7 octobre : Ils se taisent pour nous regarder mourir

Après le 7 octobre, les silences complices

Par Serge Siksik
[Tel Aviv le 7 octobre 2025]

« Se taire quand il faudrait parler,
c’est laisser mourir ce qui nous rend humain »
Élie Wiesel

Il est des dates qui déchirent le voile du temps et forcent la vérité à paraître. Le 7 octobre 2023 est de celles-là : non seulement parce qu’un massacre a eu lieu, mais surtout parce qu’il a fait tomber deux illusions, comme on arrache un pan de papier peint moisi, d’un coup, sans protocole, sans préavis.

Dans un précédent article, j’avais dénoncé le mirage délétère des accords d’Abraham, cette vitrine brillante mais sous perfusion de Washington. J’y voyais déjà l’ombre d’une dépendance, la promesse d’une paix sous tutelle.

Mais je n’avais pas affronté l’autre vérité, plus brutale, plus nue :

Le 7 octobre, Israël s’est découvert seul. Ni ses prétendus nouveaux « alliés » arabes, si prompts à célébrer la normalisation, ni cette communauté internationale « neutre » censée garantir la paix et qui se drape dans la morale universelle, n’ont levé le petit doigt.

Ces deux fantasmes ont sauté, celui de la fraternité arabe et celui d’un monde juste. Le premier n’était qu’un marchandage ; le second, une foi aveugle dans une humanité qui n’existe plus.

Ces deux mirages se sont dissipés dans le sang et la cendre.

Et derrière leur chute, ce n’est pas seulement la défaillance des institutions qu’on voit :

C’est la trahison d’un monde qui choisit le silence comme stratégie.

Un silence calculé, confortable, complice.

Un silence qui protège les assassins et condamne les victimes.

  • Vous vous êtes tus pour ne pas déplaire.
  • Vous vous êtes tus pour ne pas choisir.
  • Vous vous êtes tus pour nous voir tomber.

Mais Israël, lui, ne se taira pas, car quand le monde se tait, Israël chante.

Silence. Mot froid, hygiène diplomatique des lâches. Le silence des États signataires des Accords d’Abraham n’est pas une simple absence de voix : c’est une prise de position active par omission.

Les poignées de main et les vols directs se sont révélés être des vitrines commerciales, des produits d’exportation, pas des alliances de destin.

Quand la guerre frappe, ces vitrines se fissurent et la vérité se montre : Abou Dhabi, Rabat, Manama, tous enregistrent un repli, un exercice de langue diplomatique où l’on balance la responsabilité sur « les deux côtés », où l’on préfère ménager l’opinion publique locale plutôt que de nommer l’agresseur. L’Égypte, la Jordanie, historiques garants d’un statu quo fragile, se mènent en courtiers d’intérêt, rappelant des ambassadeurs puis laissant leurs médias souffler sur les braises. Le cœur politique palpite mais la boussole morale a disparu.

Ce silence-là est calcul. Il vient de la peur de la rue, de la fragilité des régimes, de compromis internes qui valent plus que la solidarité élémentaire face au massacre d’un peuple. Mais l’essentiel n’est pas seulement la peur : c’est la logique de l’intérêt qui, dès que les enjeux deviennent périlleux, l’emporte sur l’exigence du commun humain.

Les Accords d’Abraham, annoncés comme le triomphe de la realpolitik, se sont avérés l’antichambre d’un nouvel abandon, une promesse de commerce sans promesse de sang partagé.

On découvre que l’on peut faire des affaires avec Israël tout en refusant d’en être solidaire dans l’épreuve.

C’est la mesure la plus crue de la fausseté de la « normalisation » : elle n’était qu’un contrat économique, non pas un serment.

Et puis il y a le silence des institutions internationales, une autre forme de trahison, plus pernicieuse parce qu’elle se pare de morale. L’ONU, censée incarner la conscience publique des nations a, par incurie ou idéologie, mis sa langueur au service de l’ambiguïté et de la prudence diplomatique. Le Secrétaire général qui « comprend le contexte », opte pour des résolutions molles et pour des mots qui s’édulcorent afin d’éviter d’irriter des majorités.

Pendant ce temps, une agence supposée humanitaire, l’UNRWA, se voit éclaboussée par des preuves de compromissions idéologiques et logistiques qui mettent en question sa neutralité opérationnelle.

Qu’on l’appelle négligence, complicité ou défaillance institutionnelle, le résultat est le même :

L’architecture internationale s’effrite :
– là où il fallait des mots clairs, il y eut des circonvolutions ;
– là où l’on attendait des actes, il y eut des rapports de procédures.

Ce n’est pas seulement une affaire de voix ou d’absences ; c’est un problème de logique morale.

