La culpabilité civilisationnelle de l’Occident vis-à-vis d’Israël et la dérive de la tentation d’une solution « morale »

Aux Américains d’exiger le départ immédiat des populations de Gaza

Logiquement et politiquement parlant, le président américain, et peu importe qu’il soit républicain ou démocrate, devrait exiger le départ immédiat des Arabes de la bande de Gaza et la restitution de cette zone côtière à Israël. L’occupation par le Hamas, et la population qui en génère et maintient l’existence – avec leur arsenal, leurs ramifications souterraines, leurs bombardements d’Israël – n’est pas née de la génération spontanée mais d’un assez long processus politique.

Pour ceux qui sont nés après, ou qui ne voient pas le rapprochement, cette situation remonte aux pourparlers de Madrid (1991, NDLR) qui n’auraient dû rester qu’une sorte de spectacle. Shamir avait besoin de garanties bancaires américaines pour préparer l’accueil du million d’immigrants au départ de l’ex-URSS, dans ce vaste contexte de la fin des quelque cinquante années que dura la guerre froide, de la chute du mur de Berlin à la chute du rideau de fer. Toute trace disparaissait de ce froid et glaçant conflit, excepté les bases de l’Otan.

Shamir affirmait qu’il ne céderait pas un pouce de la terre d’Israël à nos ennemis, bien qu’il n’exclût pas que d’autres le fissent après lui. Pour lui, ces pourparlers n’étaient qu’une mascarade. Il y refusa d’ailleurs la participation de membres de l’Olp. Les négociateurs devaient être propres de tout passé trop manifestement criminel. L’opinion était partagée. D’aucuns se rassuraient : ce n’est qu’un spectacle pour les Américains. Les médias n’étaient pas dupes. Leur orientation aidant, ils instillèrent la lourde sensation d’un grand ratage en cours.

La propagande paya : le vote pour la Knesset contre Shamir troqua Pérès.

Il promit d’insuffler un vent d’espoir à sa façon aux discussions.

À l’entendre, la situation de guerre permanente n’eût résulté que de l’entêtement israélien qui l’empêcherait d’être à l’écoute de l’autre. Bref, c’est la faute des Juifs, et si c’est un Juif qui le dit…

De fil en aiguille, avec quelques irrégularités dont les auteurs tel Weismann furent présentés comme de stoïques héros – qui rencontra illégalement les terroristes de l’Olp – un spectacle en appelant un autre, nous voici sur la pelouse de la Maison-Blanche, en septembre 1993, pour la fameuse poignée de mains hollywoodienne, quand tout le monde devient – miracle américain – tout beau et tout gentil.

Sur ce point, il ne faut pas négliger ce qui peut sembler n’être qu’une nuance sans importance. Si l’antisionisto-sémite courant considère que le Juif est apatride et qu’il s’autorise par la force l’occupation d’une terre qui ne serait pas la sienne, l’Israélien quant à lui voit dans la Palestine biblique et historique le berceau de sa civilisation, la terre donnée par D. via ses pères Abraham, Isaac et Jacob, ce qui se décline et se laïcise pour certains – hors contexte spirituel – dans le lien effectif et national entre le peuple et sa patrie, et affectif pour les périodes d’exil.

Donc, la différence entre les points de vue, l’antijuif d’une part et le juif de l’autre, s’exprime dans le discours récurrent de Rabin, qui parlait constamment de renoncements territoriaux douloureux (vitourim coavim).

Bien sûr que c’est notre terre, et c’est bien pour cela qu’il est très douloureux pour nous de nous en défaire, mais la paix n’a pas de prix. Nous avons droit à cette époque à toute une panoplie d’arguments… par exemple :

– la valeur de la vie humaine est plus grande que celle de la terre, des intellectuels jouaient sur les mots : Adam (l’homme), Adama, la terre. C’est oublier que Caïn, chassé de la terre, réagit : « Quiconque me trouvera me tuera ».

– On a droit aussi au discours de généraux : à l’ère des missiles balistiques, qu’importe que le tireur soit loin ou juste à côté.

Bref, sur ladite pelouse, outre les médias, il y avait aussi un certain Clinton. Cette présence n’est pas anodine et pas seulement destinée à des effets cinématographiques. Comme il s’agit du président des États-Unis d’Amérique, c’est que la puissance représentée se porte garante de la bonne marche de la transaction : territoires/paix.

