Par Zeev Levy
[10 avril 2025]

Haïm Weizman, 1er président de l’État d’Israël
Actuellement le terme « sionisme » malgré lui est devenu un des termes les plus à la mode, grâce ou plutôt à cause des ennemis jurés de l’État d’Israël et des antisémites qui ne savent que le diaboliser sans savoir ce qu’il représente.
En règle générale, le projet sioniste est conçu, d’une part, historiquement comme l’aspiration vers un État juif indépendant, et ,d’autre part, comme celui qui œuvre continuellement, bien avant la création de l’État d’Israël en 1948 puis jusqu’à nos jours, à inciter les Juifs de la Diaspora à immigrer en Israël.
Le projet sioniste ne peut se réduire à ces deux aspects : immigration et création d’un État, vu sa complexité, qui s’exprime par une diversité de tendances sur ce que ce projet doit présenter. Du point de vue historique, cette variété d’attitudes se manifeste par sept courants qui ont marqué la Diaspora juive mais également ont eu un impact considérable sur la société israélienne jusqu’à maintenant :
- le projet politique ;
- le projet territorialiste ;
- le projet socialiste ;
- le projet spirituel ;
- le projet religieux ;
- le projet révisionniste
- le projet synthétique.
Le mot « sioniste », qui dérive du mot « tsion » doit particulièrement attirer notre attention.
La langue hébraïque étant une langue consonantique (sans voyelles), le mot donne lieu à deux mots homographes qui ont deux lectures différentes, ayant des sens différents, mais qui sont liés sémantiquement.
– La première lecture se prononce tsion, qui désigne Jérusalem et aussi l’État d’Israël,
– la deuxième lecture se dit tsiyoun, qui signifie :
a) un indice, un repère, le chemin à suivre ;
b) une entité qui attire notre attention ;
c) une excellence, une singularité, d’où le mot metsouyane en hébreu ;
d) évaluation et appréciation.
Quel est donc le lien entre tous ces sens d’un même terme ?
a) Notre chemin à suivre, notre repère est Israël ;
b) et cet État doit attirer l’attention de chacun de nous ;
c) cet État est une singularité, une excellence parmi les États ;
d) pour que toutes ces caractéristiques louables soient garanties, elles devront faire l’objet d’une évaluation afin d’éviter toute dérive morale.
Ce qui nous amène à aborder deux notions étroitement liées au sionisme et qui sont employées exclusivement par rapport à Israël : immigration et émigration :
– Immigration se dit en hébreu « Hagira », sauf quand on parle d’Israël, où l’immigration devient « Aliya » (montée).
– L’émigration se dit en hébreu « Hagira mi », qui devient par rapport à Israël « yérida » (une descente).
Les deux notions ainsi rapprochées nous apprennent qu’immigrer en Israël est une action d’élévation spirituelle, alors qu’émigrer du pays est une action de régression spirituelle.
Nous allons étudier brièvement les différents courants liés au projet sioniste, en mettant en relief pour chaque courant sa particularité essentielle, car pour mener une étude exhaustive, il faudrait y consacrer un ouvrage très volumineux. Sachant qu’avant la création de l’organisation sioniste comme un appareil officiel représentatif du peuple juif, il a toujours existé un attachement fort du peuple juif à la Terre de ses ancêtres. Cet attachement voit son point culminant avec une mise en œuvre concrète par le premier sioniste Yehoudah Halévi : rabbin et philosophe d’une grande renommée, il quitte l’Espagne et sa famille en 1140, pour se rendre en terre d’Israël. Car pour lui, cette terre est dotée d’une sainteté d’une singularité incomparable, le seul endroit sur lequel la prophétie peut se concrétiser.
N’oublions pas les « Amants de Sion », influencés par les idées de Moses Hess, qui ont organisé en 1884 leur premier congrès à Katowice, en vue d’organiser des immigrations en terre d’Israël dans le but de créer des colonies agricoles par l’acquisition des terres abandonnées et non cultivées, avec l’aide financière de philanthropes juifs.
1. Le projet politique
Ce projet est celui de Theodor Herzl, fondateur de l’Organisation Sioniste, qui a tenu son premier congrès du 29 au 31 août 1897 à Bâle, au cours duquel Herzl a exposé son projet pour la création d’un État juif.
Ce projet est motivé par deux événements extraordinaires :
– c’est la première fois dans l’histoire du judaïsme que l’aspiration religieuse et spirituelle du retour sur la terre d’Israël se voit octroyer un cadre politique. Herzl a œuvré auprès des grands de ce monde pour une reconnaissance politique qui relève du droit international, le droit du peuple juif de fonder un État indépendant.
