Le général de réserve Brik s’est rendu célèbre ces dernières années en critiquant dans le désert la doctrine militaire (la « conceptsia ») en vigueur depuis des décennies. Ce Cassandre israélien a vu ses sombres prédictions s’avérer au matin du 7 octobre. Ses nombreuses conférences sont disponibles sur YouTube. (NDLR)
[20 octobre 2023]
VERBATIM
À la question « qui est le responsable du plus grand pogrom de juifs, depuis la Shoah ? », je réponds : les officiers supérieurs de l’armée et du renseignement sont tous responsables. Certains devront rendre les comptes après la guerre. En revanche, le commandant de la région sud, le général Yaron Finkelman et le chef du renseignement militaire Aaron Khilouya. doivent démissionner immédiatement.
Ces deux personnes, sont personnellement impliqués dans la plus grande incurie depuis celle de la Guerre de Kippour. Lorsque on reçoit la nuit avant ce pogrom, deux alertes concernant une activité non routinière du Hamas, on n’a pas droit de passer outre.
En fait, le Hamas a répété la même ruse, qu’avait utilisée l’Égypte avant la Guerre de Kippour, à savoir : plusieurs exercices (3 ou 4 sur une année) de préparation de franchissement du canal de Suez. Par cela, ils ont endormi le renseignement israélien et son chef, Aharon Yariv. Lui aussi disait que ce n’était qu’un exercice, et puis lors d’un nième « exercice », ils ont réellement traversé le canal, malgré la ligne Bar Lev (une trentaine de fortins le long du canal de Suez) et son minimum de défenseurs dont beaucoup étaient en permission pour Kippour, et malgré plusieurs alertes pourtant bien arrivées au Mossad et Renseignement militaires.
Souvenons-nous : un mois avant ce 7 octobre noir, les jeunes de Gaza, allumaient des feux de pneus, les terroristes sur des quads faisaient des simulacres d’attaques le long de la clôture et d’autres s’entraînaient sur des ULM au-dessus de la Méditerranée. Donc, lorsque Aaron Halouya, qui était en vacances pour la fête de Souccot (fêtes des cabanes) à Eilat au bord de la mer Rouge, et Yaron Finkelman reçoivent ces alertes, Yaron Finkelman réunit, la nuit même, les quelques officiers de permanence, car beaucoup d’officiers et de soldats du Commandement du Sud, dont dépend Gaza, sont en permission de Souccot.
La réunion conclut que ce n’est qu’un exercice, mais les participants décident d’une réunion d’évaluation de la situation pour le matin à 8 h. L’attaque a eu lieu à 6h30 du matin.
« Entre chien et loup »
Yaron Finkelman, au lieu de mettre les soldats et soldates restés dans base, en ordre de défense active, immédiate dès la première alerte et rappeler en urgence les permissionnaires, décide de procrastiner jusqu’à 8 h du matin, pour une nouvelle évaluation de la situation. Mais il y a une autre raison, qui aurait dû obliger Yaron Finkelman à redoubler la vigilance. En effet, dans l’armée israélienne il y a un ordre appelé « entre chien et loup » : cet ordre stipule qu’entre 4 et 6 h du matin, il faut redoubler de vigilance et multiplier les patrouilles. Cela n’a pas été appliqué. Toute la base dort. Et là, lors de l’attaque, les terroristes tuent 70 soldats et soldates de Golani dans leurs lits. Que nous est-il arrivé !!!
Comment un homme, sur les épaules duquel, pèse un tel échec personnel, puisse conduire la future campagne contre le Hamas, qui pourrait durer plusieurs mois ? D’ailleurs, le chef d’état-major, Hertzi Halevi, devra démissionner après la guerre, car maintenant c’est l’heure du combat.
Il est clair, que le sommet hiérarchique militaire devra rendre les comptes à la nation. Quant à l’échelon politique, c’est un peu différent. Quelques jours avant le pogrom du 7 octobre, s’est tenue une réunion au sommet, chez le premier ministre Netanyahou, où étaient présents : le ministre de la défense Galant, le chef d’état-major Hertzi Halevy, le chef du Renseignement militaire et le chef de la Sécurité intérieure.
