Gaza 2005-2025 : les vingt ans de la destruction

Par Yéochoua Sultan,
[30 juillet 2025]


Synagogue de Netzarim dans la bande de Gaza

Les catastrophes nationales touchent le peuple d’Israël à la date du 9 av. Le premier Temple a été détruit le 9 av 3338 du calendrier hébraïque ; le deuxième Temple le 9 av 3828. La communauté israélienne pacifique et prospère, qui avait fait reverdir la bande côtière Sud de la terre d’Israël, devenue une véritable oasis, un coin de paradis, le 9 av 5765. La faute originelle a été ce manque d’amour pour la terre d’Israël et Jérusalem. La faute des explorateurs, qui dissuadèrent la génération du désert d’entrer en terre de Canaan, scellée en ce 9 av 2449, qui a fixé pour les générations futures les « pleurs de cette nuit-là » (Nombres XIV, 1).

Ah, pauvres de nous, génération privée de prophètes !

Mais bien entendu que nous ne savons que faire, que nous faisons si souvent fausse route, et que le gouvernement d’Israël ne sait plus ou donner de la tête, puisqu’il n’y a parmi nous plus de véritables visionnaires.

Avant, c’était beaucoup plus simple ! Pas une nomination politique sans l’avis préalable d’un prophète, et pas des moindres ! C’est bien Samuel qui a désigné d’abord Saül puis David, non sans avoir informé le premier que son règne était terminé. Et la sortie en guerre ! Ils avaient le pectoral du Cohen Gadol avec les lettres qui s’illuminaient tour à tour pour donner les réponses.

Plus d’un se désole de la fin de l’ère prophétique au début de l’époque du deuxième Temple, quand sur les cent vingt membres de la Grande Assemblée se trouvaient aussi les derniers prophètes, tels Ezra et Nehemia, rentrés en Palestine de l’exil de Babel.

Si la sagesse côtoya tantôt la prophétie, elle en devint plus tard le prolongement.

Les expressions, formules, voire devises, qui mettent en avant la prépondérance de la sagesse sur la prophétie ne manquent pas dans la littérature rabbinique.

« Le Sage, ses yeux sont en sa tête »1. En d’autres termes, il faut savoir comprendre ce que l’on voit.

Plus explicitement, le verdict suivant affirme :

« Qui est le Sage ? Celui qui voit le naissant »2, moins littéralement : « Celui qui voit venir les choses », en fait celui qui peut prévoir ce qui va se passer. Mieux : « Le sage est préférable au prophète »3.

Pourtant, est-il vraiment juste de soutenir que nous n’aurions plus de prophéties ? Car si nous ne connaissons pas à l’heure actuelle de personnes animées de cette forme de souffle divin, nous disposons dans la Torah de prophéties toujours actuelles, ainsi que de justes conseils très anciens, qui nous fournissent des recommandations qu’il serait dommage de ne pas suivre et qui nous lancent des avertissements que nous ferions mieux d’éviter d’ignorer.

Nous venons d’achever la lecture du livre des Nombres, Shabbat dernier, dans toutes les synagogues. Dans notre contexte moyen oriental tendu autant qu’agité, nous pourrions nous demander :

« Puisque nous aspirons à la paix, que nous aimons et respectons la vie, quelle serait la plus juste aspiration vis-à-vis de nos adversaires? »

Puisque nous sommes non seulement entourés de pays arabo-musulmans fourbes et belliqueux, mais que nous sommes assez copieusement envahis par des populations hostiles au beau milieu de notre propre pays, serait-il judicieux :

  1. de leur accorder des droits égalitaires, de leur permettre de voter et d’être éligibles à la Knesset, car de la sorte ils seraient infiniment reconnaissants à notre égard pour tout le bien que nous leur prodiguons ?
  2. pour ceux qui ne bénéficieraient pas des prérogatives du petit 1., pour des considérations géographiques entre autres, faut-il leur accorder une autonomie, une indépendance, un ou des États, par respect pour le saint principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ? (En ce cas, disposerions-nous toujours quant à nous de nous-mêmes ?)
  3. Leur fournir en tout état de cause à n’en plus finir des matériaux de construction, des vivres au point de les rendre obèses, le tout étant payé par nous ou par de gentils pays comme le Qatar ?
  4. Euh, je manque d’idées…

Soit, voyons ce que nous réserve le texte dont la prophétie s’applique ou se conjugue à tous les temps.

