
Par Liliane Messika,
[8 octobre 2025]
Messianisme, réalisme et conceptualisme sont dans un bateau
Trois concepts, un seul bateau : l’humanité. Peuvent-ils partager le même espace ? Ils le doivent, car l’Homme n’a pas le choix. Mais si réalisme tombe à l’eau, les deux autres se pincent à nous faire mourir.
Expliquées à ma fille, ces trois notions se résument, la première en l’attente d’un être providentiel envoyé par un dieu, un diable ou Saint-Marx, la deuxième en une conviction que la connaissance du réel est constitutive du réel lui-même et la troisième conceptualise que les concepts sont les produits d’une construction de l’esprit, donc pas forcément réalistes, mais pourquoi pas messianiques.
Quand le conceptualisme est à l’œuvre, le réalisme subit des atteintes qui peuvent s’avérer létales (hommes enceints, femmes boxeurs, mosquée construite 2 000 ans avant le temple sur les ruines duquel elle s’élève…)
Quand le réalisme l’emporte, le messianisme tombe à l’eau. Qu’importe : le Messie est, par définition, une créature conceptuelle ou révélée, donc insensible aux fluctuations du réel, de la rivière à la mer et de la caverne à la cime montagneuse.
L’habitat naturel du messianisme est le monothéisme
En l’absence de Tinder, les Grecs en mal d’amour priaient Aphrodite pour un jour, ou Héra pour toujours. Les Grecques, elles, avaient Athéna pour modèle, Déméter comme influenceuse, Eros dans le viseur et si elles votaient massivement pour Apollon, elles finissaient quand même toutes chez Hadès. Les Romains idem avec, en version latine, Vénus, Junon, Minerve, Cérès, Cupidon et Pluton.
Les premiers à considérer que leur dieu était Un furent les Juifs. Ils discutent depuis plus de 3 000 ans sur le sens de chacun des mots de la Torah, car l’hébreu ne possédant pas de voyelles, il ouvre un champ illimité aux interprétations.
Chassés du paradis et responsables des actes inspirés par leur libre-arbitre, ils espèrent un Messie dont il existe autant de versions que de Juifs (15 millions environ sur la planète Terre). Pour les uns, c’est un descendant de David, un roi qui mettra un terme à la domination extérieure et fera advenir des temps nouveaux de justice et de paix.
Pour d’autres, c’est un phare, qui éclaire le chemin sur lequel l’Homme avance en essayant de s’améliorer, afin de participer à la réparation du monde.
Le Messie n’est pas humain et encore moins inhumain. Il est, par essence, celui qui adviendra, l’avenir éternel. Si un Messie se déclare, dans l’ici et maintenant, il joue l’oxymore, sa présence au présent étant preuve de sa fausseté.
Le messianisme est une attente, active chez les Juifs, advenue chez les chrétiens, passive chez les musulmans (passive/agressive chez certains), génocidaire pour le Hamas et consorts.
Le messianisme ne se réduit pas au Messie
Le messianisme est une espérance annoncée par les prophètes qui, eux, interviennent aussi bien dans les domaines moral et eschatologique que politique.
Si la Torah, la Bible, est le livre d’Histoire des juifs, leur Dieu n’exige pas pour autant d’eux qu’ils croient en lui, du moment que Lui, croit en eux. La Torah, elle-même, prend plusieurs formes et d’innombrables sens : on peut la lire au sens historique littéral, ou l’interpréter comme métaphore pédagogique, voire comme un secret cabalistique à élucider sans interruption jusqu’à la fin des temps.
Les prophètes, qui parlaient en hébreu de leur dieu au peuple juif, se distinguaient plus par le contenu de leurs messages que par leur éloquence ou par leur habit (à l’époque, c’est-à-dire du VIIIᵉ au VIᵉ siècles avant Jésus-Christ, il ne risquait pas de faire le moine).
L’Histoire des Hébreux est faite d’exils, de persécutions et de tentatives de génocides. Le messianisme est constitutif du ciment qui a rassemblé les exilés épars et qui a conservé le peuple dans ses commandements jusqu’à nos jours.
Entre 597 et 538 avant notre ère, Nabuchodonosor a déporté l’élite juive de Jérusalem et du Royaume de Juda à Babylone. Au cours de cette période, connue comme « l’exil de Babylone », Amos, Osée, Jérémie et Ézéchiel, prophètes de leur état, ont prévu/raconté/annoncé une ère messianique où les Juifs retrouveraient leur État.
Dogme et liberté d’opinion
La particularité du premier des monothéismes est l’absence d’un dogme rigide et inquestionnable. Puisque leur Dieu a concédé aux Juifs le libre arbitre, il en subit les conséquences : interprétations interminables du texte par les religieux, négociation des prophètes avec le Boss au sujet des délits et de leurs sanctions…
Cela avait déjà commencé avec Abraham, à qui son Dieu avait annoncé les crimes de Sodome et Gomorrhe et la sanction qu’il leur appliquerait sous forme de destruction des villes tout entières. « Mais s’il se trouve 50 justes, dans ces villes, cela ne rachète-t-il pas les pécheurs ? » avait demandé le premier patriarche, se faisant l’avocat des pécheurs et donc du diable. Et 40 ? Et 30 ? La négociation avait été bouclée à dix Justes, mais même ces dix-là n’ont pas été découverts dans le chapitre 18 de la Genèse (versets 20-21). Exit Sodome et Gomorrhe.
On est là dans l’extrême opposé du « Mektoub » musulman, qui signifie littéralement « C’est écrit ». Ce qui est écrit dans le Coran est buriné dans le marbre d’une croyance aveugle au réel et sourde à la raison, a fortiori à la science. Peut-être faut-il voir dans cette différence d’approches la prédilection des Juifs pour la science et leur succès dans les Prix Nobel, qui sollicitent la raison. À l’inverse, tout papillon musulman qui tente de frôler le Coran, même en lui murmurant une simple contextualisation, est passible de mort.
Le XXIᵉ siècle avait été prophétisé religieux par André Malraux.
