Europe : Comment lui faire économiser 85 millions par an

par Liliane Messika
[10 mars 2025]

Il est un organisme dont tout le monde connaît l’acronyme, mais dont le fonctionnement est mal connu des anonymes qui le financent.

Mille-feuille bureaucratique, une spécialité pâtissière européenne

Avez-vous déjà goûté à la Cour européenne des Droits de l’Homme, CEDH pour les non-intimes, qui est financée par le budget global du Conseil de l’Europe ?

Ce Conseil ne doit pas être confondu avec la Commission européenne, le Conseil de l’UE ou le Conseil des ministres de l’Europe.

Certes, ça a la couleur de l’Europe, le goût de l’Europe… mais ce n’a rien à voir avec l’Union européenne.

Cette dénomination semeuse de confusion surprend d’autant plus, venant d’organismes assez jaloux de leurs prérogatives, qui passent un temps certain à légiférer sur les appellations de produits afin de favoriser la concurrence et de défavoriser le consommateur.

Cela n’a pas le goût, mais ça a l’arrière-goût de l’Europe : le budget global du Conseil de l’Europe doit être examiné et approuvé par le Conseil des ministres de l’Europe : pour une fois, le conseilleur est aussi le payeur, à travers les contributions de ses quarante-six États membres, fixées en fonction de la population et du produit national brut.

Calcul mental pour les nuls

L’UE compte 27 membres. D’où sortent les 46 membres du Conseil de l’Europe ?

Le CDE pratique la politique de DEI : diversité, équité, inclusion.

– L’un de ses membres additionnels à l’UE est célèbre pour en avoir brexité (Grande-Bretagne),

– un certain nombre concerne des paradis fiscaux (Monaco, Andorre, Liechtenstein, Suisse, Saint Marin…),

– certains sont des démocraties pleines (Norvège, Suisse…),

– d’autres des « démocraties imparfaites », (Macédoine du nord, Monténégro, Serbie), comme l’est notre pays (qui finance les deux râteliers),

– les derniers sont des « régimes hybrides », euphémisme politiquement correct pour « dictatures soft » (Turquie et Ukraine)1.

« Pour adhérer au Conseil de l’Europe, un État doit être démocratique et respecter les droits de l’Homme. Au XXᵉ siècle, le Portugal salazariste et l’Espagne franquiste n’ont ainsi pas pu en être membres, tandis que la Grèce a dû s’en retirer entre 1969 et 1974, pendant la dictature des colonels.2 »

Pourquoi, alors, la Turquie et l’Ukraine, qui sont des « régimes hybrides » ayant une majorité de points communs avec la dictature et peu à voir avec la démocratie, n’en ont-elles pas été exclues, comme l’a été la Russie après avoir envahi l’Ukraine3 ?

C’est une bonne question, vous avez bien fait de la poser.

Vous n’avez peut-être pas goûté, mais cela vous a coûté !

La CEDH est aux Droits de l’Homme ce que la Commission européenne est aux agriculteurs, un « arbitre » soumis au chacun-pour-moi des États-membres et à la carotte des lobbyistes :

50 000 qui travaillent à Bruxelles pour plus de 12 000 organisations inscrites, si l’on en croit les données du registre de transparence de l’Union européenne4.

Pour le dire autrement, au fond du flacon, il y a l’ivresse qui permet d’oublier qu’on favorise l’Autre au détriment de son contribuable. Ce n’est pas une blague :

La CEDH a réellement pour mission de s’opposer aux décisions prises par les juridictions des États-membres, au bénéfice des individus qui les contestent.

Vous votiez ? La CEDH en est fort aise. Eh bien payez, maintenant !

La journée de la Femme 2025 a vu deux députées françaises proposer une loi pour responsabiliser l’État vis-à-vis des victimes de viols perpétrés par des individus sous OQTF.

D’une part, ont-elles rappelé,

– 77 % des viols commis à Paris en 2023 l’ont été par des clandestins en situation irrégulière

– et d’autre part, moins de 10 % des OQTF prononcées sont exécutées5.

Pour ceux qui ont besoin des points sur le « i » de chiffres, cela fait 90 % d’obligations de quitter la France qui comptent pour du Beurre.

Même quand l’étranger délictueux a été extradé, il n’a qu’à s’adresser à la CEDH pour être illico réintégré, car de même qu’en France, « l’émotion dépasse les règles juridiques6 », en Europe, le respect de la vie privée des délinquants étrangers passe avant la sécurité des Européens.

Ainsi le 12 novembre 2024, la CEDH a été saisie par un Irakien condamné, en septembre 2022 au Danemark, à une expulsion temporaire de six ans pour trafic de stupéfiants. Le plaignant jugeait son expulsion disproportionnée et la CEDH lui a donné raison :

« Après l’expiration de l’interdiction de réadmission, la perspective d’entrer au Danemark pour le requérant, appartenant au groupe de visa 5 (ressortissants d’Afghanistan, d’Érythrée, d’Irak, du Pakistan, de Russie, de Somalie ou de Syrie) sans conjoint ou partenaire, était purement théorique et non réaliste – l’interdiction de retour de six ans équivaudrait de facto à une interdiction de retour permanente dans le cas présent.7 »

Il était manifestement plus important, pour les juges, que le jeune entrepreneur puisse revenir tenir son rang dans le commerce danois, une fois sa peine exécutée, plutôt que de protéger les jeunes citoyens d’un accès facilité à la drogue par son intermédiaire.

