La guerre mère de toute chose (Héraclite)

Par Michel Bruley,
[24 septembre 2025]

Pour Héraclite le conflit ou la guerre est un élément fondamental de l’univers et de la vie, il est même nécessaire pour provoquer le changement et la transformation. Cependant, si le concept peut sembler pertinent, la réalité de la guerre est difficile à accepter.

De tout temps, il y a eu des guerres

Les naïfs l’espéraient disparue,
mais la guerre ne nous a jamais quittés.

Les plus anciennes traces de guerre remontent au paléolithique, les archéologues ont trouvé des squelettes portant des traces de coups et même des représentations rupestres montrant des situations violentes, par exemple des archers entourant d’autres archers. L’Histoire nous a colporté les récits de nombreuses guerres entre cités ou liées à la constitution d’empire avec de grandes conquêtes (Sumer -4000, Akkad -2400, Chine -2300, Memphis -2700, Mexique -2500, Pérou -2000).

La première bataille documentée à la gloire de Ramsès II est celle de Kadesh –1274 et l’on connaît plus objectivement les conditions de l’affrontement naval de Salamine en –480, auquel 65 000 marins grecs ont participé.

« Nul homme n’est assez dénué de raison pour préférer la guerre à la paix » Hérodote

Clausewitz a dit « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », pour rappeler qu’elle n’est pas une activité en soi, mais fait partie de l’activité politique.

C’est un acte de violence dont l’objet est de contraindre l’adversaire à se plier à sa volonté.

De façon paradoxale, force est de constater que c’est l’acte de se défendre qui crée la guerre.

Machiavel a dit « une guerre est juste quand elle est nécessaire », d’autres auteurs ont fait remarquer que ce qui est nécessaire est inévitable et ne relève pas de la morale, du juste ou injuste.

Les seules guerres acceptables seraient donc les guerres inévitables et peut-être parfois on est obligé de prendre l’initiative.

La guerre c’est deux activités distinctes : la préparation et la guerre elle-même. Les spécialistes insistent sur le fait que l’art de la guerre est une science empirique.

Guerre et stratégie

La meilleure stratégie est toujours d’être le plus fort et la première loi de la stratégie est de concentrer ses forces. L’engagement est l’activité guerrière par excellence, tout engagement a son objectif propre. L’objectif principal est toujours la destruction de l’ennemi.

Cependant, pour les spécialistes la défense est une forme de guerre plus puissante que l’offensive, son premier objectif est négatif, il s’agit de préserver, mais son couronnement, c’est le passage rapide et puissant à l’attaque.

À noter qu’il y a souvent un gouffre entre le projet et son exécution. Clausewitz a, pour rendre compte de cela, développé le concept de friction qui concerne tout ce qui rend difficile ce qui semble facile. La guerre est un milieu qui entrave toute action même les plus simples.

Ce qui mène à la victoire

Le plan de guerre, un calcul froid et objectif de la nécessité de l’action suffit rarement, il faut des chefs vifs et entreprenants (facteur volonté). Il faut des hommes en nombre supérieur et bien d’autres qualités d’une armée : entraînement, équipement… Il faut d’autres éléments comme la surprise, l’avantage du terrain, l’attaque de plusieurs côtés… savoir exploiter la victoire en poursuivant son avantage…

L’assaillant peut périr par les armes du défenseur ou sous l’effet de ses propres efforts par épuisement, mais on n’a jamais vu un terroriste se rendre à un bombardier, ce qui concrètement veut dire que l’on ne peut pas éviter une guerre sur le terrain avec des hommes pour l’occuper.

La guerre a évolué au fil du temps

Jusqu’au début du XIXe, les guerres se caractérisaient surtout par un engagement décisif d’une journée, mais après les engagements furent plus longs. Historiquement, les champs de bataille faisaient quelques kilomètres carrés, mais après on a vu des fronts immenses.

Une des grandes évolutions a été au XVIIe la professionnalisation des armées du fait de l’émergence d’États riches et centralisés, la Paix de Westphalie en 1648 a marqué à la fois l’affirmation des États et la fin de la féodalité.

Avec la Révolution française, la guerre est devenue l’affaire de la nation, avec une implication du peuple tout entier, moins de limites aux moyens, plus d’énergie et d’enthousiasme. Tout cela a changé le profil des guerres et les chaînes de communication, de reconnaissance, de surveillance, de ciblage, de contrôle et donc de commandement.

Enfin, au XXe s’est développée la guerre par procuration, via des proxys, qui font la guerre à votre place.

Quelles que soient les époques, les guerres sont très meurtrières

  • La guerre des 3 royaumes au Ve av. J.-C. en Chine a fait 40 millions morts.
  • La prise de Jérusalem en 1099 a fait au moins 10 000 morts parmi les civils.
  • La conquête mongole, 40 millions.
  • La guerre de Trente Ans, 8 millions,
  • la conquête espagnole de l’Amérique, 10 millions,
  • les guerres de la révolution et de l’empire 5 millions.
  • La 1° Guerre mondiale, 18 millions de morts dont 8,9 de civils, plus 8 millions de chevaux et 100 000 chiens tués.
  • La 2e Guerre mondiale, 50 millions avec notamment les bombardements des civils sur l’Allemagne, 500 000 morts et sur le Japon, 600 000.

Enfin, dans certaines régions du monde, la guerre est quasi permanente, par exemple il y a eu 27 guerres au Moyen-Orient entre 1948 et 2022 faisant 1,7 million de morts.

Une face mal connue des guerres : la logistique

Depuis longtemps, les actions qui visent à soutenir les opérations des forces armées ont été reconnues comme cruciales. Sun Tzu (Ve av. J.-C.) met en avant la nécessité de disposer de nombreux chariots d’approvisionnement. Par exemple, le soutien en 1757 d’une armée de 73 000 fantassins et 7 000 cavaliers nécessitaient 4 000 voitures de ravitaillement. À noter que cette armée se déplaçait à la vitesse de 30 km par jour et prenait 1 jour de repos sur 3. En 1944, le soutien d’une division de 14 000 hommes représentait 430 tonnes par jour, soit 130 camions, le carburant représentant la plus grosse charge.

Conclusion

Pour moi, la guerre est un mal absolu.

Vauvenargues a dit « le vice fomente la guerre ; la vertu combat. S’il n’y avait aucune vertu, nous aurions pour toujours la paix », mais aussi « la guerre n’est pas si onéreuse que la servitude ».

La sagesse des autres n’a jamais servi à rien. Quand arrive le cataclysme (la guerre, l’injustice, l’amour, la maladie, le voisin…) on est toujours seul, tout seul, on vient de naître et on est orphelin. Il paraît que la guerre rend lucide, sur soi, ses limites, ses faiblesses, et sur le besoin que l’on a des autres.

Nous connaissons en ce moment des guerres en Ukraine, à Gaza… et nous prenons parti, soutenant un camp plutôt que l’autre,

… Mais il faut avoir conscience que faire d’un ennemi « le diable » avec qui on ne peut déjeuner même avec une grande cuillère, obère l’avenir (la fin de guerre, la paix…).

Finalement, il faut aussi noter que la paix n’est pas l’absence de guerre, mais un équilibre toujours en tension, car paix et guerre sont inséparables.

Pour finir le célèbre aphorisme « qui veut la paix prépare la guerre », explique pourquoi la Suisse a une Marine nationale. MB♦

Michel Bruley, MABATIM.INFO


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