« Table rase du vieux monde » … grâce aux Palestiniens ?

Le philosophe Pierre-André Taguieff a forgé en 2002 le terme polémique « islamo-gauchiste ». Il désigne ainsi un véritable problème :

la collusion entre des groupes d’extrême gauche et des mouvances islamistes et pro-palestiniennes.

À la même période, le politologue Alexandre del Valle évoquait l’étrange alliance entre l’extrême-gauche et les islamistes[1]. Comment a-t-on pu passer des valeurs généreuses de l’Internationale à la convergence des totalitarismes ?

La Conférence de la solidarité des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine appelée aussi « Tricontinentale » se tint à La Havane en janvier 1966. 500 délégations radicales de 82 pays du Tiers Monde y participèrent. Elle devait être présidée par le Marocain Mehdi Ben Barka, mais celui-ci a disparu mystérieusement, assassiné en France peu de temps avant la conférence.

OSPAAAL

Le logo de l’OSPAAAL est significatif, la guerre pour conquérir le monde…

Lors, cette conférence fut fondée l’Organisation de la Solidarité des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine (OSPAAAL). Son objectif était de réaliser la révolution mondiale, de lutter contre la globalisation, l’impérialisme, le colonialisme, le néocolonialisme et le néolibéralisme. La synergie de tous les mouvements terroristes et indépendantistes avec les partis communistes, chinois de la révolution culturelle, et soviétique de l’ère Brejnev, devait le permettre.

Dans ce contexte furent entre autres décidées :

  • – la désignation des États-Unis comme principal ennemi,
  • – la condamnation du sionisme et la délégitimation d’Israël.

Les buts de l’OSPAAAL[2] étaient de :

  • – Appliquer les mesures en vue de rendre effective la lutte armée contre la « violence impérialiste ».
  • – Promouvoir et coordonner la solidarité effective des mouvements de libération nationale.
  • – Apporter une aide morale, politique et militaire à ces mouvements, notamment à ceux qui luttent les armes à la main contre le colonialisme et l’impérialisme.
  • – Organiser une campagne constante contre la politique croissante d’agression impérialiste dans le monde[3].

Affiches de l’OSPAAAL

Est-ce un hasard ?

De retour de la conférence, l’URSS, l’Égypte, la Syrie, la Jordanie et les organisations palestiniennes prirent les mesures qui allaient conduire inévitablement à la  « Guerre des six jours » en juin 1967.

Cette guerre qui se termina par l’humiliation des armées arabes allait durablement altérer les relations franco-israéliennes.

Mai 68 : un prolétariat de substitution

La révolution de mai 68 était dirigée par les mouvements étudiants de ce qu’on appelle aujourd’hui l’ultragauche, essentiellement maoïstes, trotskistes et souvent anarchistes. Pour eux, les Palestiniens représentaient les nouveaux « damnés de la terre », un prolétariat de substitution. Qu’importe si leurs ambitions nationales et islamistes étaient en contradiction avec les idéaux marxistes ; qu’importe si les Palestiniens auxquels s’identifie la gauche radicale ont pour référence le Mufti nazi ; qu’importe l’assassinat par les dirigeants palestiniens « féodaux-cléricaux » des leaders ouvriers[4] ; l’essentiel est qu’ils soient d’accord sur les objectifs de la Tricontinentale et la disparition de l’État d’Israël.

Beaucoup étaient juifs parmi les dirigeants des mouvements étudiants et de la gauche radicale. Il n’y avait pas d’antisémitisme conscient et assumé. Mais le fait de considérer le tiers-monde – qui voulait la guerre contre Israël – comme un prolétariat de substitution les entraînera à soutenir sans réserve ses revendications et à tolérer 1′ antisémitisme quand celui-ci provenait des « damnés de la terre ». Un des leaders de mai 68 en visite chez les Palestiniens de Cisjordanie fut présenté comme juif. Il rétorqua : « je suis révolutionnaire »[5]. Les meurtres de civils israéliens et juifs, par exemple l’assassinat des athlètes israéliens aux jeux olympiques de Munich, étaient approuvés, considérés comme des actes révolutionnaires. De nos jours, un groupe trotskyste juif, l’UJFP a même été jusqu’à écrire que les camps nazis n’auraient été que des camps de travail[6].

Pour eux, les réfugiés juifs des pogroms d’Europe de l’Est, les rescapés des camps de la mort nazis qu’aucun pays ne voulait accueillir et qui étaient renvoyés dans les camps en Allemagne ou dans des bateaux prisons de Chypre, les Juifs soumis à la dhimmitude expulsés des pays arabes « la valise ou le cercueil »[7], ne sont pas des réfugiés mais des colons dès lors qu’ils arrivaient en Israël, le seul pays qui acceptait de les recevoir.

