Il est temps de faire le Poing !…

Serge Siksik,
[Tel Aviv le 8 septembre 2025]

Il y a en Israël une douleur silencieuse mais béante, nous sommes revenus sur notre terre après vingt siècles de dispersion, de pogroms, d’exils, de Shoah. D. a tenu Sa promesse, Il nous a gardés vivants contre toute logique historique.

Mais que voyons-nous aujourd’hui ?

Un peuple qui se déchire de l’intérieur :

– religieux contre laïcs,

– gauche contre droite,

– Harédim retranchés contre sabras séculiers.

Nous avons survécu à Babylone, à Rome, à l’Inquisition, à Hitler. Mais survivrons-nous à nous-mêmes ?
Voilà une vraie question.

Les images sont connues :

manifestations de Harédim contre la conscription,

– insultes contre les juges de la Cour suprême,

– slogans laïcs qui vilipendent la religion comme un poids archaïque.

On voit des Israéliens qui ne fréquentent jamais un juif portant kippa, et des juifs orthodoxes qui ne connaissent rien de la langue de la jeunesse israélienne.

Nous vivons côte à côte mais pas ensemble. Et ce fossé devient une arme offerte sur un plateau à ceux qui veulent notre perte.

Golda Meir le disait déjà :

« Nous pouvons pardonner aux Arabes de tuer nos enfants. Nous ne leur pardonnerons jamais de nous obliger à tuer les leurs. »

Mais qu’aurait-elle dit si elle voyait aujourd’hui la haine interne entre juifs ?

Comment affronter l’ennemi extérieur quand nous devenons l’ennemi intérieur ?

Soyons clairs :

Ceux qui sont enracinés dans la Torah, dans le Talmud, dans la Halakha, portent une responsabilité supérieure. Ce ne sont pas les laïcs qui ont entre leurs mains les textes fondateurs, ce sont les religieux.

Et ces textes disent quoi ?

Qu’« Israël est garant l’un de l’autre » (Kol Israel arevim zeh lazeh). Qu’il n’existe pas de juif de seconde zone. Qu’à Matan Torah, « tout le peuple se tint comme un seul homme avec un seul cœur ».

Les religieux doivent être les premiers à ouvrir la main, à franchir la ligne. Sinon, quelle Torah transmettent-ils ?
Une Torah de séparation ou une Torah de fraternité ?

Rav Kook, premier grand rabbin du Yishouv, voyait déjà l’affrontement entre « Israël de la Torah » et « Israël du travail ». Mais il écrivait :

« La chose la plus sainte n’est pas la Torah seule, ni le travail seul, mais l’unité d’Israël dans sa diversité. »

Le Rav Kook enseignait que même la profanation séculière cachait une sainteté latente, un souffle de retour à Sion.

Si le Rav Kook pouvait reconnaître la sainteté du pionnier sans kippa, que faisons-nous aujourd’hui, nous qui méprisons notre frère ?

Levinas, dans Difficile liberté, refuse d’opposer le judaïsme rituel et le judaïsme éthique. Pour lui, la vocation d’Israël est d’apporter au monde la justice, non comme théorie mais comme mode d’existence. Il écrit :

« La fraternité n’est pas un sentiment mais une obligation. »

Voilà ce que nous oublions :

Aimer son frère juif qui prie autrement, qui vote autrement, qui croit autrement, n’est pas un supplément d’âme, c’est une obligation constitutive. La haine entre juifs est une profanation pire que toutes les hérésies.

Combien de peuples ont disparu en dix générations ? Nous, nous avons traversé 58 siècles avec nos blessures, nos humiliations, nos martyrs. Si D. nous a protégés jusque-là, ce n’est pas pour que nous devenions les fossoyeurs de notre propre peuple. Rambam1 écrivait que la Providence divine se manifeste dans la capacité du peuple juif à survivre aux empires.

Mais survivre pour quoi ? Pour quoi faire ? Certainement pas pour nous entre-déchirer sur la place publique !

Ben Gourion, qui n’était pas un homme de synagogue, savait pourtant dire :

« Notre survie dépend moins de nos chars que de notre unité. »

Et il ajoutait :

« Sans la Bible, il n’y aurait pas eu de retour à Sion. »

Si même les pères du sionisme laïc voyaient dans la tradition une racine commune, comment pourrions-nous aujourd’hui couper l’arbre en deux ?

Peut-être pouvons-nous discuter sans fin des programmes scolaires, des transports publics le Shabbat, du statut personnel ou de la place des femmes dans la société. Mais sur certains points, pas de débat :

– La guerre : quand le Hamas nous massacre, quand le Hezbollah nous menace, quand l’Iran rêve de notre disparition, il n’y a pas de religieux et de laïcs, il n’y a pas de gauche et de droite. Il n’y a qu’un peuple qui doit survivre. Celui qui, à ce moment, choisit la division, trahit ses frères.

– La Judée-Samarie : elle n’est ni une colonie ni une occupation. C’est le cœur battant de notre histoire, l’ossature biblique de notre peuple. Abraham n’a pas foulé les rues de Paris ni de New York, il a marché à Hébron et à Shekhem. Renier cela, c’est renier notre propre ADN.