On nous a bien endormis et séduits, quand la violence antijuive explosa juste après les accords, quand on nous disait que tout début est difficile, que la paix a bien été signée mais qu’il s’agit là de minorités groupusculaires malintentionnées qui tenteraient de faire échouer la paix, désignées pour simplifier par Rabin comme « ennemis de la paix ».

Tout mensonge finissant par révéler sa nature, celui des accords de paix a tout de même tenu 31 ans.

Vu sous cet angle, la réaction de tout dirigeant américain ne doit pas se limiter à une compréhension tiède de l’entrée en guerre d’Israël contre son agresseur, mais consister dans la prise de position nette qui engage la responsabilité et l’honnêteté d’un véritable garant :

« Israël a cédé ses territoires contre la paix. Non seulement Israël n’a pas eu la paix en échange, mais il s’est retrouvé en proie aux bombardements initiés par la partie adverse, et à un déferlement de pogroms sans précédent dans ce contexte qui n’a été jugulé que par le courage et le don de soi d’Israéliens en mesure de défendre leurs frères ou de se défendre, et par d’innombrables miracles. Les occupants arabo-musulmans, de leurs dirigeants au plus simple civil, sont instamment priés, puisqu’ils n’ont pas fourni la paix, de rendre les terres qu’ils ont obtenues en échange de cette paix. »

Vu le non-respect par les Américains de leur engagement en tant que garants, on peut se demander s’ils n’avaient pas une idée derrière la tête dès le départ, d’autant que ce n’est pas la première fois qu’Israël réduit son étendue territoriale sous l’œil bienveillant dit-on des Américains.

De Carter à Clinton, n’y aurait-il pas eu une intention de pousser Israël à sa perte ?

On sait que Carter s’est singularisé par des déclarations gravement anti-israéliennes pendant les décennies qui ont suivi la signature des accords du renoncement au Sinaï. Aujourd’hui, la mainmise égyptienne sur le Sinaï bloque Israël dans son effort de guerre. Il n’est pas fantaisiste de supposer que si les civils, parents et frères du Hamas quand ils n’en sont pas membres, avaient pu être déplacés jusqu’au Sinaï, la neutralisation de l’arsenal et des infrastructures terrestres et souterraines des suppôts de l’Iran et du Qatar n’eût pas été le casse-tête que nous connaissons, et les véritables innocents dont la captivité est subie dans des conditions indescriptibles auraient pu rentrer chez eux.

Les photos qui documentent la signature de la « paix » avec l’Égypte sont criantes. Il suffit de faire un petit peu attention aux expressions des protagonistes. Elles montrent un Carter et un Sadat hilares qui se lancent un regard complice, comme pour dire : « On l’a bien eu », tandis que Begin a l’air de se demander à quel moment il s’est laissé avoir.

L’engagement américain dans les deux grandes démarches de retraits territoriaux d’Israël résulterait-il d’une erreur de conception de la paix ?

L’antipathie ressentie par l’Occident à l’égard d’Israël est très ancienne. Or, si elle est profondément ancrée dans un culte qui voit dans ses propres adeptes les héritiers d’une nation déchue et remplacée, il est malaisé d’expliquer la persistance de cette antipathie plus de cent ans après le divorce notamment consommé entre la France et l’Église, qui devient État laïc légalement en 1905.

Cette persistance peut se comprendre de deux façons.

– Soit c’est une rancune tenace dont la raison n’est plus, sentiment rémanent d’une ancienne motivation cultuelle qui continue bien après la laïcisation, telle la persistance rétinienne ;

– soit c’est une haine beaucoup plus ancienne antérieure aux débuts de catholicisme. Esaü qui cherche à tuer Jacob est traditionnellement le père de l’Occident. Cette religion que la présence judaïque dérange lui va donc comme un gant ; de même que les Arabo-musulmans affiliés à Ismaël posent problème antérieurement à l’avènement de l’islam, leur religion agissant comme un justificatif anachronique de la haine contre Israël.

Les déboires futurs causés à Israël par ces religions impérialistes et expansionnistes sont anticipés non seulement à l’époque de la Michna mais des Premiers Prophètes. De sérieux problèmes seront posés par les fils d’Ismaël à la fin des temps1, que marque le commencement de la rédemption d’Israël avec son retour de l’exil en ses frontières. Dans les Psaumes, une prière d’apparence intemporelle est adressée à l’Éternel, quand, au verset 7 du chapitre LXXXIII (83), le psalmiste lui demande de ne pas garder le silence face aux « tentes d’Edom et aux Ismaélites ».

