servir à chasser les communistes, ainsi que la Wermacht espérait l’utiliser pour combattre les Soviets. Vlassov n’adhérait pas à l’idéologie hitlérienne, il ne voyait pas d’autre choix que de rejoindre les Allemands. En tout cas, le mérite de Solzhenytisn est d’expliquer au grand public que ce n’est pas pas l’adhésion au nazisme que les Russes se rendaient, c’est par désespoir. La grande Terreur battait son plein avant la guerre.
J’aimeAimé par 1 personne
Chère Yana, ayant lu L’Archipel il y a environ un demi siècle — ouvrage qui a aidé à me guérir de tout mirage idéologique –, je ne me souvenais pas de ce chapitre. Merci pour ce rappel.
Je pense que nombre de pays (Ukraine, Baltes) ayant subi les délices du paradis communiste ont aussi pu avoir cette tentation funeste. Ce qui n’exonère en rien les antisiomites locaux de leurs exactions.
J’aimeJ’aime
Nous n’éviterons pas l’inévitable dont la Torah nous RACONTE la litanie:
Puis vint un Pharaon qui m’avait pas connu Josef….
La pauvreté ne disparaitra pas d’Israel…et tu ne couperas pas le coin de ton champs …..
Balak craignît alors pour son royaume… (parano Modèle, qui imaginait le petit peuple d’Israël dangereux alors qu’il me demandait poliment que le Passage!
Etc….a
Pour sortir du marasme, mieux vaut ne pas être idéaliste au-delà de la réalité! et en deca de la morale élémentaire, mais garder sa violence fondamentale de base…
J’aimeJ’aime
Cher Dov , votre texte est une rafraichissante mise a jour de nos logiciels embarqués 😀
Oui , chacun de nous reste un animal humain capable du meilleur et aussi malheureusement du pire , oui les quelques dizaines d années de paix en europe ne furent certainement qu un joli intermede dans une humanité qui n est jamais sortie de la loi du plus fort .
Oui le retablissement de notre vie nationale contrarie bien des interets et nous devons rester bien eveillés en ecoutant nos ennemis , mais aussi nos » amis » .
Nous juifs , rappelons cette semaine a nos enfants que la liberté n est pas gratuite , la puissance du message de Pessah est plus que jamais audible aujourdhui .
J’aimeAimé par 1 personne
Israel fait bien de se tenir a distance etIntermediaire de la Negociation,seule issue avant les bombesA . l’Occident est incapable de Faire la guerre classique que la Russie peut gagner! La Russie peut aussi balancer sesOgives…Elle a de laSurface pour encaisser…
Je meurs bientot et vous laisse eteindre la lumiere……
J’aimeAimé par 2 personnes
Hazak ou barouh! Excellente mise au point.
Il est affligeant de constater que parmi ces stratèges de salon qui trouvent maintes justifications à l’invasion de l’Ukraine figurent une poignée de Juifs égarés.
Je me suis longuement interrogé à ce sujet et suis parvenu à la même conclusion que l’auteur. Il y a là l’effet combiné des biais cognitifs spécifiques aux réseaux sociaux, de vieilles sympathies communistes encore présentes chez certains Juifs et surtout, une absence totale de repères moraux.
Hag saméah ou moadim le simha
J’aimeAimé par 1 personne