Faire revenir les expulsés ne suffit pas, il faut empêcher de les refuser !

C’est aussi la CEDH qui interdit de vérifier la pertinence des critères autorisant l’immigration de certains demandeurs. En témoigne une Guinéenne arrivée en Belgique en 2019 comme « mineure non accompagnée », dont la date limite de minorité semblait largement périmée. L’agent renifleur chargé de son entretien au Service de l’Immigration avait du flair, car bien que la jeune femme ait affiché 16 ans et produit un document confirmant sa déclaration, on lui avait fait subir un test osseux : radiographie de la main, du poignet et de la clavicule plus un scanner des dents. Aucun de ces examens n’est douloureux. Ce qui lui a fait mal, c’est qu’ils ont apporté la preuve qu’elle était largement majeure et qu’elle ne relevait donc pas d’une prise en charge par le Service des tutelles.

Mais tout n’était pas perdu : la CEDH est l’idéologie qui dépasse les règles juridiques. Sollicitée par la majeure dépitée,

la Cour a rappelé que le test médical « ne peut être réalisé sans le consentement de la personne concernée » et que ce consentement doit être « donné expressément ».

De plus, montrant qu’elle était aussi étrangère au bon sens qu’à la biologie humaine, la Cour a statué qu’une radio du poignet était un acte au « caractère invasif », dont l’utilisation devait être réduite aux cas où « les autres moyens permettant de lever le doute sur l’âge de la personne n’ont pas abouti »8. Quels autres moyens ? La déclaration de l’intéressée ? La lecture de son horoscope ? L’âge du capitaine du navire trafiquant d’humains ?

En l’absence de précision, la CEDH a condamné la Belgique pour violation du « droit au respect de la vie privée et familiale » (art. 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme), à verser 5 000 euros à la plaignante pour compenser son préjudice moral.

De deux choses l’une et 85 millions d’économie dans tous les cas

Puisque la mission de cette instance payée par les États est de garantir qu’ils seront condamnés à verser des compensations aux individus qui les assignent devant elle, de deux choses l’une :

– soit on peut décider de verser les compensations sans passer par la case CEDH,

– soit on peut décider que les États démocratiques sont assez grands pour prendre les décisions qui les engagent, en fonction des lois votées par leurs parlements. Ce sont ces lois qui doivent s’imposer aux arbitres auto-proclamés. Pas l’inverse !

Dans les deux cas, une petite économie de 85 millions par an, de celles qui font les grandes rivières ! LM

Liliane Messika, MABATIM.INFO


1 The Economist Intelligence Unit (EIU) « mesure » l’état de la démocratie dans le monde et dresse un classement des pays en fonction de cinq critères qui classe les pays dans plusieurs catégories allant d’une « démocratie » à un « régime autoritaire », en fonction du score obtenu… Le nombre de pays considérés comme des démocraties « à part entière » ou des démocraties « imparfaites » est passé de 74 à 71 au cours de 2024. 96 pays ont plutôt des régimes autoritaires ou « hybrides », ces derniers ne présentant qu’un nombre restreint de caractéristiques propres aux démocraties. En 10 ans, le pourcentage de la population globale vivant dans un pays démocratique a chuté de 48 % à 45 %. http://www.eiu.com/n/campaigns/democracy-index-2024/

2 www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/qu-est-ce-que-le-conseil-de-l-europe/

3 La Turquie a envahi la moitié de Chypre en 1974 et ne s’en est jamais retirée.

4 https://fr.statista.com/infographie/17840/entreprises-qui-depensent-le-plus-en-lobbying-aupres-de-l-ue

5 https://x.com/C_Dintorni/status/1898319854148485416

6 www.lefigaro.fr/politique/castaner-ne-sanctionnera-pas-les-manifestations-contre-le-racisme-l-emotion-depasse-les-regles-juridiques-20200609

7 https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php?lvl=notice_display&id=52532

8 www.msn.com/fr-fr/actualite/france/immigration-la-cedh-condamne-la-belgique-pour-ses-tests-osseux-sur-les-mineurs-%C3 %A9trangers/ar-AA1ArvZB


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2 commentaires

  1. Je doute fort que l’on puisse encore qualifier la France de démocratie, même très imparfaite…

    Elle correspond désormais au type de régime caractérisant aujourd’hui l’Algérie, la Turquie, le Qatar…Ou en des Temps plus anciens l’Italie mussolinienne et le régime de Vichy.

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  2. Merci madame Messika, pour cet exposé magistral sur la déréliction de notre pauvre Europe…

    Je m’en vais le diffuser largement, il sera fort utile a tous ceux qui n’entravent que couic aux subtilités de l’UE et de ses ramification débilitantes.

    C’est toujours un grand plaisir de vous lire, merci encore et bravo de nous instruire aussi subtilement !

    Christine Bouchara

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