Tous ces professionnels de la défense disent au premier ministre : « le Hamas est dissuadé, il n’y a pas à avoir peur ». Tous ces généraux sont « enfoncés » profondément dans la « conceptsia » (doctrine de défense), qui a endormi tout le monde : « nous sommes plus forts qu’eux ».
Ils sortent tous de réunion, et entament tranquillement la semaine de la fête de Souccot. On organise, sans aucune précaution, une grande réunion de jeunes pour la paix, à quelques kilomètres de la frontière de Gaza, qui, la nuit venue, se transforme en une rave partie. Certains officiers emmènent leurs familles visiter leurs bases. Le Hamas n’existe pas, Israël est en vacances. La responsabilité du premier ministre n’est pas directe, car il suit les avis de ses spécialistes de la défense.
Toutefois, après une telle incurie de tous les services de défense et après un tel traumatisme, les politiques doivent reconnaître leur responsabilité morale et par décence démissionner.
Quant à la situation d’aujourd’hui, le but ultime d’Israël doit être la destruction totale du Hamas et du Hezbollah, car ces deux organisations islamistes constituent une menace existentielle pour nous.
Il faut changer de « logiciel » et adopter celui du Moyen-Orient qui ne respecte que la force.
L’oblitération physique de ces terroristes représente l’un des défis le plus difficile pour Israël. Dans l’immédiat, en ce qui concerne le Hamas, faire savoir aux civils palestiniens que s’ils veulent vivre, ils doivent partir vers le sud, celui qui ne partirait pas serait considéré comme terroriste et tant pis pour lui. Ensuite, il faut verrouiller toute la partie nord : ni eau, ni nourriture, ni gaz, ni électricité. Je dis à nos dirigeants :
« surtout ne pas agir de façon immédiate, par vengeance ou à cause de pressions politiques, non. Il faut se munir de patience, agir intelligemment, en prenant son temps. »
Il faut préparer l’armée, préparer la population du point de vue matériel et moral. De cette façon nous éviterons le piège que le Hamas a tendu à Israël. En attendant, il faudra s’occuper du nettoyage de Gaza en surface. Malgré les bombardements, elle sera toujours truffée de mines, de chausse-trappes bourrées de charges explosives, de pièges à chaque coin de rue ou chaque cage d’escalier, qui subsisteront après les bombardements.
« Le nettoyage devra être lent et méthodique pour préserver au maximum la vie de nos soldats. Le temps nécessaire pour accomplir cette tâche ne se compte pas en jours, ni en semaines mais en mois. »
Il faut savoir que Gaza souterrain est constitué de centaines de kilomètres de tunnels, bunkers, centres de commandement, des centaines de magasins de munitions, roquettes, véritables hôpitaux, plus des stocks d’eau et de nourriture. On évalue à 40 000 le nombre de terroristes qui se terrent dans ce labyrinthe surnommé « le métro de Gaza ». Durant tous ces mois, verrouillés dans les sous-sols, bombardés jours et nuit en surface, les terroristes commenceront à pourrir dans leur jus et ils commenceront à sortir. Il faut espérer qu’ils ne seront pas en état physique de combattre et alors leur neutralisation sera plus aisée
Il faut être conscient des conséquences qui résulteront de l’entrée de l’armée dans Gaza. Je n’ai aucun doute, que l’entrée de nos troupes dans Gaza, pourrait déclencher une guerre globale pour Israël sur plusieurs fronts : Gaza au sud, Hezbollah au nord, et pourrait même se transformer en une guerre régionale. De plus, la branche terroriste du Fatah (elle n’a jamais été dissoute), de Mahmoud Abbas, les Tanzim, vont déferler sur les implantations malheureusement désarmées par le gouvernement israélien et elles ne pourront donc pas se défendre, l’armée étant occupée au nord et au sud. Les gangs criminels du secteur arabe entreront dans les localités en Israël même, pour piller et tuer les Israéliens. Dans le Néguev, les bédouins barreront les routes pour désorganiser la logistique de l’armée, les Houtis du Yémen tireront des missiles sur Eilat, comme ils l’ont essayé il y a quelques jours, les proxys de l’Iran en Irak feront de même, et se sera le début de la « fête ».
