IN-DÉ-PEN-DAN-CE !

Par Serge Siksik,
[Tel Aviv 17 décembre 2025]

L’éternité ne se délègue pas

Les nations qui renoncent à décider par elles-mêmes cessent d’être des nations » – Winston Churchill

Une alliance n’est pas une tutelle. Un peuple qui défend sa vie ne la délègue pas. Le peuple juif a survécu à tous les empires – aucun ne sera jamais son ordonnateur.

Être l’allié des États-Unis n’a jamais été un problème. En être le « protégé », voire l’inféodé, le devient.

Une démocratie ne peut rester souveraine lorsqu’elle confie son destin à une puissance extérieure qui, demain, pourra hésiter, changer de dirigeant, de doctrine ou vaciller.

La liberté n’est jamais un prêt : c’est une possession jalouse.On ne dépose pas sa vie en gage chez autrui en espérant qu’il ne faillira pas ; on la prend en charge.

L’Histoire du peuple juif suffit à établir une règle catégorique : aucune puissance humaine ne garantit la vie d’Israël.

Les royaumes passent, les empires se succèdent, les drapeaux changent de couleur ; ce qui demeure, c’est ce peuple qui a traversé les millénaires, persécuté jamais dissous.

Celui qui a survécu aux royaumes les plus autoritaires et expansionnistes n’a pas vocation à accepter aujourd’hui un « protecteur », si bienveillant soit-il, comme condition d’existence.

Pourquoi Israël devrait-il demander une quelconque permission ? C’est là qu’un clin d’œil à l’Histoire se transforme en avertissement. Les Américains ont conquis leur liberté en appliquant la maxime du premier George – Washingtonpour qui une nation cesse d’être libre dès qu’elle délègue sa sécurité.

De ce principe, ils ont tiré une doctrine simple : « Pas de dépendance vitale envers une puissance extérieure ».

Alors, pourquoi Israël serait-il le seul État libre à devoir recueillir l’assentiment des nations avant d’agir ? Pourquoi un peuple revenu sur sa terre après deux mille ans d’exil accepterait-il que d’autres puissances décident, à sa place, des conditions de sa survie ?

La question est simple et brutale : qui tient réellement le levier de vie ou de mort ?

  • Celui qui fabrique les munitions critiques ?
  • Celui qui contrôle les pièces détachées ?
  • Celui qui a le veto au Conseil de sécurité ?
  • Celui qui peut, d’un discours, transformer une victoire légitime en « crime » ou une défaite en « opportunité diplomatique » ?

– Israël n’a pas recouvré sa souveraineté pour la mettre sous surveillance.
Israël ne renaît pas pour être toléré ou redevable ;
Israël renaît pour exister sans détour et porter son dessein. Sans condition. Sans permission. Sans « curateur » autoproclamé, hormis le Suprême.

Le peuple juif n’est pas en quête d’identité.

Depuis Abraham, il la porte comme une loi, comme un nom, comme une terre. Blessée, dispersée, persécutée : jamais soumise.

Lorsque les empires chutaient, la Torah tenait. Lorsque les royaumes disparaissaient, le peuple juif persistait, se réinventait, s’intégrait, sans jamais renoncer à cette identité qui ne se négociait pas dans les palais des nations.

L’identité juive précède l’histoire de toutes les nations : elle repose sur un triptyque fondateur qui n’a jamais cédé :

Une Terre, une Torah, un Peuple

Ce socle a permis au judaïsme de traverser les millénaires sans perdre sa cohérence ni sa destination.

La dépendance d’un État n’est jamais seulement militaire :

Elle touche au cœur de ce que nous sommes. La souveraineté est d’abord une identité qui s’affirme, non une logistique qui s’emprunte.

Il existe une différence essentielle entre l’identité juive, déjà pleinement constituée dans l’Histoire, et l’identité israélienne, qui se forge encore par l’épreuve et la responsabilité :

Le peuple juif sait ce qu’il est ; l’État d’Israël doit encore définir ce qu’il veut être dans la durée.

Sur le plan national, Israël a déjà retrouvé la Terre et rassemblé le Peuple.

Ce sont les deux premiers piliers d’un trépied israélien moderne, distinct du triptyque juif :

  • une souveraineté territoriale
  • et une unité humaine redevenue vivante.

