Macron : le Liban et en-même-temps…

Par Liliane Messika
[7 mai 2025]

Pour ceux qui l’ont oublié, le Macronnet a un petit boulot, il est Président de la France, ex-pays des Lumières, ex-fille aînée de l’Église, ex-grande puissance. Lui, il est l’excusiste en chef de tout ce qui nuit à son pays.

L’hommelet est généreux : s’il casse des œufs innombrables, c’est en proportion de ses promesses d’amitié et de protection non tenues, particulièrement au Liban, ex-multiculturel, ex-démocratique, ex-francophone.

La défense au nom de « liens séculaires », qu’est-ce c’est ?

Au pays du En-Même-Temps, tout veut tout dire et son contraire.

Le 24 octobre 2024,

« c’est au nom de cette fidélité jamais démentie que nous avons souhaité, […] une fois encore, ensemble, que nous fassions notre devoir auprès des Libanais.… (leur) apporter l’aide dont ils ont immédiatement besoin et pour dire aussi notre volonté que le Liban sorte plus fort des épreuves qu’il traverse aujourd’hui.1 »

Le 28 mars 2025,

« la France continuera d’être à vos côtés pour préserver cette souveraineté et assurer pleinement, justement, votre sécurité. […] La question des réfugiés syriens, de leur retour sûr et volontaire en Syrie a également été évoquée (pour) définir des voies de coopération et d’action en matière de sécurité, d’engagement de réforme sur la frontière, sur le retour des réfugiés, de mobiliser aussi les financements et l’action internationale à cet égard. […] Cette coopération régionale inédite est une avancée majeure pour aider là aussi à renforcer la souveraineté du Liban et pour aider à consolider la stabilité de la région.2 »

Sur la Terre, au Liban, on ne sait pas très bien si la FINUL essaie de désarmer le Hezbollah ou si c’est le Hezb qui noyaute la FINUL. Mais ça n’empêche pas Macron de Tarascon de vibrionner.

Les ennemis de ses amis sont aussi ses amis

Le 2 mai 2025, on a appris que la Syrie d’Al-Joulani-d’al-Qaida et l’armateur français CMA CGM ont signé un contrat pour exploiter le port de Lattaquié pendant une durée de 30 ans. Lattaquié, région côtière du nord-ouest de la Syrie, était un bastion de la minorité alaouite du clan Assad. Elle est maintenant soumise au pouvoir du nouveau Président-par-interim-sans-limitation-de-durée.

Né à Riyad, en Arabie saoudite, dans une famille musulmane sunnite syrienne originaire du plateau du Golan, Ahmed Al-Sharaa était exclusivement connu sous son nom de guerre, Abou Mohammed al-Joulani, celui avec lequel il djihadait avec constance et succès.

En 2012, il a cofondé le Front Nusrah, qui a ensuite fusionné avec d’autres groupes rebelles pour former Hayat Tahrir al-Sham (HTS), devenu la principale faction de l’opposition syrienne en 2019. Elle a conduit au renversement d’Assad en 2024.

Du fait de son association d’origine avec al-Qaida, HTS est classé terroriste par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Turquie, ainsi que par l’ONU et l’Union européenne.

C’est pourquoi le chef djihadiste doit montrer patte blanche aux dignitaires européens avides de reprendre leurs affaires juteuses avec la Syrie.

Pour ce faire, il feint d’oublier les exactions commises par al-Joulani en se faisant désormais appeler par son nom de naissance, al-Shaara, et il minimise ses accointances avec al-Qaida.

Il n’a donc pas apprécié à leur juste valeur les félicitations que deux groupes franchisés d’Al-Qaïda, Jama’at Nusrat al-Islam wal Muslimin (JNIM) et Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), lui ont publiquement transmises pour sa prise de contrôle de la Syrie.

Macron a moins d’égard pour ses amis et les amis de ses amis

L’une des principales préoccupations des Américains est que, sous l’égide de HTS, la Syrie devienne une rampe de lancement pour des attaques terroristes transnationales, comme l’étaient devenus le Liban avec le Hezbollah et le Yémen avec les Houthi.

