Par Yves Mamou,
[4 mai 2025]

Donald Trump n’est pas poli, mais il sait reconnaître ses ennemis.

Le scoop du Wall Street Journal a été publié le 2 mai 2025 :

« La Chine étudie les moyens de répondre aux inquiétudes des États-Unis concernant son rôle dans le commerce du fentanyl. »

L’information aurait dû être reprise par les médias du monde entier. Mais il n’en a rien été. Trois raisons peuvent expliquer ce silence relatif :

– La première est que les tariffs (droits de douane) mis en place par Donald Trump – et unanimement condamnés par les médias – pourraient commencer à porter leurs fruits. Dès novembre 2024, avant son investiture, Donald Trump avait prévenu qu’il ferait des droits de douane une arme contre les pays qui profitent du trafic de fentanyl. Le résultat est là :

Exclus du marché américain pour leurs marchandises légales (426 milliards de dollars en 2023), les Chinois se disent prêts à « étudier » leur rôle dans le trafic de fentanyl, une drogue puissamment addictive qui inonde le territoire américain.

– La seconde parce qu’elle attire l’attention sur une authentique guerre de destruction chinoise qui passe par la drogue. Une guerre de l’opium¹ à l’envers en quelque sorte.

– La troisième est que les médias sont beaucoup plus occupés à diaboliser Trump qu’à s’interroger sur les raisons de sa politique envers la Chine. On citera comme exemple cet article du New York Times qui met l’accent sur la sénilité de Trump alors que le même journal a passé sous silence les problèmes mentaux de Joe Biden, ou cet article du Monde qui traite Trump d’« ingénieur du désordre ».

Jamais la Chine n’a été accusée de mener une guerre ouverte au moyen d’armes non conventionnelles comme la drogue. Donald Trump lui-même s’est borné à indiquer que la Chine ne prenait pas « de mesures assez fermes » contre un trafic dont elle est à l’origine. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, a écrit le 30 juillet 2021 que

« la période des guerres de l’opium est essentielle pour comprendre la dynamique qui porte aujourd’hui la Chine… ».

Les rapports de la DEA (Drug Enforcement Administration), l’anti-drogue américaine, répètent que les usines chinoises sont le premier producteur mondial de composants de base du fentanyl, mais évitent tout jugement politique de fond. Quant au Congrès des États-Unis, il a préféré mettre l’accent sur le rôle des cartels de la drogue mexicains dans la fabrication du produit final et son acheminement aux États-Unis.

En novembre 2023, Joe Biden a bien tenté d’obtenir de Xi Jinping, son homologue chinois, une « coopération sécuritaire ». Mais les promesses chinoises sont restées lettre morte… peut-être parce que la demande américaine n’était assortie d’aucune menace. En juin 2024, Rahul Gupta, responsable de la lutte anti-drogue au sein de l’administration Biden, s’est même heurté à une fin de non-recevoir très peu polie :

« Le problème du fentanyl n’est pas le problème de la Chine, et il n’est pas causé par la Chine », a indiqué l’ambassade de Chine dans un communiqué.

Et puis Donald Trump a été élu.

Donald Trump n’a pas accusé la Chine, mais il l’a « invitée » – aux côtés du Mexique et du Canada – à participer à la lutte contre le trafic de fentanyl. Le deal était le suivant :

« Si vous voulez continuer de déverser vos marchandises légales aux États-Unis, alors aidez-nous à lutter contre vos marchandises illégales qui empoisonnent les Américains. »

Le gouvernement mexicain a immédiatement déployé 10 000 soldats à sa frontière pour renforcer sa lutte contre les cartels, et la Chine a fini, deux mois après, par manifester un geste de bonne volonté.

Le fentanyl

Le fentanyl est un opioïde synthétique 50 fois plus puissant que l’héroïne. Cette drogue a tué 74 702 Américains en 2023, soit 1,6 fois plus qu’en 2017. Le nombre d’Américains souffrant de « troubles liés à l’usage d’opioïdes » (TLUO) a été multiplié par 2,7 pour atteindre 5,7 millions de personnes au cours de la même période.

Très addictif et souvent surdosé, le fentanyl est responsable de près de 70 % des overdoses sur le sol américain. La consommation de cet opioïde est la première cause de mortalité chez les 18-45 ans.

Le Mexique est la porte d’entrée numéro un du fentanyl aux États-Unis.

Selon l’évaluation nationale des menaces liées à la drogue de 2024 de la DEA, le cartel de Sinaloa et le nouveau cartel de Jalisco jouent un rôle clé dans l’acheminement du fentanyl aux États-Unis. En 2024, sur les dix tonnes de fentanyl saisies par les autorités frontalières, 97 % l’ont été à la frontière mexicaine et seulement 0,2 % à la frontière canadienne.

La drogue est produite dans une myriade de laboratoires artisanaux qu’il est impossible de localiser et de détruire tous. Pour les faire passer sur le sol américain, les trafiquants redoublent d’imagination : ainsi, des pilules aux couleurs pastel ont par exemple été retrouvées dans des boîtes de Lego, comme le rapportait CNN en 2022.

Des substances produites en Chine

La Chine a longtemps été le premier producteur et exportateur de fentanyl aux États-Unis. Mais à partir de 2019, sous la pression de Donald Trump déjà, les autorités chinoises ont « officiellement » interdit la production de fentanyl. Ce qui signifie que la production est devenue non officielle. Et que la distribution s’est diversifiée. Une note du Congrès américain affirme que les groupes criminels chinois ont demandé aux cartels mexicains de jouer les intermédiaires.

La drogue coûte-t-elle plus cher aux Américains que les droits de douane sur les importations chinoises ?

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1 Les guerres de l’opium ont opposé, au XIXᵉ siècle, la Chine impériale aux puissances occidentales, principalement le Royaume-Uni et la France. La première guerre de l’opium (1839–1842) a été la conséquence d’un déséquilibre commercial entre la Chine et la Grande-Bretagne.