Sa prophétie s’est accomplie, mais la foi majoritaire ne s’incarne pas dans les monothéismes traditionnels, seulement dans la religion palestiniste. « Le palestinisme est une foi : une ivresse sacrificielle, une religion sans dogme mais avec un tabou suprême – celui du questionnement1. »
Le messianisme de la nouvelle croyance répand son dogme inébranlable par le verbe, par le glaive et par le ventre des femmes. L’Histoire est réécrite en temps réel : tout ce qui est fait au nom de l’islam est pacifique, y compris la guerre. Tout ce qui touche de près ou de loin les Juifs ou Israël est diabolique, y compris les vaccins et les technologies de sauvetage écologique. Nuire au « petit Satan » plaît à Allah et rapproche le croyant du paradis aux 72 vierges.
De dieu et du diable, de la science et des cieux…
Au Moyen-Âge, à la science était superposée la religion. Plus la première a évolué et plus le domaine de la seconde a rétréci. À la fin du XVIIIe siècle, Urbain Le Verrier, astronome, mathématicien spécialisé dans l’infiniment grand (la mécanique céleste), est à l’origine de la météorologie moderne. Contrairement à certains politiciens du XXIᵉ siècle, il ne s’est pas pris pour Dieu, mais il s’en est approché : « j’ai vu Dieu avec le télescope ! » Son contemporain, Pasteur, évoluant dans l’infiniment petit, a vu la même chose, mais à l’aide d’un autre outil : « J’ai vu Dieu avec le microscope ! » Leur aîné, Jean-Baptiste Biot, a synthétisé leurs visions : « Un peu de science éloigne de Dieu, beaucoup de science y ramène. »
Ce n’est pas le cas de la politique, bien que le messianisme y soit très présent, surtout du côté gauche de l’Hémicycle. Notre Père est aux cieux, mais le Petit père des peuples était à Moscou et son influence est encore prégnante dans la patrie des Arts et des Lettres, devenue celle des larrons et des traîtres.
Les idéologies sont incompatibles avec la science : celle-ci postule que la preuve d’un phénomène s’obtient en donnant le même résultat chaque fois que l’expérience est renouvelée dans les mêmes conditions. Le réel s’acharne en effet à montrer que les idéologies totalitaires ruinent les pays et déshumanisent leurs habitants. Qu’importe ! Les idéologues « progressistes » des pays dits « libres » ne croient pas en le réel.
Après avoir adoré Staline, idolâtré Mao et admiré Pol Pot, ils se sont enamourés de Mahmoud Abbas et plus encore de la clique cliquee, persuadés qu’une fois nantis de leur État labellisé par l’ONU, ces « combattants de la liberté » se transformeront tous en démocrates pacifistes.
Plus qu’un messianisme dévoyé, l’observateur y voit une pathologie létale, nourrie de tambouille sinistre et sénestre, à base de préjugés, de haines, de rancunes et de jalousies. Ce quartette est le socle de valeurs de LFI et consorts : haine des riches, rancunes de perdants, préjugés contre les « colonialistes » (en français : « les Blancs ») et jalousie maladive des Juifs, considérés comme Blancs au carré, qui trustent les banques, les médias, les gouvernements et les métiers qui rapportent un pognon de dingue.
Le communisme a fait mourir d’inanition 20 millions de Soviétiques. Il a condamné à la prison à vie et aux travaux forcés la moitié d’un continent pendant 70 ans. Trente ans après la chute du mur de Berlin, au Venezuela (dont le sous-sol renferme 300 milliards de barils d’or noir2), un régime communiste a produit une faillite et une famine, provoquant la mort et/ou la fuite de plusieurs millions de citoyens. À Cuba, « la colère de la population, harassée par les pénuries, grandit contre le régime. Les habitants de l’île subissent de longues coupures d’électricité et doivent patienter des jours durant ou faire des queues interminables pour avoir une chance de se procurer des produits de base3 » écrivait Le Monde, quotidien ouvertement islamo-gauchiste, en mars 2024.
La science postule et prouve que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Cela n’empêche pas les messianistes/progressistes de militer vigoureusement, voire violemment, pour installer un régime communiste/bolivarien en France.
Un tronc commun : la décapitation
L’Histoire enseigne que tous les pays qui ont persécuté ou chassé leurs citoyens juifs ont ensuite sombré dans une dictature qui les a affaiblis aux plans social, économique et culturel. Et alors ? Alors, les messianistes/progressistes de nombreux pays se donnent la main pour promouvoir un programme « antisioniste » d’extrême-gauche, qui double les malchances d’aboutir à la catastrophe.
Pierre-André Taguieff, philosophe, politologue, historien des idées et directeur de recherches au CNRS, analyse cette fuite en avant dans la folie (selon la définition d’Einstein : faire toujours la même chose et s’attendre, chaque fois, à un résultat différent). « Les adeptes de la religion wokiste se rallient à toutes les mobilisations à motifs victimaires en se prenant pour des « résistants » face à toutes les formes de « domination ». C’est leur manière de confirmer leur appartenance au camp du Bien. Or, dans la propagande antisioniste, « le Palestinien » est la figure par excellence de la victime innocente qu’il faut défendre inconditionnellement. Et, corrélativement « le sioniste » est la figure du méchant et du bourreau, criminalisé et diabolisé en tant que « raciste », « colonialiste », « impérialiste » et, désormais, « génocidaire ». C’est donc mécaniquement que les militants wokistes ont pris parti pour les prétendus « résistants palestiniens » incarnés par les islamo-terroristes du Hamas, en dépit des massacres que ces derniers n’ont cessé de commettre depuis la fin des années 1980.4 »
Messianisme et bouc émissaire
Le bouc émissaire est à la politique ce que le placebo est à la médecine. Il suffit qu’il existe pour que le patient/citoyen se sente mieux. En politique, « placebo » se dit « yaka-faukon », et se prescrit au même dosage : une inaction de la part des décideurs, qui finissent par croire que leur description du réel peut… réellement se substituer au réel.
