La convergence des terrorismes : palestinien iranien et du Hezbollah

[16 avril 2023]

par Udi Dekel Ancien directeur de l’INSS Institut d’études sur la sécurité nationale (israélienne)

L’escalade sur plusieurs fronts lors de la Pâque 2023 a illustré la convergence des terrorismes : palestinien du Hamas et du Djihad islamique, et du Hezbollah proxy de l’Iran. Ce regain de tension n’est pas fortuit. Les organisations terroristes ont profité de la division de la société israélienne sur la question de la cour suprême, qui a affaibli la cohésion nationale, la résilience et la dissuasion d’Israël. Face à tous ces développements le gouvernement du pays est tenu d’agir. Restaurer la cohésion nationale, calmer la scène palestinienne en sauvegardant le statu quo sur le Mont du Temple. Sur le plan extérieur, Israël devra rétablir la dissuasion ou du moins réinstaurer « les règles du jeu » vis-à-vis du Hezbollah au Liban, telles qu’elles étaient avant la 2^ᵉ guerre du Liban (2006), bloquer la prise de contrôle, par le Hamas, sur les Palestiniens de l’Autonomie palestinienne et mettre en échec le programme nucléaire de l’Iran.

Le prétexte de l’escalade du front libanais a été les affrontements entre les Palestiniens et la police israélienne sur le Mont du Temple (esplanade des mosquées), durant la Pâque juive et le Ramadan. Le 5 avril 2023, des jeunes palestiniens, « chauffés à blanc » par le Hamas ont investi la mosquée El Aqsa. La police israélienne est rentrée dans la mosquée pour les déloger et permettre de nouveau les prières et c’est là qu’il y a eu de violents affrontements. Les réseaux sociaux arabes ont été inondés par des vidéos et photos des scènes des « violences israéliennes ». Le lendemain, le Hamas palestinien basé au Liban, sous la protection du Hezbollah, a tiré 34 roquettes sur le nord d’Israël. Évidemment le Hezbollah a indiqué que les tirs avaient été effectués à son insu. Le Djihad islamique de Gaza s’est joint aux tirs, en envoyant des salves de roquettes (1200 en moins d’une semaine) sur le sud et centre d’Israël.

Dès la mi-mars, avant ces événements, le vice-président du bureau central du Hamas et le responsable Hamas Saleh al-Arouri a averti Israël que si durant le Ramadan, « des provocations juives » avaient lieu sur le 3^ᵉ lieu saint de l’islam, très sensible pour tous les musulmans, il y aurait des attaques et ce, depuis le Liban. En fait, les rampes de lancement au Liban sud avaient été préparées bien avant les événements sur le Mont du Temple. Le Hamas au Liban n’attendait que le bon moment pour lancer ses roquettes.

L’affirmation selon laquelle le Hezbollah n’était pas partie prenante dans la décision du Hamas de lancer des roquettes depuis le sud le Liban sur le nord d’Israël, est mensongère. En effet, il est inconcevable que le Hezbollah n’ait pas été au courant du déploiement des lance-roquettes dans le sud du Liban et que le Hamas ait agi de manière indépendante. De plus, des agences de presse spécialisées sur l’Iran ont publié des informations selon lesquelles l’Iran et le Hezbollah, non seulement étaient au courant des préparatifs du Hamas libanais, mais avaient donné leur accord, à ce dernier de tirer ses roquettes, dans le cas de « profanation » de la mosquée Al-Aqsa par Israël.

Source CNN 6 avril 2023

Le site d’information libanais a révélé que le commandant de la Force iranienne Al Qods, Ismail Qaani, s’est entretenu à l’ambassade d’Iran à Beyrouth, le 6 avril au soir, après que les roquettes ont été tirées du Liban sur le nord d’Israël. Étaient présents à l’entretien, Ismail Haniya, chef du bureau politique du Hamas, et son adjoint, Salah al-Arouri, ainsi que des responsables de haut rang du djihad islamique et des représentants libanais proches du Hezbollah.

Cette réunion s’est déroulée lors de la rupture du jeûne du Ramadan et « la fête est devenue une salle d’opérations conjointes et de la coordination militaire pour les futures attaques ». Deux jours plus tard, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a rencontré une délégation du Hamas, dirigée par Ismail Haniya, chef du bureau politique du mouvement. Le site officiel du Hezbollah a indiqué que les parties avaient discuté des derniers développements dans la politique palestinienne, ainsi que des événements de la mosquée Al-Aqsa. Il est difficile d’imaginer que ces réunions auraient eu lieu si le Hamas n’avait pas respecté les « règles du jeu » entre les deux organisations terroristes.

S’ajoutent aux attaques décrites plus haut, le terrorisme à Jérusalem même, dépose des engins explosifs sur les axes de communication en Judée-Samarie, tirs des missiles antiaériens de Gaza et attaques terroristes à l’arme automatique en Judée-Samarie et Israël même. Tous ces attentats terroristes sont le résultat de la convergence et de la coordination opérationnelle entre le Hamas, le Hezbollah et le jihad islamique. Cette stratégie est évidemment supervisée directement par l’Iran.

À tort ou à raison, le Hezbollah estime que c’est le bon moment pour créer une convergence des actions terroristes de plusieurs acteurs.

