Juifs de France : l’Histoire avance… et vous ?

Par Serge Siksik,
[Tel Aviv 13 novembre 2025]

À trop attendre, on finit par quitter la route et ce n’est pas le détour qui est dangereux, c’est le ravin où il conduit.
« Celui qui fait de l’accessoire l’essentiel, perd l’essentiel et parfois même l’accessoire »1

Manitou, avec une clarté qui traverse le temps, disait :

« Le retour à la Terre d’Israël n’est pas une aventure nationale : c’est un retour de l’Homme à son identité. »

En France, beaucoup de Juifs vivent encore comme si l’Histoire pouvait attendre, comme si Israël n’était qu’un horizon sentimental et non la destination naturelle d’un peuple revenu à lui-même. Mais l’époque s’est durcie : l’exil n’est plus un abri, et la nostalgie ne protège de rien. Entre les menaces qui montent et l’appel silencieux de la Terre d’Israël, une question se fait pressante :

À quel moment le confort devient-il un piège, et le retard, un risque ? Quand l’Histoire se remet en marche, rester immobile, c’est déjà s’éloigner.

Il est des vérités que l’on ne découvre qu’en marchant comme on étudie, pas à pas, sur une terre où chaque pierre renferme une étincelle du Or haGanouz, la lumière cachée des commencements, déposée par les prophètes, les rois et les exilés…

Israël n’est pas seulement un pays, c’est la respiration du monde, une dimension de l’âme, le lieu où la poussière elle-même enseigne.

Les Juifs de France le savent dans leur cœur, mais trop souvent, ils l’oublient dans le confort de l’installation.

Ils prient « L’an prochain à Jérusalem » sans imaginer que ce vœu, chaque année répété, n’est pas une formule liturgique à réciter mais un appel du Ciel à y répondre.

Vivre sur la Terre d’Israël c’est réviser l’ordre du monde.

  • Tout devient plus simple, mais plus exigeant.
  • On perd des repères matériels et l’on gagne des repères spirituels.
  • On quitte l’abondance des enseignes pour retrouver l’essentiel des visages, ces visages qui ne vendent rien, mais qui portent tout : la mémoire, la foi, et le souffle de ce peuple revenu sur sa terre.
  • On descend peut-être en niveau de vie, mais on monte en niveau d’être.
  • On se plaint moins du bruit, car le silence du désert n’est jamais loin.
  • On craint moins pour son avenir, car on touche enfin au sens du présent.

En Israël, tout coûte plus cher sauf la vie intérieure. On s’y lève plus tôt, on y court plus vite, on y râle plus fort, mais c’est le prix du peuple qui ne dort jamais sur ses lauriers. Ici, chaque matin est une alerte et une promesse : alerte de danger, promesse de sens. Nous réapprenons tout : nos priorités, l’éducation de nos enfants, nos prières, nos rêves.

Ce pays, minuscule sur la carte, élargit l’âme à la taille de l’éternité.

Beaucoup, depuis la France, regardent Israël avec une tendresse mêlée d’inquiétude. Ils y voient une flamme héroïque, mais redoutent son ardeur. Ils admirent le courage de ceux qui se lèvent sous les sirènes, mais préfèrent le silence des dimanches.

Ils disent :

« Ce n’est pas pour moi, j’aime trop la paix des habitudes. »

Cette phrase, anodine en apparence, résume deux mondes :

  • celui qui s’endort dans la tranquillité,
  • et celui qui se réveille dans le danger mais pour vivre debout au nom de tout un peuple.

– Mais cette tranquillité n’est pas la paix. C’est souvent la paix de ceux qui ont renoncé à la tension du sens.

– Israël, c’est l’inverse : un tumulte permanent où l’on apprend à respirer dans le feu. Et dans ce feu, quelque chose se purifie.

En France, la diaspora a produit des penseurs, des artistes, des médecins, des rabbins admirables.

Mais aujourd’hui, une autre réalité s’impose : l’antisémitisme n’y est plus un simple souvenir, c’est une donnée. Il se nourrit de la haine d’Israël, il se déguise en cause politique, et chaque flambée d’anti-israélisme entraîne son lot de menaces, d’injures et d’actes.

C’est pourquoi le temps n’est plus seulement à la vigilance, mais à la lucidité.

L’Histoire nous parle à voix haute :

Le dessein divin n’est pas la dispersion, mais le retour. Ce n’est pas dans l’exil que s’accomplit la promesse, c’est dans la terre d’Israël que s’écrit la continuité.

– La destinée juive ne s’achève pas dans l’excellence dispersée, elle s’accomplit dans la réunion du peuple sur sa terre.

Israël n’est pas un choix individuel, c’est un devoir collectif, un rendez-vous historique. Même si l’on croit descendre, c’est ici que l’on monte.

Monter non pas vers les hauteurs sociales, mais vers l’essentiel : le lien, la mémoire, la fidélité, tout ce qui élève l’âme au-dessus du confort

Certains diront en France :

« Ici, nous avons nos synagogues, nos écoles, nos familles ».

Oui, mais là-bas, tout cela n’est qu’un écho. Israël n’est pas un décor : c’est le centre, la source et le sommet.

Les mêmes prières y pèsent plus lourd, les mêmes fêtes y vibrent autrement, comme si la terre elle-même priait avec nous.

En Israël la pluie n’y est pas météorologique, elle est bénédiction. Chaque parcelle de cette terre porte la mémoire d’Abraham, de David, d’un peuple qui marche depuis 4 000 ans pour rentrer chez lui.