L’outil préféré des dirigeants contre le réel est leur bouclier en bouc émissaire massif.
Les États arabo-musulmans, qui se situent pratiquement tous dans le bas du classement des démocraties, tirent cette stratégie du Coran lui-même.

Le Coran absout d’avance les musulmans de tous leurs péchés et en reporte la sanction sur les Juifs et les chrétiens : « Le Prophète (que la prière d’Allah et Son salut soient sur lui) a dit : « Le jour du jugement des gens parmi les musulmans vont venir avec des péchés comme des montagnes, Allah va leur pardonner et va mettre leurs péchés sur les juifs et les chrétiens ».5 »
La France, dont les futurologues prétendent qu’elle sera devenue un 59ᵉ État musulman avant que soit créé un État de Palestine viable, a adopté la méthode du bouc émissaire avec enthousiasme. À la fin de la deuxième guerre mondiale, elle a d’ailleurs exfiltré le Grand Mufti de Jérusalem, Mohammed Amin al-Husseini, proche d’Hitler, auto-proclamé « voix politique du peuple arabe de Palestine6 » et parent n°1 des Frères musulmans, dont Hassan al-Banna, son fils spirituel, est le parent n°2.
« Les Juifs sont les pires ennemis des musulmans. Il existe des similitudes entre les principes de l’islam et ceux du national-socialisme » expliquait al-Husseini, le 21 janvier 1944, à des SS bosniaques musulmans. Une déclaration que ne renierait pas le millimètre à penser de la France Insoumise (mais soumise à Allah), qui lui, a vu dans la défaite aux élections britanniques de son ami Jeremy Corbyn : « les accusations de complaisance envers l’antisémitisme lancées par « une poignée de blairistes », par « le grand rabbin d’Angleterre » et par « divers réseaux d’influence du Likoud », le parti de Benyamin Nétanyahou.7 »
Observation réaliste du messianisme politique
Les militants islamo-gauchistes qui revendiquent une sixième République voient en Jean-Luc Mélenchon un prophète, voire le messie. Leur opium populiste est plus épicé que celui des démocrates-chrétiens de la Troisième, qui vénéraient travail, famille et patrie, mais aussi un couple d’ennemis de la Gauche : Propriété et Épargne.
Ces valeurs besogneuses laissaient peu de temps pour les destructions de statues et les études de genre aussi, dans tout l’échiquier politique, le dialogue et les controverses se faisaient-ils à coup d’arguments, sans disqualifier les opposants et les contradicteurs au motif de leur naissance, de leur couleur ou de leur religion.
Ce qui a changé, c’est que la Gauche, aujourd’hui, est calcifiée dans la certitude d’être dans le camp du bien, mieux : d’être le Bien incarné. L’Autre aura sa haine, mais pas l’aumône de sa parole. Ceux qui ne partagent pas le point de vue du peuple élu des droits-dans-leurs-bottes-de-gauche sont des ennemis, et les ennemis, on ne leur parle pas, on les tue.
Les esprits ont rétréci, le courage également. Quant aux moyens des ambitions, ils se résument à l’exécution des libres penseurs sur les réseaux sociaux.
Argumenter sur le fond serait perte de temps puisque la vérité est Une, indivisible et parfaite. Rien ne vient entamer cet absolu, surtout pas le réel. Quand un sujet est atteint de cette pathologie absolutiste, il n’a ni limite, ni concurrent, ni sens de la relativité, ni conscience de l’Autre. Le nazisme, le communisme et l’islamisme partagent les mêmes caractéristiques absolutistes, constitutives du totalitarisme.
Que les leaders scandent « Ein Reich, ein Führer ! », « Pas un pas en arrière ! » ou « Mort aux Juifs ! », une même certitude les habite, comme elle envahit leurs militants, à qui elle sert de boussole, de morale, d’idéal et de doudou transitionnel. Leurs idéologies peuvent varier, voire s’opposer, chacune détient sa vérité, pas UNE vérité, mais LA Vérité incarnée en son Messie.
Il est paradoxal que l’on nomme monothéisme un système où l’Être suprême a des caractéristiques anthropomorphiques et où il est entouré par autant de saints et de prophètes que les Grecs avaient de Dieux et de héros : « Si Dieu a fait l’homme à son image, nous le lui avons bien rendu », remarquait Voltaire.
Dans la sphère politique, l’idolâtrie ne se nomme pas monothéisme ou paganisme, mais « culte de la personnalité ». Le réalisme consiste à s’en rendre compte et à se féliciter que les Lider minimos n’aient pas les moyens de leurs ambitions.
Un conflit exemplaire entre un concept messianique et le réalisme © Macron
Un État se définit par trois critères : un territoire, une population et une puissance publique (ou un pouvoir organisé) qui exerce sa souveraineté sur ce territoire et cette population. L’administration se construit et démontre ses capacités politiques avant de faire reconnaître l’État qu’elle dirige par la communauté internationale : elle subvient à ses propres besoins (recettes) et élabore le budget qui remplira les missions régaliennes vis-à-vis de sa population (dépenses).
Ces critères et cette démarche sont le droit commun international. La seule exception à la règle est la « Palestine », sur le territoire des Royaumes d’Israël et de Juda. Pour punir les résistants à l’empire de ce territoire rebelle, les occupants Romains avaient rebaptisé leur pays Palaestina, du nom de ses ennemis définitivement éteints, les Philistins. Goliath est le seul souvenir de ce peuple qui figure encore dans la mémoire judéo-chrétienne. Après les Romains, les colonisateurs de la région furent légion : Byzantins, Perses, Omeyyades, Turcs (Empire ottoman)…
D’un empire à l’autre, un bond en avant pour arriver à 1917 et à la chute de l’Empire ottoman, allié des Allemands pendant la guerre de 1914-18.
Le droit commun en matière de conflits stipule que le vainqueur d’une guerre dispose des territoires qu’il a conquis selon son bon vouloir.
