État palestinien : la tribu, pierre angulaire de la solution ?

Par Mordekhaï Kedar

Compte tenu du « jour d’après » la guerre en cours, il nous a semblé intéressant de rappeler l’approche que le Dr Kedar avait déjà développée en … 2016. Sera-t-elle une option dans un avenir plus ou moins proche ?

Dans un article de juillet 2016, le docteur Mordekhaï Keidar,l’un des orientalistes les plus connus en Israël, dans les pays arabes et aux États-Unis, professeur à l’université Bar-Ilan de Tel-Aviv et aussi chercheur à l’institut d’études stratégiques Begin-Sadat de la même université, propose une approche inattendue du conflit.

Selon lui, les problèmes du Moyen-Orient, ne peuvent trouver de solution à l’aide des concepts européens ou occidentaux

La solution du Dr. Moti Kedar :
sept émirats villes-état en Judée-Samarie !

La solution, typiquement moyen-orientale, se résume à la création d’émirats villes-État à Naplouse, Hébron, Ramallah, et autres villes.

Chaque émirat serait autonome et gouverné par le chef de la tribu du lieu, sans se référer à une « identité palestinienne ».

En effet, le programme proposé pour la résolution du conflit, par l’universitaire israélien, peut paraître bizarre à un esprit occidental. Ce programme s’apparente plus à une feuille de route, esquissant un modèle très général, sans proposer une solution détaillée.

La feuille de route du Dr Mordékhaï Kedar :

1. Dissolution de l’Autorité Palestinienne et création de sept émirats ville-États en Judée Samarie (La rive occidentale) ;

2. La totalité des espaces ruraux entourant ces villes-états seraient sous souveraineté israélienne. Les populations en place dans ces espaces obtiendraient, si elles le désirent, la citoyenneté israélienne.

3. Le problème des réfugiés, crée par les pays arabes, devra être solutionné par ces mêmes pays, et l’UNRWA sera dissoute.

4. Jérusalem est la capitale du peuple juif. Jamais elle n’a été un centre administratif d’un pouvoir islamique quelconque. Il n’y a aucune raison de céder à propos de Jérusalem.

Ce programme date des années 2000

Le conflit est d’ordre religieux et découle des spécificités sociologiques du monde arabe.

Aujourd’hui il existe deux modèles de pays. Ceux qui réussissent et ceux qui échouent :

– CHEZ CEUX QUI ÉCHOUENT, PAS D’IDENTITÉ NATIONALE !

Ceux qui échouent représentent un « conglomérat » de communautés, comme on le voit en Syrie, Irak, Libye, Soudan et autres… Ce sont des pays en décomposition. Dans ces pays les populations ne sont pas loyales envers l’État, mais envers la tribu, l’ethnie et/ou la religion.

La tentative d’imposer une identité nationale au sens moderne, a failli, face à des fidélités tribales antagonistes. On a essayé de créer un cadre national unique, mais celui-ci, artificiel1, se brise sous nos yeux.

Il n’existe pas de peuple syrien, ni peuple irakien, ni peuple libyen…

En Islam il existe uniquement la tribu, à côté de laquelle nous voyons des courants religieux qui ont du mal à coexister dans un cadre politique unique.

Quid d’Israël ?

Le Dr. Kedar soutient qu’il n’y a pas non plus de peuple israélien, car malgré l’existence d’un corpus unique de lois et symboles, deux groupes distincts principaux subsistent : les Juifs et les Arabes. Et évidemment, suivant cette logique, il n’y a pas, non plus, de peuple palestinien.

Les 12 tribus d’Israël

Palestine

A Gaza, la mentalité et la culture, s’apparentent à celles des bédouins. En Judée Samarie les bédouins sont pratiquement absents. Il n’y a que des populations rurales ou populations urbaines. Cette séparation se concrétise principalement dans la rareté de mariages entre « ceux des villes et ceux des campagnes ».

– LES SOCIÉTÉS ARABES QUI RÉUSSISSENT

Quant au modèle des sociétés du monde arabe qui réussit c’est celui des émirats du golfe arabo-persique.

C’est-à-dire : le Qatar, le Koweït et les sept autres Émirats Arabes Unis. Il s’agit là de pays légitimes, stables et pas seulement en raison de revenus pétroliers.

En Irak et Libye il y a du pétrole aussi et pourtant ces pays se délitent. Au Koweït ou à Dubaï le pouvoir est concentré dans les mains d’une seule tribu et ce, depuis longtemps.

Dans les sociétés qui réussissent, le sentiment d’appartenance à la tribu et au pays se confondent, d’où l’absence d’opposition.

Gaza a détruit le rêve d’une Palestine

Israël doit décider, une fois pour toutes, quel modèle de pays arabe, elle voudrait avoir pour voisin.

– Si Israël veut le modèle d’un pays en faillite, dans ce cas, cette création artificielle ne sera basée que sur la haine, car ce sentiment de haine sera l’unique ciment d’unité de ce pays.

– En revanche, si Israël œuvre pour un modèle de pays qui réussit, alors chaque tribu ou groupe de tribus créera une ville-état à l’endroit même où elle vit. Si Israël désire avoir pour voisin un pays stable, celui-ci doit être constitué d’une société homogène, quand bien même, les dimensions d’une telle création seraient modestes.

La « Solution des émirats »

L’évidence de la « Solution des émirats », semble à première vue détachée de la réalité israélienne, mais qui, après un examen approfondi, constitue peut-être, la solution au conflit qui oppose Israël aux Palestiniens.

Le docteur Kedar préconise de constituer sept villes-émirats en Judée Samarie et Gaza. Jéricho, Ramallah, Naplouse, Hébron, Tul-Karem, Kalkilia et Gaza. Il dessine des thèmes généraux tels que par exemples la sécurité, politique de l’eau ou la liberté de mouvement.

