Delphine Horvilleur

par Richard Prasquier,
[15 mai 2025, Radio J]

Le texte de Delphine Horvilleur, « Ne pas se taire » provient d’une personne dont j’admire la plume : je pense à la façon dont elle a récemment envoyé dans les cordes l’humoriste Blanche Gardin empêtrée dans un antisémitisme qui ne voulait pas dire son nom.

Pour elle, comme pour plusieurs de ceux et de celles qui ont approuvé ce texte, j’ai respect et amitié.

Je partage plusieurs des exaspérations qu’elle exprime, mais je lui reproche de les avoir publiées.

Non pas que je pense que les Juifs doivent corseter leur opinion quand il s’agit d’Israël, mais je crois que aujourd’hui quand ils l’exposent, et plus encore quand leur voix porte loin, comme la sienne, ils doivent penser à l’usage qui sera fait de leurs paroles.

Delphine Horvilleur s’était sentie obligée de se taire pour ne pas nuire à Israël, et je pense qu’elle aurait dû continuer à garder pour elle ses états d’âme.

Elle est un soldat dans la double guerre que mène Israël et qui est menée contre ce pays. Pour la guerre des armes, je n’ai, et probablement n’a-t-elle pas non plus, les moindres compétences techniques. Je n’ai pas la légitimité politique, car je ne suis pas citoyen israélien.

Mais elle et moi, nous tous pour qui le terme de sionisme est une valeur, nous sommes des soldats de cette guerre mondiale de la communication contre Israël.

Nous en sommes les spectateurs, parfois les victimes et nous ne devons en aucun cas en être les faire-valoir, même si cela offusque cette liberté d’expression que nous avons à notre disposition parce que nous vivons dans une démocratie et que cette démocratie est en paix.

Israël, au contraire, est une démocratie dans une guerre qu’elle n’a pas voulue, que le Hamas seul a provoquée et qu’il pourrait arrêter en rendant les otages.

Émile Fackenheim, un rabbin réformé, a écrit que depuis la Shoah nous devons considérer qu’il existe une 614ᵉ obligation : ne pas donner à Hitler une victoire posthume. Pour moi, le Hamas, c’est Hitler, car je n’oublie pas le hadith des rochers et des arbres, article 7 de sa charte. Je ne traite pas de nazis tous les ennemis d’Israël, encore moins, évidemment, ceux qui soutiennent son existence mais fustigent telle ou telle facette de sa politique, mais je constate que la plupart des commentateurs négligent ce que le programme du Hamas a de génocidaire, ce terme si honteusement galvaudé contre Israël et qui garde ici son sens authentique.

Il ne peut pas y avoir de paix avec le Hamas, comme il ne pouvait pas y avoir de paix avec les nazis. Je suis sûr que Delphine Horvilleur pense comme moi.

Le problème, c’est que son texte donne du poids à ceux qui comme Ardisson comparent aujourd’hui Gaza à Auschwitz.

La guerre, c’est terrible. La gloire du Débarquement a remisé loin de la mémoire les milliers de civils tués dans les bombardements sur la Normandie qui l’ont précédé et que le collabo Philippe Henriot vitupérait à la radio comme exemple de la barbarie des Alliés. Plus près de nous, presque personne ne s’est récrié contre les pertes humaines à Mossoul et à Raqqa.

On savait ce qu’aurait signifié la victoire de Daech. On essaie de ne pas voir ce que signifierait la victoire du Hamas.

Les organisations internationales, qui sont aussi engagées dans des combats idéologiques, ne voient que la responsabilité israélienne dans le drame de Gaza. Les chiffres des morts sont présentés comme s’ils provenaient d’autorités sanitaires indépendantes du Hamas, ce qui est absurde ; les manipulations sur ces chiffres ont été démontrées sans que cela soit pris en considération.