Ici, on apprend la vérité des mots :

Am Israël Haï, non pas comme un slogan, mais comme une évidence quotidienne.

– On comprend que la souveraineté n’est pas une idée politique mais une responsabilité spirituelle.

– Que la sécurité, ici, n’est pas garantie par la police, mais par le mérite collectif de rester digne de cette terre.

– Qu’un kibboutz, une base militaire, une école, une yeshiva, un marché, un hôpital, tout cela compose le même corps vivant : la reconstruction d’Israël.

– Là-bas, vous vivez juifs parmi les nations ; ici, nous vivons juifs dans la nation.

– Là-bas, vous combattez l’assimilation ; ici, nous combattons l’oubli.

– Là-bas, vous défendez Israël ; ici, Israël vous défend.

Et cela change tout.

Bien sûr, ce n’est pas facile. Les prix montent, les salaires peinent, les administrations exaspèrent, les files d’attente découragent.

Mais la Providence, ici, veille autrement : elle éduque. Elle ne donne pas, elle éprouve et dans cette épreuve, l’âme s’affûte.

  • Celui qui vit ici comprend un jour que le confort est souvent un piège, et l’inconfort, un révélateur.
  • Ce que l’on croyait perdre, on le retrouve autrement et mieux.
  • Monter en Israël, ce n’est pas seulement changer de pays : c’est changer de gravité.
  • Tout ce qui est accessoire tombe de soi-même, et ce qui demeure, c’est l’essentiel : la foi, la famille, le peuple, la langue, la mémoire.

Ah, et je n’oublie pas un élément majeur, consubstantiel de l’Israélien : la patience… ou plutôt la savlanout (סבלנות), ce mot intraduisible qui ne signifie pas vraiment patienter, mais porter, porter la tension, le rythme, la vie elle-même. Normal : sa racine ס־ב־ל (S-B-L) veut dire « supporter un poids ». Le savlan, c’est le porteur. Ici, la patience n’est pas un coussin : c’est un muscle intérieur.

Et comme Israël ne fait jamais les choses à moitié, la savlanout est sous haute tension et se découvre, en embuscade, dans sa scène la plus universelle, celle que chaque immigrant ou touriste a vécue :

Vous êtes au guichet. Vous expliquez votre dossier. Vous respirez. Enfin, c’est votre tour.

Et soudain, comme une apparition surgie de nulle part, vous entendez derrière vous : « Rak shééla ! » (רק שאלה), juste une question ! Une voix dont l’assurance est celle de celui qui ne doute pas de sa place dans le monde. Un missile courtois mais direct, un chef-d’œuvre d’intrusion locale, une tradition immémoriale du « je n’attends pas, mais toi oui ». Le culot devenu code !

Et, comble de l’art, celui qui vous coupe la parole vous lancera peut-être lui-même un « Savlanout ! », pour vous rappeler de rester calme dans un désordre qu’il vient précisément d’aggraver.

Le génie israélien est là : la contradiction n’est pas un défaut, c’est un mode d’existence.

  • Car la savlanout n’est pas un état, c’est une boussole collective, une manière de tenir le pays debout dans l’urgence permanente.
  • Ce n’est pas de la mollesse, ni du retrait, c’est un courage moral : ne pas exploser au premier choc
  • C’est une compétence sociale : se rappeler que l’autre aussi porte un poids
  • C’est une vertu nationale : maintenir l’équilibre d’une société qui vit à 120 % de tension productive.

Savlanout, c’est la patience version Israël :

  • celle qui porte,
  • celle qui encaisse,
  • celle qui tient,
  • celle qui sait que le chaos fait partie du décor mais que l’âme doit rester droite.

Une patience taillée pour un pays rapide, chaud, nerveux… et infiniment vivant.

Monter, c’est aussi accepter de trébucher, de douter, de recommencer.

Mais à chaque chute, la terre d’Israël vous relève, elle est faite de promesses tenues.

Alors, à mes frères de France, je dis :

« Ne regardez plus Israël comme un ailleurs héroïque, mais comme un chez-vous exigeant. »
Ne dites pas :« Un jour, peut-être », dites : « Bientôt, sûrement. »

Car un jour, vous comprendrez que tout ce que vous cherchiez : la dignité, la lumière, la paix intérieure, était ici, sur cette terre bénie que des enfants foulent pieds nus.

Ceux qui ont fait le pas savent que ce pays vous prend tout… mais vous rend l’essentiel. Et l’essentiel, c’est d’être revenus là où tout commence et tout recommence : chez nous sur la terre donnée pour être gardée, sanctifiée et confiée, pour toujours, aux générations d’Israel.

« Le grand retour d’Israël sur sa terre n’est pas seulement la renaissance d’un peuple, mais celle de l’âme du monde. » – Rav Abraham Yitzhak HaCohen Kook SS

Serge Siksik, MABATIM.INFO


1 Le Talmud enseigne, à travers le principe d’Ikar ve Tafel, cette distinction décisive entre l’essentiel et l’accessoire, une ligne de partage que l’on retrouve dans toute la pensée juive.


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Un commentaire

  1. mr Siksik , permettez moi de vous dire toute mon admiration pour çe texte , sa justesse m a eblouit et je m y suis retrouvė moi qui ai trouvé enfin le chemin de ma terre retrouvée .

    shabbat shalom , et que chaque juif de diaspora puisse rapidement se joindre a nous .

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