Le discours anti-juif qui avait cours dans une partie de la gauche radicale d’avant la 2ᵉ guerre mondiale s’était quasiment tu après la Shoah.Shoah. Parmi beaucoup d’autres on peut citer Proudhon, le père de l’anarchisme français qui déclara

« le Juif est l’ennemi du genre humain. Il faut renvoyer cette race en Asie ou l’exterminer… Par le fer, par le feu ou par l’expulsion il faut que le Juif disparaisse[8] ».

Ce discours refait violemment surface et se manifeste en particulier par une haine obsessionnelle de l’état d’Israël et une identification à ceux des mouvements palestiniens issus du nazisme et des Frères Musulmans, qui, pensent-ils, seront les fers de lance de leur révolution.

Le discours est toujours le même.

L’OSPAAAL invité à la Conférence sur le racisme de Durban 2 :

« Point de vue : la solidarité mondialisée face à la mondialisation de l’apartheid – Au XXIᵉ siècle, le régime sioniste d’Israël – qui compte sur le soutien inconditionnel de Washington – a créé 64 zones militarisées, ou bantoustans, qui abritent plus de 2 millions de Palestiniens vivant dans des conditions pires que celles existant en Afrique du Sud pendant les pires abus de l’ère de l’apartheid. Un génocide simple et direct est ce que les représentants israéliens d’extrême droite cherchent contre le peuple palestinien. »

Les damnés de la terre

Convergences Révolutionnaires, Un groupe trotskiste affilié au NPA d’Olivier Besancenot écrit dans un article :

« Un vent de révolte sans frontières – Les Palestiniens incarnent le sort des damnés de la terre, laissés-pour-compte d’un système capitaliste qui charrie oppressions et misère, face à des nantis et puissants qui sont nos ennemis communs. Leur lutte incarne la révolte de ceux qui refusent de baisser la tête. Les travailleurs du monde entier doivent se serrer les coudes : l’exploitation et les oppressions ne connaissent pas de frontières, nos luttes non plus ! »[9].

Ce fantasme des Palestiniens qui feront pour eux la révolution révèle à la fois la haine d’Israël et un profond mépris des Palestiniens, lesquels n’auraient pas d’aspirations propres, suivraient les volontés de l’ultragauche en devenant la chair à canon de leur révolution.

En fait, il existe une Charte Nationale Palestinienne[10]. À aucun moment, il n’y est question de révolution. Elle dit entre autres :

Article 1 : La Palestine est la patrie du peuple arabe palestinien : elle constitue une partie inséparable de la patrie arabe, et le peuple palestinien fait partie intégrante de la nation arabe.

Mon commentaire : « C’est une allégeance au Califat dont faisait partie la Palestine, région de la Syrie du sud, avant le mandat britannique. »

Article 2 : La Palestine, dans les frontières du mandat britannique, constitue une unité territoriale indivisible.

Mon commentaire : « Les frontières du mandat britannique ? Ils revendiquent donc la terre d’Israël, la Jordanie et le Golan. Que de guerres en perspective ! »

Article 6 : Les Juifs qui résidaient habituellement en Palestine jusqu’au début de l’invasion sioniste seront considérés comme palestiniens.

Mon commentaire : « Ce qu’ils appellent l’invasion sioniste sont les réfugiés fuyant les pogroms qui sont arrivés à partir de 1881, mais pour autant il y avait déjà des pogroms, des massacres de Juifs, en Palestine ottomane, entre autres en 1517 et 1834 »

Article 19 : Le partage de la Palestine en 1947 et l’établissement de l’État d’Israël sont entièrement illégaux, quel que soit le temps écoulé depuis lors, parce qu’ils sont contraires à la volonté du peuple palestinien et à son droit naturel sur sa patrie, et en contradiction avec les principes contenus dans la charte des Nations Unies, particulièrement en ce qui concerne le droit à l’autodétermination.

Mon commentaire : « La reconnaissance d’Israël par l’ONU date de 1947, le droit à l’autodétermination fut voté le 19 décembre 1966. »

Article 20 : La déclaration Balfour, le mandat sur la Palestine et tout ce qui en découle sont nuls et non avenus. Les prétentions fondées sur les liens historiques et religieux des Juifs avec la Palestine sont incompatibles avec les faits historiques et avec une juste conception des éléments constitutifs d’un État. Le judaïsme, étant une religion, ne saurait constituer une nationalité indépendante. De même, les Juifs ne forment pas une nation unique dotée d’une identité propre, mais ils sont citoyens des États auxquels ils appartiennent.

Mon commentaire : « Selon eux, les Juifs n’ont pas d’histoire, ne sont ni un peuple ni une nation. Ils appartiennent aux États qui les ont exterminés et expulsés. La Charte palestinienne se revendique du mandat britannique à l’article 2, l’article 20 le déclare nul et non avenu. »

Dans la charte palestinienne il n’est jamais question de révolution. C’est de l’intox, de la propagande, que de le faire croire. La seule chose qui lie l’ultragauche aux organisations terroristes palestiniennes, c’est leur volonté commune de détruire Israël et, dans la plupart des cas, leur antisémitisme.

Pourquoi Israël ?