Or Edom, c’est Esaü (Genèse XXXVI, 8). On notera bien que cette menace est prononcée plusieurs siècles avant l’avènement des deux religions qui les motiveront plus tard.

Le procès de la Haye

Il n’en demeure pas moins que l’Occident, qui se considère comme le summum du raffinement de l’espèce humaine et de la civilisation, vit depuis quatre-vingts ans un terrible malaise. À la libération des camps de la mort, il a été stupéfait par son manque total d’humanité. Pourtant, les contemporains de la seconde Guerre mondiale n’ont pas tous été partie prenante à l’arrestation et l’extermination des Juifs. Beaucoup purent arguer qu’ils n’en prirent connaissance qu’après la fin de la guerre. A fortiori, tous ceux qui n’étaient que de très jeunes enfants ou venus au monde après 1945 pourraient arguer qu’ils n’étaient pas nés et qu’il ne serait pas équitable de les châtier pour les méfaits de leurs pères. « Les fils ne seront pas mis à mort pour les pères » (voir Deutéronome XXIV, 16). C’est en effet ce que préconise le texte biblique lorsque les fils réprouvent les fautes de leurs pères.

Mais le malaise est civilisationnel.

L’Occidental (surtout l’Allemand et le Français), s’inscrit dans cette civilisation qui a perpétré le génocide juif, ce qui est d’autant plus insupportable moralement que jamais les Juifs ne s’étaient montrés belliqueux ou dangereux à leur égard. Bien au contraire, partout ils ont participé au développement, au progrès ou tout au moins à la bonne marche de la société.

Pendant quatre-vingts ans, on s’est interrogés : « Mais comment avons-nous pu faire – ou laisser faire – une chose pareille ? » Il s’est ensuivi un profond sentiment de culpabilité, de remords, donc de malaise qui accable l’ensemble des nations occidentales, mais surtout qui remet en question le bien-fondé de l’existence de cette civilisation.

Il est toutefois possible de sortir de cette impasse qui empêche de se regarder dans la glace, se dit-on. Notre civilisation fut inhumaine, mais elle ne l’est plus. Désormais, non seulement nous n’agresserons plus les Juifs, mais nous les défendrons. Quoi qu’il en soit, nous prendrons parti pour eux et fustigerons leurs détracteurs, car toute accusation verbale attise la haine et nous avons vu à quoi ça peut conduire.

Effectivement, les nations libres ont voté pour la proposition du 29 novembre 47, et elles ont entériné la proclamation de l’indépendance retrouvée d’Israël.

Mais le sentiment de repentir constructif s’estompe avec le temps.

Il aura duré au moins trois ans de 1945 à 1948, et la commisération ressentie à l’égard des Juifs dans leur pays d’Israël presqu’une vingtaine d’années. Mais déjà, à la veille de la guerre baptisée plus tard et après coup des Six jours, sous la menace de Nasser et du monde arabe, l’Occident n’a pas semblé vouloir se porter au secours de ses anciennes victimes.

« Que les Juifs se fassent massacrer, on les pleurerait après », disait le regretté Élie Wiesel dans le Mendiant de Jérusalem.

Il existe néanmoins un moyen plus virulent de sortir du remords civilisationnel, le seul peut-être de se débarrasser de ce sentiment oppressant jusqu’à la démence. « C’est trop facile. Les Juifs étaient en position de faiblesse.

Mais ils ne valent pas forcément mieux que nous, se dit l’Occidental dans son effort de déculpabilisation, parce que qu’est-ce qu’ils auraient fait si ça avait été eux qui avaient été en position de force ? »

Du coup, la seule façon de sauver moralement l’Occident, c’est de « prouver » que le Juif ne serait pas moins génocidaire que l’autre. On fait d’une pierre deux coups : premièrement, les humains ont tous globalement les mêmes défauts, y compris les pires, donc le coupable, ce n’est plus le facteur humain mais les circonstances, et, secondement, on peut se dédouaner en se disant que quelque part les Juifs l’ont mérité. L’Occident, par anticipation, n’aurait donc fait que s’attaquer à un fléau. Pour un peu, il se reprocherait presque de ne pas en être venu à bout.

Le 7 octobre n’a fait que différer, ou suspendre momentanément ce travail de déculpabilisation.

Au pied du mur, l’Occident se trouve contraint de condamner le Hamas, mais cette reconnaissance des réalités sera de courte durée.

