À propos de mon ancêtre Neandertal d’il y a plus de 1500 générations

Par Michel Bruley
[21 avril 2025]

Si vous recherchez de quelles personnes vous descendez sur 10 générations, il vous faut identifier 1024 personnes (2 à la puissance 10 ; me concernant j’en ai retrouvé 338). Si l’on veut remonter jusqu’à un ancêtre néandertalien qui ne peut être qu’à plus de 1500 générations, le nombre de personnes à identifier est de 2 à la puissance 1500, c’est-à-dire quelque chose d’incalculable.

Néandertaliens et dénisoviens ont transmis des gènes aux Eurasiens

D’après les analyses ADN, Neandertal fait partie des ancêtres des Eurasiens d’Europe, il serait avec Sapiens le descendant d’un homo d’il y a 800 000 ans, dont on n’a pas encore retrouvé de traces physiques. Nous avons des ossements de nombreux homos (Rudolfensis, Habilis, Ergaster, Erectus, Heidelbergensis, Rhodesiensis, Neandertal, Denisova, Sapiens…), mais les filiations entre eux ne sont pas évidentes. Cependant, pour certains, Neandertal, Denisova, Sapiens sont des évolutions d’homo erectus.

Une des questions est de savoir si Neandertal, Denisova, Sapiens sont de la même espèce, mais tout dépend de la façon dont on définit l’espèce.

La séparation d’espèces sœurs n’est pas aussi tranchée qu’on a pu le penser. Par exemple, les ours polaires et les grizzlis, considérés comme deux espèces différentes, peuvent encore se reproduire ensemble.

En revanche, les ours noirs et les ours bruns, séparés depuis plus longtemps, ne donnent pas de petits viables. Il y a eu des petits viables descendants de Neandertal et Denisova, de Denisova et Sapiens, de Neandertal et Sapiens. Cependant, les Eurasiens n’ont aucun chromosome Y masculin de Neandertal dans leur génome, ce qui laisse penser que toutes les grossesses de garçons n’aboutissaient pas ou si les petits garçons vivaient, ils étaient très peu ou pas fertiles (il y avait donc interfertilité et interstérilité).

Neandertal, proche, mais différent du sapiens 2024

Dans 130 sites en Europe et au Proche-Orient, on a retrouvé les restes de 270 néandertaliens différents et on a pu reconstituer en 3D leur squelette. Cette reconstitution bio dynamique conclue au fait que Neandertal n’est pas différent de Sapiens sur ce point. Il n’était pas couvert de poils (les homos n’en ont plus depuis 1,7 million d’années), il avait un crâne plus allongé et aplati que le nôtre, un plus gros cerveau que celui de sapiens, un nez et un froncement de sourcils proéminents, des narines très larges, une poitrine en forme de « tonneau ». Neandertal était un être massif, les hommes mesuraient 1,6 m (90 kg) et les femmes 1,5 m (70 kg), avec des membres courts et trapus. Une peau claire, des taches de rousseur, les yeux noisette ou clairs, beaucoup d’entre eux étaient roux. Ils pouvaient communiquer, ils avaient l’os hyoïde nécessaire, la zone cérébrale et le gène nécessaire au langage. Enfin, ils auraient eu des capacités visuelles très performantes et l’aire de l’intuition plus développée que chez nous, c’est-à-dire un meilleur accès simultané à toutes les informations dont le cerveau dispose (synesthésie).

Même s’il y a eu des variations du climat pendant les plus de 300 000 ans de sa présence, Neandertal a vécu dans un environnement plus froid, environ 10° de moins, par rapport à aujourd’hui où la température moyenne en France est de 14,1°, mais il y était adapté. Les hommes de 2024 ont d’ailleurs hérité de la forme du nez de Neandertal, un nez plus large, plus long et plus saillant que celui de nos ancêtres sapiens avant hybridation. Cela a permis à Sapiens sorti d’Afrique de s’adapter au climat de l’Europe glaciaire.

Héritage de Neandertal

Neandertal et Sapiens ne se sont pas « mélangés » qu’une seule fois, mais s’il y a eu des rapports répétés, tous n’ont pas laissé de traces dans notre ADN actuel.

L’Europe a connu de nombreuses migrations, les plus anciens Sapiens retrouvés datent de -45 000 ans, mais ils ne sont pas nos ancêtres, on note cependant qu’ils avaient tous, à moins de 7 générations, un aïeul néandertalien.

La densité de la population était alors très faible (~1 personne au 1 000 km²), les lieux de résidence (grotte, abris…) ont été réutilisés à plusieurs reprises par les mêmes groupes, les possibilités de rencontres étaient très limitées. Cependant, à mesure que Sapiens avançait en Europe et en Asie, en vagues successives, il a absorbé et remplacé les populations présentes avant lui. Ainsi les hommes de la culture aurignacienne, fortement métissés avec les derniers néandertaliens, semblent pourtant n’avoir que peu contribué au génome de la population européenne actuelle.

