« L’eau facteur de paix au Proche Orient »

hydro-diplomatie-norbert-lipszykPar la Rédaction

Le 13 Mars 2017 à Versailles, était donnée à l’initiative du B’nai B’rith Versailles, une conférence sur l’eau au Proche Orient, par Norbert Lipszyc*, grand spécialiste de la question.

Vous trouverez ci-dessous un compte rendu détaillé de cette passionnante conférence, exempte de considérations politiques, qui éclairera, nous en sommes convaincus, tous ceux qui n’ont du sujet qu’une interprétation politique justement.

PRÉAMBULE

« Hydro-diplomatie »
En raison de la sécheresse du climat, de la faiblesse des ressources en eau, de l’accroissement des besoins, les populations du Moyen-Orient souffrent de pénurie d’eau. Seul Israël, par une politique volontariste et innovante a mis en place une économie durable de l’eau et a réussi à affranchir sa population des fluctuations climatiques.

Norbert Lipszyk
Norbert Lipszyk

L’eau est un besoin vital, dans cette région, les pays alentours sont condamnés à s’entendre sur une gouvernance des enjeux liés à l’eau, c’est ce qu’on appelle l’hydro-diplomatie. Israël est prêt à partager avec tous ses voisins son savoir-faire afin de permettre à cette région de devenir une zone de prospérité même en matière d’eau.

Les accords d’Oslo puis de Tabah entre l’Autorité Palestinienne et Israël ont déjà mis en place une gouvernance de la gestion de l’eau. Le règlement global du conflit, les parties en conviennent, comprendra lui aussi un volet sur l’eau.

Déjà plusieurs accords
Malgré les tensions, déjà plusieurs accords fonctionnent. Découlant du traité de paix israélo-jordanien de 1994, des échanges et partages de ressources au sud et au nord économisent le transport. De même suite aux accords tripartites de 1996 entre la Jordanie, l’Autorité Palestinienne et Israël, s’est mis en place une participation de scientifiques et techniciens des riverains des bassins hydrologiques ainsi que des accords sur la gestion des bassins.

Mais le partage ne suffit pas à résoudre la pénurie endémique. Des solutions ont dû être inventées pour parer au déficit d’eau : les économies de consommation, le recyclage des eaux usées, la création de bassins de récupération d’eaux de pluie et de ruissellements, la production d’eau douce à partir d’eau de mer. Un mariage de nouvelles technologies et développement durable.

Un nouvel accord tripartite est en train de se concrétiser, englobant la construction d’un canal reliant la mer rouge à la mer morte. L’objectif étant, d’une part, l’arrêt de l’assèchement de la Mer Morte et d’autre part, la création d’une usine de dessalement d’eau de mer.

PRÉLIMINAIRES DES ACCORDS D’OSLO
En 1992, Universitaires palestiniens et israéliens se réunissent et se demandent ce qu’ils peuvent faire, et quelle collaboration entre les deux peuples peut être envisagée. L’eau représente le point qu’ils ont choisi. C’est parce qu’un accord entre techniciens s’est fait que celui entre politiciens a pu s’ébaucher, ce qui a donné les Accords d’Oslo l’année suivante.

Une seule phrase figure sur l’eau dans les accords d’Oslo : « partage équitable des ressources naturelles dans le respect des droits historiques ».

En 1995, interviennent négociation des détails et accords de Tabah. Ces accords ont réussi car le négociateur palestinien était un technicien de l’eau, qui a pris sur lui : « ma mission est de faire en sorte que le peuple palestinien ait accès à l’eau. Il ne s’agit pas de droit, qui reste la prérogative des politiques, mais de moyens ». Les Israéliens l’ont suivi et ont donc précisé en détail les quantités allouées à l’AP à partir des nappes phréatiques, ainsi que les modalités de révision. Les statistiques palestiniennes seront fournies à Israël qui ne pourra pas les remettre en cause. Par ailleurs, il est institué un « Comité conjoint » dans lequel chaque partie a un droit de veto sur ce que propose l’autre. C’est-à-dire que, pour aboutir, un projet doit avoir la bénédiction des deux parties. Cela a marché jusqu’en 2011, avec des heurts, des conflits, mais les procédures d’escalade des problèmes étaient prévues et elles ont fonctionné.

