
Par Einat Wilf,
[15 septembre 2025]
Conférence-débat filmée lors de la soirée des anciens élèves de l’Institut Argaman. Le Dr Einat Wilf partage les idées et les expériences d’une campagne en cours visant à façonner la pensée publique, telle qu’elle est menée dans le domaine des idées, des récits et de la hasbara. Un aperçu de l’intérieur vers l’extérieur de la lutte derrière les gros titres – et de ce qui n’est révélé qu’à ceux qui lisent entre les lignes
VERBATIM

J’ai grandi dans les années 80 et 90, lorsque le parti travailliste israélien s’est renouvelé, en adoptant une ligne politique différente des premiers bâtisseurs d’Israël.
Dans l’euphorie de la paix avec l’Égypte, le parti préconise « les territoires en échange des la paix ». Dans ces années je vote pour tous ceux qui promettent d’apporter la paix : Itshak Rabin, Shimon Peres, Ehoud Barak et d’autres…
Je me réjouis des négociations, avec les Palestiniens de Camp David et de la proposition de Barak à Arafat, où Barak propose de rendre 97 % de la rive occidentale du Jourdain, plus Jérusalem Est. Et nous-mêmes, les Israéliens, nous considérons « les colonies », « l’occupation », et nos lieux saints, comme autant d’obstacles à la paix entre nous et les Palestiniens.
Sauf que… malgré nos concessions douloureuses et la main tendue, encore une fois, comme par le passé, les Palestiniens, refusent l’occasion d’établir leur État palestinien et aucune voix, dans la société palestinienne, ne s’élève pour contester le choix fait par la direction palestinienne.
C’est alors, timidement, s’insère en moi l’ombre d’un doute. Je relègue mon petit doute dans un coin de mon cerveau et je continue mon action dans le camp de la paix. Je me considère comme une Israélienne modérée, raisonnable et pacifique. Je ne suis pas encore une parlementaire de la Knesset, mais je travaille déjà avec Shimon Peres, je suis une militante du parti travailliste,…
.. . je suis partisane de « 2 états pour 2 peuples », bref une Israélienne, sûre d’être dans le « bon camp ».
Je rencontre des Palestiniens « modérés, crème de la crème » de la société palestinienne, ayant fait leurs études en Europe ou États-Unis.
Mais, au fur et à mesure de ces rencontres, le doute dans un coin perdu de mon cerveau se « réveille »…
En effet, ce que j’entends de ces Palestiniens « occidentalisés », allume dans mon esprit un « voyant rouge ».
Ils soutiennent que« les juifs ne sont et n’ont jamais été un peuple, ils ne sont qu’une religion et d’ailleurs ils n’ont aucun lien historique avec Israël, puisque tout ce qu’ils racontent, n’est que des falsifications et inventions ».
Je me rends compte que toute ma conception du conflit, à savoir, que c’est un conflit territorial entre deux peuples qui souhaitent la liberté et la souveraineté, vivant sur le même territoire et qu’avec une bonne volonté, de part et d’autre, ce conflit est soluble.
Sauf que, ce que j’entends de mes « amis palestiniens » se trouve en totale opposition avec ce que je pense.
Bon je me dis : peut-être n’ai-je pas rencontré les « bons palestiniens » ? Je me mets donc en quête de « bons palestiniens », en organisant des rencontres, des réunions et des colloques.
Durant vingt années de cette quête, où je rencontre des dizaines de Palestiniens… j’en trouve quatre, oui QUATRE, qui de façon publique expriment leur accord de vivre dans leur état à côté d’un État juif.
À la suite de cette quête, parait un livre « La guerre de la loi du retour », qui d’ailleurs a été mis à jour, après le pogrom du 7 octobre 2023. Dans ce livre j’utilise une citation de Ernst Bevin, ministre des Affaires étrangères britannique, au sortir de la 2ᵉ guerre mondiale. Il n’était pas vraiment un grand ami du Peuple Juif. Lors d’une session du parlement britannique en février 1947, il explique l’échec de la politique mandataire anglaise dans le territoire de la Palestine d’alors. (Rappelons, qu’après la 1ere guerre mondiale, la Grande-Bretagne a reçu de la Société des Nations, un mandat pour aider les juifs à recréer leur Foyer National en Palestine. Comme nous savons, la Grande-Bretagne n’a jamais respecté son mandat de création d’un État juif).
Donc, Ernst Bevin commence son intervention à propos de l’échec britannique par cette phrase :
« Thisconflict is not reconsiliable1».
En 1947, il n’y avait
– pas d’occupation,
– pas de colonies,
– pas de Netanyahou,
– pas de « réfugiés palestiniens »
– et même pas d’État d’Israël.
