Israël : Tout ce que vous avez voulu savoir sur la « kontseptsya »

Par Gadi Taub 
[20 février 2025]

Mur autour de Gaza

Qu’est-ce que c’est la « kontseptsya » ?

Ce terme, forgé du mot « conception », puis hébraïsé, désigne les principes de mise en œuvre et d’organisation des systèmes de défense d’Israël, en fonction d’une lecture erronée de l’environnement géostratégique du pays.

Depuis le fameux « la fin de l’histoire et les grandes guerres sont terminées », les élites militaires, politiques, médiatiques et académiques d’Israël, en suivant cette tendance, ont désarmé le pays. En vérité, cette kontseptsya a inspiré la construction des forces armées, des organismes de Renseignement et de tous les moyens connexes, en rapport avec la défense de l’État d’Israël.

La « kontseptsya » a amené les accords d’Oslo et finalement la catastrophe du 7 octobre 2023.

La « kontseptsya » se divise en plusieurs « sous-kontseptsya ».

On peut la comparer à une « matriochka », poupée russe, où la grande poupée contient une plus petite, celle-ci, à son tour, contient une autre encore plus petite et ainsi de suite.

– Au premier niveau nous trouvons le concept : la manière d’utilisation de l’armée. Cette utilisation s’appuie sur le principe de la défense technologique, car Israël, en matière des technologies de détection, de prévention, d’analyse et systèmes d’armes intelligents, est l’un des plus avancés au monde.

– Au deuxième niveau, nous avons le concept politique: « deux pays pour deux peuples ».

Cette idée d’équivalence entre le sionisme et le « nationalisme » palestinien était à la base idéologique des accords d’Oslo.

– Au troisième niveau se place le concept idéologique : « le droit de chaque peuple à disposer de lui-même » et la conviction que chaque peuple aspire à ce droit inaliénable,

sauf que, dans l’islam la notion du peuple est vide de sens, et il n’y a que la « oumma », la communauté des croyants.

– Au quatrième et le dernier niveau se trouve le concept philosophique occidental : « les individus naissent libres et égaux en dignité et en droits ».

De nouveau, ce principe est complètement étranger à l’islam, car l’intérêt de la « oumma » y transcende et interdit d’exprimer tout intérêt particulier.

Le concept était et l’est encore, encré si profondément dans la conscience des élites, que même les gouvernements de droite fonctionnaient suivant cette tendance et comme elle est surtout l’apanage de la gauche, elle est devenue une norme morale1. .

Parlons donc du premier niveau du concept : la défense électronique et la cyber guerre.

Il y a 25 ans, lorsqu’il était ministre de la Défense, vu que « les grandes guerres étaient terminées », Ehoud Barak a décidé que l’armée israélienne doit être « petite et intelligente », c’est-à-dire basée sur l’électronique, la technologie et l’aviation.

L’armée de terre étant trop chère, par rapport aux « petites guerres »,

L’armée « petite et intelligente », selon Barak et les tenants de ce concept, serait donc entièrement suffisante pour dissuader tout ennemi : pays ou organisation terroriste.

Voici l’intervention du général Itshak Brik, ou il désigne des chefs d’état-major, principaux responsables de la destruction des capacités opérationnelles de l’armée israélienne :

« La première grande réduction quantitative commence avec Moché Yahalon, chef d’état-major de 2003 à 2005. Fidèle à « armée petite et intelligente » il met au rebut 1000 chars.

Après Yahalon, Gabi Ashkenazi 2007-2011, qui lui, a gardé le nombre de chars inchangé.

Ensuite vient Beni Gantz 2011-2015 qui a enlevé encore 600 chars

Le chef d’état-major suivant Gadi Einzenkot 2015-2019 a coupé 50 % du nombre de canons et suivant la logique comptable, il a licencié des milliers de sous-officiers et officiers de carrière, qui exerçaient surtout des métiers logistiques, de services, de maintenance d’armes et équipements, spécialistes de systèmes électronique et autres. Il a externalisé tous ces métiers vers des sociétés civiles privées, dont les compétences, avec le temps, se sont révélées discutables.

Arrive alors Aviv Kokhavi 2019-2023 qui a enlevé encore 200 chars.

Résultat de cette politique l’armée se trouve « à l’os », et à peine est capable de combattre sur un seul front. »

Tous les chefs d’état-major et leur aréopage de galonnés, construisaient une armée basée essentiellement sur l’aviation,

… avec des appareils de 4 génération F15 « Eagle II » et de 5 génération F35i « Adir » (puissant), modernisés et adaptés par Israël pour ses besoins propres.