Les partisans d’Israël ne doivent pas minimiser la tragédie qui frappe les Gazaouis. En particulier, alors que depuis plus d’un an le Secrétaire Général de l’ONU agitait le spectre d’une famine imminente et non survenue, alors que le Hamas détournait une grande part des cargaisons des centaines de camions qu’Israël laissait passer, la situation alimentaire à Gaza semble être devenue dramatique depuis que les Israéliens ont changé d’attitude devant le refus du Hamas d’accepter leurs propositions sur le retour des otages. Ils ont arrêté les distributions mais ils ont aussi proposé des plans d’approvisionnement que les organisations onusiennes ont sèchement rejetés.

Être alarmé par la gravité de la situation alimentaire à Gaza est une exigence morale. En faire d’Israël le seul responsable est profondément injuste.

Il a fallu du panache à Delphine Horvilleur pour s’exposer à la vindicte de ceux qui, choqués par ses critiques, ne lui ont pas ménagé attaques et menaces parfois ignobles. Mais je ne doute pas qu’elle ait été encore plus blessée par les antisionistes invétérés qui, ravis de ce qu’ils considèrent comme une belle prise de guerre, ont clamé qu’Israël pourrissait de l’intérieur. Or, la population israélienne a su jusqu’à maintenant ne pas mélanger ses conflits internes avec les défis existentiels venant de l’extérieur.

Pour beaucoup de Juifs, dont je suis, la question angoissante de l’histoire de la Shoah, avec ses criminels, ses passifs et ses Justes, est celle qu’a posée Amos Oz :

« Qu’aurais-je fait si j’avais été à la place des autres ? »

Ce doute les a souvent conduits aux premiers rangs de la défense des Droits de l’Homme, dont le sionisme avait d’ailleurs été un bourgeon au siècle dernier.

Mais le sionisme est désormais caricaturé comme le prototype de l’oppression coloniale, une image que certains extrémistes israéliens aident malheureusement à conforter. Comme chacun sait, leur poids politique est aujourd’hui accru, mais la démocratie israélienne, qu’elle soit de gauche ou de droite, a des ressources puissamment ancrées dans la population.

L’assignation coloniale pousse par réaction certains sionistes à un examen de conscience exacerbé, même si, aux yeux de leurs ennemis, ils ne seront jamais lavés de leurs tares originelles. Ce que risquent ces militants scrupuleux, c’est de perdre de vue qu’il y a, contre des ennemis existentiels, des combats indispensables, ceux par exemple que les pacifistes n’ont pas voulu mener à Munich contre Hitler avec les conséquences que l’on sait.

Dans sa dénonciation des dérives d’Israël, Delphine Horvilleur analyse le verset du Lévitique 19/18 qui contient les termes de « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » et propose une traduction originale du verbe qui précède cette célèbre injonction. Pour le futur négatif « al titar », qu’on traduit habituellement par « tu ne garderas pas rancune », elle propose de comprendre « si tu sais adresser des reproches », ce qui sous-entend, je suppose, que faire des reproches appropriés est la véritable marque de l’amitié.