Pourtant, Bevin annonçait déjà que le conflit n’a pas de solution.
Puis il continue :
«…car chacune des ethnies, aussi bien les Juifs que les Arabes ont un but suprême :(personne n’appelle les Arabes de ce territoire : palestiniens, car ils n’existent pas encore).
– « le but des juifs est l’établissement d’un État souverain juif ;
– en revanche, celui des Arabes est… de s’opposer jusqu’au bout à la création de l’État juif souverain, sur un territoire, quel qu’il soit » …
Lorsque j’exposais tous ces faits, les gens de gauche, dont je faisais partie, s’offusquaient.
« Comment est-il possible, Einat, que tu aies changé d’opinion ? Tu adoptes des positions de droite… »
Je rétorquais à mes amis, ce ne sont pas mes opinions, ce sont des faits objectifs.
Essayons d’examiner la situation de façon scientifique. Un scientifique énonce une hypothèse, qui en soit, se compose de suppositions, d’approximations, bref, quelque chose qui demande de preuves, pour être étayée et validée.
Notre hypothèse disait, que ce qui constitue l’obstacle à la paix entre nous et les Arabes, c’est notre refus à la création d’un État palestinien en Judée Samarie et Gaza.
En bons scientifiques, nous devons prouver, que notre hypothèse (notre refus de l’État palestinien) est la véritable cause d’impossibilité de parvenir à la paix. Pour cela, avec le temps, se sont présentées plusieurs méthodes :
– La première, le changement du leader palestinien, d’Arafat à Abu Mazen, a-t-il changé la réponse des Palestiniens à nos propositions ? NON.
– Ensuite, en acceptant envers les Palestiniens des concessions, pratiquement égales à leurs exigences. Est-ce que ça a changé la réponse des palestiniens ? NON.
– Ensuite, nous avons procédé à un retrait unilatéral de Gaza, cela a-t-il changé la réponse des Palestiniens ? NON.
– Même Netanyahou a dit oui à la proposition de Trump du 28 janvier 2020, mais Abu Mazen a répondu : NON.
Donc, notre hypothèse disant que l’obstacle à la paix est notre refus est fausse, puisque à toutes les occasions nous avons répondu : oui et les Palestiniens ont répondu : NON, NON, NON et toujours NON.
Donc, l’affirmation de Bevin, à savoir, que les juifs veulent leur État, par contre les Arabes, veulent que les juifs, en aucune manière, n’obtiennent leur État, explique que ce conflit, en aucune façon, ne puisse être résolu.
Compte tenu de tout ce qui précède et surtout après le 7 octobre, pouvons-nous, nous Israéliens, acter qui se trouve face à nous, qui est notre ennemi et que tout ceci est notre triste réalité ?
En fait, outre nos ennemis physiques, nous avons face à nous un ennemi idéologique, qui réunit dans sa détestation d’Israël, les Arabes de la plupart des pays arabo-musulmans et c’est le palestinisme.
C’est un phénomène, qui met à jour l’ethos négatif et destructeur des Palestiniens, dont la seule raison d’être, est la destruction de l’unique État juif et accessoirement du Peuple juif.
Si on soustrait de « l’identité palestinienne » sa composante, « annihilation du sionisme et d’Israël », alors cette identité cesse, tout simplement d’exister.
Par conséquent, définissons que le but suprême de la diplomatie et de l’action politique d’Israël est l’éradication du palestinisme, au même titre que le nazisme a été éradiqué après la 2ᵉguerre mondiale en Europe.
Durant toute l’Histoire, la plupart des mouvements d’autodétermination et de libération nationale, lorsqu’ils étaient mis devant le choix déterminant de leur avenir, ont toujours choisi la mise en œuvre de l’aspiration nationale de leur peuple.
Ce qui rend unique le nationalisme palestinien, c’est la complète absence d’un quelconque élément constructif.
Il faut comprendre, que le mouvement palestinien n’est pas un mouvement de libération nationale, puisqu’il n’est pas capable, à chaque occasion historique, où il a la possibilité de fonder son État, de prendre la décision de dire OUI.
Il faut reconnaître que les Palestiniens, dans leur propagande, sont cohérents, ils ne masquent pas leurs intentions et de façon tout à fait franche annoncent leur objectif suprême de destruction d’Israël.
Cet aspect de la propagande palestinienne met mal à l’aise les Occidentaux, car annoncer ouvertement le désir de tuer autrui, ne s’accorde pas avec la mentalité des diplomates, des intellectuels, des journalistes, des artistes et même de l’homme de la rue.
Par conséquent, ils essaient d’édulcorer la brutalité du discours palestinien en appliquant sur ce discours, un narratif politiquement correct, qui évidement démontre une totale incompréhension de la situation à Gaza.