Mais le troisième pilier reste le défi central :

  • la puissance indépendante – le droit et le devoir de se défendre soi-même, sans régent, sans condition, sans délai.

Tant que l’existence d’Israël dépendra du feu vert d’autrui, l’identité israélienne demeurera inachevée. Terre retrouvée, Peuple rassemblé, Puissance encore à affermir.

C’est précisément sur ce troisième pilier que se mesure aujourd’hui la relation stratégique avec les États-Unis :

  • Il y a des nations qui se tiennent debout parce qu’elles ont appris à marcher seules.
  • Et d’autres qui se fatiguent à force de s’appuyer sur des béquilles trop confortables,
  • puis tombent en croyant que l’on pourra toujours emprunter une béquille à l’infini.

– Oui, l’alliance américaine a sauvé des vies.

– Oui, le parapluie américain – diplomatique, militaire, technologique – a longtemps été une condition de résistance.

– Mais aucune alliance ne peut devenir une habitude mentale.

Nietzsche dirait : ce qui devient habitude devient faiblesse. La souveraineté n’admet ni dépendance opérationnelle, ni délégation morale.

Ce qui, au départ, était un soutien devient une structure, puis presque une religion stratégique :

On se met à penser la sécurité nationale à travers le regard d’une autre capitale. Les flux de munitions, les lignes rouges, les « pauses humanitaires », les votes au Conseil de sécurité deviennent autant de leviers de contrôle.

Un allié qui tient vos stocks tient vos choix ; un allié qui tient vos choix finit, même sans le vouloir, par tenir votre horizon.

Pour un peuple qui a survécu à Babylone, à Mèdes, à Athènes, à Rome, à Madrid, à Berlin, un mot est interdit : DÉPENDRE

À la fragilité matérielle s’ajoute une fragilité psychologique, une fracture intérieure. Le lien privilégié avec Washington a parfois entretenu en Israël une sorte de syndrome du protégé :

L’idée qu’au fond, dans les moments de vérité, « les Américains ne nous laisseront jamais tomber ».

Ce réflexe est humain, mais dangereusement régressif.

  • Il fabrique une élite politique qui intègre dans son surmoi non pas la conscience Historique d’Israël, mais le regard anticipé du Département d’État.
  • Il nourrit une vie médiatique qui mesure sa respectabilité non pas à l’aune de la morale juive ou de la sécurité des citoyens, mais selon le verdict du New York Times le lendemain matin.

Là encore, il ne s’agit pas d’hostilité envers l’Amérique, mais de lucidité sur ce que produit silencieusement une dépendance prolongée : une souveraineté sous conditions.

Le monde a changé.

– Les États-Unis, qu’on le veuille ou non, ne sont plus la puissance omnipotente d’hier, ils sont sursollicités, divisés, tiraillés entre l’Asie, l’Europe, le Moyen-Orient, et leur crise intérieure.

Dans le même temps, c’est l’Occident qui, de plus en plus, dépend d’Israël : en renseignement, en cyberdéfense, en innovation militaire, en compréhension du jihad global.

Ce n’est plus seulement Israël qui est en première ligne ; c’est Israël qui, par son expertise et sa résilience, tient parfois la première ligne pour les autres.

C’est là qu’une idée s’impose, audacieuse, peut-être, mais nécessaire :

instaurer notre IN-DÉ-PEN-DAN-CE !

– Non pas un double de Yom HaAtsmaout, qui célèbre la résurrection d’un peuple revenu d’exil, mais son prolongement :

le jour où Israël revendique sa pleine indépendance stratégique. Pas de cérémonial, pas de folklore :

La date où la Nation affirme, avec lucidité et sans rompre l’amitié américaine, qu’elle n’acceptera plus jamais la moindre tutelle.

Un jour de basculement : la souveraineté totale devient irréversible.

Yom HaAtsmaout nous a rendus vivants ; l’IN-DÉ-PEN-DAN-CE ! nous rendra libres.

Ce n’est pas une fête patriotique de plus : c’est une ligne rouge géopolitique.