En 1967, après la guerre de six jours et l’entrée des Israéliens en Cisjordanie, 34% de la population palestinienne ont accès à l’eau courante, et de façon discontinue. En 1995, année de l’établissement de l’Autorité Palestinienne, 90% y ont accès de façon continue.

1995 : accords de Tabah
À partir de 1995, avec les accords de Tabah, toutes les installations qui étaient en Cisjordanie et dans les territoires sont passées sous autorité palestinienne à travers une société palestinienne pour la gestion de l’eau.

En 2011, crise politique entre Israël et l’Autorité palestinienne
L’Autorité palestinienne rompt sa collaboration avec Israël sur l’eau,… mais la rétablit en janvier 2017, réactualisant ainsi les accords de 1995 de manière encore plus généreuse pour les Palestiniens. Entre-temps, les Israéliens ont développé des solutions alternatives : ils peuvent ainsi fournir autre chose. Le point le plus important dans cet accord est le fait que chacun reconnaît que l’autre est responsable chez lui de l’eau, alors que la ressource elle-même est partagée. Cet accord porte ainsi sur les modalités d’exploitation en commun des ressources.

BESOINS ET RESSOURCES DE LA RÉGION
Pour comprendre la géopolitique qui est au centre du problème, avec toutes ses données, nous allons passer rapidement en revue les besoins, les ressources, les consommations en Israël et dans le reste du Moyen-Orient, ainsi que les données juridiques du problème, en particulier le droit international.

Nous examinerons aussi toutes les perspectives en fonction des développements accomplis.

Nous savons que le lac de Tibériade a connu, depuis l’an 2000, huit années consécutives de sécheresse et que le niveau de l’eau y a baissé de plus de 3,60 m.

Le lac de Tibériade
Le point le plus important est qu’en Mars 2017, le niveau du lac de Tibériade est descendu au plus bas depuis qu’il est mesuré, c’est-à-dire une centaine d’années. Cette année est encore particulièrement pauvre en pluie, notamment à la fin de l’hiver. Le début de l’hiver avait donné des espoirs, mais la météo n’a pas suffi car le réchauffement climatique est passé par là.

Actuellement, de plus en plus de sécheresses à répétition sont à déplorer, et des déficits de plus en plus importants, que ce soit dans les nappes phréatiques ou dans les réservoirs de surface (lacs etc.) sont constatés.

De plus, le « sur pompage » du lac de Tibériade se heurte à un problème particulier. Une importante source d’eau salée existe sous le lac de Tibériade. Seule la pression exercée par l’eau douce du lac empêche cette eau salée de sortir à la surface.

Si la pression de l’eau diminue, si le niveau du lac passe en deçà de ce qui est appelé la « ligne noire », l’eau du lac deviendra saumâtre et complètement inutilisable pour la consommation.

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Lac Tibériade 1999-2000

Le tournant de 1999/2000
Cette crise de sécheresse, de huit années consécutives depuis l’hiver 1999/2000, a conduit le gouvernement israélien à décider d’un changement complet de sa politique.

Jusque- là, Israël et ses voisins faisaient « des emprunts sur le futur » c’est-à-dire que tous exerçaient un « sur pompage » des nappes phréatiques en espérant que la prochaine saison des pluies remplirait de nouveau les réservoirs.

Les dirigeants politiques israéliens ont alors pris conscience que cette politique du coup par coup, année par année, n’était pas viable faute d’envisager le long terme.

Ils ont donc pris la décision de se lancer complètement dans une politique de développement durable dans le but de sauvegarder, en premier lieu, l’eau à consommer.

Mais, si on gère l’eau à consommer, il faut se pencher sur le problème de l’agriculture, sur celui de l’énergie et finalement sur tous les domaines consommateurs d’eau.

Aujourd’hui ce sujet est en discussion dans le monde entier :

  • Est-il faisable de basculer vers une économie verte ?
  • Est-ce rentable ?
  • Est-ce créateur ou destructeur d’emplois ?

