Une autre lettre ouverte à Alain Finkielkraut 1/2

[3 mai 2025] Par Gilles Bellaïche

Voilà que notre académicien préféré s’est décidé à aller en Israël pour voir les contrecoups du 7 octobre ; certains pourraient dire « enfin », ou encore « mieux vaut tard que jamais ».

Eh ben, moi, je dis à A. Finkielkraut, vous auriez mieux fait de vous abstenir, tant votre témoignage dans le Figaro du 27 avril dernier est accablant de contre-vérités.

Aller en Israël pour ensuite venir nous asséner vos « constatations », qui ne sont rien d’autres que la litanie de slogans types, éructés depuis des mois par vos amis universitaires de la gauche radicale israélienne, était inutile ;

Vous auriez pu faire, cher AF, l’économie de ce voyage ; il nous suffit de lire « Haaretz » tous les jours, et ses versions françaises « Le Monde » ou « Libération » pour avoir les mêmes élucubrations.

En fait j’ai longtemps hésité à lire votre interview dans « Le Figaro », tant je redoutais les énormités que j’allais sans nul doute y trouver et qui allaient me mettre de mauvaise humeur pour la journée ; finalement je l’ai quand même lue et je n’ai pas été déçu.

Alors analysons point par point ce que vous dites.

Vous avez tout d’abord l’honnêteté de donner l’une de vos sources premières : un professeur de sciences sociales de l’université de Tel Aviv, traduction : un de ces Juifs israéliens d’extrême gauche, laïcard (et probablement ashkénaze ?), qui manifeste tous les samedis soir à Kaplan depuis plus d’un an contre B. Netanyahou, et qui a probablement dû savoir comment faire pour mettre ses enfants et petits-enfants le plus à l’abri possible, loin des combats de rue de Gaza.

Un de ces personnages qui rejette le caractère juif de l’État d’Israël, et qui voudrait qu’Israël ressemble à tous ces pays occidentaux, gagnés par le déconstructionnisme woke, et en pleine décadence intellectuelle.

Enfin, probablement un très « grand démocrate » qui refuse le résultat des dernières élections, et qui voudrait renverser par la rue, le gouvernement légitimement élu.

Belle référence au demeurant !!

Et que dit votre éminent témoin :

que « le Hamas n’est pas le problème, mais c’est plutôt B. Netanyahou le problème d’Israël » !!

Rien que ça !

Qu’il aille dire cela aux habitants du sud et notamment aux habitants des kibboutz Beeri, Kfar Aza ou Nir Oz ce qu’ils en pensent, eux qui étaient tous de gauche ou d’extrême gauche et aspiraient à vivre en paix avec leurs voisins gazaouis qu’ils aidaient quotidiennement. Pour dire une telle énormité, faut vraiment avoir la haine de Benjamin Netanyahou ;

car le vrai problème est cette haine féroce des « intellos » planqués de Tel Aviv qui refusent l’identité juive de leur propre pays. Haine de soi, disait clairement T. Hessig il y a près de 100 ans déjà.

Ensuite vous nous parachutez que Benjamin Netanyahou « bloque toutes les issues, ferme toutes les portes, sabote consciencieusement toutes les solutions ».

Ah bon ? Mais il faudrait que vous nous donniez des exemples de ces assertions, cher AF.

Or, que dit Benjamin Netanyahou depuis le 7 octobre ? : retour des otages et destruction des infrastructures militaires et politiques du Hamas ; et il le redit sans cesse…

Vous écoutez mal, cher AF.

La suite nous éclaire sur votre propos :

« Alors même que Tsahal plaide pour le retour de l’autorité palestinienne à Gaza, le premier ministre israélien s’y refuse obstinément ».

Ah bon, parce que c’est à l’armée israélienne de décider de la politique à mener vis-à-vis des autorités palestiniennes ?

Moi, je croyais naïvement que c’était aux gouvernements démocratiquement élus de le faire ; mais pas vous.

Vous pensez que ce sont à des généraux non élus, mais désignés par l’État profond sous la surveillance étroite de la Cour Suprême1 que reviendrait une telle décision.