Voyons voir… Livre des Nombres, donc. Section hebdomadaire des déplacements dans le désert… chapitre XXXIII, versets 54-55 :

« Vous vous établirez dans le pays…», « Or, si vous ne dépossédez pas à votre profit tous les habitants de ce pays, ceux que vous aurez épargnés seront comme des épines dans vos yeux et comme des aiguillons à vos flancs : ils vous harcèleront sur le territoire…»4

Donc, inutile d’exiger que l’Éternel nous envoie d’urgence un prophète parce que nous ne comprenons plus rien à la politique, puisqu’il suffit d’être attentif et de savoir lire ce qui est déjà écrit.

Par ailleurs, le texte nous met en garde contre les faux prophètes.

« S’il se lève du milieu de toi un prophète ou un rêveur de rêve, et qu’il t’apporte un signe ou un prodige » (Deutéronome XIII, 2).

Mais alors, comment savoir que c’est un imposteur, s’il est capable de prodige ? Tout simplement parce qu’il te dira : « Allons suivre d’autres dieux que tu ne connais pas et adorons-les ». Le faux prophète, tout prodigieux et charismatique qu’il puisse paraître, nous mettra la puce à l’oreille du moment que ses indications viendront contredire et contrarier le texte.

L’équation prophétique est également énoncée sous la forme d’une règle très générale.

« Si vous suivez mes règles…» (Lévitique XXVI, 3), alors vous serez rattrapés par toutes les bénédictions, mais : « Si vous avez pour mes règles de l’aversion » (id. Id. 15), alors vous vous exposerez à tous les avertissements détaillés dans la foulée.

Des faux prophètes nous ont proposé un autre culte que celui que préconise la Torah : un culte qui vient dire le contraire.

Nous sommes sommés de nous installer sur notre terre et d’y affirmer notre souveraineté.

L’autre culte suggère que nous la partagions avec nos ennemis pour les rendre gentils. Ils nous ont apporté des signes : un chef terroriste sanguinaire tout souriant, tout miel, accolades et poignées de main, brandissant un papier sur lequel il est écrit : « Prix Nobel de la paix ». Quel signe merveilleux !

Et les journalistes souriants, et toutes les caméras braquées avec bienveillance et dégoulinance sur nos chers chefs d’État d’Israël jadis si haïs par la planète entière, par la seconde partie de l’humanité, la première se composant de Juifs et l’autre des antisémites, pour reprendre le regretté Desproges. Et cette pelouse si verte d’une maison si blanche, et ce bureau si massif, et ce stylo prompt à tant de prometteuses mais chimériques signatures. Nous avons été comblés de signes et de prodiges, mais…

Mais voilà, on nous demande d’adorer d’autres dieux, de nous détourner des préceptes de Celui qui nous a ordonné d’habiter le pays et de ne pas l’abandonner aux mains d’un tiers parmi les nations5.

L’équation des territoires contre la paix possède tous les ingrédients d’une fausse prophétie.

Un politicien, de visite chez le Rabbi de Loubavitch, le questionne6 :

« Est-ce que vous persistez dans l’opinion de continuer à garder tous les territoires malgré toutes les circonstances, la Judée, la Samarie et Gaza? »

Le Rabbi commence par lui demander s’il a une influence sur la question. Puis il lui répond :

« Toute partie de la terre d’Israël fait partie de la terre d’Israël. »

Réponse à première vue déroutante qui rejette l’idée que certaines régions pourraient lui être étrangères, comme l’ont laissé longtemps entendre les partisans des fausses prophéties. Il précise :

« Quiconque en donnerait une partie à quelqu’un d’autre vole le peuple d’Israël. »

L’autre insiste :

« Même si ça implique une guerre contre le monde entier? » (Il insinue au passage une autre fausse prophétie).

Le Rabbi lui explique :

« Ceux qui cherchent à faire la guerre au peuple d’Israël n’ont pas besoin d’un motif particulier. Ils ne cherchent qu’à causer des dommages à Israël. Et il n’y a pas de relation avec les actes d’Israël, s’ils se conduisent d’une manière ou d’une autre. Je viens de Russie. En Russie, il y a toujours eu des fausses accusations criminelles, et elles ne résultaient pas d’une culpabilité des Juifs. C’est que les goïm cherchaient un prétexte pour accuser et faire du mal à Israël. »

Revenons au débat qui divisait l’opinion israélienne à une époque antérieure à toutes les politiques d’apprentis sorciers qui ont déstabilisé la paix de facto qui faisait d’Israël l’un des pays les plus agréables au monde (ce qui reste vrai envers et contre tout) où, si l’on entendait comme des déflagrations, c’était dû tout simplement à l’armée de l’air qui veillait sur nous et franchissait parfois le mur du son.

