Comment Washington veut sauver le soldat Hamas

par Yves Mamou

[3 mai 2024]

Les États-Unis ne voulaient pas d’un embrasement au Moyen-Orient, et surtout, ils ne voulaient pas être entraînés dans une guerre aux côtés d’Israël. Résultat,la guerre ne s’est pas élargie au Moyen-Orient, mais elle a débordé sur le territoire américain lui-même.

Rappelons-nous l’immédiat après 7 octobre. Peu après que le Hamas a perpétré une ignoble agression contre la population civile du sud d’Israël (1200 assassinats, 230 otages), l’État hébreu a mobilisé et envahi Gaza. La question qui se posait alors était la suivante : le Hezbollah, les Houthis, et toutes les milices pro-iraniennes en Syrie et en Irak allaient-elles se porter au secours du Hamas ? Autrement dit, le Moyen-Orient allait-il s’embraser ?

Et cet embrasement potentiel allait-il obliger les États-Unis à intervenir – après l’Ukraine – dans une nouvelle guerre ?
À un an des élections présidentielles américaines, pas question !

Pour dissuader l’Iran ou toute autre milice de l’« axe de la résistance » de se porter au secours du Hamas, les États-Unis ont dépêché deux porte-avions en Méditerranée. En déplaçant ces deux systèmes d’armes (chaque porte-avions est assisté de plusieurs destroyers, de plusieurs sous-marins, un porte-hélicoptère…), les États-Unis entendaient afficher leur solidarité avec Israël, mais aussi informer l’Iran et le Hezbollah des risques qu’ils encourraient à ouvrir un front contre Israël.

« À tout pays, à toute organisation, à tous ceux qui envisagent de profiter de la situation, je n’ai qu’un mot dire : ne le faites pas », a prévenu Biden.

Ce « Don’t do that » – ne le faites pas – a été énoncé le 9 octobre, puis répété encore, le 18 octobre, par Joe Biden dans un discours prononcé à Tel-Aviv. Ni la première fois, ni la seconde fois, l’Iran ou le Hezbollah n’ont été nommés.

Ce double avertissement et les deux porte-avions ont été interprétés à l’époque comme une authentique démonstration d’amitié envers Israël.

En réalité, il s’agissait d’empêcher un élargissement du conflit.

Le Moyen-Orient ne s’est pas « embrasé », mais l’Iran a allumé un foyer en mer Rouge.

Les milices Houthis soutenues par l’Iran, qui contrôlent des pans entiers du Yémen, ont fait irruption sur la scène militaire gazaouie. Dès le 19 novembre, des commandos houthis ont atterri en hélicoptère sur le cargo Galaxy Leader alors qu’il traversait le sud de la mer Rouge. Ils s’en sont emparés et l’ont redirigé vers le port de Hodeida au Yémen. L’équipage est toujours détenu. Entre le 19 novembre et le début du mois de février 2024, pas moins de 43 autres navires ont été attaqués dans la région, dont 21 ont subi des frappes directes de missiles ou de drones. Ces attaques ont entraîné la mort d’au moins trois marins et le naufrage d’un vraquier. Ils ont également provoqué d’importantes perturbations du commerce mondial, dont environ 12 % transitent par la mer Rouge.

Aujourd’hui, les Houthis menacent toujours les navires qui transitent en mer Rouge, mais ils avertissent qu’ils pourraient s’en prendre aux câbles sous-marins par lesquels les télécommunications et l’Internet transitent. Deux milliards de personnes en Asie et en Europe pourraient en être affectées.

Les Houthis ne s’en cachent pas : leurs actions ont strictement à voir avec Israël et le Hamas.

En d’autres termes, il s’agit de faire pression sur les États-Unis pour qu’ils tiennent Israël en laisse et que le Hamas survive à l’opération.

C’est le territoire américain lui-même qui s’embrase

Washington a bien tenté de faire passer le message à Jérusalem qu’un cessez-le-feu à Gaza serait le bienvenu. Mais sans succès. Du coup, un autre front s’est ouvert, directement aux États-Unis cette fois. Les universités américaines se sont embrasées.

Les manifestations pro-Hamas ont commencé sur les campus universitaires dans les jours qui ont suivi l’attaque du Hamas sur Israël le 7 octobre.