Bizarre comme vision de philosophie politique… Si je traduis, vous seriez pour un pouvoir militaire dans les démocraties ? Bizarre, bizarre !!

Alors, cher AF, demandez-vous d’abord d’où parlent ces généraux de Tsahal, d’où viennent-ils, et qui fréquentent-ils politiquement ?

Sans compter que la majorité des Israéliens est opposée à une telle solution ; et si vous aviez suivi de plus près les débats politiques en Israël, vous vous seriez aperçu que Benjamin Netanyahou, avec le soutien de son gouvernement démocratiquement élu, propose une solution de gestion civile locale de Gaza, autrement dit la mise en place de représentants locaux non affiliés au Hamas, qui administreraient civilement le territoire sous la surveillance militaire de Tsahal.

Cela s’appelle une proposition de Benjamin Netanyahou plutôt constructive, non ? Mais elle ne plaît pas aux défenseurs de la très corrompue « Autorité palestinienne », auxquels vous et surtout J. Biden appartenez, en rêvant que cette AP soi-disant laïque (donc pas islamiste comme le Hamas) ferait le job en construisant la paix avec Israël !

Ou alors, sous-entendez-vous toujours, qu’il faudra mettre en place tôt ou tard ladite « solution à 2 États » que vous soutenez depuis des lustres ?

Mais vous oubliez que l’immense majorité des Israéliens n’en veut pas de cette solution à 2 États

Ils étaient déjà majoritaires avant le 7 octobre ; ils sont à présent au moins 75 % à ne pas le vouloir, chiffre confirmé par le vote à la Knesset du 21 février dernier où 90 députés sur 120 se sont opposés à une solution à 2 états imposée par l’Occident ; mais MONSIEUR FINKELKRAUT, bien au chaud dans son appartement parisien, pense qu’il faut imposer à 75 % de la population d’un pays démocratique ce que lui pense être bon pour eux.

Je rêve !!

Et notre académicien de rajouter que Benjamin Netanyahou s’y opposerait

« Parce qu’il perdrait aussitôt le soutien des extrémistes de son gouvernement ».

Waouh, comme disent les jeunes aujourd’hui ; rien que ça !! Alors, petit rappel politique, cher AF :

Ceux que vous qualifiez « d’extrémistes » ne sont rien d’autre que la liste arrivée 3 aux dernières élections législatives derrière le Likoud de Benjamin Netanyahou et Yesh Atid de Y. Lapid, probablement l’un des héros de votre ami universitaire.

Et il faudrait laisser de côté cette 3ᵉ force politique du pays parce que qualifiée par quelques-uns d’extrémiste ?

Bel exemple de démocratie !! Sur le fond : en quoi ces sionistes religieux, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, seraient-ils des extrémistes qu’il faudrait bannir de la vie politique israélienne ? Parce qu’ils sont sionistes ou parce qu’ils sont religieux ?

Être sioniste, c’est simplement défendre Israël comme le pays du peuple juif : est-ce un crime que de défendre l’identité même de son pays, de plus identité multimillénaire ? Aller dire cela aux Ukrainiens.

Et être religieux, c’est leur droit s’ils respectent les règles démocratiques, ce qui est bien le cas.

En les traitant d’extrémistes, vous ne faites que reprendre la rhétorique de la gauche et de l’extrême gauche israéliennes, laïcardes et rejetant tout ce qui touche au sacré, cœur de la culture et de l’histoire juives.

On vous sait, bien sûr, très distants de cet aspect de la culture et de la vie juives, et c’est naturellement votre droit, mais utiliser ce choix personnel pour insulter d’autres Juifs est affligeant. La vérité est que, très éloigné de ce milieu croyant et observant, vous le brocardez par ignorance et surtout par peur.

Enfin, vous semblez ignorer que, tout comme en France, la droite « traditionnelle » israélienne a subi depuis 30 ans un glissement continue vers sa gauche (les meilleurs exemples en sont Benjamin Netanyahou lui-même et son ministre de la défense Y. Gallant), et s’est donc éloignée de sa doctrine initiale jabotinskienne, dont M. Begin était le meilleur représentant. Et tout comme en France, cela a conduit à voir ressurgir des partis politiques restés attachés à la vision de Jabotinsky sur ce que doit être l’état du peuple juif, que le Likoud ne représente plus tout à fait.