La compassion vis-à-vis d’Israël est proportionnelle à la durée de la Shoah qu’il a subie : elle dure trois ans si c’est la Guerre mondiale, trois mois si l’occupant arabo-musulman ne s’en est offert qu’une journée.

Le procès intenté par l’Occident et initié par l’Afrique du Sud (peut-être corrompue à l’instar des députés européens qui vantaient l’islam et ses supposés bienfaits en échange de valises de billets offerts par le Qatar2), est gravissime pour l’Occident non pas en fonction de son issue mais du simple fait que la question de la culpabilité de la victime ait pu être posée.

Que l’on ne nous trompe pas en prétendant que ce tribunal ne s’occupe que d’États, car ils auraient pu par mesure d’exception face à l’urgence faire le procès du Hamas, et par la même occasion du Hezbollah qui lance des missiles antichars sur des civils dans leurs appartements, de l’Iran et du Qatar pour leur aide et la logistique fournie, ou répondre que la plainte n’est pas recevable puisqu’elle oppose un État à une organisation terroriste.

Ce que révèle la turpitude manifeste de ce tribunal, c’est que la véritable question n’est pas ou plus : « Comment on a pu faire/laisser faire ça ? » mais comment on aurait réagi si, non pas les Américains mais les Juifs, par un concours de circonstances adéquat (puissance d’Israël avant l’heure, commandos de choc, autre…) avaient bombardé l’Allemagne jusqu’à sa reddition. La réponse est donnée aujourd’hui : on aurait fait pression sur les Juifs pour les empêcher de continuer jusqu’à ce que les nazis soient totalement défaits. C’est ce qui se passe quand l’Occident, Américains en tête, exige que le serpent ou plutôt l’hydre du Hamas ne soit pas anéantie et puisse à l’avenir faire pousser d’autres têtes.

Il n’empêche… L’ironie de l’histoire c’est que pour se repentir de l’énorme manquement au devoir d’hospitalité envers les Juifs qui, précisément parce qu’ils sont considérés comme des étrangers, auraient dû bénéficier de la clémence de leurs hôtes européens, l’Occident montre une mansuétude démesurée envers un autre facteur qui lui est étranger. L’invasion arabo-musulmane est pourtant un facteur aggravant dans l’insécurité voire l’impossibilité pour le Juif de continuer à vivre en Occident.

La morale chrétienne, qui n’a pas fonctionné en 39/45, est exploitée à drôle d’escient aujourd’hui. L’Européen se fait empoisonner la vie et ses fêtes du nouvel an sont devenues un cauchemar, mais cette fois il se force à rendre le bien pour le mal. Les attaques de policiers et des civils sont relativisées, des pouvoirs se réjouissent du nombre de voitures incendiées car ça aurait pu être pire. Cette morale curieuse fait abstraction d’un principe de base mathématique enseigné aux jeunes classes : plus par moins ça fait moins. Être bon envers le mal, le renforcer, n’aura pour résultat qu’un mal encore plus grand.

Que les Occidentaux se consolent. Au lieu de chercher si, à leur place, les Juifs auraient été pires, en leur inventant des génocides imaginaires, en versant à la Haye des larmes de crocodile pour le Hamas, qu’ils réfléchissent une seconde sur l’attitude filmée des assaillants tombés sur les localités juives du pourtour de Gaza le 7 octobre. Leur propre attitude est bien plus humaine que celle des membres et amis du Hamas. Pendant la rafle du Vél d’Hiv, ils ne se sont pas joints à la curée. Ils ont fermé les yeux ou, en cas de complicité, ils n’ont pas jubilé en profitant de l’aubaine pour faire leur propre marché aux esclaves dans les sens les plus ignobles de ce que ce concept peut signifier. YS

Yéochoua Sultan, MABATIM.INFO


1 Zohar, section Vaéra, page 32.

2 Eva Kaili, déc. 2022, vice-présidente du Parlement Européen, prise la main dans les valises corruptrices du Qatar.


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Un commentaire

  1. le rôle de nos «  alliés « chrétiens prend chaque jour un tour plus ambigu .je ne sais pas si les autorités israéliennes prennent cela au sérieux mais il devient très clair que certains dans le monde occidental ne sont pas de vrais amis même s ils n osent pas se présenter en «  ennemi «  les attitudes de l administration Biden de la France ou de nombreuses organisations inféodées a l occident posent un vrai problème au développement et a la survie du peuple juif

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