Reconnaître un État palestinien imaginaire

par Klod Frydman,
[13 avril 2025]

En juin prochain, le président Macron prévoit de reconnaître l’État palestinien. Une reconnaissance par la France qui réjouira les anti-israéliens de tous poils. Une reconnaissance qui selon le quotidien libanais l’Orient-le-Jour du 10 avril, serait « une récompense pour le terrorisme ».

La reconnaissance unilatérale d’un État palestinien fictif sera un coup de pouce en faveur du Hamas. Ce genre d’actions n’apportera pas la paix, la sécurité et la stabilité dans notre région, mais l’inverse, a affirmé M. Saar, ministre israélien des affaires étrangères.

À ce jour, sur 193 pays membres de l’ONU, 147 ont déjà reconnu l’État de Palestine. À titre de comparaison, seulement 139 reconnaissent l’État d’Israël.

Pourtant Israël existe, pas la Palestine.

Il serait peut-être intéressant de se demander si un État créé de l’extérieur par d’autres et par les Nations Unies serait viable ! Également comment et pourquoi ? Et aussi ce que changera la reconnaissance d’un tel « État » par la France ?

Qu’est-ce qu’un État ?

La définition d’un État en droit international adoptée par la convention de Montevideo de 1933 est, indépendamment de la reconnaissance par d’autres États,

« une entité dotée d’un territoire déterminé et d’une population permanente dont son propre gouvernement a le contrôle, lequel établit ou a la capacité d’établir des relations formelles avec d’autres entités semblables ».

Concernant la Palestine, seule existe la reconnaissance par d’autres pays. L’État palestinien est reconnu, mais il reste virtuel et théorique.

L’État renvoie au concept de Nation. L’ONU est l’Organisation des Nations Unies.

Pour le Dictionnaire Littré, la nation est

« Un ensemble de personnes vivant sur un territoire commun, conscient de son unité (historique, culturelle, etc.) et constituant une entité politique ».

En quoi la Palestine serait-elle un État ?

Des institutions quasiment inexistantes, une autorité et un pouvoir corrompus et inefficients, une économie sous perfusion internationale, une structure tribale et clanique, rien de ce qui constitue un État ne s’applique à la Palestine. En revanche, les chartes sur lesquelles s’appuient les organisations palestiniennes exaltent le califat islamique ainsi qu’une ambition affirmée, celle d’effacer les Juifs et Israël de la carte du monde.

Prologue

La période du mandat britannique qui a précédé la création de l’État d’Israël a été marquée par la rivalité de l’Allemagne nazie et de l’Angleterre pour obtenir une alliance avec les Arabes.

Les Juifs de Palestine ont majoritairement opté pour la Grande-Bretagne. Les clans arabes dominants se sont divisés, le clan Husseini a choisi l’Allemagne et le clan Nashashibi l’Angleterre.

En nommant Amin el-Husseini Grand Muftî de Jérusalem, autorité religieuse et politique suprême, les Anglais avaient choisi de s’allier au clan Husseini qui représentait ceux que la gauche palestinienne de l’époque appelait les dirigeants féodaux-cléricaux. Mais Amin el-Husseini qui avait organisé les émeutes arabes contre les Anglais et les Juifs se tourna bientôt vers l’Allemagne nazie pour laquelle il recruta les divisions SS arabes.

Les partisans du Muftî Husseini contrôlaient le Suprême Conseil Musulman. Leurs opposants du Parti National de la Défense étaient dirigés par Ragheb Nashashibi, le maire de Jérusalem.

Le clan Nashashibi a exercé une forte influence dans les affaires palestiniennes pendant la période du mandat britannique, de 1920 à 1948. Il a rivalisé avec le clan Husseini pour la direction des affaires politiques arabes palestiniennes. Les Nashashibi modérés, nationalistes et humanistes, représentaient la bourgeoisie libérale.

Le 29 novembre 1947, l’ONU a voté le plan de partage de ce qui restait de la Palestine mandataire démembrée par l’Angleterre, entre un État Juif et un État arabe. Trente-trois pays ont voté pour et treize contre. Immédiatement des émeutes arabes éclatèrent.