L’ONU a vu le jour le 24 octobre 1945, créée par 51 états. En 1949, Israël a été le 59 État admis aux nations unies. En 2021, 197 états sont reconnus par les nations unies mais Israël est le seul État au monde dont l’existence est constamment remise en cause.

Olivier Besancenot

Israël est un symbole gênant. Sa réussite en l’espace de 70 ans, en dépit du manque de ressources naturelles, est vécue comme un affront par les États plus riches, plus peuplés, plus anciens, en situation d’échec ou qui ont sombré dans l’obscurantisme et les mouvements qui se disent révolutionnaires à la mode tricontinentale.

En 2020, comme tous les ans, les ¾ des résolutions de l’ONU ont été des condamnations d’Israël. Majoritaires à l’ONU, les états arabo-musulmans et tiers-mondistes, dont l’obsession anti-israélienne est la principale préoccupation, votent systématiquement ces résolutions et invitent les organisations telles l’OSPAAAL qui partagent cette obsession.

« Debout les damnés de la terre… du passé faisons table rase »

écrivait Eugène Pottier en 1871. Mais nous ne sommes plus au temps de Pottier, l’Histoire a montré qu’il est impossible d’effacer le passé.

Houria Bouteldja

La lutte des classes a été détrônée par la lutte des races. La gauche radicale a imaginé sa propagande avec la désinformation, le terrorisme, la colonisation, l’apartheid, le racisme, les Indigènes de la république, le boycott d’Israël, la cancel-culture, le mouvement queer, la révolution palestinienne. En rassemblant tous les groupes contestataires, cette gauche radicale réussira-t-elle à s’imposer ? Une dictature de l’islamisme telle que l’a décrite Bouallem Sansal dans « 2084 », viendra-t-elle en substitution de la dictature marxiste du prolétariat qui a échoué ?

Le passé proche nous a, par deux fois, montré en Algérie et en Iran, que la gauche a été éliminée par ceux qu’elle croyait manipuler.

Les Palestiniens, s’ils acceptent volontiers d’être considérés comme les « damnés de la terre » – la victimisation fait partie de leur propagande – ne cherchent aucunement à établir un ordre nouveau. Ils sont avant tout nationalistes et musulmans.

Apprenons de l’histoire. KF

Klod Frydman, MABATIM.INFO


[1] Pour Alexandre del Valle, cette étrange alliance inclut également l’extrême droite.

[2] Organisation de Solidarité des Peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine. Cette ONG qui promeut la lutte armée et qui a été réprimandée en 2004 pour activités antisémites, a obtenu un statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social des Nations Unies.

[3] J.-J. Brieux La « Tricontinentale » – Politique étrangère Année 1966.

[4] Ghassan Kanafani – la révolte de 1936-39 en Palestine – Les hommes du Mufti assassinèrent le dirigeant syndicaliste Sami Taha à Haïfa le 12 septembre 1947. Ils avaient auparavant tué à Jaffa, le syndicaliste Michel Mitri qui avait joué un grand rôle dans la mobilisation des ouvriers arabes en 1936).

[5] Alain Geismar en 1969 (Hervé Hamon et Patrick Rotman, Génération, tome 2, Paris, Éditions du Seuil, 1988, p. 91-94). Les milices palestiniennes attendaient d’eux qu’ils entraînent des milliers de Juifs à combattre pour eux contre Israël.

[6] https://ujfp.org/reflexions-sur-lusage-du-terme-shoah-et-la-lutte-contre-lantisemitisme-dans-le-discours-officiel . « Un certain nombre (de Juifs) ont été transformés par les nazis en esclaves aux services des entreprises allemandes travaillant pour l’effort de guerre nazi jusqu’à l’extrême limite de leur résistance physique avant d’être détruits et réduits en cendres ». Cet article nie la volonté d’extermination.

[7] Après la création d’Israël, plus de 850 000 Juifs ont été expulsés des pays arabes et d’Iran, leurs biens spoliés.

[8] Pierre – Joseph Proudhon – diatribe judéophobe de décembre 1847. Pour lui le Juif représente le capitalisme naissant. Il disait que les Juifs sont une « race insolente, obstinée, infernale » qui exercent une action dissolvante sur la société, et que les Juifs sont inassimilables et source de tensions sociales permanentes, Proudhon fait du Juif l’incarnation du Mal absolu.

[9] Nous sommes tous des Palestiniens ! repris par l’étincelle, revue du NPA.

[10] Charte nationale palestinienne, Juillet 1968 – Version française tirée de : « L’agenda Palestine – 1981 »
Union générale des étudiants de Palestine (G.U.P.S). Bulletin NPA/L’étincelle Mai 2021

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Un commentaire

  1. Remarquable somme de bon sens, de sens tout court, de rappels, d’Histoire et de tout ce que les ignorants d’aujourd’hui doivent continuer à ignorer pour pouvoir continuer à haïr Israël, la montagne qui n’ira jamais à Mahomet.

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