C’est ainsi que les possessions moyen-orientales de l’Empire ottoman furent partagées entre la France et la Grande-Bretagne, la première héritant de la Syrie et du Liban et la seconde de l’Irak et de la Palestine.
Une précision s’impose : la Palestine de l’époque comptait 120 000 km ² qui devaient devenir le Foyer national juif. Selon les mots de Lord Balfour, Ministre des Affaires étrangères britannique, Sa Majesté envisageait : « l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays8 ».
En 1922, Churchill, « d’un trait de plume, un dimanche » en a soustrait 77 % qu’il a offerts au sultan Hachémite en remerciement de ses services pendant la Première guerre mondiale. C’était la Transjordanie, devenue en 1947 le Royaume Hachémite de Jordanie.
Les États n’ont pas d’amis, seulement des intérêts. En 1947-48, ceux de l’URSS impliquaient de faire tomber le nouvel État juif d’Israël dans son escarcelle. D’où la réaction soviétique, quand cinq pays arabes attaquèrent l’État juif, le jour même de sa déclaration d’indépendance : « Les armées arabes ont attaqué l’État d’Israël dès son établissement en dépit du fait qu’il a été créé sur la base des décisions prises par les Nations-Unies dont font partie plusieurs États arabes. L’action des États Arabes ne saurait être considérée autrement que comme une agression non provoquée, une atteinte aux droits légaux du peuple juif et une violation des principes mêmes de la Charte des Nations-Unies.9 »
Dessine-moi un glouton
En 1917, les frontières avaient été dessinées au cordeau par les conquérants, sans tenir compte des populations ni de leurs organisations sociales ou politiques.
Premier choc civilisationnel : les Occidentaux sont structurés en États, les Arabes musulmans en familles, clans et tribus. Les États occidentaux s’allient et forment éventuellement des ensembles méga-étatiques (Commonwealth, Union européenne…), mais les clans arabes ne reconnaissent, au-dessus d’eux, qu’un seul état, qui n’est pas un État : la Oumma, la communauté des croyants en Allah.
Le résultat des manipulations territoriales européennes, séparant des clans et des tribus de part et d’autre de frontières artificielles et mélangeant des ennemis irréductibles dans un seul espace, fut une situation de conflits permanents entre ces structures dénuées de sens pour leurs habitants. Cette situation perdure aujourd’hui.
Les conflits interarabes ne cessent que quand les adversaires s’unissent contre un ennemi commun. Ils en ont un à portée de Kalachnikov : Israël, État d’un peuple non-arabe et non-musulman (puisque son existence précède l’invention de l’islam d’au moins deux millénaires), État re-né de ses cendres en 1948 à l’emplacement même de ses anciens royaumes.
Un autre bond en avant de 78 ans et nous voici en 2025, date à laquelle le roitelet français, délégitimé par sa politique, espère se refaire une popularité en amalgamant sa reconnaissance d’un État palestinien à celle des 148 pays (les soumis à Allah et les soumis à Moscou) qui avaient déjà procédé à cette cérémonie virtuelle.
La manœuvre picrocholine ne présente d’autre intérêt que de fournir un parfait exemple des interférences entre conceptualisme, messianisme et réalisme.
Palaestina jacta est
Pourquoi le timing de la manœuvre du Président français en sursis instable est-il la seule note qui sonnait juste dans sa démarche ?
Pour le savoir, il faut commencer par étudier les concepts erronés qui ont conduit à une théorie messianique dont il est le héraut (mais se croit le héros). La stratégie bien ordonnée de Macron commence par la Palestine parce que les dirigeants occidentaux (alias « la communauté internationale ») ont été convaincus, par la pédagogie de la répétition, de présupposés erronés. Liste non exhaustive :
Un CONCEPTUALISME hors sol
a) Le conflit planétaire opposant une Oumma de deux milliards de croyants à 15 millions de Juifs est un conflit territorial. Résoudre leur antagonisme est simple : il faut et il suffit de diviser la surface co-convoitée par X. Reste à déterminer quelle est la surface et quelle sera la proportion d’icelle allouée à chaque partie.
b) Les Juifs ont en commun une religion, rien d’autre. Cela fait du sionisme une aspiration messianique, terme sulfureux dans la France laïque. L’Église et l’État ont divorcé en 1905, donnant l’exemple au monde entier de ce que doit être une civilisation évoluée. Les Juifs ont un État par la grâce de la tolérance internationale : leur dirigeant élu « ne doit pas oublier que (ce) pays a été créé par une décision de l’ONU10 ». Toute la planète a complété le sous-entendu : ce que l’ONU a fait en 1948, elle peut le défaire aujourd’hui.
c) Les Palestiniens, eux, sont un peuple a fortiori le peuple indigène dont les opinions publiques mondiales sont persuadées qu’il a eu un État, on ne sait où, quand ou comment, mais que les Juifs ont volé.
d) Les Palestiniens revendiquent un État depuis toujours. Israël le leur a toujours refusé.
e) La violence, qui déchire la région depuis toujours résulte de la frustration de CE peuple, qui ne peut pas disposer de lui-même. Si on lui donne un État, il sera satisfait et hop ! la violence disparaîtra comme une tache dans une publicité pour lessive.
Une fois avalés ces axiomes, roulement de tambour et entrée des stars, un prophète hors de son pays et un Messie international.
Un MESSIANISME personnalisé
Les deux parties en conflit (l’État juif et le futur 58ᵉ État musulman) s’avérant incapables de négocier calmement pour faire la paix, il convient de faire intervenir le messie, Sainte ONU, pour les y contraindre. C’est à cette fin (et à la faim de suffrages banlieusards) que s’emploie le prophète, président en sursis d’un pays à mi-pente du toboggan menant au sous-développement.
Apport du RÉALISME dans l’autopsie d’un suicide de masse
a) Conflit territorial ? Comme on l’a vu plus haut, le concept d’État-nation est une idée occidentale projetée sur des familles, des clans et des tribus. Dès la genèse de l’islam, les conflits entre eux étaient la norme et la paix l’exception. Mahomet a introduit le concept de Oumma pour mettre fin à cette belligérance.