Israël a largement fait la preuve qu’une politique intelligente de développement durable fonctionne, crée des emplois et de la richesse, tout en permettant de régler les réels problèmes de l’eau !

Voilà l’ampleur du problème !

Le seuil de pauvreté en eau de l’ONU
L’ONU, par son agence de développement, a défini ce qu’on peut appeler le seuil de pauvreté en matière d’eau. Les mesures de l’ONU indiquent que ce seuil minimum est de 500 m³ d’eau par habitant et par an. Ce chiffre est calculé « tous besoins confondus ». Il ne s’agit pas seulement de la consommation d’une famille pour elle-même. On parle ici de besoins globaux en incluant, notamment, ceux de l’agriculture qui s’avèrent être, en général, le plus gros consommateur d’eau, devant ceux des ménages, de l’industrie, etc.

La consommation « normale » a également été déterminée : elle est de 1000 m³ d’eau par habitant et par.an !

Israël, la Jordanie et les territoires palestiniens sous les besoins
Quand on considère les ressources naturelles moyennes pour Israël, la Jordanie et les territoires palestiniens, on s’aperçoit qu’on est clairement en dessous des besoins.

La Jordanie et les territoires palestiniens sont, actuellement, légèrement moins bien servis qu’Israël, mais l’ordre de grandeur est voisin et se trouve nettement au-dessous du seuil minimum de 500 m³ d’eau par habitant et par an défini par l’ONU.

Néanmoins, Israël n’est pas du tout un pays pauvre. C’est un pays qui s’est développé et dans lequel on parvient à cultiver et vivre dans de très bonnes conditions, malgré les faibles quantités d’eau à disposition mais en appliquant les méthodes adaptées.

Crises locales de l’eau même en France !
En Allemagne, Syrie, Liban, France, la quantité optimum d’eau définie par l’ONU est plus ou moins à disposition. Encore que la France rencontre parfois des crises locales d’eau. En effet, l’eau ne se trouve pas toujours disponible au bon endroit, au bon moment. Il faut alors la transporter ou la gérer de façon différente.

La situation est encore plus complexe en zone de pénurie, et le Moyen-Orient comme le Proche-Orient sont des zones de pénurie d’eau depuis l’Antiquité.

La première guerre mentionnée dans la Bible est celle entre les bergers d’Abraham et ceux d’Abimelekh pour le contrôle du puits de Beer-Shev’a.

Les deux chefs se sont vite rendu compte que la guerre ne menait à rien et se sont entendus pour faire une exploitation en commun pour le bien-être de leurs peuples.

Seule la technologie partagée permet de surmonter la pénurie naturelle !

Cette constatation fait partie de l’éthique du développement durable mis sur pied par les Israéliens.

L’exploitation de toute nouvelle technologie commence par un partage de cette même technologie.

Les Israéliens, sur ce point, ont une vision complètement opposée à la protection de leurs propres inventions. Le progrès se fait, tout naturellement, par la course en avant, le partage et l’innovation permanente.

L’eau n’est pas une marchandise comme les autres, et il est très important de le comprendre dans la gestion de cette richesse. Ce n’est pas vrai seulement en zone de pénurie, c’est vrai un peu partout.

L’eau, un produit comme un autre ?
En fait, si l’eau n’est pas une marchandise comme les autres, il n’en est pas moins vrai que l’eau est une marchandise, un produit industriel, qui doit être traité et purifié avant d’être mis sur le marché.

En même temps, l’eau est la seule ressource naturelle de la planète qu’il est impossible de remplacer.

Sans eau, il n’y a, tout simplement, pas de vie, et rien qui puisse la remplacer !

Donc la production et la distribution de l’eau impliquent un certain nombre de considérations techniques, mais aussi juridiques, administratives, sociologiques, et de marché.

Exemple des contraintes sociologiques
Dans toutes les religions, monothéistes en particulier, l’eau est un don de Dieu ! Or, un don de Dieu ne peut pas se monnayer ! Certaines populations ne comprennent donc pas qu’on fasse payer l’eau.

