
Aujourd’hui, plus que jamais, mes pensées sont tournées vers une terre maudite.
Aujourd’hui, je pense plus que jamais à Auschwitz et aux cris de 6 millions d’innocents qui passent dans un prisme et viennent me frapper la poitrine.
J’avais écrit la préface du livre formidable de Simone Dézavelle. Je vous le conseille vivement pour ne pas oublier…
« Dieu est-il mort à Auschwitz ? ».
Voilà la terrible question que pose Elie Wiesel dans « La nuit ». C’est aussi l’interrogation qui nous explose dans l’âme, le cœur au bord des larmes, à la lecture du si beau, si poignant, si fort livre de Simone Dézavelle.
Oui, Dieu était-il à Auschwitz quand Marie-Claude Vaillant-Couturier, témoignant au procès de Nuremberg d’une voix glaciale et déshumanisée, comme une ultime volonté de résilience, racontait l’horreur du calvaire de ces mères voyant leurs enfants jetés vivants dans des brasiers ? Dieu était-il à Auschwitz quand Janusz Korczak, ce grand pédiatre, accompagna des orphelins jusqu’aux portes de l’enfer, les chambres à gaz, et mourut avec les gamins de son établissement dont il avait la sainte garde ? Où était Dieu lorsque les dernières maisons du ghetto de Varsovie s’effondrèrent et que la poignée de juifs dont la seule dignité avait été de mourir les armes à la main, furent exécutés pour avoir osé défier avec des armes bricolées, des cocktails Molotov et des frondes les Panzers de la toute-puissante SS de ce Reich de mille ans ? Dieu se cachait-il dans les fosses de Babi Yar, dans les baraquements de Ravensbrück, dans le froid de Sobibor et dans le dernier pogrom polonais de Kielce en 1946 ? Dieu avait-il abandonné ceux qui pour survivre, égarèrent le sens du mot humanité et se comportèrent avec le plus violent et le plus terrible manque d’empathie ? Et où étais-tu, toi le Dieu de miséricorde, quand ces vieillards, dont une petite femme qui s’appelait Rosza, furent arrêtés puis transférés au Vel D’Hiv ? Enfin, Dieu accompagnait-il les derniers pas de mon grand-père, triste corps affamé et meurtri, tatoué d’infamie, quand il tomba quelque part entre Auschwitz et Buchenwald en mars 1945 ?

Dieu a-t-il abandonné le peuple élu en laissant la Shoah exterminer autant d’innocents dont le seul crime était d’être juif ?
Et aujourd’hui, Dieu, contemple-t-il d’un œil cynique et goguenard l’oubli, l’indifférence, le doute et même le négationnisme ? Ces 6 millions de morts ont-ils uniquement été sacrifiés juste pour devenir quelques lignes d’un pauvre livre d’histoire dont on hésite à enseigner la vérité de crainte d’heurter certaines consciences radicales ?
Pourtant, le cri de détresse de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants devrait vibrer comme une lugubre litanie : Jamais, l’histoire n’oublie les drames. Les braises ne demandent qu’à se raviver. Ce sont les hommes qui oublient et qui soufflent sournoisement pour rallumer les feux des autodafés.
Les derniers survivants vont mourir. Leur silence ouvrira désespérément les portes d’un inculte désintéressement gêné. Voire agacé. Les cendres des crématoires disparaîtront à jamais, éparpillées, abandonnées dans le puits sans fond du renoncement des hommes.
Alors, que faire ? Comment agir ? Que doivent faire les hommes de bien ? Renoncer ? Non ! Témoigner. Écrire. Transmettre. C’est ce formidable travail de mémoire auquel vient de se livrer, telle une Juste, Simone Dézavelle. Cet « Aller simple vers l’oubli » est tout compte fait un voyage vers la transmission, la lumière et la vérité. Merci à vous Simone, d’avoir pris le temps de nous raconter ce nécessaire et insupportable héritage. Ces histoires d’hommes et de femmes qui terminèrent leur douloureux périple dans l’oubli des crématoires.
Oui, Dieu est certainement mort à Auschwitz. Il ne pourra jamais s’amuser et partager les blagues de ces trois vieux Juifs qui riaient tellement fort se souvenant des camps, parce que justement, il n’était pas là. Même si Dieu s’est détourné des hommes dans l’horreur absolue de la nuit et du brouillard, Simone Dézavelle nous montre que malgré tout, les hommes seront toujours plus forts que la mort parce qu’ils ne renonceront jamais. Ce n’est pas Dieu qui les portait dans la boue, la fange, le typhus, la vermine, l’humiliation, le froid, la haine. Non, ce n’était pas Dieu. Mais cet indicible espoir tellement éclatant dans les derniers couplets du chant des Marais.
« Mais un jour de notre vie. Le printemps refleurira. Liberté, liberté chérie, je dirai : tu es à moi. Oh ! terre enfin libre, où nous pourrons revivre. Aimer ! »
Merci Simone de m’aider, de nous aider à ne jamais oublier. J-JE♦

Jean-Jacques Erbstein
Merci Jean-Jacques Erbstein mais n’oublions pas que le Dieu judéo-chrétien n’est pas un deus ex machina qui apparaît chaque fois que les hommes dévoient leur libre arbitre – et Dieu seul sait à quel point ils s’adonnent à leurs penchants les plus pervers ! C’est bien ce dont nous souffrons à nouveau en ce moment et vous-même l’avez dénoncé avec lucidité et courage. Rien, même pas Dieu, n’empêchera jamais les hommes les plus puissants de commettre des crimes contre l’humanité… C’est à celle-ci de se réveiller et de se prendre en mains pour enfin devenir adulte et responsable. Et se donner la mission de dénoncer les prémisses de tout nouveau crime contre l’humanité; c’est, pour ma part, la leçon que je tire de l’enfer nazi.
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