Un journaliste occidental arrive à Gaza, pour rendre compte de ce qu’on appelait « les marches de retour », où des centaines de Gazaouis marchaient le long de la frontière avec Israël, en exigeant de « retourner dans les villages palestiniens qu’Israël occupe sur la terre palestinienne ». Ce journaliste demande à des manifestants pourquoi ils manifestent.
– Plusieurs des manifestants pointent leur doigt vers Israël en disant : « tout ça est à nous, c’est notre terre ».
– Un adolescent d’une quinzaine années s’écrie « je suis de Jaffa », (Yaffo au sud de Tel-Aviv), alors qu’il est né à Gaza.
Bref, toutes les personnes autour de ce journaliste, la plupart des jeunes, disent la même chose. Le journaliste se tourne vers la caméra et dit
« Tous ces Gazaouis combattent pour l’amélioration des conditions de vie à Gaza ».
Je n’ai même pas envie d’expliquer ou de commenter les paroles du journaliste, si tant est que c’est du journalisme.
Je voudrais donner mon analyse, du processus intellectuel qui nous a amené au 7 octobre.
Souvenons-nous de l’état du monde, quelques années avant le processus d’Oslo. Une ou deux années avant la chute d’URSS, toutes sortes de spécialistes, qu’on appelait « soviétologues », nous assuraient, avec la main sur le cœur : « la chute de l’URSS est impossible ». Et puis en 1991 l’URSS est tombée. Alors, les mêmes soviétologues, en « mangeant leur chapeau », s’esclaffaient : « nous vous l’avions dit, c’était inévitable ». Ensuite, tous les pays de l’est, qui étaient sous la domination du communisme d’URSS, un par un se sont libérés, le rideau de fer s’est définitivement déchiré.
Plus tard ces pays sont rentrés dans l’union européenne et même dans l’OTAN.
– Mandéla est libéré, le monde entier fête cette libération et l’apartheid en Afrique du Sud est vaincu.
– Les deux Irlande, après une guerre de presque un siècle, signent un traité de paix.
– Francis Fukuyama, assure que le monde vit « la fin de l’Histoire ».
Tous ces évènements à propos desquels on nous disait, « cela n’arrivera jamais », sont survenus.
Dans cette ambiance, pourquoi nous Israéliens ne pourrions-nous aussi profiter de cette « fin de l’Histoire » ?
Une espèce de « psychose euphorique collective » s’est emparée d’Israël et on va faire en sorte, que tout ce qui ne pouvait pas arriver, arrive.
D’autant plus que la paix avec l’Égypte, qu’on disait impossible, est bien arrivée. Et c’est là que les sirènes d’Oslo ont attiré nos élites vers un processus, qu’aujourd’hui, rétrospectivement, nous voyons à quel point il s’est avéré destructif.
Oslo était la pierre angulaire de la dégradation de l’identité juive et sioniste d’Israël.
Nous voulions être comme les Européens et nous avons durant les trente dernières années oublié que notre environnement, c’est le Moyen-Orient, avec des ennemis sanguinaires qui attendent patiemment l’occasion de réaliser leur vœu le plus cher, nous effacer de la carte du monde. Le 7 octobre 2023, nous avons donné cette occasion à nos ennemis.
Maintenant, la guerre de Gaza.
L’une des plus grandes erreurs, je parle toujours du point de vue intellectuel, est d’avoir considéré, que cette guerre est contre le Hamas.
À partir du moment, où nous avons mal défini l’ennemi, nous ne pouvions pas vaincre.
À partir du moment où on définit mal l’ennemi, les buts et objectifs sont erronés et ce qui est le plus terrible, on met en danger d’une mort inutile nos soldats.
Lorsque, après le 7 octobre, Biden est venu en Israël, il était bouleversé par le mal absolu, mais de nouveau sa mentalité occidentale s’est exprimée dans son discours, il a dit :
« le Hamas ne représente pas tout le peuple palestinien ».
Cognitivement, il était incapable d’associer ces « gentils et pacifiques Palestiniens au mal absolu », sauf peut-être le 4 Palestiniens dont je parlais au début de mon propos.
Moi, j’aurais aimé dire, alors, au président des États-Unis :
« No mister president, je suis désolée de vous contredire, ils ont perpétré le massacre du 7 octobre au nom de “leur rêve de retour dans leur Palestine”, vous auriez du voir leur joie et euphorie, non seulement à Gaza mais dans l’Autorité palestinienne, au Liban, en Jordanie et même dans les quartiers islamisés d’Europe, où on a distribué des gâteaux et des bonbons. »
Je suis très attentive aux quelques rares voix, qui critiquent le Hamas à Gaza, mais aucune déclaration qui au-delà du Hamas, critiquerait la position des Palestiniens, qui rêvent de détruire complètement le judaïsme, cette idée qui, même de façon inconsciente, est implantée dans leurs cerveaux et qui guide leurs faits et gestes.