Mais ce qu’on leur fait payer n’est pas l’eau, c’est

  • tout le travail nécessaire pour la purifier
  • la mettre aux normes de santé acceptables
  • et la transporter jusque chez le consommateur.

La Compagnie Palestinienne des Eaux a beaucoup de difficultés à obtenir le règlement de ses factures d’eau car, sociologiquement, ce n’est pas acceptable pour sa population.

Ceux qui, comme l’Agence Française du Développement, sont venus pour aider l’Autorité Palestinienne à mettre en place des moyens, en particulier en modernisant son réseau d’adduction d’eau, ont contourné le problème et mis en place des systèmes d’approvisionnement d’eau commandés par des compteurs à prépaiement.

Compteurs à prépaiement
Il faut donc mettre de l’argent dans le compteur pour qu’il puisse délivrer de l’eau.

Bien évidemment, aujourd’hui le paiement se fait par Internet à l’aide de cartes de crédit.

Le système fonctionne maintenant très bien et, aujourd’hui, la Compagnie Nationale des Eaux qui dépend de l’Autorité Palestinienne dispose de ressources qui lui permettent de réinvestir et de moderniser son réseau. Cette modernisation du réseau est extrêmement importante parce que, traditionnellement, dans tous les réseaux d’adduction d’eau existant dans les pays avancés comme la France, l’Allemagne, les États-Unis, ou ailleurs, on constate énormément de pertes.
Diapositive8.JPGTrente pour cent de pertes dues aux fuites !
En moyenne, dans les pays avancés, on considère que 30 % de l’eau extraite pour mise à disposition par les réseaux habituels est perdue à cause de fuites, notamment au robinet ou dans les réseaux de canalisations. Il faut réparer ou colmater, sans fermer le réseau pendant ce temps.

En 2000, ce problème a conduit les Israéliens à développer énormément de nouveaux procédés au moment où ils se sont lancés dans leur politique active de développement durable dans ce domaine, car le réseau d’adduction d’eau en place datait en grande partie de l’époque du mandat britannique. Il n’avait jamais vraiment été modernisé, et son taux de perte était d’environ 40 %. Il est toujours de 40 % du côté palestinien puisque le réseau n’a encore que très peu été amélioré à ce jour, alors que les pertes constatées après modernisation du réseau israélien sont aujourd’hui de moins de 10 %.

Pour comparaison, en France, aujourd’hui, on constate toujours 30 % de perte pour des problèmes d’adduction.

Ces exemples montrent qu’on ne peut pas toujours gérer les choses de la même manière d’un pays à un autre.

Marché de l’eau
L’eau a un prix qui doit refléter le prix réel de la mise à disposition au public d’une eau de qualité. Pour cela, on doit payer le prix réel.

Pourtant, jusqu’en 2000, l’eau a été subventionnée pour les agriculteurs. Ensuite, on a basculé vers une réalité du prix du marché, vers une réalité du prix de l’eau. Ainsi, aujourd’hui, la facture d’eau est quelque chose de significatif tant pour les Israéliens que les Palestiniens. Tous sont obligés de payer le prix réel de production et de distribution de l’eau qu’ils utilisent.

De ce fait, les usagers font attention. Faisant attention, ils arrivent tout naturellement à ce qui est une des principales ressources en eau : les économies ainsi réalisées.

Origines de l’eau douce
Les origines naturelles sont le lac de Tibériade, les nappes phréatiques côtières partagées entre Israël et Gaza, la nappe phréatique de montagne partagée entre Israël et l’Autorité Palestinienne, auxquelles s’ajoutent le ruissellement des pluies et le drainage agricole, quand il pleut sur les récoltes et qu’elles peuvent consommer cette eau.

La carte suivante permet de comprendre ce que signifie le terme de « partagé ». Voilà la situation de l’aquifère côtier, de celui des montagnes et du lac de Tibériade.

L’aquifère des montagnes était, pendant longtemps, la principale source d’eau potable à la fois pour les Israéliens et pour les Palestiniens.

