Israël : L’impossible laïcisation

La tentative de la laïcisation d’Israël avait été amorcée bien avant les grandes guerres qui se sont abattues sur le petit État israélien (1948 – 1967 – 1972) ourdie par tous les vétérans venus de l’Europe de l’Est, principalement de Russie.

L’objectif était clair – proclamer la création d’un « État juif » dans le but d’obtenir une légitimité globale souhaitée, prônée par la déclaration de Balfour, et d’attirer les juifs de la diaspora. Alors qu’en fait, cet État en formation n’aura de juif que le nom. Pourtant, la déclaration de Ben Gourion définissait la création d’un État juif :

Pour Alain Dieckhoff, Sociologue, si le régime politique d’Israël n’est pas défini dans cette déclaration, son caractère juif y est affirmé et les grands principes constitutifs d’un État de droit y figurent bien explicitement : « justice et paix, liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture, une citoyenneté égale et complète et surtout une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous les citoyens sans distinction de croyance, de race et de sexe ».

Le même Alain Dieckhoff explique aussi que cette déclaration est l’aboutissement d’un compromis entre les différentes composantes du mouvement sioniste :

Ainsi, l’appellation « État d’Israël » évite de parler de « République d’Israël » que refusaient les sionistes religieux. La création de cet État est justifiée parle lien insécable entre le peuple juif et sa terre, par le volontarisme des pionniers qui ont ressuscité la langue hébraïque, construit des villes et des villages, par la Shoah, par les principes du droit international (déclaration Balfour et plan de partage de la Palestine voté par l’ONU) et par le principe de l’autodétermination.

Enfin, toujours selon Alain Dieckhoff,

le rocher d’Israël évoqué en conclusion est compris comme le peuple juif par les agnostiques et comme Dieu par les religieux.

Pour mettre un frein aux religieux, ces vétérans créèrent des Kibboutzim, majoritairement laïcs/libéraux/communistes.

« Un kibboutz, « assemblée » ou « ensemble » est un type de village collectiviste créé pour la première fois en 1909 en Palestine alors ottomane. Degania Alef fut créé par douze juifs d’origine russe et polonaise adhérant au mouvement sioniste d’influence socialiste. D’autres kibboutzim – environ une douzaine ont essaimé en 1920. En 1950, ils comptaient 210. Il s’agit à l’origine de communautés rurales, mais des activités industrielles ont commencé à y être développées après la création d’Israël. Historiquement, leurs membres étaient perçus comme une élite du futur « État juif » avant 1948 comme d’ailleurs après la création de l’État d’Israël, particulièrement militante et engagée. Ainsi, dans les années 1960 jusqu’aux années 1980, les militaires issus des kibboutz représentaient près de 25 du corps des officiers de l’armée israélienne, pour approximativement 1 % de la population totale juive.
La laïcité et l’égalité des sexes sont revendiquées depuis les débuts (sauf dans les rares kibboutzim religieux : une dizaine sur 250 environ), ce qui explique les relations historiquement très tendues avec les juifs religieux. Les membres des kibboutzim ont même été accusés de ne plus être 
JUIFS.

Ne soyez donc pas surpris de constater leur réaction face à la formation d’un gouvernement de droite, nationaliste et juif.

Que les aviateurs et autres officiers de l’armée israélienne, issus de cette frange de la société, se soulèvent contre un gouvernement majoritairement de droite, ne doit étonner personne.

Ces libéraux européens n’avaient jamais pris en considération les juifs religieux qui, depuis des siècles, vivaient en Palestine, mais qui étaient loin d’être une minorité.

Antérieure à l’Empire ottoman et même pendant, une population juive indigène s’accroche et se développe. Les concentrations de juifs les plus accentuées se constatent dans les villes saintes de Jérusalem, Safed, Tibériade et Hébron. Néanmoins, la présence juive en Palestine, avant la création de l’État d’Israël, a fluctué dans le temps avec la formation et la disparition de différentes communautés. Quoi qu’il en soit, selon les rapports existants en 1880, avant le début de l’immigration, quelque 25 000 Juifs habitent en « Palestine » depuis plusieurs générations.

Deux importantes premières vagues d’immigration juive ont donc lieu sous l’Empire ottoman. La première Alya, de 1882 à 1903, ramène de 20 000 à 30 000 Russes qui fuient les pogroms en Russie tsariste. De 1903 à 1914, lors de la seconde Alya, de 35 000 à 40 000 autres Russes, majoritairement socialistes, s’établissent en Palestine. Ces nouveaux arrivants sont très actifs dans la construction de Tel-Aviv. Ils fondent également des kibboutzim (villages collectivistes).

Voir mon étude : Le Canular de l’invention du peuple juif.

La formation de la nouvelle génération de ces Européens de l’est comprenait le communisme (Drapeau rouge flottant aux côtés du drapeau israélien sur les frontispices des kibboutzim).