– Le deuxième répond au « pourquoi ? » Pourquoi en effet faut-il absolument créer un État, un foyer national pour les Juifs. Herzl a été bouleversé par l’affaire Dreyfus en France (1894) et le déchaînement de la haine anti-juive que cette affaire a suscitée, mais aussi par les pogroms meurtriers contre les communautés juives en Russie. Mais ce qui a fait comprendre à Herzl que la solution aux persécutions contre les Juifs était d’avoir son propre État est d’une actualité flagrante. Quelle que soit la tentative des Juifs de s’intégrer dans la société dans laquelle ils vivent en contribuant au développement socio-culturel, économique et scientifique de la société, elle est vouée à l’échec, car l’antisémitisme souvent féroce, dont les Juifs sont victimes, ne considérera jamais un Juif comme n’importe quel autre citoyen. Il sera toujours désigné comme un étranger dont la présence n’est pas la bienvenue. Cette réalité vécue par Herzl ne vaut pas hélas que pour le passé, n’est-ce pas ?
Pour Herzl le visionnaire, qui était profondément convaincu que l’État juif verrait le jour, cet État serait l’incarnation de la modernité culturellement, technologiquement, scientifiquement et socialement, et en particulier une égalité absolue entre les hommes et les femmes. En revanche, Herzl n’a pas cru que la langue hébraïque serait la langue officielle du pays, car il disait qu’une langue qui n’a pas les mots pour dire un billet de train, ne peut constituer un moyen de communication pour des échanges quotidiens.
2. Le projet territorial
Partisan de ce projet, Max Nordau, cofondateur de l’Organisation sioniste mondiale. Face à l’urgence imminente de fonder un État et face à l’hostilité du monde arabe et d’autres pays d’une fondation d’un État juif en Palestine (ottomane),
Nordau a soutenu la thèse selon laquelle, il ne faudrait pas nécessairement fonder cet État sur la terre d’Israël ; toute autre région pourrait faire l’affaire.
Avec le soutien des Britanniques, le célèbre projet « Ouganda » a vu le jour, pour accueillir des Juifs et développer la colonie britannique du Kenya en Afrique. Ce projet fortement désapprouvé par la majorité des membres du Congrès sioniste de 1903, a finalement été rejeté.
Le foyer national ne sera envisageable que sur la terre d’Israël.
Pour Nordau, la création d’un État était indispensable, car même si on accordait aux Juifs des droits, il s’agissait d’une mise en scène octroyant à l’Occident une bonne conscience et l’image d’un certain humanisme, alors qu’au fond on ferait toujours sentir aux Juifs qu’ils sont les mal aimés n’ayant pas sa place parmi les autres.
3. Le projet socialiste
Projet incarné par deux personnages emblématiques Behar Dov-Ber Borochov et David Gordon pour qui le nouvel État juif serait caractérisé par une société prolétarienne sans classes et sans bien privé.
Ce projet a fortement inspiré les deux mouvements Poalei Sion (les travailleurs de Sion) et le Hapoel Hatsayia (le jeune travailleur) qui par la suite ont créé les kibboutzim qui pendant des années symbolisaient une société égalitaire, idéaliste, fondée sur un principe singulier : la régénération par le travail. Les Juifs de la diaspora, qui étaient plutôt des commerçants ou employés dans le secteur tertiaire devraient, une fois arrivés en terre d’Israël, s’adapter au travail de la terre.
4. Le projet spirituel
Le projet spirituel se voulait distinguer du projet politique en ayant comme fondateurs Hirch Guiznberg connu sous le nom de Ahad Ha’Am (l’homme du peuple) qui parlait d’un
« foyer spirituel » plutôt que d’un « foyer national ».
Pour lui, l’immigration vers Israël doit se faire progressivement, car la société juive en Erets Israël ne peut pas absorber et intégrer des vagues trop importantes d’immigration. La société juive en Eretz Israël doit constituer un centre d’illumination spirituelle et de rayonnement culturel pour la diaspora juive mais également pour le monde entier. Ahad Ha’Am fut l’un des fondateurs de l’école scientifique mondialement connue le Techniyon à Haïfa, fondée en 1912.
Cette époque est marquée par une véritable agitation sociale et culturelle connue sous le nom « la guerre des langues » :
Une grande partie des fondateurs du Technyon et des enseignants dans un nombre des écoles ont d’abord opté pour l’anglais ou l’allemand, comme les langues avec lesquelles l’enseignement sera délivré,
… contrairement aux défenseurs de la langue hébraïque dont faisaient partie Ahad Ha’Am, mais aussi Eliézer Ben Yehoudah, celui qui a ressuscité la langue hébraïque moderne.
Pour ces défenseurs de l’hébreu, c’est l’hébreu qui devait être la langue de tout enseignement et qui sera la langue officielle du futur État juif.
Finalement les partisans de l’Hébreu ont eu gain de cause, car, comme le disait Eliézer Ben Yehoudah :
une nation repose sur trois constituants essentiels : une terre, une culture et une langue.
5. Le projet religieux
Pour le mouvement religieux, les conditions principales pour rester au sein de l’organisation sioniste étaient de deux ordres :
– l’État juif ne pourra être créé que sur la terre de nos ancêtres ;
– cet État conservera les valeurs fondamentales du judaïsme.