  • Israël reste allié, jamais protégé ;
  • Israël coopère, jamais ne s’exécute ;
  • Israël écoute, mais ne se soumet qu’à son peuple

En anglais, ID signifie aussi Identity Document, la carte d’identité. Le jeu de lettres n’est pas anecdotique : INDEPENDENCE DAY est aussi IDENTITY DAY

La question n’est pas seulement : « Sommes-nous militairement indépendants ? », mais : « Quelle est notre carte d’identité stratégique ? »

  • Sur une carte d’identité classique, on lit un nom, une filiation, une nationalité.
  • Sur la carte d’identité d’un État, les mentions sont plus brutales : qui arme ? qui protège ? qui autorise ? qui bloque ? qui peut fermer le robinet des munitions ou des pièces détachées ? qui peut, d’un veto, suspendre une victoire nécessaire ou imposer une « paix » meurtrière ?

La vraie question devient alors : sur la carte stratégique d’Israël, le nom qui apparaît en gros caractères est-il bien « État d’Israël »… ou « Washington D.C. » ?

Les Accords d’Abraham ont constitué une rupture silencieuse. Pour la première fois, des États arabes de poids ont choisi de traiter Israël non comme un problème provisoire, mais comme un partenaire structurel. Ces accords ont reposé sur une vérité simple : dans un monde de menaces communes, la proximité avec Israël est un atout, pas un handicap.

Mais cette rupture orientale doit trouver son pendant occidental. D’où l’intuition des Accords de George, en miroir des Accords d’Abraham.

George, pour George Washington : celui qui incarne la rupture avec le joug impérial et la naissance d’une souveraineté assumée. Imaginer des Accords de George, ce n’est pas rêver d’une super-structure technocratique :

C’est proposer un cadre où les États-Unis restent un allié central, mais parmi d’autres, au sein d’un réseau occidental élargi, dans lequel Israël n’est plus le protégé culpabilisé, mais l’un des pôles structurants.

Une géométrie différente :

Non plus un axe vertical « Washington–Jérusalem » où l’un donne et l’autre reçoit, mais un maillage horizontal où l’on se protège ensemble, où l’on partage technologies, doctrines, chaînes d’approvisionnement, au service d’une civilisation qui veut encore se défendre.

Dans ce schéma, Israël n’aurait plus à demander la permission de se protéger. Il continuerait à coopérer, à vendre des systèmes, à échanger des renseignements, à participer à des exercices conjoints. Mais il le ferait en sachant qu’en dernier ressort, ses lignes de production, sa recherche, ses stocks de munitions, sa doctrine d’emploi de la force sont organisés pour tenir, même si un jour tel Congrès ou tel président décide de freiner, de conditionner, de monnayer l’aide.

C’est cela, IN-DÉ-PEN-DAN-CE : la certitude tranquille que la survie d’Israël ne dépend plus d’un calendrier électoral étranger.

Et si cette exigence stratégique semble nouvelle, elle n’est en réalité que le retour d’une intuition très ancienne.

C’est ici que l’Histoire juive percute la géopolitique. Israël n’est pas un État surgissant ex nihilo au XXᵉ siècle. C’est la pointe avancée d’un peuple qui se pense sur cinquante-huit siècles, et qui n’a survécu à aucun empire en comptant sur eux.

Ben-Gourion l’avait vu juste : « Notre avenir ne dépend pas de ce que diront les nations, mais de ce que feront les Juifs. » Non une bravade, mais une règle de survie.

Cela ne mène pas à l’ingratitude envers les États-Unis ce serait absurde. C’est précisément parce que l’amitié est précieuse qu’il faut la débarrasser de ce qui, à terme, la pervertit.

Une alliance saine unit deux souverainetés fortes. Elle ne transforme pas l’une en tuteur et l’autre en pupille.

  • Une démocratie qui dépend d’un coup de fil nocturne ou du calendrier électoral d’un autre pays n’est plus souveraine : elle est sous tutelle stratégique.
  • L’enjeu n’est ni la rupture ni le ressentiment, mais la redéfinition des relations :

Amis, oui ; alignés, non.
Alliés, oui ; dépendants, jamais.

Cette exigence n’est pas que stratégique, elle est biblique :

« Choisis la vie » (Deutéronome 30).

Pour Israël au XXIᵉ siècle, « choisir la vie » signifie garder par soi-même la clé de son existence. Le Psaume 121 rappelle : « Voici, Il ne sommeille ni ne dort, Celui qui garde Israël. »

Politiquement, cela signifie : la garde dIsraël ne se délègue pas – ni à l’ONU, ni à l’OTAN, ni même à la Maison-Blanche. Elle appartient d’abord à Israël lui-même.

