Israël ou la fin de l’exil de la conscience humaine

Par Serge Siksik
[Tel Aviv 20 octobre 2025]
Attentif à la liberté, le judaïsme n’impose pas ; il propose. L’imposition annulerait la dignité humaine qui repose sur la liberté morale.
Le mot islam signifiant soumission, l’homme se plie ainsi au décret divin et abdique sa liberté intérieure.
La Torah, à l’inverse, est un choix :
« J’ai placé devant toi la vie et la mort, choisis la vie. »
Manitou le souligne avec force :
« la Torah est une offre de vie, non un système de contrôle des âmes. Elle ne cherche pas à dominer l’homme mais à l’élever. »
Dans l’islam, la foi s’impose à la communauté ; dans le judaïsme, elle se propose à la conscience.
– L’un fabrique des fidèles soumis,
– l’autre appelle des partenaires libres.
Entre soumission et alliance, se joue toute la différence entre une civilisation de l’obéissance et une civilisation de la responsabilité.
« C’est probablement là la place de l’Homme : arriver à faire coïncider le monde de réalité avec le projet de vérité ». Manitou
Cette phrase devrait être gravée dans nos consciences. Le monde de réalité, celui du pouvoir, de la matière, de la guerre, de la peur, s’oppose souvent au projet de vérité, celui du sens, de la morale, de la justice.
Toute la vocation d’Israël réside dans cette tension : transformer la réalité en instrument de vérité.
L’homme, selon la Torah, n’est pas maître mais gardien
– libre, mais responsable ;
– unique, mais relié.
L’Autre n’est pas un miroir mais un visage.
Dans la vision hébraïque, la dignité humaine naît de cette obligation réciproque : nous sommes l’obligé de Chaque Un.
Notre siècle, saturé de slogans creux : tolérance, inclusion, diversité, produit ses inverses : exclusion, haine, peur.
Les faux humanistes sont devenus les nouveaux persécuteurs.
– Sous couvert d’universalisme, ils stigmatisent Israël ;
– au nom de la justice, ils justifient la violence ;
– au nom de la paix, ils accusent les Juifs d’exister.
Et voici le plus accablant : personne, ou presque, ne s’est réjoui, en France, de la libération des vingt derniers otages vivants !
Pas un cri de joie, pas un mot d’espérance chez les apôtres de la morale universelle. Leur silence a la froideur d’une complicité. Cette libération aurait dû unir les consciences ; elle a révélé, une fois de plus, la faillite morale des prétendus défenseurs des droits humains.
Il faut dire les choses clairement : cet aveuglement moral n’est pas une erreur passagère, c’est un diagnostic. Le monde qui se prétend le gardien des valeurs a choisi l’indifférence ou la condamnation sélective.
Quand Israël sauve des vies, on détourne le regard ; quand il veut protéger son peuple, on l’accuse. Ce n’est pas seulement une question de double standard, c’est la preuve d’une corruption morale qui s’installe dans le discours public.
Depuis cinquante-huit siècles, le peuple juif défie la logique de l’Histoire. Il renaît là où tout autre disparaît. S’il survit, c’est qu’il n’est pas une nation comme les autres : il est le peuple du projet divin.
« Je vous ferai venir dans la terre que j’ai juré de donner à Abraham, Yitshaq et Yaacov » (Exode 6, 8).
Cette promesse n’est pas une légende, elle est le cœur battant de notre vocation. Rav Kook le disait :
« Celui qui veut déraciner Israël de sa terre veut déraciner l’ordre même de la Création. »
La terre d’Israël n’est pas un morceau d’immobilier biblique, mais un espace ontologique :
– le lieu où la Loi redevient vivante,
– où la politique s’élève au niveau du sacré,
– où la vérité se fait institution.
C’est en Israël que se joue l’essentiel. L’Aliyah n’est pas une fuite, c’est une montée.
Une montée de l’âme, du sens, du destin. Chaque Juif qui se réenracine en Israël ne fait pas qu’habiter une terre ; il participe à l’œuvre divine.
Le Yichouv Eretz Israël n’est pas une option religieuse, mais une responsabilité collective : celle d’aider D. à maintenir Sa promesse.
Maimonide l’avait pressenti : Jamais la Terre d’Israël ne sera abandonnée des Hébreux.
Rabbi Yossef Caro autorisait même, le jour du Shabbat, la signature d’un acte de vente pour qu’une terre passe des mains d’un non-juif à celles d’un Juif, car c’est la terre qui sanctifie, c’est elle qui donne à la foi son corps et sa mémoire.
Vivre en Israël, c’est s’arracher à l’exil, c’est quitter la faute originelle :
« C’est l’exil qui est la faute, et c’est le retour qui est la Techouva. » Manitou
Ce retour n’est pas seulement géographique, il est moral. Il est la reconquête de soi, la réconciliation du peuple avec son histoire, אין לי ארץ אחרת je n’ai pas d’autre pays.