En 1917, les États créés dans l’urgence du démembrement de l’Empire ottoman ne possédaient aucune des caractéristiques qui rendent viables les États européens, qui ont eu des siècles pour maturer leurs identités, leurs Histoires et leurs langues en commun.
La Oumma est fondée sur des concepts inconnus des Européens : le waqf, selon lequel toute terre touchée par un musulman est une terre islamique jusqu’au jugement dernier. Lequel n’adviendra qu’après que le dernier juif aura été tué : « L’Heure ne viendra pas avant que les musulmans n’aient combattu les Juifs (c-à-d que les musulmans les aient tués), avant que les Juifs ne se fussent cachés derrière les pierres et les arbres et que les pierres et les arbres eussent dit : « Musulman, serviteur d’Allah ! Un Juif est caché derrière moi, viens et tue-le ! Un seul arbre aura fait exception, le gharqad qui est un arbre des Juifs ». (Hadith rapporté par al-Bukhari et par Muslim)11 »
Autre concept méconnu de notre côté de la Méditerranée, celui de « dhimma », littéralement : « protection ». Il s’applique aux citoyens de seconde zone dans les territoires où règne l’islam : les Juifs et les Chrétiens, appelés « dhimmis ». Ils y survivent en échange d’un impôt spécifique et d’innombrables humiliations quotidiennes, qui soulignent leur infériorité statutaire, notamment l’interdiction de se défendre s’ils sont attaqués. Ils sont un fusible commode pour les dirigeants de ces dictatures, qui lancent un pogrom de temps en temps, quand ils ont besoin de détourner l’agressivité de leurs sujets.
Quant au concept d’État palestinien, tel qu’il est défini dans les Chartes de l’OLP et du Hamas, il repose sur trois fondements : 1) la destruction d’Israël, pour respecter les concepts de waqf et de dhimma, car la souveraineté des dhimmis offense Allah, a fortiori dans un waqf. 2) La construction d’une Palestine arabe en lieu et place de l’État juif (quelle que soit la structure étatique ou la nature du régime de cette Palestine, qui ne sont jamais précisées et dont personne ne s’inquiète.) 3) La dilution du peuple palestinien temporaire dans une Oumma planétaire éternelle : le nouveau califat.
L’union des Arabes de toutes origines et de toutes opinions en un peuple qui n’a en commun que d’avoir vécu dans ce qui deviendrait Israël entre 1946 et 194812, s’est faite CONTRE Israël, aucunement POUR la Palestine.
b) Les Juifs sont les adeptes d’une religion, pas un peuple
Le judaïsme est une religion. Il a engendré un peuple, le peuple juif. Les antisionistes s’accrochent à la solution à deux concepts car, comme l’explique Philippe Val, qui fut rédacteur en chef de Charlie, « ne pouvant plus s’exprimer de façon religieuse ni idéologique, (leur antisémitisme) s’est manifesté dans la haine d’Israël.13»
Même si le concept est insupportable pour les anti-juifs et anti-État juif, les Juifs sont un peuple. La transition de religion à peuple date du XIIᵉ siècle av. J.-C., lorsque les Hébreux ont quitté l’Égypte, où ils étaient esclaves, sous la conduite d’un leader messianique que la Bible nomme Moshé en V.O., Moïse en V.F.
Dans Le Contrat social, Jean-Jacques Rousseau définissait le concept de peuple comme la communauté des gens qui se sentent faire peuple autour de valeurs communes, formalisées en règles de droit. Les Juifs, comme les Chinois ou les Américains, se reconnaissent à travers ce même sentiment d’appartenance.
Le sionisme n’est pas une religion, ni une race et pas non plus une idéologie. C’est un nationalisme. Mais contrairement à tous ceux du XIXᵉ siècle, qui sont à l’origine de la plupart des pays créés au XXᵉ, « le peuple d’Israël ne se trouvait pas sur sa terre lorsqu’il a entrepris de reconquérir son ancienne patrie. » Ce phénomène unique procède de ce qui dépasse la religion juive et unit le PEUPLE juif : une responsabilité à nulle autre pareille. Ainsi la décrivait David Ben Gourion, premier Premier ministre de l’État d’Israël : « L’autorité souveraine nous impose aussi une responsabilité pesante, qui était inconnue des Juifs dans ce monde depuis des centaines d’années : nous portons la pleine responsabilité de notre destin et de notre avenir et nous devons payer un prix très élevé pour assumer cette responsabilité.14 »
La loi du Retour, qui sert de marchepied aux antisionistes pour mettre un signe « égale » entre sionisme et racisme, n’est rien de plus que la procédure simplifiée qui permet aux enfants, nés à l’étranger de parents français, d’être automatiquement naturalisés : le droit du sang. Les Juifs, eux, sont automatiquement naturalisés Israéliens par l’État juif, s’ils peuvent prouver qu’ils appartiennent au peuple juif. Pour être considéré comme juif sur le plan religieux, il suffit d’avoir une mère juive. Pour appartenir au peuple juif, il suffit d’avoir le sentiment d’en faire partie. Mais comme il fallait un critère objectif pour bénéficier de la Loi du retour, l’État juif a choisi celui par lequel Hitler condamnait à mort des hommes, des femmes, des enfants ou des convertis à une autre religion : le seul fait d’avoir un grand-parent juif.
Le peuple juif est celui qui est donné en exemple par le Larousse à la définition de « peuple », car il est le plus ancien peuple connu qui soit toujours tel qu’en lui-même.
Malgré les exils, il a conservé sa langue : l’hébreu, qu’il récite dans ses prières et qu’il a mélangé aux langues locales des pays où se sont installées des diasporas : ladino = hébreu + espagnol, yiddish = hébreu + allemand, judéo-arabe = hébreu + arabe.
Les mœurs communes sont les traditions que respectait Jésus (Yehoshua ben Iosef dans la langue qui l’a vu naître) : calendrier des fêtes, circoncision, bar-mitzvah, cacherout, mariage, rituels de la mort et de l’enterrement… Ce sont celles que respectent les Juifs du XXIᵉ siècle, comme c’est le cas de leurs valeurs d’éducation, de solidarité et de justice.