Mais aussi :

– formation de nouvelles unités de commandos très spécialisés, pour des actions ponctuelles et spectaculaires,

– renforcement de la défense anti balistique à 3 couches : Dôme de fer « Kipat barzel » (contre les roquettes, obus de mortier, et drones), Fronde de David « Kel’a David » (contre des missiles de croisière à vitesse peu élevée), Flèche 3 « Khetz » (contre des missiles balistiques en dehors de l’atmosphère) et en dernier le laser « Iron Beam », essentiellement contre les drones, missiles et roquettes à courte portée (en phase finale d’essais opérationnels dans quelques unités).

– Et enfin, des unités de cyber guerre, la fameuse 8200 (écoutes, localisation et analyse de données) et d’autres unités de guerre électronique, dont les spécialités spécifiques sont secrètes.

Toujours suivant le concept, on a construit autour de Gaza un mur de coulis2, qui s’enfonce très profondément dans le sol , pour empêcher le creusement des tunnels pénétrant depuis Gaza vers le territoire israélien. Remarquons que tous les dispositifs, armes et unités énumérés ci-dessus sont purement défensifs, ce qui est en totale contradiction avec la philosophie militaire de Ben Gourion, à savoir :

« Étant donné qu’Israël ne possède pas de profondeur stratégique, il faut construire l’arméeen vue d’attaques préventives foudroyantes, afin de porter la guerre en territoire ennemi ».

C’était le cas de la guerre de Six Jours.

Or, le concept a créé une culture de défense derrière un mur technologique et physique.

L’histoire des guerres montre, que se protéger derrière un mur n’a jamais empêché des défaites : de la muraille de Chine à la ligne Maginot, de la ligne Siegfried au mur de l’Atlantique ou la ligne Bar-Lev3… et ce pour une raison simple :

La routine s’installe, la vigilance s’émousse, la discipline se relâche, bref on s’endort. En attendant, l’ennemi observe et analyse, ce qui lui permet d’identifier le « talon d’Achille » et le moment le plus propice à une attaque surprise.

Passons maintenant au concept politique, « deux États pour deux peuples ».

L’illustration de cette idée a été la construction d’un mur de séparation (tient, encore un mur), sur ce qu’on appelle la ligne verte, qui sépare Israël de la Judée Samarie (des territoires conquis lors de la guerre de Six Jours, appelés la Cisjordanie).

Ensuite, faire la paix avec le voisin palestinien, et de cette façon, les deux peuples vivront séparés en bon voisinage et une coopération dans tous les domaines, pour le plus grand profit mutuel.

Ce concept a généré les accords d’Oslo. En 2000, Ehoud Barak a proposé à Yasser Arafat une solution globale, où Israël évacuait la Cisjordanie (avec quelques échanges territoriaux mineurs) et la partie Est de Jérusalem. C’était l’offre la plus généreuse qu’Israël était en état de proposer. Arafat a dit NON. La même année, Arafat lançait la 2 Intifada, qui a fait plus d’un millier de morts civils israéliens.

Pour la majorité d’Israéliens, La 2 intifada a fait « exploser » les accords d’Oslo. Malgré cela, une bonne partie du public (généralement de gauche et majoritairement ashkenaze) restait dans le déni, estimant que la solution du conflit demeurait « 2 États pour 2 peuples ».

Une petite remarque en passant : lorsque les dirigeants palestiniens faisaient leurs discours en arabe ils disaient « solution à 2 États… » Bizarrement, « pour 2 peuples » se perdait entre les lignes des discours.

Pour les Israéliens la solution « 2 états pour 2 peuples » réunissait deux valeurs du sionisme :

– l’une égoïste : vouloir vivre dans un État juif avec une majorité juive, par ailleurs, tout à fait légitime

– et l’autre valeur altruiste occidentale, caractérisant un pays démocratique, « ne pas dominer un autre peuple et empêcher son autodétermination ».

Sur le papier, c’est une solution idéale de résolution du conflit, sauf que, le réel explose à la figure et interdit complètement sa mise en œuvre.

« Donc, si le réel empêche la solution à 2 États, on va devoir se séparer unilatéralement de Gaza, et que les Gazaouis se débrouillent ! »

C’est ce qu’a fait Ariel Sharon en 2005. Israël a cru naïvement, qu’une fois les Gazaouis maîtres de leur destin, ils se tourneront vers le monde, pour que celui-ci les aide à construire leur État. Des milliards de dollars sont arrivés à Gaza, ou plutôt au Hamas qui a volé cet argent et transformé Gaza en une entité terroriste, avec des possibilités d’agression de plus en plus sophistiqués, maintenant la population dans la misère et en désignant Israël comme seul responsable de la déplorable situation économique dans le territoire. Conséquence, les roquettes ont commencé à « pleuvoir » sur Israël.

Les deux sousconcepts traités plus haut, s’inscrivent dans le concept plus large qui est idéologique : « le droit de chaque peuple à l’autodétermination ».

