Que fait-on sur terre ?

Par Michel Bruley
[19 mai 2025]

Ce n’est pas une question pour moi. Je suis là à la suite d’une partie de pattes en l’air me cherchant ou pas, même si je n’ai pas de doute sur le fait que j’étais souhaité. Je suis content d’être là, d’autant plus que j’ai eu un bon tirage (pays, classe sociale…). Enfin, je ne me sens ni mission ni obligation.

En fait, il y a à travers l’histoire, la littérature, les religions, deux grands positionnements par rapport à cette question :

– Il y a ceux qui pensent que l’on n’est pas là par hasard : Judaïsme, Christianisme, Islam, Hindouisme… Platon, saint augustin, Pic de la Mirandole, Pascal…

– Il y a ceux qui constatent seulement qu’on est là : Animisme, Bouddhisme, Taoïsme… Socrate, Aristote, Épicure, stoïciens… Kant… Feuerbach, Nietzsche, Sartre… Camus…

Enfin, quant à la science, elle ne sait pas, car la question de savoir « pourquoi » les humains sont sur Terre est fondamentalement philosophique ou théologique, et sort du cadre de la science.

La science traite des phénomènes observables et de leurs explications, tandis que les questions de but et de sens relèvent de croyances, de valeurs culturelles ou de systèmes de foi.

L’homme n’est pas sur terre par hasard, mais par la volonté de Dieu : quelques exemples

– Dans le judaïsme, la vie sur terre est considérée comme une occasion et une responsabilité données par Dieu pour accomplir des missions spécifiques. Il s’agit de :

  • suivre les commandements de la Torah,
  • réparer le monde (Tikkun Olam),
  • étudier la Torah et apprendre,
  • vivre de manière éthique,
  • mettre un fort accent sur la moralité et l’éthique dans toutes les interactions humaines en incluant des principes comme la justice, l’honnêteté, la charité, le respect des autres et la protection des plus vulnérables,
  • observer les fêtes et les rituels,
  • développer de bonnes relations interpersonnelles
  • progresser spirituellement.

Pour les catholiques, la vie sur terre est une étape, une période d’apprentissage, de croissance spirituelle et morale.

Le but de la vie est de servir les autres et de contribuer au bien-être de la société. Il s’agit de se préparer à la vie éternelle et de célébrer la création du monde par Dieu.

– Dans la même lignée pour les hindouistes, la vie humaine a plusieurs buts :

  • Dharma (Devoir et moralité),
  • Artha (Prospérité et succès),
  • Kama (Plaisir et désir),
  • Moksha (Libération spirituelle).

La vie sur terre est une opportunité unique pour évoluer spirituellement, accomplir ses devoirs, jouir des plaisirs matériels de manière équilibrée et éthique.

Les taoïstes croient que l’univers est régi par des lois naturelles, que tout a une place et un but dans le grand schéma des choses. En vivant en harmonie avec le Tao, on peut atteindre un état de paix intérieure, de sérénité, vivre une vie épanouissante et heureuse.

Le Taoïsme met également l’accent sur l’importance de la simplicité, de la modestie, de la non-action (wu wei), ce qui signifie ne pas agir de manière forcée ou artificielle, mais plutôt suivre le courant naturel des choses.

Certains philosophes ou penseurs célèbres sont dans cette même ligne de pensée :

  • Platon, élève de Socrate, a discuté de la nature de l’âme et du but de la vie humaine dans ses œuvres, en particulier dans « La République » et « Le Phédon ». Il croyait en l’immortalité de l’âme et en l’idée que la vie sur Terre est une préparation pour une existence plus élevée.
  • Saint Augustin, philosophe et théologien chrétien, a exploré le but de la vie humaine dans ses œuvres et a soutenu que l’homme est sur Terre pour connaître et aimer Dieu, et que la vie terrestre est une préparation pour la vie éternelle.
  • Thomas d’Aquin, inspiré par Aristote et la théologie chrétienne, a discuté du but de l’existence humaine dans ses écrits et a affirmé que l’homme est sur Terre pour chercher la béatitude à travers la connaissance et l’amour de Dieu.
  • Jean Pic de la Mirandole, philosophe de la Renaissance, considéré comme l’un des initiateurs du mouvement humaniste, a avancé l’idée que Dieu a créé le monde pour l’homme et a donc placé l’homme au centre du monde.
  • Blaise Pascal, dans ses Pensées, a exploré la connaissance de soi et la connaissance de l’homme. Selon lui, se connaître soi-même, c’est regarder Dieu.

L’homme est sur terre, il n’y a pas de volonté ou de mission divine : quelques exemples

– L’animisme est une croyance qui perçoit que tous les objets, lieux, créatures possèdent une essence spirituelle distincte. Dans ce cadre, on doit chercher à vivre en harmonie avec la nature et les éléments en reconnaissant, en respectant les esprits, les forces qui habitent les êtres, les objets, tout en maintenant un équilibre naturel, en interagissant de manière respectueuse avec l’environnement naturel.

