
Déc 2013
par Roger Chemouni
« PERSÉCUTIONS ET ENTRAIDES DANS LA FRANCE OCCUPÉE »
de Jacques Semelin
Éditions Les Arènes -SEUIL 2013
L’auteur, dans son étude originale, cherche à comprendre comment 75 % des juifs en France ont pu échapper à l’extermination et ce chiffre avoisine 90 % pour les juifs français. Il souligne d’office ne vouloir guère minimiser l’horreur de la Shoah, 75 721 Juifs furent déportés depuis la France, sur les 340.000 statués en France.
Ce qui reste une énigme pour des historiens va être disséqué modestement et efficacement dans ce pavé de 800 pages à l’attrait persuasif. Ce travail de plusieurs années est le résultat de moult témoignages et de mille lectures.
Jacques Semelin attaque son sujet en montrant de façon convaincante que la grande mobilité voire leur dispersion extraordinaire des juifs, leur fut salutaire dans un pays où la volonté de les réunir pour une mise à mort par les nazis existait bel et bien et que Vichy les secondait ardemment dans leur désirs de les déporter, de les annihiler.
Il montre des victimes devenues par la force des choses débrouillardes et tenaces, prêtes à s’exiler en Espagne ou en Suisse. il s’appuie pour étayer ses dires sur les témoignages d’anonymes et de personnalités connues traçant un portrait contraire du juif, non combattant passif, image qui traine dans les esprits. Les juifs s’ingénièrent, pour certains à contourner la loi où à se fondre dans la population, pour d’autres, travaillant parfois dans une organisation juive ou pour l’occupant. Parfois ils se convertirent où pratiquèrent en secret leur culte ; quelques uns réussirent même à poursuivre leurs études où leurs métiers.
A ce tohu-bohu s’ajoute la solidarité capitale de petites gens qui connaissaient leurs malheurs et décidaient de le partager au risque de leur vie ; aide secondée par des organismes juifs ( O.S.E, le réseau Westerweel entre autres ) . L’auteur stipule que « Moins de 13% ont pu survivre sans ces réseaux » et beaucoup de juifs persécutés se rallièrent à la Résistance.
Jacques Semelin directeur de recherche au CNRS propose un nouveau regard sérieux, honnête, pertinent sur la France de Vichy , sans pour autant nier les exactions de celle-ci, soulignons le, habitée par des français pas si antisémites que la pensée populaire avance. Il est bon, pour lui que ce pays comptât beaucoup d’entraide par des hommes dont Israël reconnut leurs actions positives (La France est le troisième pays parmi les 46 reconnus comme Justes parmi les Nations avec 3500 noms)
Ce livre signé d’un spécialiste de la résistance civile et des crimes de masse (« Sans arme face à Hitler » 1989) semble avoir réussi son objectif en libérant la parole de nouveau, sur cette triste période trouble de l’Histoire, qui ne le fut point grâce notamment à Robert Paxton. L’auteur rend hommage aux persécutés et à leurs sauveurs désobéissants, qui eurent la chance où la produisirent, de se comporter en résistants civils durant cette occupation qui ne finit pas, Dieu merci, d’inspirer les historiens.