Si l’inconscient collectif du peuple juif est structuré par la Bible, il possède aussi une dimension psychologique faite d’inquiétude, comme l’explique Daniel Horowitz, belgo-suisse et juif athée ashkénaze : « ce que je porte en moi est plus profond, plus ancien, plus diffus : ce n’est pas un souvenir, c’est une empreinte. Une civilisation ashkénaze dont les couches sédimentées m’habitent. Elle n’est pas faite de blessures individuelles, mais d’une mémoire du soupçon. Ce que je porte ne m’appartient pas en propre. Il m’a été transmis, parfois sans mot, parfois sans le vouloir. Une inquiétude ancienne, un regard porté sur soi à travers le regard des autres.15 »
c) Le peuple palestinien est un peuple qui remonte à la nuit des temps.
Croire que les Palestiniens sont un peuple qui aspire à obtenir un État, comme le peuple juif et aux côtés de celui-ci, demande une certaine obstination dans l’aveuglement, mais les opinions publiques y étant déjà conditionnées, ce n’est pas impossible.
Toutefois, les faits sont là : quand il s’est avéré que le jeune État d’Israël ne reviendrait pas sur son choix de l’allié américain plutôt que soviétique, le KGB a créé « le peuple palestinien » à Moscou, avec l’aide de son satellite roumain.
Le général Ion Pacepa, chef de la DGSE roumaine, a joué un rôle de premier plan dans cette création. En 1978, il a fait défection et a fourni à la CIA une masse d’informations, à commencer par les conditions dans lesquelles la charte fondatrice de l’OLP a été élaborée à Moscou, en 1964. Ce document ne revendiquait ni la Judée-Samarie ni la bande de Gaza, qu’il reconnaissait, l’une comme jordanienne et l’autre comme égyptienne16. Il statuait que son objectif était seulement le territoire appartenant aux Juifs. Après la guerre de 1967, lorsqu’Israël a chassé les colons jordaniens et égyptiens, les services de propagande soviétiques ont rebaptisé la Judée-Samarie et la bande de Gaza « territoire palestinien occupé ».
Ion Pacepa a écrit un livre où il raconte cette époque, vue de sa fenêtre de responsable du Renseignement roumain : « Le 28 mai 1964, le premier Conseil de l’OLP était composé de 422 représentants palestiniens, tous triés sur le volet par le KGB. Ce Conseil a approuvé la Charte nationale palestinienne elle-même rédigée à Moscou. La Constitution palestinienne a elle aussi, vu le jour à Moscou, avec l’aide d’Ahmed Choukeiry, un agent d’influence du KGB qui devint aussi le premier président de l’OLP.17 »

C’est aussi le KGB qui a relooké Yasser Arafat, deuxième président de l’OLP, choisi par le même KGB, en Che Guevara moyen-oriental : « Ce bourgeois égyptien est devenu marxiste sous l’influence du KGB. Le service de renseignement soviétique a formé Arafat à l’école des opérations spéciales Balashikha de Moscou, au milieu des années 1960 ; pour le préparer à devenir le futur chef de l’OLP. Pour commencer, le KGB a détruit tous ses actes de naissance et les a remplacés par des faux : le chef de l’OLP a cessé d’être un citoyen égyptien né au Caire, pour devenir un Palestinien né à Jérusalem ».
La première mention d’un « peuple palestinien » en référence aux Arabes de Palestine apparaît dans cette charte. Auparavant, en particulier pendant la période du mandat britannique, le terme « Palestiniens » désignait les Juifs en attente de la création de leur Foyer national.
d) Les Palestiniens ont toujours revendiqué un État, refusé par les Israéliens.
Plus on s’éloigne du terrain et de la date des faits et plus il semble facile de convaincre les opinions publiques que les faits n’ont pas existé et que la Terre est plate.
Ce qu’on appelle aujourd’hui « peuple palestinien » est constitué de deux groupes distincts. Il y a d’une part, des Égyptiens, car au moment de signer le traité de paix avec l’État juif en 1979, lorsqu’Israël a proposé de lui rendre tous les territoires qu’il avait conquis pendant la guerre des Six-jours, Anouar el-Sadate a refusé de reprendre Gaza, qui était, auparavant, sous domination égyptienne. L’autre sous-partie, c’est-à-dire les habitants arabes de Judée-Samarie, ont été citoyens jordaniens jusqu’au 31 juillet 1988. Ce jour-là, le roi Hussein leur a annoncé, dans un discours télévisé, la déchéance de leur citoyenneté et la disparition de la rive occidentale du Jourdain sur la carte officielle de la Jordanie.18 La déchéance collective de citoyenneté était tout aussi illégale que l’avait été l’annexion de la Judée-Samarie en 1949.
Ces Palestiniens, pour la plupart, étaient arrivés dans les années précédentes, quand les Juifs, ayant peu à peu rendu la terre cultivable et commencé à construire des kibboutzim et des villes, avaient créé des bassins d’emplois attractifs. Sous le mandat anglais, plus de 200 000 y étaient venus d’Arabie.
Le recensement anglais de 1922 montrait que les « Arabes de Palestine » avaient des origines syriennes, libanaises, bédouines, égyptiennes, soudanaises, libyennes, turques, circassiennes, druzes, kurdes, arméniennes, berbères, grecques, maltaises, chypriotes, etc.19 Au temps pour les Palestiniens, peuple indigène des 22 000 km ² sous lesquels on découvre encore chaque jour des vestiges du Temple de Salomon…
Le Congrès National palestinien de 1964, à Jérusalem, auquel n’avait participé aucun représentant des camps de réfugiés, avait validé la proposition de création de l’OLP proposée par l’Égypte lors du sommet de la Ligue Arabe au Caire, en janvier de la même année.
Les Palestiniens sont le seul peuple au monde qui réclame sans arrêt un État et qui le refuse chaque fois qu’on le lui offre, y compris quand Israël a accédé à toutes leurs exigences.

