
Dans l’introduction Gérard écrit :
« Tant pour notre mère que pour ma sœur et moi, ce qui nous est resté de cette triste période ne se résume pas à cela »
Lors de ma première rencontre avec les Sattinger, nous sommes dans une grande salle.
Colette et Gérard Sattinger avancent côte à côte, du même pas.
Longilignes ; aristocrates, élégants, superbe port de tête ; le visage ouvert et souriant ; ils sont impressionnants, on ne peut qu’admirer une arrivée aussi zen, loin de leur vécu passé.
Peu de temps après, assis l’un près de l’autre, ils nous raconteront leur vie d’enfants cachés pendant la guerre, aventure qui n’aura rien de zen…
Colette évoque sans mélo, sans tricher, elle présente un compte rendu. Pourtant, notre émotion est forte surtout quand cette dame très digne se tourne vers son voisin et dit avec un regard tendre « mon petit frère » dans ce regard passe un échange riche de moments partagés…
Nous sommes avec eux, dans l’émotion, nous entendons la vérité.. ; en apparence une vérité toute simple !!!!
Soutenu par Jean-Jacques Hadjadj, Gérard a repris et enrichi le texte présenté par Colette. Gérard a aussi retrouvé des clichés familiaux qui donnent une présence plus vivante encore aux différents personnages ; il a épaissi un récit déjà passionnant ; il a présenté sa famille et ajouté des anecdotes qui adoucissent les moments les plus difficiles.
Le récit est devenu un livre. Nous partageons le quotidien de cette famille, L’idéalisme du père, le dévouement, l’amour sans faille et la fine intuition de la maman qui permettra aux enfants de survivre pendant leur exode.
À peine arrivé à Paris, après avoir fui la Bucovine (Moldavie), le père, féru de culture française souhaite assister à des conférences à la Sorbonne et à l’Alliance française pour parfaire ses connaissances littéraires. au détriment de la vie pratique.
« Mon père a confié le magasin à une vendeuse débutante âgée de 17 ans… Le commerce stagnait »…
« Hélas ! mon père ne pressentait pas les dangers, il faisait confiance, il croyait fermement aux valeurs républicaines de la France »…
La guerre est déclarée ; patriote, le père s’engage pour défendre sa patrie d’accueil, Il va disparaître.
Colette écrit :
« notre existence jusque là heureuse et tranquille bascula vers le drame. Notre enfance s’arrêta là ; notre insouciance s’envola. »
La sœur de leur père les rejoint à Paris. Deux femmes, deux jeunes enfants partent vers le sud à pied, faute de moyen de transport. Les voilà jetés sur les routes.
Ce récit nous fait partager leur errance.
J ’emprunte au livre des épisodes particulièrement significatifs de ce déplacement :
« Ma tante acheta 2 poussettes d’occasion pour nous transporter……elles ne résistaient pas longtemps à cet usage intensif … dans les villes traversées, c’était tellement devenu une habitude d’acheter des poussettes que ma mère et ma tante en vinrent à rire malgré le tragique de la situation »
Il y a aussi des intuitions réfléchies et bienheureuses :
« Invités par des militaires à faire le trajet en camion ma mère refuse, elle craignait à juste titre d’être prise pour cible par l’aviation ennemie… Après un moment de marche, nous arrivâmes à la hauteur d’un camion dévoré par les flammes celui qui nous avait aimablement proposé de nous transporter »
Il y a aussi un passage qui a plu aux enfants : « dormir dans une salle de cinéma »
« Nous passions nos nuits dans des centres sommairement aménagés (écoles, gymnases)…
Un soir nous avons été accueillis dans un cinéma. La salle était spacieuse, garnie de fauteuils rouges. Pour des enfants, quelle aubaine, quelle originalité de dormir dans un cinéma. »
D’un temps d’émotion inquiète, nous passons à un rebondissement plus calme ; nous sommes tenus en haleine par ce texte vrai, sincère, prenant. Nous attendons la suite de ces aventures.
Chaque page nous conduit à la suivante Je parlerai presque de suspense…
De plus, le texte resitue l’action par rapport aux faits historiques ; il est aussi accompagné par les citations d’écrits de penseurs, ils nous remettent en mémoire les positions prises autour de la Shoah par Serge Klarsfeld, Cyril Koupernik, Mgr Salliège et tant d’autres. Citations insérées dans la description de la vie à cette époque.
Léon Poliakov écrit :
« C’est un phénomène caractéristique de notre époque que l’impossibilité pour les persécutés politiques ou religieux de trouver une terre d’asile. Aucun pays n’accordait de visas aux juifs impécunieux ou avec des réticences »
Heureusement Israël existe maintenant.
Je ne présente qu’une petite partie de cet ouvrage…
Lisez ce livre il est à la fois enrichissant et passionnant. Ce n’est pas une énième version des mêmes faits. Malgré le tragique de la situation, il est plein de fraîcheur, de spontanéité, on en ressort enrichi et optimiste…
Ce n’est pas seulement un devoir de mémoire, c’est une vraie vie…EN♦

Eva Naccache, MABATIM.INFO
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