Par Claude Halber
En cette année 2016, Yom Hashoah sera célébré depuis mercredi 4 mai au soir, jusqu’à jeudi 5 au soir. Il s’agit de la commémoration des 6 millions de juifs morts pendant la 2ème guerre mondiale.
Mais la date choisie, le 27 Nissan, fait référence à la révolte en avril 1943, « pour l’honneur », des juifs enfermés dans le ghetto de Varsovie. Ce ghetto créé en 1940, compta 380.000 juifs, et même 439 000 pendant un moment. Ils représentaient 40% de la population de Varsovie, entassée sur 8% de la surface de la ville ….
Cette commémoration, qui prend divers aspects suivant les pays, est actuellement actée dans tous les calendriers juifs. En Israël elle est notamment « célébrée » par deux minutes de silence et d’immobilité totale : arrêt des transports, conducteurs au garde à vous hors de leurs véhicules, comme tout piéton immobile où qu’il se trouve. Et ce, à 10 heures du matin, soit 9 heures à Paris.
En France, depuis 1991, c’est le MJLF (Mouvement juif libéral de France) qui a initié puis institué une lecture publique des noms des déportés juifs de France à partir du Mémorial de Serge Klarsfeld recensant les noms des 76 000 déportés juifs de France. Parmi ces déportés il ya 11 400 enfants de moins de 16 ans. Seuls 3 % d’adultes revinrent.
Cette déportation, vers les camps d’extermination, a commencé en France le 27 mars 1942, avec le convoi n°1 parti de Drancy et s’est poursuivi jusqu’au 17 aout 1944 !! ,avec le convoi 79 parti de Drancy, alors que l’insurrection parisienne avait déjà eu lieu !! (pour une libération de Paris fin août).
Le convoi 77, celui des orphelins
Mais aussi, il faut parler du convoi 77 du 31 juillet 1944, que Samuel Sandler, Président d’Honneur de la communauté juive de Versailles, a évoqué lors de son discours le 25 avril dernier, à l’occasion de la Journée Nationale de la Déportation.

Ce convoi concerne la déportation d’enfants juifs orphelins, qui se trouvaient dans un centre à Louveciennes[1], (dans la proche banlieue de Versailles).
Il faut savoir que les Allemands amenaient à Drancy les juifs de province. Mais à partir de juin 1944, les liaisons ferroviaires deviennent difficiles. Pour créer un ultime convoi, les Allemands, qui connaissent les officiels centres d’enfants juifs (orphelins), décident de les déporter. Entre les 20 et 24 juillet, les enfants des cinq centres parisiens, dont celui de Louveciennes sont amenés à Drancy. Cela concernait des enfants de 4 ans, 5 ans, 6 ans… Et par ailleurs à Drancy il y a une naissance … mais qu’importe, les enfants, le bébé, un agonisant et des adultes seront emmenés le 31 juillet vers leurs wagons à bestiaux, 60 par wagon plombés, où on a peur, où il fait noir, où il y a pleins de cris, où il fait chaud, où on a soif, où les tinettes débordent, où on ne peut pas s’étendre… Au total 300 enfants de moins de18 ans font partie du convoi, c’est le convoi 77. Seule une aide monitrice de 17 ans en est revenue…
*** Articles de Claude Halber ***
Lecture des noms
J’en reviens à la Lecture des noms. Aujourd’hui cette lecture ininterrompue se déroule pendant 24 heures au Mémorial de la Shoah, sous l’égide de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah en partenariat avec les FFDJF (Fils et et Filles des Déportés Juifs de France), le Consistoire et le MJLF. Cette année la lecture, comme à l’habitude, se fera à Paris au Mémorial de la Shoah (du mercredi soir 4 mai au jeudi 5 au soir).
Seulement, lire 76 000 noms et prénoms demande plus de 24 heures… Et donc chaque année, seule la moitié des noms peuvent être lus. Cette année ce sera depuis le convoi 1 jusqu’au convoi 31. Étant donné que l’objectif allemand était que chaque convoi fasse mille personnes, plus de 30 000 noms seront lus cette année. Ils seront lus par des juifs et des non juifs, par des jeunes et des moins jeunes, au total plus de trois cents lecteurs …

Douze noms sur dix convois
Rose et moi participons à cette lecture. Chaque lecteur lit une partie des noms du convoi qui, en général, concerne les déportés de sa famille. Cette année Rose et moi sommes concernés par dix convois : seront évoqués douze noms de nos familles proches qui concernent mon père, ma mère, mes oncles, mes tantes, mes cousins,…
Il faut rappeler que la première grande rafle à Paris, s’est faite sans dire son nom. Trois mille sept cents juifs parisiens reçoivent une convocation pour se présenter le 14 mai 1941« pour examen de situation » ; c’est « Le Billet Vert[2] » de la couleur de la convocation. Il faut soit y aller, soit disparaître de la circulation, même si on est le gagne-pain de la famille…
Conseil de famille
Après la guerre ma tante, rescapée, était incapable d’évoquer ces années où elle avait perdu presque toute sa grande famille. Incapable, mais elle m’a cependant confié qu’a propos de ce Billet Vert, ’il y a eu un conseil de famille, dont la conclusion était « Nous avons toujours obéi aux lois que ce soit en Pologne ou en France, c’est notre ligne de conduite …. ». Et donc mon père y est allé à cette convocation, et on l’a emmené dans un camp à Pithiviers, dans la banlieue d’Orléans. Puis il a été déporté, et ne reviendra pas ….
Cependant les lois antijuives ayant débuté bien avant, je pense que mon père avait demandé auparavant à ma mère de nous mettre à l’abri, ma petite sœur (trois ans) et moi l’ainé. Et ce « en zone libre ». Effectivement, mon grand-père maternel était commerçant sur la Côte d’Azur, ce qui en faisait un lieu tranquille, et nous y allons… Erreur !! L’endroit est également dangereux, et ma mère est arrêtée lors d’un contrôle ferroviaire…
Et c’est de Drancy, avant d’être déportée, que ma mère fait parvenir clandestinement un minuscule papier où elle exhorte fermement la famille à quitter cette adresse, et à disparaitre. Pas facile à décider et à faire … Effectivement plus tard mes grands-parents seront cachés par des amis, dans un petit village, dans l’arrière pays.
Mais dans l’immédiat pour nous, mon grand père qui a déjà perdu sa fille et son gendre déportés, doit à présent se séparer de ses petits-enfants …. Et donc la mort dans l’âme, et grâce à l’aide d’autres parents, il nous confie à une maison « standard » d’enfants … Mais même là, nous avons dû nous sauver en pleine nuit… Mais c’est une autre histoire…
En conclusion je dirai que pour ma sœur et moi, ma mère nous a donné la vie, et nous a sauvé la vie. CH♦
P.S. Cette année pour la première fois, la Lecture des Noms sera intégralement retransmise en direct sur internet : www.yomhashoh.fr et aussi sur www.memorialdelashoah.org
[1] Lire «1944 : Fuir Louveciennes » par Martine Brust
[2] Pour en savoir plus sur « La rafle du billet vert »
Le jeune garçon, dont la photo est célèbre aurait été sauvé, il a été avocat en Angleterre
J’aimeJ’aime