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Aquifères

Aquifère des montagnes
Historiquement, cet aquifère des montagnes était essentiellement exploité par les effluents qui sortent de cette nappe phréatique. Ce sont donc des rivières, et 90 % de ces rivières vont vers la mer Méditerranée. Leurs sources apparentes, c’est-à-dire les lieux précis où l’eau sort du sol et atteint la surface vers ces rivières, se trouvait entièrement à l’intérieur des frontières d’Israël de 1967.

Donc, théoriquement et historiquement, elles avaient été mises en exploitation par les Israéliens et les Juifs d’avant l’indépendance, parce que toute la zone côtière entre Tel-Aviv et Haifa était une zone marécageuse dans laquelle régnait la malaria et où toutes les tentatives d’implanter des populations en provenance de la diaspora avaient échoué, entre la fin du dix-neuvième et le début du vingtième siècles.

Néanmoins, cet aquifère des montagnes est essentiellement partagé en trois zones :

  • La partie occidentale, surtout exploitée par les Israéliens ;
  • La partie centrale, exploitée en partie par les Israéliens et surtout par les Palestiniens ;
  • La partie nord très peu exploitée, vers la vallée entre Haïfa et le lac de Tibériade. Cette partie nord est, en fait, sous-exploitée aujourd’hui, et cette capacité potentielle est réservée à l’Autorité Palestinienne. Cependant, elle se trouve à une grande profondeur et demande donc des investissements très importants.
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Aquifères détail

Risques de pollution…
Cet aquifère de montagne est aussi celui qui présente le plus de risques de pollution car les accords de Tabah prévoient que chacune des entités doit traiter ses eaux usées avant de les rejeter dans la nature. Un certain nombre d’usines de traitement des eaux usées ont été construites pour l’Autorité Palestinienne, essentiellement avec l’appui de l’Europe, du Japon et du Canada. Cependant, seule l’une d’entre elles reste en fonction aujourd’hui. Les autres sont soit complètement abandonnées, soit productrices d’une eau très mal traitée.

La raison en est que le traitement des eaux usées est d’une technique complexe. Les eaux usées sont porteuses d’une matière organique naturelle, c’est-à-dire qui varie sans arrêt. Il est donc impossible de prévoir au départ un mode de fonctionnement et des réglages immuables pour chaque usine.

Il faut, chaque jour, faire effectuer des analyses et des contrôles par des techniciens bien formés, et adapter le traitement des eaux en fonction des résultats de ces analyses. Si ce travail de maintenance et d’évolution n’est pas fait, les usines ne remplissent pas leurs objectifs et l’eau ne sort pas du tout aux normes indispensables.

et de sur-pompage
Il y a un second problème, celui du sur- pompage de ces nappes phréatiques à partir de puits clandestins. Normalement, ces puits clandestins devraient être contrôlés par l’Autorité Palestinienne, mais elle n’y met pas les ressources nécessaires pour contrôler, vérifier et éventuellement sanctionner ces écarts.

On estime aujourd’hui qu’il y a environ quatre cents de ces puits clandestins en activité.

Cette évaluation est faite par les O.N.G. spécialisées dans le domaine.

Le cas dramatique de Gaza
Les chiffres sont connus : l’eau disponible à Gaza est de 60 à 100 m³ par habitant et par an alors que les besoins minimum évalués sont du double et que l’eau actuellement consommée l’est à plus de 70 % par l’agriculture.

Et un phénomène aggrave encore cette situation : La loi qui est applicable à Gaza n’est pas un héritage de la loi britannique, laquelle s’applique en Israël comme en Cisjordanie – et aussi en Jordanie,. Cette loi britannique qui régit la gestion des eaux dispose que le propriétaire du sol n’est pas le propriétaire du sous-sol. Le propriétaire du sous-sol reste l’État qui, lui, octroie des licences d’exploitation.