Levinas avait compris l’un des fondamentaux d’Israel :
« L’important de l’État d’Israël ne consiste pas dans la réalisation d’une antique promesse, ni dans le début qu’il marquerait d’une ère de sécurité matérielle – problématique, hélas ! – mais dans l’occasion enfin offerte d’accomplir la loi sociale du judaïsme. Le peuple juif était avide de sa terre et de son État, non pas à cause de l’indépendance sans contenu qu’il en attendait, mais à cause de l’œuvre de sa vie qu’il pouvait enfin commencer… (Jusqu’à présent… il s’agissait d’œuvres d’une trop longue jeunesse)… Enfin arrive l’heure du chef-d’œuvre. C’était tout de même horrible d’être le seul peuple qui se définisse par une doctrine de justice et le seul qui ne puisse l’appliquer… comme, aux temps anciens, la pratique de la justice justifiait la présence sur une terre »
(Difficile liberté, Albin Michel, p. 282)
C’est ENNNORME…
Selon Lévinas, D. nous ramène en Israël pour réaliser la justice et la loi sociale, afin que nous prenions soin les uns des autres, le HESSED est au cœur de notre existence et du Projet divin. Levinas voit en cela arriver l’heure du chef-d’œuvre !
Cette pensée de Lévinas est un tremblement :
Israël n’est pas un simple abri contre l’exil, mais notre Maison et plus encore, l’œuvre vivante que D. nous confie.
Le judaïsme, redevenu souverain, n’a plus l’excuse de la passivité. Il doit désormais prouver que la justice peut gouverner, que le Hessed, la bonté agissante, peut structurer une société. Israël n’est pas le pays de notre revanche, mais celui de notre responsabilité : l’AUTRE est le cœur de TOUS.
Le 7 octobre 2023 restera une plaie vive, mais aussi un tournant.
Ce jour-là, Israël a compris que son unité n’était pas un luxe mais une condition de survie. L’épreuve a ressoudé un peuple dispersé, réconcilié le religieux et le laïc, le sabra et le olé, la mémoire et l’espérance.
Chaque libération d’otages, chaque retour d’un enfant, d’une sœur, d’un grand-père, fut une bénédiction arrachée à la nuit.
Cette épreuve a réveillé une fraternité profonde, démontrant que la douleur peut devenir le commencement d’un renouveau.
La question désormais est décisive :
comment transformer cet élan en force durable ?
Maintenant que nos otages sont rentrés, et alors même que nous devons tout entreprendre pour récupérer les dépouilles encore dans l’enfer de Gaza, l’urgence commande que nous pensions à demain avec la même énergie que nous avons consacrée à sauver des vies. Nous devons organiser la mémoire, honorer les morts, exiger la vérité, et préparer l’avenir : renforcer nos institutions, consolider notre front intérieur, réparer les fractures. Faire en sorte que la douleur nous rende plus forts, et non plus faibles.
Et, dans ce chantier national, accepter la condition première de toute reconstruction : nous unir dans notre diversité pour devenir, réellement, le peuple juif tel un seul Homme !
Dans un monde fatigué de ses idéaux, Israël demeure l’un des rares lieux où la transcendance n’a pas déserté la politique. C’est là que se rejoue le pari de Manitou : faire coïncider le monde de réalité et le projet de vérité.
L’Histoire juive nous enseigne
– qu’aucune civilisation ne peut durer sans morale,
– et qu’aucune morale ne peut vivre sans mémoire.
L’heure du chef-d’œuvre n’est pas seulement celle d’un peuple, c’est celle de l’humanité tout entière, appelée à choisir entre la vérité qui élève et le mensonge qui consume.
Nous sommes appelés, maintenant, à transformer la blessure en force organisée. L’appel est simple et brutal : rendre la justice, assurer la sécurité, éduquer au sens, rétablir la dignité. Chaque loi, chaque école, chaque hôpital que nous fondons ici doit porter l’exigence éthique que nous professons.
Il ne suffit pas de dire que nous sommes le peuple de la justice ; il faut que nos institutions le prouvent, que notre quotidien la manifeste. Ce sera là notre chef-d’œuvre !
Le temps des lamentations est dépassé ; vient l’heure de l’œuvre. Que ceux qui aiment la facilité et la confusion se retirent ; que ceux qui veulent bâtir, instruire, soigner et juger avec équité s’avancent.
Le monde observe, il peut détourner le regard ou choisir de rejoindre les valeurs qu’incarne Israël : celles qui redonnent sens à l’Histoire.
Quant à Israël, il ne se laisse plus humilier, il se tient debout pour montrer qu’un peuple revenu à sa terre peut redevenir la matrice d’un ordre moral renouvelé.
Enfin arrive l’heure du chef-d’œuvre. Que cela sonne comme un avertissement aux puissances de l’indifférence et comme une promesse aux opprimés :
Il existe une nation sur cette terre qui a choisi, encore et toujours, la vie, la responsabilité et la justice. SS♦
בּיחד ננצח
*עם ישראל חי

Serge Siksik, MABATIM.INFO
* Ensemble nous vaincrons, le peuple d’Israël est vivant
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Que de vérités annoncées et criées et notre bonheur de faire partie de ce temps qui se réalise sous nos yeux grâce à la ténacité et à la volonté de notre Premier Ministre ! Encore faudrait-il lui permettre de poursuivre son oeuvre dans cette Unité qui lui est tant nécessaire. Merci Monsieur pour cet illustre et profond rappel !!!
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