En 1947, Ernest Bevin, ministre britannique des Affaires étrangères avait résumé la situation devant la Chambre des Communes : « Pour les Juifs, le point essentiel est la création d’un État juif souverain, un État juif viable dans une partie adéquate de la Palestine. Pour les Arabes le point essentiel est de résister jusqu’au bout à l’établissement d’une souveraineté juive.20 » La situation du côté arabe n’a guère évolué en près de 80 ans. Au temps pour le sionisme, idéologie colonialiste, agressive et impérialiste.
e) Si on crée un État palestinien, la violence cessera
L’article 22 de la Charte de l’OLP, rédigée en 1964, donc avant l’occupation par Israël de la Bande de Gaza égyptienne et de la Judée-Samarie jordanienne, qualifiait ainsi l’État d’Israël : « Le sionisme est un mouvement politique, organiquement lié à l’impérialisme mondial et opposé à tous les mouvements de libération et de progrès dans le monde. Le sionisme est par nature fanatique et raciste. Ses objectifs sont agressifs, expansionnistes et coloniaux. Ses méthodes sont celles des fascistes et des nazis. Israël est l’instrument du mouvement sioniste. C’est une base géographique et humaine de l’impérialisme mondial qui, de ce tremplin, peut porter des coups à la nation arabe pour combattre ses aspirations à la libération, à l’unité et au progrès. Israël est une menace permanente pour la paix au Proche-Orient et dans le monde entier.21 »
Son article 24 précise que « L’OLP n’exerce aucune souveraineté territoriale sur la Cisjordanie, dans le Royaume hachémite de Jordanie, dans la Bande de Gaza ou la zone d’Afula dans le sud de Tibériade ». Rien à voir avec un État, donc.
Les « Intifada » (« soulèvements » en français) ont toujours érupté pendant des négociations de paix et jamais pendant des périodes de business as usual.
D’ailleurs, en 2000 à Taba, puis en 2008, Ehud Olmert a offert à Arafat tout ce qu’il demandait : un État sur 100 % de Gaza et 96 % de la Judée-Samarie + 6 % pour compenser les 4 % restant israéliens et Jérusalem comme capitale. Comme toutes les autres propositions, celle-ci a été refusée. Qui fait encore semblant de croire que le concept d’État auquel les Palestiniens aspirent est une nation pacifique et non l’addition de deux bases de lancement d’attaques génocidaires contre les Israéliens pris entre leurs deux feux ?
Yves Mamou observe les faits avec réalisme. Chaque fois qu’Israël s’est retiré d’un territoire conquis militairement pour préserver une solution à deux États, voire chaque fois qu’il s’est retiré unilatéralement d’un territoire qu’il avait occupé lors d’une guerre défensive, une nouvelle guerre a éclaté : à Gaza, occupée de 1967 à 2005, les incessantes attaques du Hamas, post-départ des Juifs, ont entraîné des représailles coûteuses en hommes, en temps et en armes : « Plomb durci » (2008), « Pilier de défense » (2012), « Bordure protectrice » (2014), « Gardien des murs » (2021), « Épées de fer » (depuis le 7 octobre 2023).
Au Liban, afin de protéger ses civils des attaques permanentes, Israël a occupé la région sud de 1985 à 2000. Depuis qu’il s’en est retiré unilatéralement, le Hezbollah a lancé deux guerres (2006 et 2023-2024).
En Judée-Samarie (que les Français s’obstinent à nommer Cisjordanie, bien que la Jordanie, qui l’avait annexée sous ce nom en 1949, y ait renoncé en 1988), les accords d’Oslo (Arafat-Rabin, 1993) prévoyaient le retrait graduel d’Israël en échange de la cessation permanente des attaques palestiniennes. Depuis 2000, ces attaques n’ont jamais cessé en provenance de Jénine, Naplouse, Ramallah, Hébron…22
Daniel Hervouët23, de son côté, précise que ces conflits ne se situent pas dans une logique du droit de la guerre tel que le conçoit l’Occident, mais d’un conflit asymétrique avec, d’une part, « des groupes terroristes totalitaires à puissance militaire quasi-étatique et à vocation religieuse et, de l’autre, un État démocratique et tolérant (Juifs, musulmans, druzes et chrétiens y cohabitent), membre de la communauté internationale et respectueux des règles de droit. Autrement dit un combat de boxe à mort dans lequel Israël a une main liée dans le dos par le droit humanitaire, dont ses ennemis se soucient comme d’une guigne.24 »
Enfin, la violence est constitutive de l’éducation des Palestiniens. L’Europe peut en revendiquer sa part de responsabilité, car outre le fait qu’elle ne cherche pas à savoir ce que ses protégés font des sommes astronomiques qu’elle leur verse, c’est elle qui finance les manuels scolaires dans lesquels les élèves palestiniens apprennent que 2 colons tués + 2 martyrs = 4 raisons de faire la fête25.
Le Danemark avait accueilli 321 Palestiniens en 1992. En 2017, un rapport du ministère de l’immigration montrait que sur ces 321 personnes, 204 avaient été condamnées par la justice, dont 31 % à des peines de prison.26 C’est ce qui a justifié, en septembre 2025, le refus de la Première ministre d’accueillir de nouveaux Palestiniens sur son sol.
Religieux ou athée, un mouvement messianique conteste un ordre qu’il considère comme injuste. L’islamo-gauchisme considère qu’il est injuste de ne pas laisser s’installer les Palestiniens là où ils le désirent sur la planète, tout comme il estime que l’État d’Israël n’a pas lieu d’exister.
La défense des « victimes » de l’injustice choisie par chaque mouvement messianique et progressiste « justifie » son combat et, si le mouvement réussit (c’est-à-dire s’il obtient une notoriété qui lui garantit un certain pouvoir de nuisance), il étend son action à tous les déshérités de la planète. Au Danemark, la social-démocrate Mette Frederiksen a rangé le conte de fées au grenier, quand elle a vu le compte des méfaits dont ses compatriotes souffraient de la part des Réfugiés les plus gâtés au monde.