Un des personnages les plus énigmatiques de ce projet fut le Grand Rabbin ashkénaze en terre d’Israël, Arav Kook, sous le mandat britannique. Arav Kook a conçu le projet religieux sous deux angles, dont la vision est d’une profondeur et d’une singularité inégalable :
– Le premier consistait à dire que le retour des Juifs en terre d’Israël engendrera un changement géopolitique et géo-spirituel pour le peuple juif, mais – soyez attentifs – également pour toutes les nations du monde, car l’unité d’Israël garantira l’unité de toutes les nations. Il s’agit d’une relation interactionnelle (réciproque) ; le bien-être des Juifs en Israël assurera celui de toutes les nations. Certains d’entre vous verront dans cette démarche idéaliste de l’histoire une utopie ou une position surréaliste. Jusqu’à preuve du contraire, comment peut-on douter de cette vision ? Puisqu’Israël connaît, depuis sa création, des évènements tragiques qui s’enchaînent et le monde n’a jamais été aussi mal qu’il est aujourd’hui.
– Le deuxième angle touche profondément la société israélienne, la relation conflictuelle parfois même épouvantable entre l’orthodoxie religieuse et les laics.
Arav Kook a toujours insisté sur la nécessité de trouver un compromis entre les deux camps et l’instauration d’un savoir-vivre entre les deux communautés.
À son époque, les orthodoxes juifs regardaient d’un mauvais œil ces non-croyants juifs dans les kiboutzim socialistes, jusqu’à vouloir les haïr, comme s’il s’agissait de leurs ennemis.
Arav Kook a condamné cette attitude en exposant une théorie incroyablement prophétique, selon laquelle
les non-croyants juifs qui travaillaient la terre et qui œuvraient pour le développement du pays agissaient inconsciemment et malgré eux dans l’accomplissement d’un projet divin.
Ils étaient des agents providentiels qui selon la volonté divine s’appliquaient pour la création d’un État juif prospère, comme il avait été jadis promis à nos ancêtres.
6. Le projet révisionniste
Tout d’abord, examinons d’où vient le terme « révisionniste ». Il s’agit du verbe « réviser ». En effet, les adeptes de ce projet, dont Zeev Jabotinski fut le maître, aspiraient à
… réviser les méthodes jugées trop conciliantes et complaisantes de l’organisation sioniste – présidée par Haïm Weizman – vis-à-vis de l’empire britannique.
Pour le mouvement révisionniste, il fallait mener une lutte armée contre les forces britanniques qui occupaient le pays, les chasser de ce pays et créer le nouvel État juif sur les deux rives du Jourdain.
L’année 1923 est marquée par la rupture avec l’Organisation Sioniste en créant en 1925 un mouvement « l’Alliance Sioniste Révisionniste ».
Après la mort de Jabotinski en 1940, le mouvement a connu une période de déclin, mais après la création de l’État d’Israël, ses idées ont progressivement dominé une grande partie de l’opinion, donnant naissance au parti Likoud, fondé par le célèbre Menahem Begin. N’oublions pas surtout la vision prophétique de Zeev Jabotinski qui, bien avant la Shoah, dans les années 1920 et début 1930, avait lancé un cri d’alarme, une mise en garde adressée à toutes les communautés juives d’Europe et surtout celle de l’Europe de l’Est, d’une catastrophe sans précédent qui allait s’abattre sur elles, selon un plan diabolique d’extermination. Il lançait donc un appel à tous les Juifs de se rendre en terre d’Israël.
7. Le projet synthétique
Comme son nom l’indique, ce projet avait comme but de faire la synthèse de tous les divers courants. Les pionniers de ce projet Haïm Weizman et Martin Buber mettaient l’accent
– d’une part sur une reconnaissance internationale des droits légitimes des Juifs à avoir un État indépendant, une reconnaissance que le peuple juif constitue une nation et que tout Juif en diaspora a le droit de bénéficier des mêmes droits comme tout autre citoyen ;
– et d’autre part éveiller la conscience nationale juive en renforçant les liens inter-communautaires dans le monde entier. Il s’agissait de propager dans toutes les communautés l’enseignement de l’hébreu, celui du Judaïsme et celui de l’Histoire juive. Cette prise de conscience nationale a constitué une des premières étapes pour inciter les Juifs à faire leur Aliya en Israël.
Pour conclure, le sionisme n’a pas pris fin avec la création de l’État hébreu, bien au contraire, l’Organisation Sioniste Mondiale continue sans relâche à œuvrer pour inciter, organiser et encadrer les immigrations vers Israël.
Le sionisme c’est aussi toutes ces associations juives, qui opèrent sans cesse dans le monde entier, pour soutenir l’État d’Israël, moralement, politiquement et financièrement, en organisant du volontariat, en étant toujours un renfort indispensable pour Israël dans ses heures les plus difficiles.
Am Israël Haï ! ZL♦

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