Pour moi, cette guerre est, au minimum contre tout Gaza et au niveau stratégique contre le Palestinisme, quel que soit le temps que cela prendra.
Je terminerai sur le palestinisme européen. Du point de vue intellectuel, la propagande palestiniste en Europe jusqu’au 7 octobre, pouvait être résumée en une dizaine de slogans, que l’on trouve sur des panneaux portés par les palestinistes :
– « sionisme=impérialisme »,
– « Israël=colonialisme »,
– « Israël=apartheid »,
– « Israël=racisme »,
– « Israël=nazisme »,
– « Israël=génocide »,
– « Israël=suprématisme blanc », (en 2020 après le mouvement « Black Lives Matter »)
– … etc., etc.
Après le 7 octobre, un nouveau slogan est apparu :
« Gardez la Terre propre » à côté duquel l’image du drapeau israélien dans une poubelle.
Durant toutes ces années, ces slogans ont été distillés partout pour associer Israël au mal absolu, et avec le mal, on ne discute pas de solution à deux États, par exemple, on l’éradique !
Comment tous ces mouvements féministes, woke, écologistes… soutiennent-ils le Hamas ? Ne comprennent-ils pas ce que ce dernier leur a fait ?
Il y a en fait ici la très vieille idée selon laquelle entre ce monde sale rempli de péchés, et le monde utopique auquel ces mouvements aspirent, se trouve le Juif collectif.
Et pour arriver à ce monde utopique enfin propre, il faut se débarrasser de ce Juif collectif par tous les moyens. C’est ce qu’a tenté de faire le Hamas le 7 octobre, suivi symboliquement dès le 8 octobre par tout ce à quoi nous avons assisté dans les universités.
Pour moi, tout cela est le terminus de l’antisémitisme européen.
Moi, femme de gauche, je me surprends à penser comme les suprématistes américains.
Peut-être Tout Israël devrait-il faire comme ces suprémacistes : que chaque Israélien se prépare un bunker antiatomique, avec de la nourriture, de l’eau, médicaments et tout ce qu’il faut pour survivre, et préparer ainsi psychologiquement les nouvelles générations à la possibilité que ce monde global s’achemine vers une Apocalypse et que nous, Juifs, soyons frappés en premier. EW♦

Einat Wilf, Institut Argaman
Ancienne parlementaire (Yesh Atid de Yaïr Lapid centre gauche), elle a été conseillère politique du vice-Premier ministre,Shimon Peres, et chercheuse au Centre d’Études du Peuple Juif.
Traduit et adapté pour MABATIM.INFO par Édouard Gris
1 « Ce conflit est irréconciliable »
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Bonjour T. Amouyal.
Redevenir juive, ça veut dire redevenir soumise ? dhimmi ? C’est pas ça qu’on appelle assignation identitaire ? Votre commentaire me fait me demander si la culpabilité narcissique issue du monde chrétien est partagée par le monde juif.
J’écris sous forme de question parce que votre commentaire est allusif.
Bien à vous
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Qui recule finit par tomber dans la marmite aux écrevisses. Pour ne pas cuire dans ce bouillon, il faut éliminer la marmite et les palestiniens qui n’ont rien à faire en Israel!
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“Les Juifs n’ont plus d’avenir en Europe”. Mais c ‘est l’Europe elle -même qui n’a plus d’avenir digne des juifs, par sa lâcheté et son aveuglement .Pendant des dizaines d’années l’assimilation des juifs et leur discrétion ont « protégé » les communautés.Il n’en est plus de même car la « chasse » est maintenant ouverte, et les juifs se sentent moins protégés, et jugent les autorités des États impuissantes à assurer leur sécurité.Est-ce là un modèle d’existence? Vivre en Europe comme des réfugiés? Une « espèce » à protéger?
En quoi l’idée même d’un exode massif de Juifs d’Europe est elle impensable?Après tout, au-delà de la migration, est-ce bien grave pour les juifs de quitter l’Europe?N’est ce pas l’accomplissement du judaïsme qui les attend, et qu’il ne servait à rien finalement de retarder?
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Le Président Macron ferait bien de lire ce compte rendu et traversée des illusions avant son militantisme de reconnaissance d’un Etat Palestinien.
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je suggere seulement a Einat une chose : redevenir juive , et reprendre contact avec le destin de son peuple sur sa terre .
shana tova
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