
Juin 2014
La calligraphie est un art, quelle que soit la langue que l’on transcrit. La beauté de l’écriture exige la connaissance de techniques précises, afin d’obtenir élégance et régularité dans l’écriture. Ces exigences sont valables tout autant pour le scribe qui est en charge de l’écriture des textes sacrés du Judaïsme : sefer tora[2], tefilines[3], mezouzot[4], meguilla[5] d’Esther. Il doit obligatoirement connaître les techniques nécessaires pour former chacune des vingt-deux lettres qui composent l’alphabet hébraïque, avec leurs variantes. Il va de soi qu’il passe par une étape d’apprentissage auprès d’un scribe confirmé.
Mais à cela doit s’ajouter une partie théorique qui consiste à étudier les lois spécifiques qui régissent la validité religieuse du texte écrit. En d’autres termes, un sefer tora ayant une belle écriture n’est pas forcément cacher. Il existe un grand nombre de règles qui régissent la manière rituelle de former des lettres, ainsi que des conditions précises pour les valider. Prenons un exemple : le scribe qui écrit un sefer torah doit, avant de commencer l’écriture, sanctifier le texte en le destinant verbalement « à la sainteté d’un sefer torah », soit en hébreu: « lechem kedouchat sefer torah ». En cas d’oubli, le sefer n’est pas cacher pour la lecture publique. Il est évident qu’en l’absence de possibilité de contrôler si la formule a bien été prononcée, seule la confiance en la personne du scribe sera déterminante.
Nous comprenons dès lors que bien plus qu’un métier, c’est un sacerdoce auquel doit se préparer le futur scribe. Citons ce passage du Talmud (Erouvin 13) : Rabbi Méïr dit : « lorsque je me suis présenté à Rabbi Ichmaël, il m’a dit : – Mon fils, quel est ton métier ? – Je lui répondis : je suis scribe. – Il me dit alors : Mon fils, sois rigoureux dans ton travail, car ton métier est dédié à l’Eternel. Si tu venais à sauter une lettre ou à en rajouter une, tu détruirais le monde entier ! » . D’où la nécessité pour un scribe d’avoir la crainte du Ciel (yirat chamaïm) présente constamment à l’esprit.
QUELQUES GÉNÉRALITÉS :
Le parchemin :
Le support sur lequel seront écrits les Textes Sacrés, doit obligatoirement provenir d’une peau d’animal d’espèce cachère, même si l’animal n’a pas été abattu rituellement. Ainsi dans la pratique, on récupère des peaux de moutons, par exemple des abattoirs, sans se renseigner sur le mode d’abattage qui a été pratiqué sur ces bêtes. On doit ensuite tanner ces peaux en les destinant à la sainteté du texte que l’on transcrira. On dira, avant de tremper la peau dans le bain de chaux, la formule « lechem kedouchat sefer torah » dans le cas où on souhaite écrire un Sefer.
La couleur de l’encre :
L’encre doit être obligatoirement noire. On l’obtient traditionnellement en récoltant des fumées de bois et d’huiles que l’on épaissit avec une poudre provenant de noix de Galles, que l’on fait bouillir dans de l’eau avec d’autres ingrédients encore. La couleur noire doit être consistante avec un relief, pour garantir la pérennité de l’écriture.

L’espace entre les lettres et les mots :
Chaque lettre doit être entourée de parchemin blanc. Le parchemin ne peut donc comporter des trous, et les lettres ne doivent pas coller entre elles. Entre deux mots il faut respecter l’espace de la taille d’un youd (י), la plus petite lettre de l’alphabet. En cas de doute sur l’espace séparant deux mots, on se réfère à la lecture d’un enfant.
Le traçage des lignes :
Les lignes doivent être tracées avant l’écriture, sous peine de rendre le sefer non-cacher. Les traits seront réalisés au moyen d’un objet pointu en métal, qui ne laisse pas de trace colorée. En cas d’effacement, il faut refaire le tracé de la ligne avant de réécrire.
Les taguines (ornements) :
Les lettres chine, âïne (ע), tète (ט), noun (נ), zaïne (ז), guimel (ג), tsadé (צ) doivent être coiffées de trois petits traits avec une pointe. Cependant, le défaut de taguines n’invalide pas le sefer. La signification mystique de ces traits est profonde outre d’être une obligation.
Sanctifier le nom de D-ieu :
A chaque fois que le scribe doit reproduire l’un des noms de D-ieu, et bien qu’il ait sanctifié l’écriture en disant la formule avant de commencer à écrire, il doit prononcer une formule spéciale : « lechem kedouchat hachem » avant d’écrire le nom de D-ieu. L’encre qui est sur la plume doit avoir servi à écrire une lettre ou une partie de lettre avant d’écrire le nom de D-ieu avec l’encre qui reste sur la plume.
Ces quelques règles ne sont qu’un échantillon des multiples facettes de lois qui régissent le métier du sofer, qui vit son travail plutôt comme un sacerdoce, dans lequel la concentration et la minutie sont des qualités indispensables. AT♦
[1] En hébreu : sofer (סופר)
[2] Livre de la Thora
[3] Phylactères
[4] Pluriel de mezouza, montant de porte
[5] Rouleau