Pour le Liban, Macron, martial et impérial

Par Liliane Messika [2 décembre 2024]

Au Liban, la France se montre partiale jusqu’à l’amoralité

Emmanuel Macron n’arrive pas à comprendre que son En-Même-Temps ne fait pas de lui un juge impartial de situations qu’il peine à (ou refuse de) comprendre. Comment Jupiter, dieu de la foudre et du ciel, pourrait-il admettre qu’il n’a qu’une allumette à la main et qu’un baldaquin au-dessus de la tête ?

Il a réussi in extremis à garder un strapontin dans l’affaire du cessez-le-feu au Liban. Après avoir été le premier à se féliciter de la rigueur du travail acharné effectué par la CPI et de l’obéissance de la France à ses lettres de cachet, il rétropédalé aussi vite et promis que la fille aînée de l’UE ne mettrait pas à exécution les mandats d’arrêt prisés la veille, afin qu’on le laisse jouer dans la cour des grands.

On suppose qu’il n’écoutait pas les cours d’Histoire à l’ENA, car il se croit encore en CM2, quand la France était une puissance et le Hezbollah ne dirigeait pas encore le Liban au nom de l’Iran.

Pour ceux qui regardaient Macron s’exercer au doigt d’honneur et à l’accent wesh wesh au lieu d’écouter le prof, rappelons quelques bases.

Avant 1920, le Liban n’était pas un pays mais une région

1920 est la date de la création du Grand-Liban comme zone d’influence française (accords Sykes-Picot de 1916), issu du démembrement de l’Empire ottoman, allié des Allemands, après la Guerre de 1914-18.

Dans les frontières définies par le gouverneur français Gouraud, vivaient des chrétiens maronites, des musulmans sunnites et chiites, des Alaouites, des Druzes et une petite minorité juive, avec deux langues officielles : l’arabe et le français.

Libéré de la France en même temps que la Syrie, le Liban devint indépendant en janvier 1944. Le 22 mars 1945, il participa à la création de la Ligue Arabe, avec laquelle il participa à l’invasion de l’État d’Israël, le jour où celui-ci déclara son indépendance de la Grande-Bretagne. Pour éviter les combats et laisser la place libre aux armées arabes, 600 000 des 750 000 habitants arabes de la Palestine mandataire s’abritèrent « momentanément » dans les pays frères voisins.

Environ 100 000 se trouvaient au Liban quand, à la surprise générale, les Juifs gagnèrent la guerre et signèrent des armistices séparés avec chacun de leurs agresseurs, qui refusaient tout traité de paix.

L’hétérogénéité de la population libanaise se creusa avec l’installation ad æternam des invités du weekend. Ces derniers appuyèrent les revendications des Arabes contre les dirigeants chrétiens et leurs administrations corrompues… qui avaient quand même transformé le Liban en un paradis fiscal.

Au début des années 1960, le pays connaissait « un niveau d’inégalités sociales très élevé, une concentration massive de fortunes chez une petite minorité de Libanais, contrastant avec l’existence de poches de grande pauvreté dans les régions rurales périphériques du pays.1 »

Yasser Arafat et ses troupes, migrants en Jordanie

Au lendemain de la Guerre des Six-jours, l’installation des Palestiniens créa une situation insurrectionnelle dans le royaume hachémite. Yasser Arafat, le Che Guevara palestinien, fomenta plusieurs coups d’État et tenta d’assassiner le roi Hussein. En 1970, celui-ci riposta avec l’opération « Septembre noir », qui fit entre 3 500 (d’après les Jordaniens) et 10 000 morts et plus de 110 000 blessés (d’après les Palestiniens).

Les survivants furent expulsés vers le Liban et la Syrie, dans le silence des babouches.

Leur arrivée fit tripler la population palestinienne au Liban. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Arafat créa un État dans l’État, dont la raison d’être était de mener une guérilla contre les kibboutzim du nord d’Israël.

Déjà à cette époque, tout comme le Hezbollah aujourd’hui, les miliciens de l’OLP étaient mieux équipés et plus fanatisés que l’armée régulière libanaise.

Les fedayin utilisèrent la base libanaise de près et de loin : pour tirer sur les Juifs israéliens depuis les hauteurs du Golan et pour détourner des avions et lancer des attentats contre les Juifs dans le monde entier.