Le 14 mai 1948, dernier jour du Mandat britannique, David Ben Gourion, a proclamé l’indépendance de l’État d’Israël. Dès le lendemain, les armées des pays arabes voisins, Liban, Transjordanie, Égypte, Syrie, Irak ainsi que l’Armée de libération arabe1 ont envahi le nouvel État. Toutes ces armées seront battues ou repoussées, à l’exception de la Légion Arabe jordanienne qui tiendra la Judée-Samarie (rebaptisée Cisjordanie) et Jérusalem Est. Cette guerre, très meurtrière, s’est terminée en juillet 1949.

Par trois fois, un État palestinien a été proclamé

Acte 1.

Le 30 septembre 1948, à Gaza, sous le contrôle de l’Égypte, un congrès palestinien réuni par la Ligue arabe, proclama pour la première fois la création de l’État Palestinien alors que la guerre avec Israël faisait rage et que les clans palestiniens étaient rivaux. L’Égypte soutenait le Muftî. Le roi Abdallah de Jordanie, qui avait l’intention d’annexer la Cisjordanie, soutenait Ragheb Nashashibi.

Le périmètre de l’État arabe de toute la Palestine a été défini recouvrant toute la superficie partagée par l’ONU en un État Juif et un État arabe, il comprenait, bien entendu la totalité du jeune état d’Israël, « du fleuve à la mer (du Jourdain à la Méditerranée) ».

Le président de cet État palestinien a été désigné par l’Égypte ; c’était le Muftî, Amin el-Husseini, recherché comme criminel de guerre après la Seconde Guerre mondiale.

Une Constitution provisoire fut votée. Jérusalem a été proclamée capitale. Un drapeau fut adopté, celui pan arabe d’après le dessin réalisé par l’Anglais Mark Spikes2 pour l’armée bédouine de Lawrence d’Arabie. Une délégation à l’ONU fut désignée, des milliers de passeports distribués, une armée créée.

Cet État fut reconnu par l’ensemble des pays de la Ligue arabe, sauf par la Transjordanie, qui avait annexé la Cisjordanie.

Tous les Juifs ont été expulsés des zones restées sous souveraineté arabe, Cisjordanie, Jérusalem Est et Gaza.

Ce premier État palestinien est resté symbolique. Il n’avait aucun pouvoir exécutif. Le gouvernement n’a duré que quelques semaines. L’État palestinien a fini par être dissous par le président égyptien Nasser qui a annexé la Bande de Gaza.

Pour l’historien Benny Morris, « tout était farce »3.

Acte 2.

Depuis 1964, date de la fondation de l’OLP, l’indépendance de la Palestine est un objectif annoncé.

Le 31 juillet 1988, le roi Hussein de Jordanie renonce à revendiquer la Cisjordanie, que les Jordaniens avaient annexée en 1948. Il ne la contrôlait plus depuis qu’en 1967 à la guerre des Six Jours, elle était passée sous domination israélienne.

Après cet évènement, les dirigeants de l’OLP se sont réunis à Alger et le 15 novembre 1988, Yasser Arafat a déclaré l’indépendance de la Palestine. Il a accepté les résolutions 242 et 338 pour être reconnu par l’ONU, impliquant le rejet du terrorisme et la reconnaissance d’Israël.

Une vingtaine de pays ont immédiatement reconnu l’État palestinien qui est défini comme un État arabe, indissociable de la nation arabe. Jérusalem a été déclarée capitale, Arafat a été élu président par la totalité des soixante-dix-sept délégués du Conseil central.

Aucune conséquence juridique ou politique concrète n’a suivi la proclamation extraterritoriale de l’État palestinien.

Acte 3 ou épilogue ?

2018. Nouvelles rumeurs concernant l’État palestinien en dépit d’une situation qui n’a pas évolué depuis 1948 entre Gaza et Ramallah. Après le Muftî et Yasser Arafat, Mahmoud Abbas, le troisième dirigeant palestinien, se rendit à l’ONU pour exiger la reconnaissance de l’État de Palestine avec Jérusalem comme capitale. Il obtint une majorité écrasante. Cette proclamation n’engagea à rien les pays favorables. Elle ne fut d’évidence pas suivie d’effets et le statu quo symbolique continue… jusqu’à la prochaine fois.