La neutralité feinte face à l’agression légitime est, en pratique, une forme de légitimation.

– Taire, c’est consentir : à l’échelle globale, l’omission devient autorisation. Et l’autorisation, même quand elle est silencieuse, a des effets concrets :

– Elle délivre un message aux foules et aux commanditaires politiques : certains meurtres peuvent être tolérés et rester impunis moralement et certaines violences peuvent être recouvertes d’un voile diplomatique.

Ainsi s’érode l’idée même de droit commun.

Sociologiquement, ce que révèle la double défaillance – des alliés arabes et des institutions internationales –, c’est la mutation d’un ordre international où le discours des droits de l’homme et de la communauté de valeurs devient variable d’ajustement politique. Les récits moraux s’effilochent, récupérés par des calculs d’État. Le cosmopolitisme humanitaire se transforme en bureaucratie de gestion : des chiffres, des comités, des notes.

Mais la guerre n’attend pas les bureaux.

Elle exige de la clarté, des mots nommant les crimes, une solidarité qui ne se mesure pas en milliards d’investissements.

Philosophiquement, ce retournement nous confronte à une question primordiale :

Peut-on encore croire aux institutions comme garantes d’un bien commun ?

Si les instances chargées de la paix se transforment en arènes de langue de bois, que reste-t-il de la légitimité ? L’illusion d’un ordre moral universel s’écroule devant la primauté des intérêts et des peurs. Le monde contemporain nous apprend que l’éthique internationale n’est plus qu’un réservoir de bonnes intentions mobilisable au gré des calculs stratégiques.

Il faut nommer les conséquences.

Quand une puissance morale se tait, les fantômes passent. Les narrations de haine prospèrent. Les écoles deviennent champs d’endoctrinement quand la communauté internationale se contente d’indignation verbale sans contrôle structurel.

Les statuts, comme celui des « réfugiés héréditaires », se fossilisent et se transforment en instruments politiques.

Les réponses humanitaires deviennent parfois des alibis logistiques, détournés à des fins qui trahissent leur raison d’être.

Que faire de cette vérité nue ?

Elle impose une urgence de lucidité. Israël ne peut plus se contenter des consolations verbales d’alliances fragiles. Il doit penser sa sécurité et sa souveraineté en connaissance de cause, construire des architectures de défense et d’alliance qui ne reposent pas sur des illusions d’humanisme universel.

Mais la leçon dépasse Israël : elle concerne toutes les nations qui croient encore qu’un simple droit de parole suffit à protéger la civilisation.

Les mots sans conséquences détruisent la foi publique.

Enfin, la mémoire exige qu’on distingue coupables et complices.

Il n’est pas indifférent de noter que le 7 octobre a révélé non seulement des bourreaux, mais aussi des courtisans du silence, ceux qui, par lâcheté ou calcul, choisissent la neutralité comme posture morale.

La France, se trouve ici inscrite parmi les grandes responsabilités : non seulement pour des gestes politiques, mais pour l’écho qu’elle offre dans l’opinion et la diplomatie européenne. Les États courent alors le risque d’être jugés, non seulement pour leurs actes, mais pour leur silence.

Deux ans après, la trace du 7 octobre reste une brûlure ouverte et tune question :

Qui aura le courage de rompre le pacte de l’inaction ? Qui voudra encore penser une politique capable de nommer le mal, de le condamner et d’agir ?

Quand les institutions se dérobent, le peuple continue. Il parle, vit, protège.

Et c’est peut-être la seule vérité solide qui nous reste : lorsque les structures faiblissent, les communautés tiennent.

Mais il ne s’agit pas ici d’un romantisme résigné : Il s’agit d’exiger, avec une fermeté sans compromis,

– que les mots employés par la communauté internationale retrouvent leur poids et leurs conséquences ;

– que les accords cessent d’être des vitrines diplomatiques sans suite ;

– que les agences dites humanitaires ne servent plus de paravent à l’inaction ou à la duplicité.

Faute de quoi, le monde continuera à confondre le commerce avec la fraternité, et la paix avec la paix des boutiques.

Le 7 octobre a arraché deux masques. Reste à arracher les autres – avec la même rage de vérité, sans compromis.

Alors, face au silence qui prolonge les armes tournées contre les Juifs, nos chants répondront aux bombes, nos prières aux mensonges, notre union à la haine.

– Quand le monde se tait, Israël chante.

– Quand les nations détournent le regard, le peuple d’Israël se relève.

Rien ne fera taire un peuple déterminé à vivre. SS♦

Serge Siksik, MABATIM.INFO


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Un commentaire

  1. Pour ne rien dire des humanitaires racistes que sont croix rouge [du sang des otages], médecins sans frontières [ni honneur], etc.

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