Quand l’uchronie devient une arme de guerre

Par Serge Siksik,
[Tel Aviv, 5 septembre 2025]

d’après La Fontaine

L’uchronie, ce genre littéraire qui imagine un monde où l’Histoire aurait bifurqué, amuse tant qu’elle reste dans les bibliothèques. Mais lorsqu’elle s’invite dans le champ politique pour nier des faits établis, elle devient un instrument de falsification puis une arme.

C’est précisément ce qui arrive à l’Histoire d’Israël et du peuple juif :

Une vérité historique millénaire, documentée, attestée par les pierres, les textes et les prières, est méthodiquement transformée en récit fictif pour justifier la haine et servir des idéologies hostiles.

Depuis le 7 octobre, l’uchronie délétère n’est plus confinée aux bibliothèques ni aux cénacles universitaires.

Elle a quitté les rayonnages pour descendre dans la rue, hurler sur les campus, s’infiltrer dans les programmes scolaires biaisés et s’imposer jusque dans des résolutions internationales iniques.

Désormais, elle ne se contente plus de nier l’existence du Temple ou des rois d’Israël : elle en vient à contester jusqu’au droit même des Juifs à vivre, aujourd’hui, sur leur terre et dans leurs maisons.

On ne débat plus du passé,
on programme l’effacement du présent.

De la fiction à la falsification, le procédé est toujours le même :

Prendre un fait incontestable et le transformer en hypothèse douteuse.

Ainsi, on ose affirmer

– que le Temple de Jérusalem n’aurait jamais existé,

– que David n’aurait été qu’un chef tribal inventé après coup,

– que les Juifs n’auraient aucun lien avec Hébron, Shilo ou Béthel.

On transforme la continuité la mieux attestée de l’Histoire en un scénario « alternatif ».

– Une uchronie inversée, non pas : « et si les choses s’étaient passées autrement ? »

– Mais : « et si rien de ce qui s’est passé n’avait eu lieu ? »

Ici, le terme d’uchronie est volontairement élargi. Il ne s’agit pas d’un simple divertissement intellectuel mais d’un déni travesti en récit historique.

C’est une uchronie à rebours – non plus imaginer une autre histoire possible, mais nier l’Histoire réelle.

Une uchronie tolérée ailleurs

– L’exemple le plus frappant est celui de l’Allemagne nazie.

Tout le monde admet qu’une uchronie du type « et si Hitler avait gagné la guerre ? » relève de la fiction littéraire et ne conteste en rien la réalité de la Shoah, ni la responsabilité historique de l’Allemagne.

On accepte volontiers ces détours de l’imaginaire lorsqu’ils ne menacent personne,

Mais on refuse d’admettre les évidences historiques les plus avérées lorsqu’il s’agit d’Israël.

Pourquoi cette indulgence pour certaines uchronies – purement théoriques et inoffensives – et ce rejet brutal des vérités contemporaines qui fondent l’existence même du peuple juif sur sa terre ?

Cette asymétrie dit tout de la mauvaise foi pour être « soft », mais relève surtout d’un réel antisémitisme !

On croyait que l’uchronie appartenait aux écrivains ; la voici désormais promue au rang de politique officielle.

– Des résolutions internationales adoptées par l’UNESCO parlent du Mont du Temple en effaçant toute référence juive, comme si Jérusalem n’avait jamais été le cœur battant du judaïsme.

– Des manuels scolaires diffusés à grande échelle présentent Israël comme une intrusion récente, une « anomalie coloniale » parachutée au XXᵉ siècle.

L’uchronie politique, poison opportun, appliquée à Israël est d’autant plus pernicieuse qu’elle repose sur une logique simple et fausse :

Si les Juifs n’ont pas d’histoire ici, alors leur présence actuelle est illégitime…

Ainsi, en niant le passé, on attaque le présent. C’est un négationnisme sophistiqué, drapé dans les habits de la science historique, mais qui relève du récit idéologique.

Et ce négationnisme nourrit aujourd’hui la haine la plus brutale.

Les foules qui acclament le Hamas comme des « résistants » brandissent en réalité une uchronie falsifiée : Israël serait un accident, les Juifs des intrus.

Sur les campus américains, on réclame l’effacement d’Israël « du fleuve à la mer », comme si jamais un peuple n’y avait prié, vécu et enterré ses morts. À Paris, l’institution censée incarner l’excellence républicaine, Sciences Po, s’est transformée en caisse de résonance pour ces slogans. Des universitaires médiatisés comme Bertrand Badie, François Burgat ou Pascal Boniface multiplient tribunes et interventions pour condamner Israël et disculper aveuglément les Palestiniens supposés innocents.