À ce moment, des milliers de missiles par jour attaqueront Israël de toutes parts. Est-ce que nous nous sommes préparés pour cette guerre régionale ? NON !!!.
Il faut « dès hier soir », malgré la guerre actuelle, préparer Israël à cette guerre totale. Il faut de toute urgence préparer nos bases aériennes, qui ne possèdent pas de réelles défenses. Les pistes d’envol seront visées en premier par les missiles du Hezbollah. Dans chaque localité, et dans les grandes villes, quartier par quartier, il faut mettre sur pied une Garde Nationale, composée des réservistes qui n’auront pas été appelés sous les drapeaux. C’est eux, qui seront les primo intervenants dans le cas d’attaques des Arabes israéliens ou des terroristes. Je répète. L’armée n’aura pas assez de soldats pour défendre les villes et villages, elle sera occupée ailleurs.
Tous ces préparatifs doivent être, soit achevés, soit en voie d’achèvement, avant l’action terrestre à Gaza.
En attendant, à Gaza, le Hamas sera en train d’étouffer dans ses tunnels. C’est à l’armée, en coopération avec les politiques, de fixer les délais de préparation du secteur civil israélien.
Il y a trois jours, je me suis entretenu avec le premier ministre. Je ne vous dévoilerai pas les détails de notre conversation, mais je lui ai dit, point par point et détail par détail ce qu’on doit faire TOUT DE SUITE.
Surtout ne pas lancer une attaque préventive contre le Hezbollah, car nous ne sommes pas prêts.
J’entends des spécialistes de plateaux télé qui expliquent que seule une attaque préventive éviterait une guerre avec le Hezbollah. Tous ces génies en chambre ne comprennent pas ce qu’est notre armée aujourd’hui et ce que représente le Hezbollah sur notre frontière nord. Il occupe une profondeur depuis notre frontière, jusqu’à des dizaines de kilomètres vers le centre du Liban. C’est un territoire immense, qui représente plusieurs dizaines de Gaza. En 2014, notre aviation a bombardé Gaza plus d’un mois, elle n’a jamais réussi à faire arrêter les salves de roquettes sur Israël.
Supposons qu’une attaque préventive détruise 50 % des capacités militaires du Hezbollah. Il leur restera 75 000 missiles de toutes sortes. Des missiles de précision, des missiles de croisière, des missiles de longue portée avec des têtes de plusieurs centaines de kilos d’explosif, capables de pulvériser un quartier entier, et des drones iraniens. C’est une puissance de feu inimaginable. Vont s’ajouter à cette puissance tous les proxies d’Iran, de Syrie, d’Irak et du Yémen, qui disposent d’autant de missiles que le Hezbollah. Tout ce petit monde nous enverra leurs arsenaux balistiques en même temps. Donc, notre attaque préventive déchaînera une guerre régionale. Israël recevra plusieurs milliers de missiles par jour qui détruiront nos infrastructures et qui tueront des milliers d’Israéliens. Ce sera la mort de Samson, qui a fait écrouler un temple sur lui, et en mourant, il fait également mourir des Philistins sous les gravats.
On voit aujourd’hui des généraux à la retraite qui, savent tout, qui ont tout vu et qui racontent des histoires à dormir debout : « nous sommes les plus forts, nous sommes les plus malins, nos armes sont les meilleures du monde… » C’est la chaîne 12, qui s’est spécialisée dans ces contes des mille et une nuits. Ils n’ont pas la moindre idée de ce qui se passe aujourd’hui dans l’armée d’Israël.