Bien entendu, on ne parlait pas de vraies ou fausses prophéties, ni de tentatives de nous détourner vers d’autres cultes. On parlait de débats d’opinions. Normal, en démocratie ! On pouvait penser à haute voix. L’un disait :

« Je pense que nous devons renforcer notre présence sur toute la terre d’Israël, et tout particulièrement dans la bande de Gaza, sinon l’ennemi s’armera et sera à nos portes » ;

l’autre disait :

« Je pense que vous devez absolument partir de ce lieu, car vous attisez la haine de nos ennemis contre nous. Vous empêchez l’avènement d’un nouveau Moyen-Orient où régnera la paix. »

Forts de leur opinion et de leur droit de l’exprimer, des habitants de la zone périphérique de la bande de Gaza prirent l’habitude de manifester avec des banderoles afin de bien se poster dans le champ de vision des Juifs de Gaza qui empruntaient régulièrement cette route qui menait aux autres localités d’Israël.

« Stop à l’occupation » ; « L’occupation nous tue »…

Sincèrement affectés par ces croyances, des habitants de Gaza s’arrêtaient parfois pour tenter de parlementer avec ceux qui voyaient en eux la source de toute la misère du monde.

Pour marquer les vingt ans de l’expulsion, les chaînes de télévision israéliennes y ont consacré des émissions et des reportages.

Dans le documentaire de Shimon Riklin, sur la chaîne 14, des personnes qui défendaient les deux opinions et filmées à cette époque en train de s’exprimer, nous plongent longtemps après dans une atmosphère sensationnelle, sinon stupéfiante.

En voici quelques extraits7.

– Voici ce qu’explique un habitant de l’intérieur (relatif) des terres :

« Celui qui observe la vue que nous avons d’ici (d’une colline située en surplomb de la bande de Gaza), comprend tout le ridicule de l’argument qui voudrait qu’ils (les habitants juifs de Gaza) formeraient un rempart entre nous et Han Younes (colonie arabo-musulmane), qu’ils nous protégeraient des Arabes. Sur le plan strictement militaire, c’est un argument vide de toute substance. »

– Et voici ce qu’explique un habitant de Gaza, s’étant garé sur le bord de la route, aux manifestants :

« Les territoires, c’est tout l’État d’Israël. C’est Jérusalem, c’est Tel-Aviv, c’est Jaffa… »

La dame debout avec sa banderole lui rétorque avec assurance, à chacune de ses virgules, qu’il n’en est rien, que seuls les territoires désignés comme tels posent problème.

Notre habitant de Gaza ne se laisse pas démonter :

« C’est pourquoi, quand le premier attentat sera perpétré ici, dans ce kibboutz, on vous verra. »

– Un autre extrait montre un membre de kibboutz très remonté, s’exprimant néanmoins dans le calme :

L’un de leurs arguments les plus énervants, c’est : « Si nous n’étions pas là, c’est vous qui seriez frappés ».
J’avais répondu un jour à un idiot de passage : « Non mais tu penses vraiment que je cherche à ce que toi et tes enfants deveniez mon bouclier qui protège ma vie ? »

– Le reportage fait un arrêt sur image, puis un encart s’affiche :

« Haïm Peri était un artiste qui vivait au kibboutz Nir Oz. Il a été kidnappé vers la bande de Gaza le 7 octobre, pendant le massacre de son kibboutz. Là-bas, il a été assassiné ».

La déstabilisation de la paix a commencé dans les années 90, avec le projet « Gaza et Jéricho d’abord ». Pendant des années, les terroristes arabes ont pris pour cible les habitants de Gouch Katif.

Il y a vingt ans, Gouch Katif a été anéanti. Les loups se sont mis alors en chasse pour des bergeries plus éloignées.

Soyons prudents, et que nos opinions ne soient pas en fait de faux pronostics.

Le retour d’Israël est en marche, et toute l’histoire moderne accorde ses violons.

Il a fallu la colonisation par l’Europe de l’Afrique et du Moyen-Orient pour que la décolonisation puisse se faire, et pour que simultanément la Palestine soit à son tour libérée pour le plus grand bien du peuple d’Israël et de l’histoire biblique écrite noir sur parchemin dans des termes prophétiques. YS♦

Yéochoua Sultan, Vu sous cet angle


1 Ecclésiaste II, 14.

2 Maximes des Pères 2, 9.

3 Talmud Baba Batra 12a.

4 Traduction dirigée par le Grand Rabbin de France Zadoc Kahn, année 1899.

5 Voir Nahmanide, Commandement positif numéro 4.

6 https://www.youtube.com/watch?v=LkYh6WcnIIU

7 https://www.youtube.com/watch?v=HZeWIYbeDzE&t=742s


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