Symbole de l’amitié entre la France et les États-Unis, la statue a le regard tourné vers l’Europe ; sa jumelle miniaturisée, installée à Paris au bout de l’île aux cygnes, regarde le Nouveau Monde.
L’idée viendrait d’Edouard de Laboulaye, historien et politicien, en 1865 lors d’un dîner d’amis réunis en l’honneur du Président Lincoln récemment assassiné. On espère alors que tout sera terminé pour le centenaire de l’indépendance, le 4 juillet 1876.
Le sculpteur Bartholdi est choisi pour ce projet, il a des idées grandioses. Après différentes ébauches, il propose une femme drapée à la grecque : elle tient dans sa main droite la flamme de la liberté et dans sa main gauche, serre les tables de la loi –allusion à Moïse, la religion et le droit- ; ses pieds écrasent les chaînes brisées de l’esclavage. Sa tête est couronnée de sept rayons qui symbolisent les sept continents : Amérique du Nord, Amérique du Sud, Europe, Afrique, Asie, Océanie et Antarctique. Elle sera posée sur un piédestal pour être le plus haut monument de New York, la flamme culminant à quatre vingt treize mètres du sol.
Copiant une des plus grandes statues de l’époque (représentant Charles Borromée), il opte pour un revêtement en cuivre martelé.
Bartholdi n’est pas ingénieur ; l’ouvrage pèsera plusieurs tonnes et devra résister au vent qui vient de la mer. Il fait appel à Viollet le Duc qui conseille une structure interne en bois avec des caissons remplis de sable mais qui décède avant la fin du projet ; Eiffel prend la suite : il invente une surprenante structure métallique fixée à la statue par un système de ressorts, ce qui permet du jeu et le retour à équilibre en cas de tempête.
Ce cadeau de peuple à peuple devra être financé par le peuple, français pour la statue : coût 125 000 dollars américain et pour le socle : 125 000dollars. Là les choses se gâtent ; les riches industriels américains financeraient le projet à condition d’apposer le nom de leur firme sur l’œuvre !
En France, quelques dons arrivent ; Bartholdi est un formidable metteur en scène ; moyennant quelques sous, on peut aller dans le 17e arrondissement de Paris suivre le travail des ouvriers. En 1876 il expose à la foire de Philadelphie le bras droit de la statue, on peut y monter jusqu’à la flamme, en payant !!!! C’est un succès Mme Van der Bildt apparaitra à un dîner vêtue en Liberté.
En 1878 la tête de la statue est révélée, lors de l’exposition universelle de Paris, au public qui peut y pénétrer au moyen d’un escalier de 43 mètres.
Enfin les trois cents pièces en cuivre terminées et la carcasse interne solide peuvent embarquer au Havre pour le Nouveau Monde. Seule participation du gouvernement français : prendre en charge ce voyage. Comme rien n’est simple dans cette aventure, le bateau semble avoir disparu pendant une semaine. On le retrouve, il accoste en 1886 devant une foule nombreuse. On dépose les pièces du puzzle géant sur Liberty Island (ancienne base militaire) : le dernier acte signé par le Président Grant à la fin de son mandat fut d’offrir l’île à la Liberté statufiée.
Le socle construit depuis 1883 fut terminé le 23 août 1886 faute de moyens financiers.
Dans le journal New York World dirigé par Joseph Pulitzer, un article relate ce manque d’argent. Quelques mandats arrivent ; l’un d’un montant de 25 cents est accompagné d’un mot « pauvre, immigré, je regrette de ne pouvoir faire plus ». Pulitzer publie le message, énorme succès, les dons se multiplient et… le journal double ses ventes. C’est gagné !
La statue est assemblée en quatre mois et placée sur son nouveau piédestal.
L’inauguration se fait le 28 Octobre 1886. Pulitzer, juif et étranger, n’est pas invité, ni aucun noir (le monument est pourtant censé célébrer la fin de l’esclavage !), aucune femme non plus ; les suffragettes s’installent sur un bateau et font tout le bruit possible pour couvrir les discours. Bartholdi, installé dans la couronne de sa statue lâche trop tôt le drapeau qui couvrait l’œuvre !!!!!!
Comment imaginer les efforts de tous ordres, les péripéties et les déboires, vécus pendant plus de vingt ans, qui nous permettent d’admirer aujourd’hui cet extraordinaire symbole des États-Unis, première vision d’un nouveau monde pour des millions d’émigrés arrivant pleins d’espoir ? !