En 10 ans, j’ai enquêté sur le terrain et examiné la situation de 1600 unités de toutes armes. J’ai interviewé des milliers de soldats et officiers : fantassins, tankistes, artilleurs, marins, pilotes, logisticiens, etc., etc. J’ai transmis mes rapports à tous les acteurs impliqués dans l’establishment de la défense.
Ces rapports ont été lus par l’inspecteur des armées, par la commission de contrôle de budgets de l’armée et autres contrôleurs et inspecteurs. Tous disent que non seulement Brik a raison, mais qu’il a raison à 1 000 %.
La lourdeur de l’administration militaire est si grande que même ceux qui voulaient faire quelque chose se sont heurtés à un mur. Mais ce qui est le plus grave, c’est que ceux qui avaient l’obligation de lire ces rapports, à savoir les chefs d’état-major, les officiers supérieurs, les ministres de la Défense, bref eux tous, ne l’ont pas fait. Ils s’occupaient de politique, de leurs carrières, des séminaires et études dans les universités étrangères… Ils n’ont pas préparé l’armée à la guerre et à la défense de la maison ISRAËL. Pire, ils ont tout fait pour me faire taire. Je n’avais pas droit aux médias. Ils m’ont traité de prophète de malheur et même de vieillard post-traumatisé de la guerre de Kippour. Ce sont ces gens qui se trouvent aujourd’hui dans les cabinets ministériels et à la tête de l’armée. Ce sont eux qui ont une responsabilité écrasante de l’état désastreux de l’armée et de l’ignorance du public israélien.
Quant à Netanyahu, il n’est pas le chef des armées. Le plus grand problème des gouvernements d’Israël est qu’il n’existe pas, au niveau politique, un concept politique de sécurité globale du pays.
Les politiciens n’ont pas défini les menaces stratégiques existentielles, et par conséquent, on n’est pas capable d’en déduire les objectifs et les moyens pour y parvenir à moyen et long terme. Toute la réflexion est « court termiste ».
Un des journalistes du plateau : « Général Brik, compte tenu de l’incurie du 7 octobre, vous aviez tragiquement raison. Si j’étais le premier ministre, je vous aurais attaché à mon cabinet et pour toute décision j’aurais demandé votre avis. »
Brik reprend la parole
Je dois dire que vous, la chaîne 14, vous étiez les seuls qui m’avez offert une tribune, où j’ai pu m’exprimer et où j’ai trouvé une oreille attentive à mes mises en garde. Je vous suis reconnaissant, car les autres m’ont tout simplement boycotté. Et depuis des années, nos militaires et nos politiques ont tout fait pour que la vérité soit mise sous le tapis. IB♦

Itshak Brik, Aroutz 14
Fellow, International Institute for Counter-Terrorism (ICT), Reichman University, Herzliya.
Édouard Gris, MABATIM.INFO
Traduction et adaptation
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Ces propos me paraissent crédibles.
Par contre lui non plus ne parle pas de l’irresponsabilité des décisionnaires politiques et de ceux de l’armée a avoir laissé, ces deux milices devenir des forces armées destructrices.
On ne laisse pas des enemies dont on connaît leurs buts annoncés grandir et devenir des menaces existencielles a côté de soi. On les détruits avant qu’ils décident eux du moment opportun… il en est de même avec l’Iran… Avant qu’il ne deviennent intouchables avec la bombe….
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Tout à fait, mais c’est le département d’Etat américain qui donne les ordres depuis au moins avant Oslo. Israël n’est plus un Etat souverain depuis longtemps. Le Hamas et l’OLP sont des milices dormantes des agents qui financent US EU Iran. On est plus au stade d »ingérence ou d’influence US et EU en Israël mais au stade d’un gouvernement. Les US peuvent mettre le feu aux poudres quand ils veulent, il suffit de donner le feu vert au Hamas et de passe un coup fil à l’Etat major israélien pour leur dire d’attendre 8h avant d’intervenir. C’est ce qui s’est passé à la guerre de Kippour exactement 50 ans plus tôt coïncidence ?
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