– Jérusalem : capitale éternelle. Aucune ONU, aucun président américain, aucun philosophe européen ne peut effacer trente-deux siècles d’histoire. Celui qui accepte de partager Jérusalem avec ceux qui nient le Temple choisit d’amputer l’âme du peuple juif.

– La souveraineté : nous n’avons pas attendu l’autorisation des nations pour revenir à Sion. Mais aujourd’hui, la souveraineté signifie une chose supplémentaire : mettre en œuvre une politique audacieuse d’Aliyah. Appeler nos frères de la diaspora, encore ballottés entre assimilation et antisémitisme, à rejoindre leur maison. Tant qu’Israël ne prend pas cette responsabilité à bras-le-corps, notre souveraineté reste incomplète.

– « Faisons le poing » ne veut pas dire écraser l’autre. Cela signifie rassembler les doigts dispersés en une main qui frappe et qui protège. Israël doit être un poing serré face aux ennemis extérieurs, mais un cœur ouvert face aux frères intérieurs. La droite et la gauche, les laïcs et les religieux, les hassidim et les pionniers, les Séfarades et les Ashkénazes, aucune partie ne peut prétendre être Israël seule. Nous sommes ensemble ou nous ne sommes plus.

Lecteur, si tu es laïc, sache que le religieux est ton frère. Sans lui, tu n’aurais peut-être pas de mémoire.

Si tu es religieux, sache que le laïc est ton frère. Sans lui, tu n’aurais peut-être pas un État politique. Si tu es de gauche, sache que ton frère de droite a le même sang d’Israël. Si tu es de droite, sache que ton frère de gauche a le même souffle de Sinaï. Celui qui méprise son frère méprise le Nom divin qui l’a maintenu vivant jusqu’à aujourd’hui.

Isaïe prophétisait qu’Israël serait « lumière des nations ». Mais quelle lumière offrons-nous quand nous nous insul­tons ? Quand un juif refuse de saluer un autre juif parce qu’il porte ou non une kippa ? Le monde rit de nous, et nos ennemis se frottent les mains. L’unité d’Israël n’est pas un luxe spirituel, c’est une arme existentielle.

Mes frères religieux ! Vous qui avez la Torah, faites le premier pas. Montrez que la Torah n’est pas un mur mais un pont.

Mes frères Laïcs ! Vous qui avez construit l’État par votre sueur et vos armes, ne méprisez pas vos frères qui gardent le feu de la tradition.

Ensemble, faisons le poing, faisons le cœur. Car si nous ne le faisons pas, d’autres se chargeront de nous rappeler à leur manière ce que signifie être juif. Et ce rappel, nous le connaissons : il est toujours sanglant.

Alors unissons-nous. Non pas demain, mais aujourd’hui. Comme au Sinaï : « Un seul homme, un seul cœur. » Là est notre survie. Là est notre lumière. Là est notre victoire.

Je porte une kippa et je tends la main à tous mes frères juifs : retrouvons-nous pour nous embrasser, pour parler de l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants, et pour chanter en laissant nos verres s’unir au cri d’un chaleureux Lehaïm !

Shanah Tova tikatevou vetehatemou.שנה טובה תכתבו ותחתמו

Nous entrons dans cette nouvelle année avec lucidité, les temps sont lourds, l’Histoire nous presse, et notre peuple affronte des épreuves d’une intensité rare. Mais nous entrons aussi avec une certitude :

Notre avenir ne se joue pas dans la peur mais dans la promesse, celle que D. a faite à Israël de demeurer éternel.

Le Rav Kook disait :

« Il est des hommes qui voient l’obscurité et se plaignent. Et il en est d’autres qui allument une flamme. »

À l’orée de 5786, choisissons d’allumer la flamme : celle de la confiance, de l’unité, et de l’espérance. Notre foi nous enseigne que même lorsque l’horizon paraît fermé, la lumière de la délivrance se fraie toujours un chemin.

Alors, malgré la gravité des temps, je vous souhaite une année de force, de courage et d’espérance. Une année où nous saurons regarder l’avenir sans trembler, certains de notre victoire, certains de notre vie, certains de notre continuité. SS

בּיחד ננצח
עם ישראל חי 2

Serge Siksik, MABATIM.INFO


1 Maimonide (NDLR)

2 « Ensemble nous vaincrons, le peuple d’Israël est vivant » (NDLR)


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3 commentaires

  1. Merci pour ce délicat SUJET traité admirablement avec justesse sur certaines divisions au sein de notre peuple en espérant que ce message sera entendu par « l’élite de gauche » qui propage cette haine aussi bien en Israël qu’en France.

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  2. bravo Serge pour ce texte que j aurai aimė signer .

    il n existe pas de mouvement haloutsique sans Sion , il n existe pas de renouveau religieux sur notre terre sans mouvement haloutsique !
    nous sommes les doigts d une meme main .

    shana tova ou metouka , que la nouvelle année nous trouve tous unis sur notre terre .

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