C’est une préoccupation dont al-Joulani, oups, al-Shaara est parfaitement conscient et que ses récentes tactiques de relations publiques visent à apaiser.

Il a soigneusement modifié son look, délaissant la mode djihadiste pour un costard-cravate quand il parle à des civils et un uniforme kaki quand il cause au reste de ses fréquentations.

Dans une interview sur CNN, il a décrit son passé extrémiste de mercenaire en Irak et son passage au sein de l’État islamique comme des égarements de jeunesse.3

Au cours de l’offensive qui a renversé le régime Assad, Hayat Tahrir al-Sham (HTS) a soigneusement adapté son message aux Syriens, à la communauté internationale, mais aussi à ses adversaires, notamment l’Iran et la Russie.

Malgré la patte blanche et le costume gris, il ne faut pas oublier que l’expérience d’Al-Joulani en Irak a été déterminante. Il s’est battu contre les forces américaines et a tissé des liens avec des djihadistes irakiens. Ces liens ont conduit Abou Bakr al-Baghdadi, le chef de l’État islamique, à l’envoyer en Syrie pour y créer la filiale Jabhat al-Nusra. Le groupe a obtenu un soutien local en lançant des attentats à Palmyre et à Damas contre les forces de sécurité d’Assad.

Mais quand, en 2014, al-Baghdadi a voulu fusionner Jabhat al-Nusra avec l’État islamique, al-Joulani a refusé. Cette décision a initié une guerre sanglante entre les factions djihadistes dans l’est de la Syrie. Après avoir été pris pour cible par ISIS, al-Joulani s’est installé à Idlib, où il a créé le HTS. Il a entrepris d’éliminer les factions rivales et HTS est devenu la puissance locale dominante.

Les monarchies du Golfe, comme l’Arabie saoudite, rejoignent les préoccupations américaines, s’inquiétant de ce qui se passe en Syrie et de la possibilité que cela motive des mouvements islamistes dans leurs pays.

Mais les Européens ont le business à cœur. S’ils voient et entendent les menaces, cela s’arrête juste au bout de leur nez, car l’argent n’a pas d’odeur.

Si jamais al-Joulani-alias-al-Shaara met la main sur le Liban, Macron aura déjà reçu le nouveau calife avec les honneurs4 et encaissé des petits bénéfices : un investissement de 230 millions d’euros est prévu pour la modernisation du port de Lattaquié.

La nouvelle devise d’En-Même-Temps Premier, c’est :

« 1700 Alaouites tués, des villages druzes attaqués, ce-la-ne-nous–re-garde-pas ! »

S’il n’en reste qu’un pour défendre les minorités, Macron ne sera pas celui-là

L’État d’Israël, lui, n’a pas le choix de fermer les yeux, car les attaques ont lieu à ses frontières et son ADN le conduit à aider les minorités persécutées.

Le plus influent chef religieux druze en Syrie, cheikh Hikmat al-Hajrin, a dénoncé, le 1ᵉʳ mai 2025, une « campagne génocidaire injustifiée » visant des « civils » de sa communauté, après des affrontements confessionnels en début de semaine qui ont fait plus de 100 morts5.

Il a demandé une intervention immédiate de forces internationales.

« Nous ne faisons plus confiance à une entité qui prétend être un gouvernement. […] Un gouvernement ne tue pas son peuple en recourant à ses propres milices extrémistes, puis, après les massacres, en prétendant que ce sont des éléments incontrôlés.6 »

Des Druzes d’Israël ont aussi manifesté dans les rues pour exiger que Jérusalem prenne des mesures pour soutenir leurs frères en Syrie.

En fait de mesures, l’ONU a exhorté « toutes les parties à faire preuve d’un maximum de retenue » et la diplomatie américaine a fustigé « les dernières violences et la rhétorique incendiaire » anti-druzes « répréhensibles et inacceptables ». Mais de mesures concrètes point.

Le lendemain, après avoir prévenu, Tsahal a envoyé des avions de combat frapper les environs du palais présidentiel à Damas, maintenant occupé par al-Joulani.