1 – Le Hezbollah est convaincu de pouvoir établir un équilibre de dissuasion vis-à-vis d’Israël, juste en dessous du seuil d’une confrontation directe Hezbollah – Israël, à l’aide des « sous-traitants », comme Hamas libanais, lors des derniers tirs sur le nord d’Israël ;

2) – Le Hezbollah juge qu’Israël n’est plus capable d’assurer sa défense simultanément sur plusieurs fronts en raisons des divisions du public israélien, notamment sur des problèmes intérieurs et en particulier les cas de refus des réservistes, même si c’est marginal, de se présenter sous les drapeaux. Pour le Hezbollah la dissuasion israélienne s’use.

3 – Le Hezbollah considère que le processus de normalisation des rapports entre Israël et certains pays arabes est en panne, à cause du retrait de la diplomatie américaine et la diminution de l’engagement militaire américain dans la région (les États-Unis sont plus préoccupés par la guerre Russie – Ukraine et la Chine), ce qui affaiblit Israël et pousse les pays arabes vers l’Iran.

Du dernier cycle d’escalade, le Hamas, malgré sa non-participation aux tirs depuis Gaza, a engrangé certains bénéfices, car c’est bien lui qui a initié les évènements de la mosquée Al Aqsa et de plus, c’est bien le Hamas qui est à l’origine de la plupart des attentats. Par ailleurs, le Hamas a complètement phagocyté la vie politique palestinienne au détriment de l’Autorité palestinienne. La stratégie du Hamas de sortir du jeu politique le président de l’Autorité Mahmoud Abbas fonctionne très bien. En fait, le Hamas accélère la mort politique d’Abbas, à défaut de sa mort physique. Récemment, il y a eu des réunions, en Jordanie et en Égypte, entre Le Hamas et l’Autorité palestinienne, afin de coordonner des mesures qui empêcheraient l’escalade à Gaza. Mais là encore, c’est le Hamas qui a imposé ses positions par rapport à l’Autorité palestinienne.

Le lancement de roquettes depuis le Liban sur Israël par le Hamas, renforce le prestige et le soutien de ce dernier, dans les camps palestiniens du Liban. En revanche, la position du Fatah et de Mahmoud Abbas est en constante érosion. Sous le parrainage du Hezbollah, le Hamas, jusqu’alors cantonné à Gaza, prend pied au sud Liban. L’initiateur de l’escalade contre Israël de ces derniers mois est Saleh Al-Arouri, qui est lié et même affilié à l’axe Iran-Hezbollah au Liban. Saleh Al-Arouri est le chef de la tendance iranienne au Hamas, alors que Yahya Sinwar à Gaza serait plutôt partisan de l’Égypte. Une partie des dirigeants du Hamas sont à l’étranger et notamment au Qatar, qui les soutient financièrement.

Source Tsahal 7 avril 2023

Le rapprochement du Hamas et du Djihad islamique avec l’axe iranien s’explique par des changements géostratégiques dans la région. Tels que le rapprochement entre l’Iran et l’Arabie saoudite, la médiation chinoise, qui mettra probablement fin à la guerre avec les Houthis au Yémen et le retour récent de la Syrie dans la Ligue arabe. En revanche, les relations d’Israël avec la Jordanie et l’Égypte dépendent toujours de la politique israélienne envers les Palestiniens.

Conclusion

L’escalade sur plusieurs fronts illustre la convergence de l’axe de la terreur palestinienne du Hamas et du Djihad islamique, avec l’axe Iran-Hezbollah. L’Iran et son proxy Hezbollah tentent de s’approprier le terrorisme palestinien contre Israël. Non seulement le Hezbollah instrumentalise le terrorisme palestinien suivant son agenda politique interne, mais il adapte « son pilotage » du terrorisme palestinien en Israël, de façon à répondre aux attaques israéliennes contre des cibles de l’Iran et du Hezbollah en Syrie. Le réchauffement du front nord est intervenu exactement au moment où Israël vivait un véritable schisme social. Les salves des fusées sur le nord du pays, étaient une tentative de tester la résilience d’Israël et peut-être une volonté d’imposer de nouvelles « règles du jeu ».

L’alliance des organisations terroristes contre Israël est motivée par plusieurs objectifs :

– Confiner Israël dans ses frontières, en augmentant la menace sécuritaire sur son territoire, afin de renforcer l’enracinement de l’axe Iran-Hezbollah sur la frontière nord du pays.

– Précipiter la chute de l’Autorité palestinienne, pour éventuellement prendre le pouvoir et menacer Israël, depuis la Judée-Samarie (Cisjordanie).

– Freiner voire bloquer, la normalisation entre Israël et les États arabes et « fissurer » les traités de paix entre Israël la Jordanie et l’Égypte.

– Affaiblir l’influence de l’Égypte dans la bande de Gaza.

– Créer l’agitation des citoyens arabes, afin de mettre le feu à la rue arabe en Israël

Par conséquent, il est vital que les dirigeants israéliens, le peuple d’Israël et l’armée prennent conscience que la politique impérialiste de l’Iran au Moyen-Orient bouleverse complètement la situation géostratégique de la région. Malheureusement, pour l’instant cette prise de conscience n’a pas eu lieu. Le « Titanic Israël » voit l’iceberg approcher, mais ceux qui sont à la barre, non seulement ne voient pas le danger existentiel, mais persistent dans le déni de son existence. EG♦