
Par Simone Rodan,
[14 octobre 2025]
Il y a de la joie en Israël – et, çà et là, dans le monde – aujourd’hui. Une joie fragile, tremblante, incrédule. Des familles se retrouvent. Des otages rentrent. Pour la première fois depuis des mois, on respire à nouveau. Après tant de ténèbres, un souffle suffit à défier la mort.
Et pourtant, sous le soulagement, court une question silencieuse : le cauchemar est-il vraiment terminé ?
La réponse, c’est l’espérance, oui. Mais une espérance lucide, qui se souvient. Car si l’on veut qu’elle devienne réalité, il faut regarder en face ce qui a rendu cette horreur possible : l’idéologie, l’argent, la machine.
Rien de tout cela n’a disparu.
Il n’y aura pas de paix au Moyen-Orient tant que le régime iranien restera au pouvoir. Les architectes de cette guerre sans fin ne sont pas à Gaza mais à Téhéran :
Des hommes qui construisent des milices comme d’autres bâtissent des écoles ; qui arment, forment et financent ceux qui maintiennent la région en feu.
Leur rêve n’a jamais été un État palestinien. Leur rêve a toujours été une tombe juive.
Il n’y aura pas de paix non plus tant que la Turquie et le Qatar joueront leur double jeu : le visage avenant à Washington, la main tendue au Hamas dans l’ombre. On ne peut plus se cacher derrière l’ambiguïté.
Ou bien l’on défend la vie, ou bien l’on la profane. Il n’y a plus de terrain neutre pour les lâches moraux.
Et il n’y aura pas de paix si le Hamas survit – s’il n’est pas désarmé, s’il continue de gouverner, ou même s’il est toléré comme acteur politique. Le laisser exister, c’est condamner Israéliens et Palestiniens à la guerre sans fin.
Cela signifie : plus d’illusions. Le désarmement, le bannissement, une alternative.
– Plus de mythologie du « réfugié éternel ».
– Plus d’éducation à la haine.
– Et plus de mentalité de la Nakba, cette obsession du désastre originel qui empêche tout avenir.
Hier encore, au sommet de Charm el-Cheikh, Mahmoud Abbas arborait sur sa boutonnière la petite clé de la « mémoire » palestinienne : symbole d’un retour, non pas vers un État voisin, mais à l’intérieur même d’Israël – pour accomplir sa destruction.
En Europe, on célèbre ce geste comme un signe d’attachement ; sur le terrain, il signifie un refus de paix.
L’UNRWA, créée pour apporter du secours, est devenue une fabrique de cette illusion.
Au lieu d’offrir des outils pour vivre, elle a appris à des enfants
- que leur destinée était de « revenir » dans des villages qui n’existent plus,
- que leur maison n’était pas à Gaza mais à Jaffa,
- et que « le retour » valait mieux que la vie.
Le monde appelle cela de la compassion ; c’est de la cruauté travestie. Une machine qui garde la blessure ouverte pour mieux l’exploiter.
Si la paix doit avoir un sens, l’aide doit construire, non corrompre.
Les contribuables européens doivent cesser de financer les salaires des martyrs et les campagnes judiciaires contre Israël pendant que les écoles et les hôpitaux tombent en ruine.
La normalisation doit venir d’abord, non après. Les Accords d’Abraham l’ont montré :
La réconciliation devient possible lorsque le pragmatisme l’emporte sur le ressentiment.
Reconnaître l’existence d’Israël ne doit plus être une monnaie d’échange, mais le point de départ.
Alors, tout devient possible.
Ce n’est qu’à cette condition qu’une souveraineté palestinienne – légitime, nécessaire – pourra voir le jour : sur la base de la responsabilité, du travail, de la coexistence.
Et aucune décision sur Israël ne doit se prendre sans Israël. Aucune décision sur la Palestine sans les Palestiniens.
Si l’autodétermination a un sens, elle doit valoir aussi pour le peuple juif.
La paix ne se décrète pas à New York ni à Paris. Elle se forge, douloureusement, imparfaitement, entre ceux qui vivent et saignent sur cette terre.
Ce ne sont pas des slogans. C’est le seuil minimum de la décence – et de toute paix digne de ce nom.
Mais pendant que le monde parle de reconstruction, une autre guerre s’installe – non pas à mille kilomètres, mais chez nous.
Le 7 octobre n’a pas seulement révélé ce qu’était le Hamas. Il a révélé ce que nous sommes devenus. Ce que nous acceptons de ne pas voir.
– On a vu combien les réflexes moraux pouvaient s’effondrer.
– Comment ceux qui décorent leurs profils de drapeaux arc-en-ciel ont pu justifier – parfois célébrer – le massacre de Juifs au nom de la « résistance ».
– Comment ceux qui prêchent les droits des femmes ont douté des femmes violées par le Hamas.
– Comment les ONG, les artistes, les universités, si prompts à dénoncer les injustices du monde, se sont tues – ou ont applaudi – quand les victimes étaient juives.
On a vu que l’antisémitisme n’avait pas disparu. Il avait simplement changé d’accent.
Il s’était approprié le vocabulaire de la libération, de l’intersectionnalité, de la décolonisation. Il avait troqué la croix gammée pour le keffieh, la haine pour la posture morale.
Et il s’est trouvé bon, parce qu’il haïssait au nom du bien.
La révélation est brutale.
Car ce n’est pas la marge qui a échoué, c’est le centre.
Ce sont les élites cultivées, les consciences supérieures, les pédagogues du doute et de la nuance, qui n’ont pas su trouver un mot, un geste, un soupir pour les bébés de Nir Oz ou les femmes de Kfar Aza.
– On les a vus dans les universités, scandant « From the river to the sea » sans comprendre – ou sans vouloir comprendre – que ces mots signifient la disparition d’un peuple.
– On les a vus dans les parlements, invoquant le « contexte » avant même que les corps soient enterrés.
– On les voit encore, incapables de se réjouir d’un cessez-le-feu, préférant parler d’abord des prisonniers palestiniens plutôt que des otages enfin libérés.
Ce n’est pas de l’ignorance. C’est un choix !
C’est la volonté du monde de détourner le regard de ce qu’il ne veut pas voir.
Les mensonges qui ont été proférés – sur le génocide, sur la résistance, sur le viol – ne disparaîtront pas.
Les réseaux qui les ont répandus ne se dissoudront pas.
La haine qui s’est déversée sur les campus et dans les rues ne s’éteindra pas parce que les canons se sont tus. Le lendemain de la joie n’est pas la paix.
C’est le savoir – douloureux, implacable – que quelque chose a été révélé…
– Sur nos ennemis, certes, mais aussi sur nos amis.
– Sur la fragilité de la vérité.
– Sur la vitesse à laquelle la civilisation oublie.
Et si nous oublions, cette fois, ce ne sera pas faute de savoir.
Ce sera parce que nous aurons choisi de ne pas voir. SR♦

Simone Rodan, Substack
Managing Director, American Jewish Committee Europe
*Illustration : Élisabeth La Hache-Tiefenthaler
En savoir plus sur MABATIM.INFO
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.