Dans la population européenne actuelle, chaque personne ne possède pas exactement les mêmes bouts d’ADN néandertalien, et finalement il reste ~ 40 à 70 % des gènes de Neandertal. Un héritage pour le meilleur et pour le pire. Parmi les gènes néandertaliens qui ont survécu, on a identifié de nombreux gènes liés à des maladies qui les provoquent ou les combattent, et ceci du fait que l’on a beaucoup étudié notre génome à des fins médicales. Parmi ces gènes, les chercheurs citent ceux liés à des troubles de l’alimentation, de l’accumulation de graisse, de l’arthrite rhumatoïde, de la dépression, de l’infarctus du myocarde ou de la schizophrénie. Parmi nos gènes impliqués dans la lutte contre les virus, 152 sont hérités de Neandertal, comme certains autres gènes liés au contrôle des taux sanguins du cholestérol LDL et de la vitamine D, etc.

Culture néandertalienne

Les archéologues depuis longtemps récoltent des éléments datant de la préhistoire, les analysent, les classifient et cherchent à éclairer la culture de nos ancêtres, notamment leurs techniques, leurs créations artistiques, leurs modes de vie.

D’un point de vue technique : Homo habilis utilise des pierres taillées, Homo ergaster invente le biface symétrique, Homo erectus en utilise et réalise des outils en os, Neandertal pratique en plus une technique élaborée, le débitage Levallois, qui permet un meilleur contrôle de la taille, de la forme de l’éclat final et produit différents types d’outils ou d’armes. Neandertal maîtrise beaucoup de techniques, on a retrouvé de la corde, de la colle, de nombreux objets en bois (armes, outils) dans des tourbières. L’analyse de dents a révélé des traces de l’administration de plantes médicinales que l’organisme métabolise en acide salicylique (aspirine) et qui ont des effets anti-inflammatoires, antalgiques ou antidouleur. Il savait consommer des moisissures qui contiennent de la pénicilline. On trouve sur des ossements des traces d’interventions, des fractures cicatrisées.

D’un point de vue artistique : il y a 176 500 ans, Neandertal a bâti une structure dont on ne comprend pas l’objet (rituel…), on a aussi retrouvé et attribué à Neandertal des gravures pariétales géométriques, une sculpture (composée d’une pierre et d’un os), de petites pièces ornementales, comme une splendide parure de dents animales, des colliers en coquillages, tout cela en fait peut-être le premier artiste de l’humanité. Enfin, il semblerait qu’il ait été collectionneur (collection de fossiles de la grotte de Prado Vargas).

D’un point de vue de la société : Neandertal pratiquait l’exogamie (échange de femmes entre groupes) et probablement aussi l’échange de techniques ; il avait un régime alimentaire de chasseur-cueilleur qui s’adapte à son territoire (alimentation très variée : viande, poisson (pas sûr), beaucoup de légumes dont des graminées) et mangeait certains aliments cuits ; il faisait preuve de solidarité, comme le montre ce handicapé de naissance mort à 50 ans ; il enterrait ses morts avec soin, sépulture individuelle avec offrande ; il semblerait qu’il n’était pas plus violent même s’il connaissait les conflits (traces de blessures avec des armes de courte distance) ; il semble qu’il vivait en petits groupes. Enfin si Neandertal utilisait beaucoup les grottes, il vivait aussi en campement bien organisé dont on a retrouvé les traces (avec palissade, zone de travail, de repos et emplacement pour le feu).

Disparition en tant que culture et espèce

La disparition des Néandertaliens résulte très probablement de la combinaison de multiples facteurs, car aucune des nombreuses hypothèses émises n’est concluante (compétition pour les ressources, génocide, épidémies importées par l’homme moderne, augmentation des rayons UV, éruption volcanique, nomadisme trop poussé, chute démographique irréversible, interstérilité et dilution génétique au sein de l’homme moderne, etc.).

Ce qui est certain, c’est que les Néandertaliens étaient très peu nombreux sur un vaste territoire, qu’ils étaient en groupe isolé, que les traces montrent des campements petits, que leur ADN a une diversité génétique faible, qu’en parallèle à l’arrivée de Sapiens on a une population affaiblie qui a diminué dans le temps, jusqu’à disparaître, que les Européens actuels descendent des Sapiens venus ultérieurement qui s’étaient hybridés avec des Néandertaliens ailleurs et antérieurement probablement au proche orient.

À suivre, les futures découvertes archéologiques qui vont faire progresser notre vision, il faut avoir conscience du fait que : « Le passé vit aussi nerveusement et imprévisiblement que le présent ». MB♦

Michel Bruley, MABATIM.INFO


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