Pourquoi cette reconnaissance par la France ?

Ce qui fait un État, c’est principalement l’économie, la politique, la culture et la capacité de faire respecter ses institutions et ses infrastructures.

Sur tous ces points, même s’ils le nient, même si certains le déplorent, les Palestiniens sont totalement dépendants d’Israël.

Si l’Autorité palestinienne voulait vraiment un État, elle ne se contenterait pas de proclamations symboliques même si l’ego des dirigeants en sort momentanément renforcé. Elle chercherait, par la négociation avec Israël à obtenir la gestion de ses institutions et une réelle autonomie.

En pleine guerre avec le Hamas, avec 59 otages toujours détenus, des Français assassinés et des roquettes qui continuent à s’abattre sur Israël, le président Macron en conférence avec l’Égypte (qui masse des troupes sur la frontière, dans quel but ?) et la Jordanie réclament d’Israël un cessez-le-feu unilatéral et annonce qu’en juin, il pourrait reconnaître un État palestinien.

Pourquoi reconnaître un état qui n’existe pas ?

Ce n’est pas à la France de créer la Palestine, pas plus qu’à l’ONU ou à Israël.

C’est une étrange obsession des dirigeants palestiniens de chercher une reconnaissance internationale sans mettre en œuvre les outils qui rendent un État viable.

Ce n’est pas par des intifadas, des assassinats, des tirs de roquettes que l’on peut fonder un État.

Un État tourné vers l’avenir se construit sur un projet positif, et pas avec pour référence la Nakba, la catastrophe, et la glorification du martyre.

On se rappelle l’épisode Giscard regardant Israël avec ses jumelles avant de déclarer le 6 mars 1980 son souhait de l’autodétermination du peuple palestinien en n’évoquant que furtivement Israël, ne mentionnant que la « colonisation ».

On pense aussi à d’autres peuples comme les Kurdes et les Kabyles, dont la situation humaine et politique est bien plus ancienne, qui aspirent également à un État et dont le président français n’a cure parce qu’Israël n’est pas concerné.

Cette annonce de reconnaissance d’un État fictif ressemble à une opération de communication intérieure.

Simultanément il déclare panthéoniser les Juifs Marc Bloch et Robert Badinter lesquels, s’ils vivaient encore, n’auraient pu que condamner cette décision.

Le 22 septembre 2011, Robert Badinter a déclaré sur Europe 1 :

« On ne peut pas demander aux Israéliens d’accepter qu’on reconnaisse un État palestinien dont une fraction importante a pour principe la disparition de l’État d’Israël ». KF♦

Klod Frydman, MABATIM.INFO


1 Cette armée, créée par la Ligue arabe, était composée de volontaires Syriens, de Libanais, d’Irakiens, de Jordaniens, d’Arabes de Palestine et de Frères musulmans égyptiens. On y trouvait aussi des bosniaques, des Allemands, des Turcs des déserteurs britanniques et des volontaires africains.

2 Ce drapeau arbore les quatre couleurs pan arabes qui représentent les dynasties arabes historiques : Hachémite, Omeyyades, Fatimide et Abbasside.

3 Benny Morris, Righteous Victims : A History of the Zionist-Arab Conflict, 1881–2001 (New York : Vintage Books, 1999).


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4 commentaires

  1. Giscard auquel on doit la création de l’Iran actuel. Ce « bienfaiteur de l’humanité » avait protégé Ayatollah KHOMEINI à Neauphle le Château.

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  2. Dans la fameuse photo de Giscard en Jordanie avec des jumelles, le président français ne regardait pas Israël mais une course locale de chameaux.
    C’est l’ambassadeur d’Israël à Paris, Meir Rosenne, qui a diffusé cette photo avec cette légende pour déstabiliser et se venger de Giscard (anecdote qu’il m’ a racontée). Ceci et l’attentat de Copernic ont contribué la perte d’une partie de l’électorat juifavant l’élection présidentielle de 1981.

    Aimé par 1 personne

  3. merci pour cette declaration de Badinter que je ne connaissais pas , il remonte un peu dans mon estime grace a vous .

    pour les declarations du pitre de l elysée , je crois que les bavasseries steriles de ce personnage interlope n interressent vraiment pas grand monde .

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