« C’est un avertissement clair au régime syrien. Lorsque Joulani (al-Sharaa) se réveillera et verra les résultats de la frappe des avions de chasse de l’armée de l’air israélienne, il comprendra qu’Israël est déterminé à empêcher que les Druzes de Syrie soient maltraités7 », ont déclaré le Premier ministre israélien et son ministre de la Défense.

Par ailleurs, la nuit suivante, un hélicoptère à l’étoile de David a livré une « quantité exceptionnelle » d’aide humanitaire aux membres de la communauté druze, dans le district syrien de Suwayda, dans le sud syrien, à 70 km de la frontière avec Israël. Au retour, l’hélico a ramené cinq Druzes blessés au cours des violences sectaires des derniers jours8. Ils seront soignés à l’Hôpital de Tsfat, où sont déjà hospitalisées dix autres victimes des attaques « intercommunautaires », comme on dit en France quand dix islamistes tabassent un rabbin. Les Druzes sont musulmans, mais leur originalité rituelle est considérée comme hérésie aux tenants de l’islam traditionnel, qu’ils soient sunnites ou chiites.

L’armée israélienne a déclaré que des troupes étaient « déployées dans le sud de la Syrie et préparées à empêcher les forces hostiles d’entrer dans la région et les villages druzes » et a envoyé 12 avions de chasse frapper des dizaines de cibles en Syrie, y compris des infrastructures d’artillerie anti-aérienne et de missiles sol-air.

Dans une lettre adressée aux dirigeants israéliens, des réservistes druzes de Tsahal ont déclaré :

« Des centaines de combattants druzes sont prêts à se porter volontaires immédiatement pour combattre aux côtés de nos frères afin de les sauver, même au prix des risques pour notre sécurité et nos vies. »

Une majorité de Druzes israéliens a toujours fait son service militaire dans les rangs de Tsahal. Leur uniforme, c’est leur choix, car les citoyens non juifs du pays ne sont pas conscrits d’office, comme le sont les appelés juifs. Ce privilège qui se justifie par le souci qu’ils ne soient pas tiraillés entre deux loyautés.

Tsahal leur a rendu la pareille.

C’est toute la différence entre l’être et le paraître, entre le dire et le faire, entre les ors de l’Élysée et la boue du champ de bataille. LM♦

Liliane Messika, Dreuz


1 www.vie-publique.fr/discours/295929-emmanuel-macron-24102024-france-liban

2 www.vie-publique.fr/discours/297990-emmanuel-macron-28032025-france-liban

3 https://thesoufancenter.org/intelbrief-2024-december-11/

4 www.i24news.tv/fr/actu/international/artc-macron-va-recevoir-le-president-syrien-al-sharaa-pour-sa-premiere-visite-europeenne

5 102 morts dans des affrontements notamment à Jaramana et Sahnaya, situées près de Damas, ainsi que dans la province méridionale de Suweida.

6 www.lefigaro.fr/international/israel-annonce-avoir-bombarde-le-quartier-du-palais-presidentiel-a-damas-20250502

7 www.timesofisrael.com/israel-strikes-target-near-damascus-presidential-palace-in-message-to-syrian-regime/

8 https://allisrael.com/idf-chopper-takes-supplies-to-druze-deep-in-syrian-territory-amid-clashes-with-gov-t-forces-5-more-wounded-evacuated-to-israel


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4 commentaires

  1. Un contrat de 30 ans et un cadeau de 230 millions d’euros pour CMA CGM . Une jolie pactole pour cette entreprise qui a des liens familiaux avec la famille d’Alexis Kohler. Oui,oui l’ancien directeur de cabinet de notre président. Oui,oui celui qui refuse de répondre à une commission d’enquête parlementaire sur précisément les conflits d’intérêts sur la vente récente des activités portuaires en Afrique du groupe Bolloré à CMA CGM. Ça sent la marée pas fraîche

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  2. Merci Liliane pour ton article… Je partage. J’aime ton style et ton sarcasme m’émerveille.

    Amitiés.

    Thérèse

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