Il s’ensuivit une déstabilisation du Liban : son Pacte national, qui fait office de constitution, avait réparti le pouvoir entre les différents groupes religieux au prorata d’un recensement datant de 1932. Mais les changements démographiques liés à l’arrivée des Palestiniens et la frustration des chrétiens, qui en découla, contribuèrent au déclenchement de la guerre civile.

Les Israéliens soutinrent les chrétiens, comme le fit, au départ, la Syrie : en octobre 1976, 40 000 soldats syriens « maintenaient l’ordre » au profit des chrétiens maronites. Mais l’année suivante, Hafez el-Assad ayant changé de politique, ils effectuaient la même mission au service des Palestiniens.

Suite à une campagne d’attentats contre des civils israéliens à partir du territoire libanais, Tsahal envahit le sud-Liban pour repousser les milices palestiniennes au nord du fleuve Litani.

C’est en 1981, lors d’un cessez-le-feu précaire, que la FINUL, la force intérimaire des Nations-Unies au Liban, fut créée.

Sa mission était d’empêcher l’OLP de revenir au sud du Litani pour attaquer le nord d’Israël.

Le Hezbollah, piloté par l’Iran s’y est installé quatre ans plus tard, en 1985. Il n’a fait que croître et enlaidir depuis. Il a construit des centaines de kilomètres de tunnels, des arsenaux sous des mosquées et des écoles, voire devant ou sous des bâtiments de la FINUL : le 19 octobre 2024, parmi 700 caches d’armes découvertes par Tsahal dans un rayon d’un km², l’une d’entre elles était située sous une tour de la FINUL2.

Les mêmes causes produisent les mêmes effets, bis repetita placent

Les Israéliens ont décidé unilatéralement de quitter le Liban en 2000. Le sud-Liban est devenu une base avancée de missiles pour la destruction d’Israël.

Malgré cette preuve que la bienveillance vis-à-vis des ennemis arabes était une erreur, les Juifs acceptèrent, en juillet 2005, de commettre la même avec Gaza pour convaincre le monde de leur bonne foi.

Gaza est devenu le territoire plus subventionné du monde, ce qui a permis à ses dirigeants de constituer une caserne souterraine aux dimensions de la Bande tout entière, avec ses arsenaux, ses centres informatiques, ses prisons pour les kidnappés, ses salles de torture pour les suspects de normalisation avec Israël et ses salles de détente pour les geôliers et les bourreaux du Hamas.

Ceux qui espéraient que les retraits israéliens feraient avancer la « solution à deux États » en sont pour leurs frais et ils devraient avoir compris que pour qu’il y ait deux États pour deux peuples (car c’est cela, l’idée) il faut que les deux peuples aient le même souhait.

Quand l’un dit haut et fort qu’il ne s’intéresse pas au bien-être de ses concitoyens, mais que son seul but est la destruction de l’adversaire3, il faut être stupide ou judéophobe obsessionnel pour continuer de promouvoir une « solution » qui ne fait qu’aggraver le problème.

Les Shadoks pompaient, les diplomates solution-à-deux-Étataient

Lors des négociations vers l’accord de cessez-le-feu au Liban, en novembre 2024, Israël avait refusé la participation de la France. Cela a vexé le locataire de l’Élysée. Il est du genre à vouloir ce qu’on lui refuse. Il a manœuvré pour que le Liban accepte de le faire figurer sur la photo.

Prétendre donner raison au roitelet de l’Élysée ne mange pas de pain, s’est dit le gouvernement fantoche du Liban, lequel cumule la casquette de juge et celle d’artilleur des missiles qui ont forcé 70 000 Juifs du nord d’Israël à devenir réfugiés dans leur propre pays.

C’est donc « le Liban » qui a insisté pour que la France fasse de la figuration dans le « comité de surveillance du cessez-le-feu ».

Il a bien fait, car dès les premières infractions par le Hezbollah (deux pendant les premières douze heures du cessez-le-feu), l’État juif a fait ce qu’il avait dit qu’il ferait et ce qui avait été écrit dans sa lettre cosignée avec les États-Unis4 : il a riposté.