De nombreux professeurs, prompts à signer des pétitions tonitruantes, n’ont plus aucun scrupule à présenter cette falsification comme une vérité académique.

Cette attitude ne relève plus du débat intellectuel : c’est un embrigadement idéologique.

Dans les rues de Paris ou de Londres, on attaque les synagogues comme si elles étaient des corps étrangers.

Le mensonge historique devient une arme concrète, un carburant pour l’antisémitisme meurtrier.

L’Europe, conservatrice des reliques inoffensives

L’Europe, dans une posture d’apparente vertu, préfère commémorer que reconnaître. Elle multiplie les cérémonies de mémoire, mais s’agace dès qu’il s’agit d’assumer l’histoire vivante d’Israël.

Les monuments aux morts se dressent partout, tandis que les vivants qui défendent leur pays sont soupçonnés d’illégitimité.

Ce vieux continent a choisi la sécurité de la rétrospective plutôt que l’inconfort de la continuité.

Honorer le passé lointain lui semble plus supportable que d’admettre une fidélité historique qui perdure aujourd’hui encore.

Les pierres parlent, la prière aussi

Or, les faits sont têtus.

Les rouleaux de la mer Morte, les inscriptions hébraïques gravées dans la pierre, les mosaïques de Galilée et du Néguev, les chroniques grecques et romaines, tout concourt à affirmer ce que l’uchronie cherche à effacer.

Chaque pierre de Jérusalem, chaque ruine de synagogue antique, chaque tombe juive à Hébron proclame une présence ininterrompue.

Et quand bien même les faussaires fermeraient les musées et falsifieraient les cartes, il resterait la prière :

Depuis deux mille ans, trois fois par jour, les Juifs du monde entier se tournent vers Jérusalem...

… Ce lien-là n’est pas une fiction,
c’est la matrice d’une identité !

Une responsabilité face au mensonge

Derrière la prétendue « neutralité académique » de ces uchronies se cache un projet politique : délégitimer l’existence d’Israël en minant ses fondations historiques.

On ne doit pas sous-estimer la portée de cette stratégie. Elle façonne des générations entières, nourrit la haine et prépare de nouvelles violences.

Le 7 octobre n’est pas sorti du néant. Il est le fruit direct de décennies d’uchronies mensongères, de falsifications relayées dans les médias, les institutions et les salles de classe.

Ceux qui effacent Jérusalem, nient Israël et finissent par nier la vie des Juifs eux-mêmes.

Il est donc urgent de répondre.

Pas seulement avec des preuves archéologiques, mais avec un discours clair :

Israël n’est pas un accident de l’Histoire,

Israël est l’Histoire réaffirmée.

Le peuple juif n’a pas « inventé » son passé, il en est la preuve vivante.

Ma conclusion est relativement « simple », Israël n’est pas une uchronie.

Les uchronies littéraires peuvent nourrir l’imaginaire. Mais appliquées à Israël, elles deviennent un outil de guerre contre la vérité et un venin corrosif contre la légitimité.

Le devoir des Juifs, et de ceux qui refusent la falsification du réel, est de

– proclamer haut et fort que Jérusalem fut et demeure la capitale du peuple juif depuis trente-deux siècles, depuis que le roi David en fit le cœur battant de son royaume.

– C’est aussi d’affirmer que le retour de 1948 ne fut pas une colonisation, mais le plus ancien des droits retrouvés : le retour à la maison.

L’Histoire n’a pas besoin de fictions pour légitimer Israël.

Ce sont les faussaires qui ont besoin de fictions pour l’effacer.
Et il faut le dire crûment : nier l’Histoire juive, c’est déjà préparer le crime contre les Juifs.

Depuis le 7 octobre, cette vérité n’est plus théorique, elle s’écrit dans le sang des victimes.

Ceux qui effacent Jérusalem de nos textes, qui transforment David en mythe ou le Temple en illusion, ne font pas de l’histoire, ils fabriquent des munitions pour la prochaine guerre contre Israël.

L’Histoire a déjà tranché : Israël est vivant, Jérusalem est juive, et aucune fiction, aucun vote onusien, aucune uchronie ne pourra abolir cette vérité.

Ceux qui tentent de l’effacer ne sont pas des chercheurs mais des faussaires ; pas des historiens mais des complices. SS♦

Serge Siksik, MABATIM.INFO


En savoir plus sur MABATIM.INFO

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Laisser un commentaire. Il sera visible dès sa validation.