L’annonce de la création d’un ÉTAT JUIF a parfaitement bien fonctionné et a été même rentable, vu les fonds et donations versés à cet État par les juifs de la Diaspora. Ceux de la diaspora nord-africaine, orientale et/ou autre, plus ou moins pratiquants, mais surtout croyants, avaient répondu à l’appel, dans l’espoir absurde de retourner au pays de leurs ancêtres, de leur foi, du reste de leur temple et de leurs vestiges. En somme de vivre leur judaïsme en liberté…

Ces nouveaux migrants ont été sciemment bernés par les vétérans qui occupaient les positions clefs, et les ont conduits vers des zones géographiques éloignées et non défrichées, soit au sud du pays ou au nord. Marginalisés, opprimés, ils ont fini par surprendre les anciens par leur intégration, leur succès à bâtir des fermes, à créer des mochavim et d’être aussi d’excellents soldats, vaillants et sionistes.

Aujourd’hui, devenus une majorité, ils défient cette élite qui lutte à conserver son statut social et administratif et imposer son laïcisme. N’ayant aucune chance d’y parvenir, celle-ci tente, par tous les moyens, de saper les assises d’Israël :

« Si je dois mourir, je t’entraîne avec moi ». TZ-D

Thérèse Zrihen-Dvir, Blog de Thérèse


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4 commentaires

  1. Le problème chez les Juifs religieux est qu’ils ne considèrent pas comme Juif un soldat de Tsahal dont seul le père est Juif mais considère comme Juif ,si sa mère est juive, un homme qui refuse de faire son service militaire , tient des propos antisémites ou commet des actes antisémites . Le problème de nombreux Juifs non religieux, libéraux, …. est qu’ils usent souvent du double standard contre Israël.
    En résumé, il faut que des 2 côtés, il y ait un sursaut de bon sens et une solidarité entre tous les membres du peuple juif quel que soit leur manière de vivre leur judaïsme.

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    • Cher Amos – Le radicalisme est néfaste dans tous les domaines. Pour moi, juive pratiquante, tout individu qui veut adopter le judaïsme, suivre ses lois et être réellement un juif, est un juif sans avoir besoin de liens familiaux… J’ai des cousins de la famille Cohen, qui ne pratiquent pas le judaïsme et se disent agnostiques… Pour moi, ils ne sont pas juifs – ils sont des athées et c’est ainsi qu’ils doivent être considérés. C’est mon avis évidemment… pas celui de nos rabbins et c’est dommage. Je suis en train d’écrire un livre dont le titre « Être Juif » où je me confronte à ce problème. Que la paix descende sur notre terre Amen.

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      • Chère Pimprenelle,
        Si je vous comprends bien, pour vous, il faut appliquer la Halara orthodoxe ( toutes les mitzvot ?) pour être considéré comme Juif ; très difficile à contrôler. D’autre part, vous ajoutez: il ne faut pas de lien familial ; qui va décider de qui est Juif ?
        Vous excluez alors du peuple Juif : les libéraux, conservatives, laïcs, agnostiques, … soit au moins la moitié du peuple juif si pas plus. On est déjà si peu nombreux et si attaqués ; je pense qu’il vaut mieux essayer de s’entendre entre nous.

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        • Il faut faire une différence entre la Halakha et les lois de Moïse. La halakha c’est en fait, régenter une vie selon des pratiques religieuses instaurées par l’homme. Les lois de Moïse ne se réfèrent pas à la religion, elles sont purement humaines. D’ailleurs le judaïsme ne fut réellement créé qu’après la compilation du Tanakh par Ezra – quelques 600 ans avant le Christ. La Halakha ne fait pas du juif un bon juif. Les lois de Moïse OUI. Nous connaissons tous ces religieux qui font leurs prières trois fois par jour, mais n’ont aucun problème à faire du mal à autrui. Donc, si un juif est pratiquant, il doit d’abord assimiler la valeur de ces pratiques. Certaines sont hygiéniques, d’autres concernent l’apparence externe, l’alimentation etc. La foi ne se mesure pas à travers le vêtement mais à travers nos actes. Et c’est là où l’on doit se concentrer. Pourquoi insister à appeler un juif agnostique, un juif, s’il n’a aucune foi, aucune appartenance à sa religion juive… c’est un agnostique. C’est tout. Celui qui possède la foi en D. en les lois de Moïse, en certaines parties de la Halakha et les applique de tout cœur, est un juif… Ecoutez, j’ai essayé de faire comprendre à un grand rabbin qu’il n’y a aucune raison de continuer à dire la prière Merci D. pour ne m’avoir pas fait femme – mais de dire – Merci D. pour m’avoir créé selon son souhait… Ni l’homme n’est complet, ni la femme… Les deux forment un complément… C’est un sujet qui demande beaucoup de réflexion.

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