C’est le sens de ma chronique d’aujourd’hui. RP♦

Richard Prasquier, richard.prasquier.com


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5 commentaires

  1. Cher Richard Prasquier
    Quoi les Juifs n’ont pas le droit de s’insurger Mais je rêve ou la France est bel et bien soumise ! La bienséance des nobles concernait l’époque révolue de la monarchie.
    Ces itinérants juifs ne devraient pas faire trop de vagues… Et surtout : Disparaître sans éclat ! Souffrir avec pudeur. Bref rester muet à l’ombre des préjugés. Il est vrai nous nous aurions dû être plus indulgent et permissif avec le Fils de Dieu — et pourquoi pas le reconnaître prophète ce qu’il fut sûrement… Tiens les Gazaouis tuent 1200 juifs et en emprisonnent un bon millier… Bof… Les Juifs devraient se sentir coupables d’avoir fait refleurir le désert… Coupable d’être !
    Non, non, la question n’est pas là — Leur vraie erreur est d’exister et surtout d’avoir parlé face à face avec Dieu! C’est impardonnable ! Un grand spécialiste de l’Unesco me disait, pour répondre à ma question: Mais quelle est la source de la haine antisémite ? Il me répondit avec franchise et candeur: la jalousie. Ah! C’est donc ça qu’on nous reproche : d’avoir parlé face à face avec le Suprême !!! Oui les antisémites sont des jaloux , ils auraient voulu avoir été les premiers n’est-ce pas ? À révéler ce Dieu invisible et innommable Les antisémites auraient voulu: Être nous! Ah, mais c’est impardonnable d’être prophète… et témoin de l’Invisible…
    Il fallait laisser cela à d’autres, tous les autres monothéistes venus après …
    Ais non voyons — il faut baisser la tête et se taire et se soumettre et mourir sans parler… On raté le coche de la modestie … C’est ça qu’ils auraient voulu vivre. Être le peuple témoin et turbulent et râleurs avec Moïse…
    Être les seuls — les uniques — les premiers de l’histoire et de la classe et surtout ….«sans nous » les sémites de ce fabuleux récit.
    Bien à vous 💓 Serge Ouaknine PhD
    Artiste peintre et parfois poète
    Envoyé de mon iPhone
    >

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  2. Quiconque a pitié pour le mal se rend cruel envers les innocents.
    Monsieur Pasquier, je vous recommande les analyses de Moché Feiglin, anciennement député du Likoud écarté par qui vous savez parce que trop direct et clair dans ses approches de la réalité. Je le cite : « Ce n’est qu’en les affamant que non seulement ils nous rendront les otages, mais qu’ils nous supplierons de les reprendre pourvu qu’ils aient de quoi manger ». La tragédie de Gaza c’est son occupation par nos ennemis. Je ne sais pas si vous êtes religieux, M. Pasqua, mais si vous savez que Gaza fait partie de la terre d’Israël, et qu’elle revient au peuple juif, vous devez comprendre que tout programme d’occupation de cette terre par des ennemis ne peut que contrarier le projet divin. Donnez-moi un peu d’oignon, que je pleure avec vous.

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  3. Considérer comme des états d’âmes, des mensonges, du double standard, de la diabolisation d’Israël; en résumé des propos antisémites puis avoir respect et amitié pour celle qui va sans doute pousser quelques jeunes fanatisés influencés par ses propos antisémites à passer à l’acte contre de malheureux Juifs sans défense n’est pas qu’une faute, cela prouve que Monsieur Pasquier lui aussi ne parvient pas à résister à la désinformation ambiante et devrait consulter d’urgence .

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  4. Dans les mêmes veines que T.amoyal. Un véritable juif et sioniste se trouverait dans les rangs des soldats israéliens au lieu de jouer à l’invisible ou de pérorer en faveur des gazaouis. N’oubliez surtout pas qu’ils ont élu le Hamas et consorts et ont contribué à ses crimes à ce jour tant à Gaza qu’en Judée et Samarie.. Hier une femme enceinte qui se rendait pour accoucher à l’hôpital a été tuée par un arabe de la Judée et Samarie – ce qu’on ose appeler un loup solitaire. Il n’y a pas de loups solitaires chez les arabo-palestiniens. C’est un langage bon pour les gauchistes.

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  5. comme souvent R Prasquier a coté de la plaque ! Horvilleur ne vit que du show biz et de ses accointances avec le systeme mediatique aux ordres du pouvoir macronien .

    elle se preoccupe de sa parnassa , de sa notoriété aupres des medias qui vomissent Israel , et doit, pour cela

    1/ se faire remarquer pour se remettre dans les projecteurs

    2/ se desolidariser bruyament d une cause maudite en Françarabia : la cause d Israel et du peuple juif .

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