
Par CL P*,
[23 septembre 2025]
La fête nationale saoudienne
Aujourd’hui, le 23 septembre 2025, l’Arabie saoudite célèbre avec faste sa fête nationale, commémorant l’unification du royaume en 1932 – un événement comparable au 14 juillet en France, symbolisant l’unité et la souveraineté nationale. Le slogan officiel de cette édition, « Notre fierté dans notre identité », résonne comme un appel à la cohésion interne, alors que le pays navigue entre réformes modernisatrices sous Mohammed ben Salmane et un héritage wahhabite profondément ancré.
Mais cette célébration tombe dans un contexte géopolitique tendu, juste un jour après une annonce française qui, pour certains observateurs, apparaît comme un geste calculé : le 22 septembre, lors de son discours à l’Assemblée générale des Nations unies à New York, Emmanuel Macron a officiellement reconnu l’État de Palestine. Cette décision, subordonnée à la libération des otages israéliens encore détenus et à une reprise des négociations, porte une portée symbolique forte, portant à 158 le nombre de pays reconnaissant la Palestine sur 197. Elle s’inscrit dans un sommet coorganisé par la France et l’Arabie saoudite, soulignant les liens diplomatiques renforcés entre Paris et Riyad.
Ce timing n’est pas anodin. Pour les critiques de la politique macronienne, surnommé ici le « maître des horloges » de l’Élysée,
Il s’agit d’un « cadeau empoisonné » offert aux wahhabites saoudiens – ces mêmes acteurs qui, selon des témoignages historiques incontestables, ont joué un rôle pivot dans la genèse et le financement du Hamas, le mouvement islamiste palestinien qualifié de terroriste par l’Union européenne et les États-Unis.
Bien que le Qatar, souvent qualifié de « vilain petit Qatar » pour son soutien inconditionnel aux Frères musulmans, héberge aujourd’hui les leaders du Hamas et continue de canaliser des fonds vers Gaza (estimés à des centaines de millions de dollars annuels), les origines du groupe remontent à une initiative saoudienne plus profonde.
Le Hamas, fondé en 1987 comme branche armée des Frères musulmans palestiniens lors de la première Intifada, a bénéficié dès ses débuts d’un réseau de financement pétrolier en provenance du royaume wahhabite, via des associations caritatives et des collectes discrètes.
Ce soutien n’était pas seulement financier :
Il visait à contrer l’influence de l’OLP laïque d’Yasser Arafat, perçue comme une menace par Riyad, tout en exportant l’idéologie salafiste-frériste à l’échelle mondiale.
Les témoignages irréfutables du rôle saoudien
Un document clé, diffusé par la chaîne qatarie Al-Araby Al-Jadeed en 2019, compile deux témoignages irréfutables qui éclairent ce rôle fondateur.
– Le premier émane d’un ancien cadre du Hamas, qui décrit comment des officiels saoudiens ont orchestré des transferts de fonds dès les années 1980 pour armer les cellules islamistes à Gaza et en Cisjordanie.
– Le second, d’un ex-diplomate palestinien, détaille les flux financiers via des ONG saoudiennes, déguisés en aides humanitaires, qui ont permis la construction de tunnels, l’acquisition d’armes et la propagation d’une rhétorique antisémite virulente.
Ces révélations, corroborées par des enquêtes journalistiques, montrent que le financement saoudien a dépassé les 100 millions de dollars dans les premières années du mouvement, bien avant que le Qatar ne prenne le relais comme principal bailleur.
Khaïry al-Agha, le pionnier saoudien du Hamas
Au cœur de cette mécanique se trouve Khaïry al-Agha (خيري الأغا), figure emblématique et incontestée du Hamas. Ce Jordanien d’origine saoudienne, qui s’était installé en Arabie pour des raisons commerciales, devint le premier chef opérationnel du mouvement en décembre 1987. Sous couvert d’activités mercantiles, il orchestrait la collecte de millions de pétrodollars auprès de donateurs wahhabites, canalisés vers les infrastructures militaires du Hamas :
- tunnels sous la frontière égyptienne,
- roquettes artisanales
- et réseaux de propagande diffusant un antisémitisme virulent à l’échelle planétaire.
Al-Agha, mort en 2014 en Arabie saoudite, reste une icône pour le mouvement : en 2019, le Hamas lui a rendu hommage en baptisant la 33ᵉ promotion de son Université islamique de Gaza (UIG) de son nom. Cette institution, bastion idéologique du groupe à Gaza, forme des milliers d’étudiants à l’idéologie fréro-salafiste.
Ironie du sort :une délégation diplomatique française, dépêchée par l’entourage macronien, y a effectué une visite officielle en août 2017, sous couvert de promotion des échanges éducatifs – un épisode qui illustre les ambiguïtés persistantes de la diplomatie parisienne vis-à-vis des entités liées au Hamas.
Bien que Paris n’ait pas formellement endossé cette initiative, elle révèle un flou stratégique qui contraste avec la fermeté affichée contre le terrorisme.
L’opportunisme saoudien persistant
L’Arabie saoudite a-t-elle vraiment rompu avec ce legs ?