Bien sûr, il y a d’autres thèmes mais pour l’instant le professeur se dit « architecte » et non « ingénieur ». Il se contente donc de jalonner le chemin pour atteindre le but souhaité.

La gouvernance de chaque émirat

Chaque émirat constitue une sorte de ville-état. Par exemple, Naplouse et les environs aura son gouvernement, ainsi que son propre système économique. Chaque émirat pourra signer avec Israël des accords qui lui donneront autorité sur la politique locale.

Chaque émirat aura ainsi ses intérêts propres et les Israéliens leur fourniront assistance.

Dans les zones rurales, c’est Israël qui sera en charge. Les passages entre les émirats et Israël s’apparenteront à des postes frontières et les mouvements entre les émirats se feront à l’aide de visas.

Les surfaces rurales sous souveraineté israélienne sont aujourd’hui habitées par seulement 10 % des habitants arabes de la Judée Samarie. Par conséquent ils auront la possibilité d’obtenir la pleine citoyenneté israélienne.
De cette façon Israël libéra 90 % de la population arabe du contrôle israélien.

Si ces émirats veulent créer une sorte de fédération ; libre à eux.

Que fait-on demain matin ?

Premièrement on dissout l’Autorité Palestinienne. La création de cette instance, fut l’action la moins morale vis-à-vis des Arabes de Judée Samarie, qu’Israël a pourtant permis de réaliser. Sa dissolution est d’autant plus indispensable que cette structure est illégitime.

Elle n’a jamais conquis les cœurs, elle n’a pas, non plus, suscité de nouvelle loyauté, dévolue habituellement à une tribu.

Cela fait des années qu’Abou Mazen ne s’était rendu à Hébron. Le président de l’Autorité palestinienne a peur de se rendre sur le terrain, car il n’est pas légitime.

La disparition de l’Autorité Palestinienne créera pour les Cheikhs (chef de clan ou tribu) locaux des opportunités d’assumer des responsabilités politiques. Israël doit établir des relations avec les chefs de tribus pour aider ceux-ci à mettre sur pied un système de gouvernance normale.

Le docteur Kedar dit avoir consulté des personnalités arabes à propos de ce plan. Presque tous l’ont assuré qu’il est logique et cohérent. En tout cas il est plus rationnel que l’existence de l’Autorité Palestinienne.

Que fait-on avec le problème des réfugiés ?

C’est à ceux qui ont crée le problème de le résoudre. Aux pays arabes d’absorber les « réfugiés » qui se trouvent sur leur sol. Les camps sur le territoire de la Judée Samarie deviendront forcément des quartiers de villes-émirats et par la même cesseront d’exister. Le statut de réfugié se perpétue uniquement à cause de l’UNRWA2, laquelle doit être supprimée car c’est elle qui maintient et éternise le problème.

Et Jérusalem ?…

D’après le Dr. Kedar, Jérusalem ne devra pas faire partie des négociations. Les musulmans doivent comprendre une fois pour toutes que c’est la capitale de toujours du peuple juif et du pays d’Israël. Si le problème palestinien est résolu, les Arabes seront plus enclins à accepter les exigences israéliennes.

Conclusion

Dans ce projet il y a énormément de questions qui restent pour l’instant sans réponse.

Le règlement de milliers de détails, demandera des mois, des années de négociations. Il nécessitera de sortir des schémas éculés et incapables d’apporter une solution viable au problème israélo-palestinien.

La réflexion doit en finir avec le mantra
« deux États pour deux peuples »,

…car c’est lui qui a rendu impossible toute volonté et audace à rechercher d’autres chemins que ceux, qui jusqu’à aujourd’hui se sont avérés si tragiquement stériles. MK♦

Mordekhaï Kedar, Makor Rishon


Source : Makor Richon du 08 juillet 2016 (hébreu)
Traduit et adapté pour Mabatim par Édouard Gris,
Article déjà publié par MABATIM.INFO le 30/5/2018


1 Par « artificiel », le Dr. Keidar entend non seulement la notion de « pays » mais également celle de « peuple ».

2 Agence de l’ONU dédiée aux réfugiés palestiniens


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5 commentaires

  1. En fait, l’idée de Kédar, c’est quoi ?
    Très succinctement, il est d’accord sur le principe avec l’extrême gauche israélienne. En fait, il considère qu’elle s’y prend mal :
    «Si vous voulez que votre plan d’usurpation de la terre d’Israël envers ces envahisseurs marche, adressez-vous à leurs représentants légitimes, et évitez de leur imposer des dirigeants qu’ils ne reconnaîtront pas.»
    Il ne cherche en aucun cas à réaffirmer le lien entre la Judée-Samarie et le peuple d’Israël, puisqu’il cherche au contraire à renforcer la présence de l’ennemi.De toute façon, sa doctrine n’est qu’une théorie douteuse. Rabin a succédé à Shamir et donc aux discussions de Madrid car il disait dans sa campagne électorale en 92, tout en reprochant à Shamir d’avoir désigné des interlocuteurs modérés : «Nous réussirons car nous discuterons avec leurs véritables représentants.»
    Kédar n’est pas sorti de la mentalité qui prévalait jusqu’au 6 oct. Il est une variation sur un même thème : trouver ce qui fait défaut pour que les envahisseurs se montrent gentils et conciliants à notre égard : les rendre riches, reconnaître leur véritables chefs, les écouter, et j’en passe et des meilleures.
    D’ailleurs, Catherine Stora a écrit un excellent compte-rendu d’une conférence et d’un entretien qu’elle a eu avec l’intéressé, et elle relève au passage son mépris pour ceux qui trouvent que leur présence est de trop ici.

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