Ailleurs, quand les « victimes », qu’elles soient indigènes ou immigrées, sont assez habiles, ou quand elles ont des alliés assez manipulateurs, elles obtiennent des résultats qui croissent et se multiplient avec chaque succès remporté (les leurs ou ceux de leurs sponsors). Cette stratégie rencontre peu d’échecs : le réalisme n’est pas la chose au monde la mieux partagée. Le Danemark a constaté que quelque chose était pourri en son royaume, mais il est l’exception qui confirme la règle.
En témoigne la « victime » majuscule, champion olympique de victimitude toutes catégories ici-bas et là-haut à la droite d’Allah, Yasser Arafat, qui a déclaré en 1995 : « Les Palestiniens recevront tout territoire qu’Israël leur remettra, puis l’utiliseront comme tremplin pour procéder à d’autres gains territoriaux jusqu’à ce qu’ils obtiennent la libération totale de la Palestine.27 »
Rendre à César…
Toutes les utopies politico-messianiques ont soulevé d’immenses espoirs de lendemains qui chanteraient le bonheur, la justice et la paix, mais elles se sont toutes heurtées au réel, qui est fait d’humains.
Les leaders messianiques de la Révolution ont toujours été persuadés de la justesse de leur cause et de la pertinence de leurs méthodes. Les millions de cadavres qu’ils ont tous laissé derrière eux sont les témoins de la différence entre conceptualisme, messianisme et réalisme en politique.
Les Juifs attendent toujours leur Messie salvateur ; les chrétiens ont vu le leur mourir pour leurs péchés, sans effet notable sur l’état du monde ; les musulmans espèrent accélérer la venue du leur en détruisant l’État juif…
Seuls les informaticiens sont heureux de l’avènement de leur Messie ad ’hoc : elle est née, la divine IA, jouez hautbois, résonnez musettes !
Elle va nous régler la situation de l’Humanité vite fait en trois coups de clavier : et d’une, reléguer le conceptualisme à l’architecture, et de deux, cantonner le messianisme au cinéma et de trois, unir le réalisme à la politique avec un contrat de mariage en béton.
Si seulement… LM♦

Liliane Messika, Dogma
1 Charles Rojzman – www.causeur.fr/palestinisme-entre-khaybar-et-golgotha-315206
2 www.connaissancedesenergies.org/afp/petrole-au-venezuela-age-dor-corruption-effondrement-et-sanctions-240721-0
3 www.lemonde.fr/international/article/2024/03/19/a-cuba-la-colere-de-la-population-harassee-par-les-penuries-grandit-contre-le-regime_6222893_3210.html
4 www.lexpress.fr/idees-et-debats/pierre-andre-taguieff-face-aux-fanatiques-du-djihad-la-recherche-de-la-paix-a-tout-prix-nest-que-PSEK2R46TRDP7AUJB6QLIS2MVY/
5 Rapporté par Mouslim dans son Sahih n°2767[Muslim, riyad as-salihin n°432]
6 https://www.revuepolitique.fr/les-trois-sources-de-lislamo-palestinisme-jihadiste-haj-amin-al-husseini-hassan-al-banna-sayyid-qutb-et-le-massacre-du-7-octobre-2024/
7 https://www.liberation.fr/france/2019/12/16/melenchon-corbyn-et-les-juifs_1769622/
8 https://mjp.univ-perp.fr/constit/il1917.htm#
9 Communiqué de la Pravda, 31 mai 1948, paru dans L’Humanité du 1ᵉʳ juin 1948.
10www.lemonde.fr/international/article/2024/10/15/benyamin-netanyahou-ne-doit-pas-s-affranchir-des-decisions-de-l-onu-declare-emmanuel-macron-en-conseil-des-ministres_6352771_3210.html
11 Charte du Hamas Chapitre VI, art.7 – www.senat.fr/rap/r08-630/r08-630-annexe2.pdf
12 https://www.un.org/fr/events/unrwa_at_60/pdf/info.pdf
13 www.causeur.fr/philippe-val-islamisme-passer-a-l-offensive-292992
14 https://mabatim.info/2024/08/22/une-ode-a-david-ben-gourion-interpretee-par-super-lurcat/
15 https://danielhorowitz.com/blog/index.php/2025/05/18/israel-et-lexil-en-heritage/
16 Leurs annexions par ces pays étaient illégales et n’avaient été reconnues que par l’URSS et ses satellites.
17 www.amazon.fr/Horizons-rouges-Pacepa-Ion/dp/2258026075/ref
18 https://www.lemonde.fr/archives/article/1988/08/09/le-desengagement-en-cisjordanie-le-roi-hussein-annonce-que-les-palestiniens-garderont-leur-passeport-jordanien-jusqu-a-la-creation-de-leur-etat_4089349_1819218.html
19 J. B. Barron, Palestine : Report and General Abstracts of the Census of 1922, Gov. of Palestine, 1922, 58 p.
20 https://api.parliament.uk/historic-hansard/commons/1947/feb/18/palestine-conference-government-policy
21 https://nuitdorient.com/n21151.htm – Médiapart 5 juillet 2017 – Édition du matin, article dépublié a posteriori.
22 https://mamou.substack.com/p/annexer-gaza
23 Ancien officier des forces spéciales et des renseignements, Daniel Hervouët est Contrôleur général des armées et professeur associé à l’université Paris 2, Légion d’honneur (chevalier en 1995 et officier en 2007), officier de l’Ordre national du mérite et chevalier de l’Ordre des Palmes académiques (2017).
24 https://mamou.substack.com/p/annexer-gaza/comments
25 www.impact-se.org/wp-content/uploads/Gazas-Éducational-Frameworks.pdf
26 www.europe1.fr/international/pourquoi-le-danemark-refuse-daccueillir-des-blesses-palestiniens-sur-son-sol-770166
27 www.controverses.fr/pdf/n8/joel.pdf – P.15
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