Ils reviennent… d’un enfer que le monde a justifié

Par Serge Siksik,
[Tel Aviv 12 octobre 2025]

Vingt vivants. Vingt-huit morts. Quinze millions d’âmes juives suspendues entre colère et vertige.

Deux ans après l’enfer, la porte s’ouvre enfin. Et ce n’est pas la lumière qui entre, c’est la nuit qui sort.

Ce sont des silhouettes qui rentrent avec des brûlures de souffrance incrustées dans la peau et l’esprit.

Des hommes que la faim a rongés, que la peur a dissous, que l’humiliation a marqués au fer rouge. Ce n’est pas seulement la privation : c’est la négation de tout ce qui fait un être humain.

On leur a volé leur temps, leur chair, leur voix, leur dignité.

La joie des retrouvailles est une illusion nécessaire : elle maquille la sidération, retarde la déchirure, mais elle n’efface rien.

La captivité, c’est un acide. Elle ronge la mémoire, brûle la confiance, fissure l’âme. On n’en revient pas indemne.

Les otages reviennent, mais derrière chaque regard se cache un charnier.

Certains ne parlent plus. D’autres murmurent, comme s’ils craignaient que le silence retombe.

Leurs corps sentent encore la poussière des tunnels, la sueur, la peur.

Des ongles arrachés, des côtes fracturées, des marques de liens sur les poignets et ce regard, ce regard vide, celui de l’homme qui a vu un enfant égorgé devant lui et qui ne saura plus jamais dormir.

Ils ont entendu les cris des femmes qu’on violait, les hurlements des bébés qu’on brûlait.

Ils ont entendu les rires aussi, oui, les rires des bourreaux.

Ils ont compté les heures à la lumière des coups.

Ils ont récité le Shéma Israël avec du sang dans la bouche, non pas pour mourir, mais pour ne pas devenir fous.

Et maintenant ils rentrent. Mais comment revient-on du Diable ?

Ce qu’il reste de leur chair revient mais pas leur innocence.

Leurs cœurs battent encore, mais leurs âmes n’ont plus de peau.

Les morts, eux, rentrent autrement. Des sacs, des fragments, parfois des os, parfois rien.

La halakha, la liturgie, la dignité partagée du deuil : tout cela existe pour recoller un peu d’humain dans le désastre.

Mais comment prier quand la chair a été profanée ? Comment dire « Baroukh Dayan HaEmet » quand la vérité a été éventrée avec les corps ?

Enterrer un fils reconnu à partir d’un lambeau, c’est faire de la terre une tombe et un cri à la fois.

Les funérailles ne referment pas la plaie ; elles la montrent au monde, pour qu’on sache de quoi est faite la barbarie.

Les familles, elles, ne vivent plus : elles survivent. Deux ans de silence, d’attente, de faux espoirs, de coups de téléphone nocturnes.

Elles ont appris à respirer sans savoir.

Elles ont dormi sur des canapés, télé allumée, en espérant qu’un visage apparaisse dans le bandeau des nouvelles.

Elles ont vieilli de vingt ans en vingt mois.

Elles ont cessé de rire, cessé de manger, cessé de croire.

Elles ont enterré leurs nuits dans des prières qu’elles n’osaient plus dire à haute voix.

Et quand la porte s’ouvre, quand enfin on leur dit « il revient », elles tremblent.

Car ce n’est plus vraiment lui.

C’est un autre visage, une autre respiration, un homme revenu du néant.

Elles voudraient l’étreindre, mais il ne supporte plus le contact.

Elles voudraient le regarder, mais il détourne les yeux.

Le silence s’installe, plus lourd que la mort.

Elles se sentent coupables de vivre, coupables d’espérer.

Et dans ce gouffre, c’est la nation entière qui vacille.

Et le peuple juif ? Quinze millions de cœurs qui battent en lambeaux.

Le traumatisme n’est pas local, il est planétaire.

Chaque Juif de New York, de Paris, de Buenos Aires ou de Tel-Aviv a senti ce 7 octobre comme une rafale dans le dos.

Les uns ont pleuré, d’autres se sont tus, d’autres encore ont senti la rage monter, cette rage qui naît quand la dignité d’un peuple est piétinée sous les rires de ses bourreaux.

L’Histoire juive a tout connu, sauf l’habitude de mourir sans réagir. Et cette fois, il n’y aura pas d’habitude.

Religieusement, le vertige est total : Dieu, silence, alliance ?

Les rabbins peuvent citer Job, les philosophes peuvent citer Jankélévitch, mais la seule réponse valable est dans le sang et la mémoire : le peuple d’Israël se relève toujours.

La Torah n’est pas un talisman, c’est un devoir de rester debout.

« Tu ne laisseras pas ton frère en danger. » Cela veut dire : arme ton âme, ta maison, ton peuple. Défends le vivant, même dans la poussière.

Il faut nommer les choses : l’ennemi a commis un crime de masse. Pas une guerre : un massacre.

Ceux qui ont kidnappé, violé, brûlé, décapité, torturé ne sont pas des résistants, ce sont des bêtes.

Et leurs complices, ceux qui ont applaudi, qui ont justifié, qui ont relativisé, portent le même sang sur les mains.

Les terroristes ne représentent pas une cause : ils représentent le mal.

Le monde, lui, a choisi l’amnésie.