En revanche, à Gaza, c’est une loi égyptienne qui est en vigueur. Et, selon cette loi, le propriétaire du sol a également la propriété du sous-sol, ce qui veut dire que chaque agriculteur peut creuser un puits dans son jardin et retirer autant d’eau qu’il peut en tirer. Cela entraîne des sur-pompages de la nappe phréatique. Cette nappe phréatique est très proche du bord de mer, ce qui a pour conséquence des infiltrations d’eau de mer importantes qui font qu’aujourd’hui 70 à 80 % des puits de Gaza donnent une eau impropre à la consommation. C’est ainsi la zone au monde où il y a le plus grand pourcentage de bébés bleus, par exemple, situation dramatique dont l’urgence, espérons-le, sera enfin prise en compte.

Diapositive11.JPGOn parle aujourd’hui de construire une nouvelle usine de dessalement de l’eau de mer. Celle-ci viendra combler les besoins de la population. En fait, les Israéliens se trouvent face à un dilemme : d’un côté, les accords conclus avec l’Autorité palestinienne ne prévoient pas de fournir de l’eau à Gaza, d’autant plus que Gaza a été prise en main par le Hamas. Mais d’un autre côté, ils se sentent obligés de le faire pour ne pas qu’on les accuse d’être responsables de cette situation. Alors qu’en fait, ils n’ont rien à dire, ni rien à faire, puisque le territoire est entièrement géré par le Hamas.

LES SOLUTIONS ANTI-PÉNURIE MISES EN PLACE EN ISRAËL
Les chiffres : le volume d’eau fraîche disponible naturellement est toujours le même, soit 1500 millions de mètres cubes par an globalement, ce qui n’est qu’une moyenne ; il y a des années, où on descend à 1300 millions, d’autres où on peut monter jusqu’à 2000 millions. Mais 1500 est à peu près la moyenne.

  • En Israël les eaux usées sont recyclées aujourd’hui à environ 85 % (détail plus bas) ;
  • Les eaux de ruissellement et les eaux saumâtres représentent une source importante ;
  • et enfin l’eau de mer dessalée a atteint, cette année, une capacité de 650 million de mètres cube par an. Avec un tel volume, Israël peut effectivement passer des années difficiles comme cette année sans que cela n’affecte la population.

Usages de l’eau
Agriculture : C’est le principal besoin. Il s’est produit un basculement du jour au lendemain de la gestion de l’eau en Israël dans les années 2000. Auparavant, l’eau pour les agriculteurs était très subventionnée. Pratiquement, ils la payaient à un prix dérisoire. Du jour au lendemain, on est passé à un prix réel pour cette eau, et avec des quotas. L objectif actuel c’est de les descendre et d’arriver à ce que l’agriculture ne consomme plus que de l’eau recyclée et plus aucune goutte d’eau naturelle, exceptée la pluie. Ces directives et mesures vont amener cette consommation à moins de 40 % de la consommation totale.

  • Eau domestique: la consommation augmente avec le niveau de vie, et l’accroissement de population.
  • Besoins de l’Industrie: ils sont, quant à eux, à peu près stables.
  • Prise en compte des écosystèmes: Et puis, enfin, depuis 2000, on prend en compte des besoins des écosystèmes naturels qui étaient jusque-là ignorés. Les écosystèmes naturels fournissent des services dans le domaine de l’eau que l’on connaît aujourd’hui. On s’est rendu compte que ne pas tenir compte des écosystèmes, c’est-à-dire ne pas les préserver, coûtait finalement extrêmement cher à l’ensemble de la société. Sans compter le plaisir, la beauté pour le tourisme. Les citoyens sont de plus en plus demandeurs dans ce domaine, et on en tient maintenant compte dans la gestion globale de l’eau.

Développements selon trois axes principaux :

– les économies
Cela représente le domaine majeur dans lequel on peut aller puiser.

– le recyclage de toutes les eaux usées
Aujourd’hui l’objectif est d’arriver à 100 % de recyclage des eaux usées.