– Bien avant que le droit international n’invente la souveraineté des nations (Westphalie, 1648), la Torah l’avait déjà formulé comme un impératif.

L’Histoire est formelle : chaque fois que les Juifs se sont crus protégés par un empire, la protection s’est retournée contre eux.

Et chaque fois que Washington conditionne un missile, qu’un Conseil de sécurité condamne une opération légitime, on rejoue la même scène : le Juif doit demander l’autorisation de vivre.

Cette logique est incompatible avec notre identité, notre démocratie, notre Histoire.

La souveraineté n’admet pas de partage : dès qu’elle se partage, elle se perd.

– Deutéronome et Knesset disent la même chose : un peuple libre ne se laisse pas piloter.

– Au fond, toute la géopolitique se résume à cela : qui tient la clé ?

Celui qui la donne ou celui qui la reçoit ?

Un allié véritable ne tient pas les clés de la vie d’un autre. Il ne dicte pas la ligne rouge existentielle d’une nation. Israël a prouvé sa puissance, son intelligence, son audace.

Ce qui reste à prouver n’est pas sa capacité à vaincre, mais sa décision de ne plus attendre la permission de vaincre.

Ce choix est technique, stratégique, diplomatique, mais il est surtout ontologique. Qu’est-ce qu’un État juif souverain ?

C’est un État qui n’accepte aucun « peut-être », aucun « si Washington consent », aucun « pas maintenant » lorsqu’il s’agit de la vie de ses citoyens.

  • Ce n’est pas un caprice politique ; c’est la réparation finale d’un exil millénaire : le retour non seulement sur la terre, mais au commandement de cette terre.
  • Israël n’est pas revenu pour survivre – il est revenu pour décider et poursuivre sa mission. Décider, c’est assumer la solitude du souverain, non comme isolement, mais comme condition du respect.

L’État juif ne peut être qu’absolu et c’est pourquoi l’Éternité ne se délègue pas.

– La Torah dit : Choisis la vie

– L’Histoire répond : Choisis ton destin

– Le présent exige : Choisis ton indépendance

Le jour où cette décision sera pleinement prise, la carte d’identité stratégique du pays portera enfin, en première ligne, un seul nom, sans équivoque et sans tuteur : ISRAËL !
SS♦

Serge Siksik, MABATIM.INFO


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6 commentaires

  1. Bonjour Serge. J’apprécie toujours vos écrits que d’ailleurs je reprends infailliblement. C’est la logique qui parle dans votre texte… psychologiquement cette logique se heurte à divers aspects que nul d’entre ne peut ignorer. Géographiquement Israël est minuscule. Les juifs sont très peu nombreux face aux autres confessions. Bien sûr vous me direz que c’est la qualité qui compte… Nous pouvons aujourd’hui constater que le nombre est terrible et que nos efforts pour l’endiguer n’est jamais assez convaincant. Chercher son indépendance est nécessaire toutefois afin de ne jamais être tributaire des plus forts, des plus grands, des plus nombreux… Ces trois éléments ne jouent pas en notre faveur et c’est la raison pour laquelle nous nous agrippons à tous ceux qui forcément ne cherchent pas seulement notre intérêt mais aussi le leur. Une marge très fine qui perturbe, j’admets.
    Hag sameach
    Thérèse

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  2. Merci cher Monsieur pour ce MAGNIFIQUE exposé auquel notre chère ISRAEL aspire  « Terre retrouvée, Peuple rassemblé, Puissance encore à affermir”.
    Pourquoi ne pas rassembler vos belles chroniques pour une grande diffusion en cette période hésitante telle une graine en gestation ?!

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  3. Je suis assez d’accord avec tout ça, à ceci près: un pays indépendant n’a pas d’ »allié central », il a des alliances… Elles sont conditionnées à ses PROPRES intérêts. Avant 1967 les américains n’étaient pas copains avec Israel, il est devenu copain avec le vainqueur. En 1945-48 c’est Staline qui a sauvé Israel, pas Roosevelt ou Truman (eux avaient instauré un embargo sur les armes à Israel). J’aimais les westerns, je ne regarde plus que des séries coréennes. Hollywood est un marécage… Il est le miroir des USA.

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  4. Serge tu as magnifiquement parlé de l’IDEAL.
    J’attends désormais le suivant sur la REALITE.
    JP Lledo

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