La planète entière a vu les images, et à peine quelques semaines plus tard, on est repassé à l’ère des slogans.

« Cessez-le-feu », « proportionnalité », « Palestine libre »… des mots creux lancés pour apaiser les consciences, jamais les victimes.

Le monde juge Israël, le seul pays qui prévient ses ennemis avant de frapper.

Le seul qui soigne les blessés de ses adversaires.

Le seul qui nourrit la population complice d’assassinats de juifs.

Le seul qui pleure ses soldats comme ses civils.

Et pourtant, c’est Israël qu’on accuse, qu’on isole, qu’on salit.

L’antisémitisme s’est déchaîné. Décomplexé. Débridé.

Des universités américaines aux boulevards européens, il s’exhibe comme une contagion morale.

Sous couvert de « justice », il crache sur les tombes.

Il salit la mémoire des morts et insulte les survivants.

Et la France, patrie des Lumières, s’enfonce dans sa nuit : profanations, menaces, insultes, slogans islamistes scandés en plein jour.

Les Juifs cachent leurs kippot, dissimulent leurs noms, apprennent à respirer bas pour ne pas attirer la haine.

Mais qu’on ne s’y trompe pas : ce mal ne reculera pas, il croît à mesure que nous nous taisons.

Et il viendra un moment où partir ne sera pas trahir, mais vivre.

Quitter la France, ce ne sera pas fuir : ce sera refuser de redevenir des ombres.

Alors agissons.

1. Transparence judiciaire et responsabilité publique : l’impunité nourrit la rage ; la justice, elle, la canalise.

2. Éducation civique et morale : enseigner à reconnaître l’ennemi sans devenir comme lui.

3. Rites et mémoire : prier sans idolâtrer la mort, se souvenir pour ne pas devenir fous.

Ils ont tué, violé, brûlé, profané, ils paieront !

Pas dans un tribunal seulement, mais dans la vie même.

Israël ne laisse jamais impunis les assassins de ses enfants.

Ceux qui sortiront de prison croiront respirer ; ils respireront la peur.

L’épée de Damoclès qu’ils redoutent n’est pas symbolique : elle est en acier.

L’Histoire l’a prouvé : Munich, Damas, Gaza, les tueurs finissent toujours par croiser la main d’Israël. Et cette main ne tremble pas.

Ils peuvent se terrer dans leurs villages, se cacher dans les tunnels, se mêler aux civils : tôt ou tard, le ciel leur tombera dessus.

Mais notre vraie victoire ne se mesure pas au nombre de morts ennemis, elle se mesure à notre capacité :

  • De rester humains face à l’inhumain.
  • De protéger nos enfants sans perdre notre âme.
  • De frapper juste et fort, mais jamais aveuglément.

C’est cela, la différence entre Israël et le reste du monde : nous avons des ennemis, mais nous refusons de devenir leurs miroirs.

Et pourtant, que personne ne s’y trompe : la guerre n’est pas finie.

Elle continuera sur tous les fronts : militaire, médiatique, moral, démographique.

Les Juifs d’Israël devront défendre leur sol.

Les Juifs de diaspora devront défendre leur nom.

Chacun son front, chacun sa fidélité.

Israël jugera. Israël frappera. Israël vivra.

Et à ceux qui croient encore pouvoir effacer notre nom, rappelons la promesse de l’Éternel :

« Il ne s’endort ni ne sommeille celui qui est le gardien d’Israel » (Psaume 121-4)

Nos ennemis meurent de haine.

Nous, nous vivons de fidélité.

Et c’est pour cela que, depuis quatre mille ans, ils disparaissent et nous demeurons. SS♦

Serge Siksik, MABATIM.INFO


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4 commentaires

  1. Magnifique texte! Merci à vous pour ces mots pour tous nos morts que notre peuple portera toujours dans son cœur. Le jour du retour des otages fut le jour le plus heureux et le plus dur pour nous tous ici et là-bas. Des larmes versées une mer pouvait naitre. Et je le dis en toute conscience, le peuple entier pleurait de joie et de tristesse. Aujourd’hui c’est le jour de la commémoration du 7 octobre en Israël. Mais, comme disent les mères des familles endeuillées, tous les jours sont ce jour de la commémoration.

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  2. Merci pour cette analyse tellement pertinente et glaçante de lucidité et de vision globale à long terme.
    Et très grand merci d’avoir posé des mots .. tellement justes et puissants… sur ce que nous ressentons, et que vous avez su formuler de façon poignante… Gratitude !

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  3. Sauf exceptions et à titre individuel, le peuple du Livre est considéré par l’ensemble de l’humanité comme étant de trop sur la terre, que ce Peuple soit sur Sa terre ou ailleurs sur la planète. Israël a de toute évidence un destin particulier. Avec une logique simple, il expose l’horreur, preuves à l’appui. Dans un premier temps il y a une forme de compassion mais rapidement, les nations font de la victime la coupable, justifient les pires actes. Israël et ses médias vivent dans l’illusion que suite à ses arguments, le monde aura un jour pitié de Lui. Mais le monde n’accepte ces arguments, ce genre d’arguments que si ce ne sont pas des Israélites, des Juifs qui en sont victimes. Les médias Juifs perdent un temps fou à expliquer des droits qu’on leur refuse d’avance . . . ( Texte écrit par un goï ).

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