– Dans le bouddhisme, la vie sur terre est considérée comme une opportunité pour atteindre l’éveil et aider les autres à faire de même. Voici quelques principes clés :

  • recherche du Nirvana,
  • accomplissement du « Grand Vœu » par lesquels ils aident les autres à devenir heureux,
  • mission de bodhisattva, il s’agit de donner du courage à leurs amis, aux membres de leur famille, à tous ceux avec qui ils sont en relation et enfin préservation de la planète.

Certains philosophes ou penseurs célèbres sont dans cette même ligne de pensée :

  • Bien que Socrate ne se soit pas directement demandé pourquoi les hommes sont sur Terre, il a exploré des questions sur le sens de la vie, la nature de l’existence humaine à travers ses dialogues et ses méthodes de questionnement. Sa pensée est plus philosophique et éthique que religieuse, elle est centrée sur la quête de la vérité et du bien.
  • Aristote a abordé la question du but de la vie humaine dans son ouvrage « Éthique à Nicomaque ». Il a proposé que le but ultime de la vie humaine soit d’atteindre le bonheur (eudaimonia) par la vertu et la réalisation de son potentiel.
  • Épicure a fondé une philosophie qui soutient que le but de la vie est de rechercher le plaisir et d’éviter la douleur. Cependant, il a insisté sur le fait que le véritable plaisir réside dans la tranquillité de l’esprit et l’absence de souffrance.
  • Pour Kant, l’être humain a une dignité inhérente et une valeur absolue, il est sur terre pour vivre une vie morale et épanouie.
  • Pour Feuerbach, l’homme se dévoile au cours de l’histoire qu’il fait et qui le fait.
  • Friedrich Nietzsche a remis en question les notions traditionnelles de sens et de but. Il a prôné l’idée du « surhomme » (Übermensch), il a suggéré que les hommes doivent créer leurs propres valeurs et buts dans un monde dénué de sens intrinsèque.
  • Jean-Paul Sartre a posé que l’existence précède l’essence, ce qui signifie que les êtres humains n’ont pas de but prédéterminé. Selon lui, les hommes sont sur Terre sans raison particulière, ils doivent créer leur propre sens et valeur à travers leurs choix et actions.
  • Albert Camus a abordé la question de l’existence humaine dans ses œuvres et soutenu que la vie est intrinsèquement absurde, mais que les hommes doivent chercher à donner un sens à leur existence malgré cette absurdité.

En conclusion

Les différentes positions ont de nombreux points communs comme la recherche :

  • D’une bonne relation avec l’environnement (vivre en harmonie avec la nature, préservation de la planète…),
  • D’une bonne intégration avec la communauté des hommes, les autres qui nous entourent (services aux autres, bonnes relations interpersonnelles, aide…).
  • D’un bon développement personnel (apprendre, progresser, s’éveiller…).

Cependant, il y a bien deux camps, les déistes et les autres.

Les tenants de l’existence d’un ou plusieurs dieux se voient avec des missions sur terre, parmi elles, celle de plaire à leur créateur, et en particulier celle de sauver leur petit moi, leur petite âme, dans le meilleur des cas de gagner une vie éternelle avec ou sans soixante-douze vierges. Cela ne serait pas gênant s’ils n’étaient pas prosélytes et ne cherchaient pas à sauver plus ou moins sous la contrainte des personnes qui ne leur demande rien. MB♦

Michel Bruley, MABATIM.INFO


Pour terminer avec humour, l’histoire de Raymond Devos « l’homme qui s’est fait tout seul » :


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2 commentaires

  1. Intéressante compilation.

    Socrate n’a rien écrit. Tout ce que l’on sait de lui, de la fameuse maïeutique, l’art d’accoucher les esprits en posant les « bonnes » questions, art qu’il pratiquait au marché, sur la place publique, en déambulant parmi ses concitoyens ou son groupe d’amis, on le sait grâce à Platon qui en a fait un personnage dans ses Dialogues. (Une 40taine quand même)

    La fin de votre texte mérite une petite mais nécessaire précision : les Taoïstes (ou Daoïstes) distinguent entre Petit Véhicule et Grand Véhicule, observer les lois du Dharma en étant au service de sa propre existence singulière et de son petit moi, ou à celui du collectif… Et dédier son existence au service de l’Humanité tout entière.

    Shabbat shalom.

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  2. Nous ne sommes qu’une partie de toute la création bien que nous sommes tous reliés au Créateur. Rien n’est donc le fruit du hasard. Et comme rien dans toute cette création n’est inutile, certains comme moi, pensent que nous sommes destinées à faire partie d’un projet qui nous échappe.
    Son bon et juste… c’est le message du judaïsme.

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