– À l’interne, le régime MBS a purgé les Frères musulmans depuis 2014, les qualifiant de terroristes et les interdisant au royaume.
– Mais à l’extérieur, l’opportunisme n’a pas de bornes :
- Riyad tolère, voire encourage, des collaborations tactiques avec des groupes islamistes pour contrer l’Iran chiite ou affaiblir des rivaux régionaux.
- En Syrie, par exemple, des liens persistants avec Abou Mohammed al-Joulani (de son vrai nom Ahmed al-Charaa), né en 1982 à Riyad et ancien chef de Hayat Tahrir al-Sham (HTS, ex-Front al-Nosra affilié à Al-Qaïda), illustrent cette duplicité. Al-Joulani, devenu président intérimaire de la Syrie post-Assad en décembre 2024, a effectué sa première visite officielle en Arabie saoudite en février 2025, accueilli en grande pompe par Mohammed ben Salmane pour sceller une alliance anti-iranienne. Ce rapprochement, malgré les antécédents jihadistes de Joulani (dont une prime de 10 millions de dollars mise par les États-Unis), montre que Riyad priorise la realpolitik :
Tolérance pour les salafistes exportés, tant qu’ils servent ses intérêts en Syrie, en Europe (via des financements occultes à des mosquées) ou même en France, où des enquêtes ont révélé des flux saoudiens vers des associations islamistes radicales dans les années 2010.
La condamnation tardive du 7 octobre
Quant à l’attaque du 7 octobre 2023 – ce massacre qui a fait plus de 1 200 morts israéliens et déclenché une guerre dévastatrice à Gaza –, l’Arabie saoudite n’a formulé une condamnation formelle qu’en juillet 2025, au sein d’une déclaration unanime de la Ligue arabe (17 pays, dont le Qatar et l’Égypte).
Ce texte, adopté lors d’un sommet à Doha, dénonce pour la première fois l’assaut du Hamas comme « sans précédent » et appelle explicitement le mouvement à déposer les armes, à libérer les otages et à céder le pouvoir à l’Autorité palestinienne pour un État à deux. Mais cette « condamnation » arrive avec deux ans de retard, après des mois de silence assourdissant de Riyad, et coïncide avec des efforts saoudiens pour normaliser leurs relations avec Israël (suspendues post-7 octobre).
Elle sonne comme de la poudre aux yeux : un rituel diplomatique pour masquer l’héritage financé par le royaume lui-même. D’autant que, parallèlement, Riyad fait les yeux doux à Joulani, ce jihadiste recyclé, sans exiger de lui le moindre désarmement.
Un triste jour pour la France,
Car la célébration tombe dans un contexte géopolitique tendu, juste un jour après une annonce française qui, pour certains observateurs, apparaît comme un geste calculé :
Le 22 septembre, lors de son discours à l’Assemblée générale des Nations unies à New York, Emmanuel Macron a officiellement reconnu l’État de Palestine. Cette décision, subordonnée à la libération des otages israéliens encore détenus et à une reprise des négociations, porte une portée symbolique forte, portant à 158 le nombre de pays reconnaissant la Palestine sur 197. Elle s’inscrit dans un sommet coorganisé par la France et l’Arabie saoudite, soulignant les liens diplomatiques renforcés entre Paris et Riyad.
Un triste jour pour la France
Aujourd’hui, donc, le 23 septembre 2025, tandis que l’Arabie saoudite pavane sous son slogan de fierté identitaire, Emmanuel Macron semble jubiler d’avoir tendu la main à l’Oumma islamiste – celle qui refuse toujours de reconnaître Israël et qui, via le Hamas, perpétue un cycle de violence.
Ce geste, salué par Mahmoud Abbas comme un pas vers la paix mais critiqué par Israël comme un encouragement au terrorisme, interroge la boussole française :
Où est la fermeté contre les financements du djihadisme ?
Un triste jour pour la France,
Ce pays dont le président, perçu comme un « soumis parmi les soumis », sacrifie sa fierté et son identité sur l’autel d’une diplomatie opportuniste.
Malheur à toi, ma patrie, qui semble oublier que la reconnaissance véritable commence par la lucidité face à ses alliés troubles. CL P♦
CL P, Linkedin
*Homme politique européen et conservateur
https://www.linkedin.com/in/clperson/
Références pour le texte
10 URLs de référence pertinentes aux thèmes abordés dans le texte, sélectionnées parmi des sources fiables couvrant l’actualité géopolitique, l’histoire du Hamas et les relations régionales. Elles sont citées avec leurs identifiants pour traçabilité.
- France recognizes Palestinian state at UN
- Macron’s announcement on Palestine recognition
- Le Monde : Macron recognizes State of Palestine
- Reuters : World leaders support Palestinian statehood
- US Treasury on Hamas financiers including al-Agha
- Washington Institute : Hamas in Saudi Arabia
- PBS : Origins and funding of Hamas
- Islamic University of Gaza : French delegation visit 2017
- Jerusalem Post : al-Joulani’s visit to Saudi Arabia
- Times of Israel : Arab League condemns Oct. 7 attack
En savoir plus sur MABATIM.INFO
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.