Cette lettre stipule qu’Israël et les États-Unis partageront des renseignements sensibles concernant les violations, y compris les infiltrations du Hezbollah, que les États-Unis peuvent partager les informations fournies par Israël avec le gouvernement ou la commission libanaise pour leur permettre de remédier aux violations et que les États-Unis coopéreront avec Israël pour freiner les activités déstabilisatrices de l’Iran au Liban, notamment en empêchant le transfert d’armes, d’envoyés, etc. depuis le territoire iranien.

Le Pinocchietto de la rue du Faubourg Saint-Honoré considère les États-Unis comme des ploucs. Les premières réponses aux agressions du Hezb par Israël lui ont donné à moudre le grain pour lequel il avait été mandaté : établir une symétrie entre agressé et agresseur, entre utilisateurs de boucliers humains et avertisseurs préalables aux frappes ciblées.

Aussitôt, le micron, n’écoutant que son ego, a sonné l’hallali

Il a mis en garde « les deux parties contre toute action compromettant la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu5 ».

Les deux parties ? Oui. Quand les gendarmes poursuivent les voleurs, il faut toujours mettre en garde les gendarmes autant que les voleurs contre le risque de violence, c’est bien connu. Après tout, ils sont à égalité, les enjeux sont les mêmes pour les deux et la notion de « force légale » est applicable ou bien aux deux ou bien à personne.

La diplomatie française admet que le Hezbollah a violé l’accord, mais elle estime qu’Israël n’a pas respecté la procédure dans toute sa minutie. Son idée de l’arbitrage, c’est rien ne sert d’incriminer le seul qui a fauté : il faut aussi gronder la victime pour la façon dont elle a réagi.

En l’espèce, l’accord stipule que le Hezbollah doit désarmer et retirer ses forces depuis la frontière israélienne jusqu’au nord du fleuve Litani. Il s’agit tout simplement de se conformer à la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies… adoptée le 11 août 20066.

Elle est toujours en vigueur ? La Résolution, oui. En revanche, son application n’a jamais été mise en œuvre. Cela va changer, maintenant que la France a le droit de morigéner les mauvais élèves, surtout le premier de la classe, quand il est agressé.

Le comité chargé de surveiller le respect du cessez-le-feu est dirigé par les Américains, mais Israël conserve le droit d’entreprendre une action militaire au Liban en cas de violation. Il n’est supposé le faire qu’après que le comité aura épuisé tous les efforts pour rétablir la paix. Depuis 2006, le comité n’a pas réussi, car la FINUL n’a jamais essayé.

Dame, avec leurs pauvres 15 000 hommes, les troupes onusiennes ne vont pas se risquer à contrarier une milice qui disposait déjà, en 2021, « de 100 000 combattants, entraînés et armés.7»

Alors qu’est-ce qui a changé depuis 2006 ?

Le Hezbollah a encore plus de combattants entraînés et armés.

Tsahal est sur place pour pallier le manque d’enthousiasme des défenseurs onusiens de l’existence de l’État juif.

Et surtout, surtout, Macron est là, qui veille sur le Hezbollah, surveille Israël et réveille le loup qui dort au sein de chaque antisémite. LM

Liliane Messika, MABATIM.INFO


1 www.monde-diplomatique.fr/2020/10/CORM/62314

2 www.lejdd.fr/international/liban-un-gigantesque-reseau-militaire-du-hezbollah-identifie-sous-une-tour-de-la-finul-150768

3 www.hindustantimes.com/world-news/civilians-are-israel-uns-responsibility-tunnels-built-to-protect-fighters-hamas-official-top-updates-101698716280915.html

4 https://today.lorientlejour.com/article/1437268/cease-fire-us-guarantee-letter-to-israel-leaked-to-israeli-media.html

5 www.i24news.tv/fr/actu/israel-en-guerre/artc-liban-la-france-accuse-israel-d-avoir-commis-52-violations-de-l-accord-de-cessez-le-feu

6 https://news.un.org/fr/story/2024/10/1149391#

7https://information.tv5monde.com/international/que-pese-militairement-le-hezbollah-2672147


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2 commentaires

  1. Toujours lucide vos commentaires, Israël doit et toujours se défendre n’en déplaise à ses détracteurs!!!!! Nous ne sommes pas prophète, mais la crainte sera « pas deux états » et se qui permettra d’être en vigilance ad vitam…………

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