Et la encore les Israéliens, à cause d’une totale méconnaissance de la mentalité arabe et du dogme religieux de l’islam, ont projeté sur les Palestiniens leurs propres aspirations d’être un peuple souverain dans son propre pays.

L’Islam divise le monde en deux parties. La première « Dar al islam », maison de l’Islam, à savoir partie du monde où l’Islam est religion majoritaire. La seconde partie s’appelle « Dar el Harb’ », Maison de la Guerre. C’est la partie du monde, qui n’a pas encore été conquise par l’Islam. Aucun des pays arabes n’a réussi à créer une nation spécifique qui se distingue au Moyen-Orient.

On avait pensé que les « printemps arabes » amèneraient des changements démocratiques, sociaux et économiques dans ces pays, mais non. Que ce soit la Tunisie, la Libye, l’Égypte, le Liban, la Syrie, l’Irak et le Yémen, ils sont tous revenus soit aux régimes dictatoriaux, comme la Tunisie, l’Égypte, l’Irak soit ils sont devenus des espaces de non-droit comme la Libye, le Liban, le Yémen et la Syrie.

Aucun régime politique, ni le panarabisme de Nasser, ni le socialisme des partis Ba’as syrien et irakien, ni la royauté de la Jordanie n’a réussi à sortir ces pays de la situation de faillite et d’échec économique, social et politique.

La raison de ces échecs est que l’islam n’est pas simplement une religion, mais un système qui impose sa vision religieuse rétrograde dans tous les aspects de l’existence et détruit toutes les tentatives d’une libération de la chape cultuelle et culturelle de la soumission à l’islam.

La seule organisation sociale qui puisse exister dans l’islam c’est l’organisation tribale et c’est l’une des causes qui fait qu’aucune idée de nationalités distinctes, avec des cultures différentes, langues différentes, et aspirations nationales différentes ne puisse survivre dans l’islam.

Pour l’islam l’idée d’un État-nation n’est même pas imaginable.

Même le soi-disant mouvement national palestinien, qui a créé l’Autorité palestinienne, est en fait une entité en faillite complète dont la seule aspiration est de détruire l’État-nation juif. Le seul credo des Palestiniens c’est tuer, égorger et brûler des bébés, pourvu qu’ils soient juifs.

L’idéal d’Oslo est définitivement mort le 7 octobre 2023.

En conclusion, le concept a causé une situation catastrophique, où le territoire israélien s’est trouvé complètement exposé aux attaques massives terrestres, avec une armée israélienne incapable de défendre le pays sur plusieurs fronts simultanés, ce qui est le cas d’Israël, dans son environnement stratégique. Plusieurs spécialistes des techniques militaires étrangers et israéliens ont affirmé, qu’Israël a préparé une armée hautement technologique contre des terroristes « en sandales, armés des Kalachnikov et RPG4 et des pick-up « Toyota » avec des mitrailleuses.

Autrement dit, Star War contre Mad Max ». Ykhia Sinwar savait très bien que des moyens électroniques sophistiqués israéliens pouvaient écouter ses communications. Alors, il communiquait avec des messages écrits à la main et acheminés par des moyens humains :

Le « low-tech » a battu le high-tech !

Les ennemis d’Israël ne sont ni les Suisses ni les Norvégiens, et les principes occidentaux n’ont pas cours au Moyen-Orient.

Malheureusement, les ennemis d’Israël vivent toujours au septième siècle et ne sont pas près d’en sortir. GT

Gadi Taub, Shomer Saf/Mida


Transcription et adaptation pour MABATIM : Édouard Gris

1 Comme dirait Gilles William Goldnadel (Avocat au barreau de Paris. Commentateur sur CNEWS) :« cette tendance profitait du privilège rouge » (NdT).

2 mur de coulis : technique de construction utilisée pour couler des murs de soutènement en béton armé, dans des zones où le sol est meuble et où les eaux souterraines sont très proches de la surface

3 Ligne israélienne de fortins le long du canal de Suez. Lors de l’attaque surprise égyptienne du 6 octobre 1973, cet ouvrage avait été balayé par les forces blindées et de commandos égyptiens.

4 Lance-grenade antichar personnel, crée par les Soviétiques en 1961.


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3 commentaires

  1. simple clair et juste , voici une analyse qui s impose .
    Israel ecarte systematiquement les juifs orientaux et les sionistes religieux des postes a responsabilitė , or ces gentils gauchistes si  » européens » qui nous gouvernent nous menent a notre perte , et le 7/10 c est seulement l heroisme et le courage incroyable de quelques centaines de personnes qui a sauvé notre pays , et non les missiles a charge nucleaires ou les F35 .
    il faut une revolution avant qu il ne soit trop tard .

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