À l’Université Brown, des manifestations contre la réponse d’Israël à l’attaque du Hamas du 7 octobre ont éclaté presque immédiatement. La police a arrêté 61 personnes lors de deux manifestations l’automne dernier. Des manifestations similaires ont eu lieu simultanément dans d’autres collèges.

Avec l’arrivée du printemps, l’activisme estudiantin s’est intensifié, et les étudiants ont employé des tactiques de plus en plus agressives. La police de la ville de New York a déclaré avoir arrêté des centaines de manifestants cette semaine à l’université de Columbia, au City College de New York et à l’université Fordham. La police a réagi lundi 1ᵉʳ avril pour réprimer les manifestations dans plusieurs écoles. Environ 90 manifestants du Dartmouth College ont été arrêtés. L’Université de l’Arizona a déclaré que quatre personnes, dont deux non-affiliées à l’école, avaient été arrêtées. L’Université Tulane de La Nouvelle-Orléans a déclaré que 14 manifestants avaient été arrêtés. L’Université du Wisconsin-Madison a déclaré que 34 personnes avaient été arrêtées.

Ces manifestations n’ont rien de fortuit ni de spontané.

Elles sont un moyen de pression de l’Iran et des Frères Musulmans, organisation à laquelle le Hamas est affilié, sur le gouvernement américain. Ce sont les étudiants étrangers, notamment en provenance des pays musulmans, qui composent le gros des manifestants. Certaines universités ont accusé des étrangers d’être venus dans les écoles pour intensifier les protestations. Le maire de la ville de New York, Eric Adams, a déclaré jeudi matin sur NPR que plus de 40 % des manifestants à Columbia et au City College n’étaient pas étudiants.

Michael Oren, ancien ambassadeur d’Israël, affirme que

« ces manifestations sont orchestrées et financées de l’extérieur. Ce ne sont pas des manifestations spontanées ».

Le New York Post accuse George Soros, financier d’extrême gauche, de financer l’agitation sur les campus.

Le New York Times a repris une étude de NewsGuard, spécialiste de la désinformation, qui affirme

« qu’au cours des deux dernières semaines seulement,les médias d’État en Russie, en Chine et en Iran ont publié près de 400 articles en anglais sur les manifestations. Ces pays ont également déclenché une vague de contenu via des comptes ou des robots non authentiques sur des plateformes de médias sociaux comme X et Telegram ou des sites Web créés, dans le cas de la Russie, pour imiter les agences de presse occidentales ».

Washington veut sauver le soldat Hamas

Joe Biden qui ne voulait pas voir le feu s’étendre au Moyen-Orient le regarde s’étendre sur le sol américain.

Mais au lieu de faire pression sur les pétroleurs iraniens, il leur donne raison et déploie tous ses moyens de pression contre Israël pour sauver le soldat Hamas.

Et pour faire passer le message, les États-Unis pourraient encourager la Cour pénale internationale à agir contre Benjamin Netanyahou, transformé en criminel de guerre.

Le journal d’extrême gauche Haaretz qui soutient Joe Biden contre Netanyahou, s’est félicité voilà deux jours que Washington ait enfin trouvé un moyen de pression sur le Premier ministre israélien.

La conséquence de cette immense pagaille est que les États-Unis, par refus affiché de faire la guerre au Moyen-Orient, se sont mis à la merci de l’Iran. Et se retournent contre le maillon récalcitrant, Israël.

Pire, ils n’en paraissent pas mécontents. YM

© Yves Mamou, Dreuz.info


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Un commentaire

  1. Nous payons notre aveuglement inconditionnel à l’égard des États Unis, notre soumission politique, économique et militaire aux US. Et au lieu de s’en dégager pour une politique d’alliance et de commerce tous azimuts nous demandons encore plus d’USA. Le mythe du grand blond libérateur, baraqué qui mâche son chewing-gum nonchalamment a encore de beaux jours devant lui, à notre détriment. Quand comprendrons nous que l’impérialisme est notre plus grand ennemi, et ça date pas d’aujourd’hui: l’Egypte, la Grèce, Rome… et maintenant les USA.

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