Et vous voudriez que les dignes représentants de l’un des 2 piliers du sionisme originel de la 1ʳᵉ moitié du 20ᵉ siècle soit écarté du paysage politique d’Israël, sous prétexte que ce sont à vos yeux des extrémistes ?

Un peu d’humilité, cher AF, et demandez-vous pourquoi vous rejetez avec tant de force cet aspect fondamental de votre propre culture.

Vous dites un peu plus loin :

« Netanyahou ne dirige Israël vers rien de discernable »…

Moi j’ajouterais simplement : rien de discernable pour vous et pour les gens qui ne jurent que par son éviction ; il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut voir !! La majorité des Israéliens voient très bien où Benjamin Netanyahou veut aller, mais la minorité que vous semblez défendre ne veut pas de ce chemin, alors ils disent, comme vous, que Benjamin Netanyahou ne donne pas de direction à suivre.

Et vous terminez ce paragraphe par le Graal en rappelant le slogan des quelques centaines d’irréductibles braillards qui crient tous les samedis soir non pas depuis le 7 octobre, mais depuis plus d’un an après la prise de fonction de ce gouvernement fraîchement élu : « Des élections maintenant ! ».

Autrement dit, les Israéliens ont élu il y a un an et demi un gouvernement et dès sa prise de fonction, le camp qui a perdu a commencé à refuser le verdict des urnes et essaye en vain de renverser dans la rue le gouvernement démocratiquement élu. Donc vous vous inscrivez dans le camp de ceux qui, sous la houlette d’un ancien Premier Ministre (et ancien chef d’état-major)2, et avec le soutien financier de ses riches amis israéliens et américains, tentent de mener un coup d’État par la rue, en rameutant au passage tous les idiots utiles qu’ils trouvent, dont votre ami universitaire.

Enfin, pour votre gouverne, je vous signale qu’une coalition que vous appelez de vos vœux et qui « irait de la droite raisonnable à la gauche travailliste » n’aurait en Israël aucune chance de durer bien longtemps.

Au passage, je vous informe ce que vous semblez ignorer : la gauche travailliste, tout comme en France, n’existe plus. Aux dernières élections, elle n’a obtenu que 4 mandats, et plusieurs sondages récents lui en promettent même ZÉRO aux prochaines élections !!

Tout cela démontre une fois de plus votre méconnaissance profonde du paysage politique israélien. GB♦

© Gilles Bellaïche, Tribune Juive


1 https://www.tribunejuive.info/2023/07/17/gilles-bellaiche-etat-profond-vous-avez-dit-etat-profond/

2 Ehoud Barak (NDLR)


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3 commentaires

  1. Depuis les années 68, j’étais admirative de notre émérite académicien, mais à ce jour la vieillesse brouille sa capacité à reconnaître qu’il s’est lourdement trompé à s’accoquiner d’avec des braillards de gauchos, à savoir s’il s’en souvient de la propagande qu’émettait Schlomo Sand à Science-pô. J’ai connu ces années prolixes où régnaient des diatribes constructives au Mapam, aujourd’hui il faut de la fermeté et cela revient qu’à la droite de la Knesset, ne lui en déplaise………………

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  2. Je partage absolument les termes de votre adresse. Mais pourquoi introduire cette assertion purement gratuite que le professeur de Tel Aviv serait ashkenaze ? Combien de fois ai-je entendu dans la bouche de mes concitoyens des pays arabes des mots chaleureux sur l’entente fraternelle qu’ils avaient connue et qu’ils pourraient recréer ? Alors cessons ces stigmatisations car vous me direz comment vous nuancerez entre les juifs d’Europe occidentale ou orientale, les sepharades authentiques et ceux du Maghreb, differents du Moyen-Orient, d’Ethiopie, d’Inde ou de Yemen : dans toutes ces communautés d’origines vous trouverez tout l’échiquier politique.

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