– l’augmentation des ressources

  • On parle ici de dessalement de l’eau de mer;
  • Mais également de l’utilisation d’eau saumâtre pour l’agriculture ;
  • Et aussi de beaucoup d’autres solutions comme la création de barrages pour canaliser et stocker l’eau dans le désert quand il y a de grandes pluies : il est impératif de ralentir cette eau qui arrive brutalement par la pluie, et la canaliser, car sinon elle pénètre dans le sol ou s’évapore très vite sans atteindre les nappes phréatiques.
  • D’autres économies se trouvent dans l’élimination des fuites, ou encore à la sensibilisation de la population à l’auto-responsabilité individuelle.
  • Lutte contre les fuites grâce à des réseaux intelligents ;
  • Canalisations Mer Rouge – Mer Morte et Haïfa – Vallée du Jourdain.
Diapositive31 Canal de la Paix
Canal de la Paix

Quelques outils mis en œuvre
On trouve ici des programmes d’information, de matraquage médiatique, réutilisés année après année. Cela commence par le jardin d’enfants : on ferme le robinet pendant qu’on se lave les dents, et on donne aux enfants des dispositifs de type économiseur d’eau du robinet à rapporter aux parents, les faisant ainsi participer aux économies dans la maison.

Équilibrage des consommations par secteur. Essentiellement, les quotas sont destinés à l’agriculture et à l’industrie.

Recyclage par des technologies de pointe dans les eaux de ruissellement, dans les constructions écologiques. À titre d’exemple, certains immeubles ne consomment plus d’eau venant de l’extérieur. Ils recyclent complètement l’eau qui est utilisée à l’intérieur (douches, laves linge…) et appelée « eau grise ». Or il existe des moyens de recycler ces eaux grises, pour l’arrosage des jardins, et bien sûr pour l’agriculture où le goutte-à-goutte est généralisé à peu près partout en Israël.

Et les Palestiniens ?
Malheureusement ces techniques ne sont pas utilisées par les Palestiniens, alors que, justement, ce sont des Palestiniens qui, après avoir été instruits en Israël, vendent leurs techniques et leurs capacités à l’étranger.

Ce sont les techniciens palestiniens qui généralisent la technique du goutte-à-goutte dans les pays arabes, alors qu’ils ne l’utilisent pas dans leur pays. Cela est aussi dû à la manière dont sont taxés les agriculteurs en Cisjordanie, qui ne favorise pas les investissements puisque ceux-ci n’y sont pas défiscalisés, comme en Israël ou dans d’autres pays. Une politique qui permettrait d’économiser de l’eau serait bien sûr une politique bien plus intelligente.

Réhabilitation des sols et des rivières
Les rivières d’Israël sont en cours de réhabilitation. Il y a un savoir-faire acquis maintenant et qui s’exporte : l’Inde par exemple demande à Israël de venir « nettoyer » le Gange ou d’autres rivières qui en ont bien besoin.

Autre exemple, le Yarkon, la rivière qui traverse Tel-Aviv : une anecdote tragique à propos du Yarkon, dans les années 1980.  Tous les quatre ans, sont organisées « les Maccabiades », une compétition sportive pour les Juifs du monde entier. Une année, le village olympique était construit d’un côté du fleuve, le stade et les équipements sportifs étant de l’autre côté. Une passerelle qui enjambait le fleuve s’est effondrée sous le poids des athlètes, qui sont alors tombés dans le Yarkon. Les athlètes ont rejoint le bord, mais deux personnes sont mortes, non pas à cause de chocs mais par noyade et par empoisonnement tant la rivière était devenue polluée. Aujourd’hui, c’est de nouveau une rivière sur lesquels les parents laissent leurs enfants aller faire du canot sans danger. La municipalité de Tel-Aviv a pour objectif que l’on puisse s’y baigner d’ici quelques années. Voilà donc un domaine auquel on ne pense pas forcément et où il faut agir.

Sur le plan individuel, pour les jardins privés, des articles indiquant des moyens économiques pour arroser sont publiés sur des sites internet.

Diapositive32 Canal Mer rouge-Mer morte
Canal Mer Rouge-Mer Rouge

Israël met ses techniques à disposition de tous
Il faut bien savoir que les techniques de recyclage de l’eau mises au point par les Israéliens sont disponibles gratuitement pour les techniciens jordaniens et les techniciens palestiniens. Chaque année, ils sont formés au même titre que les Israéliens, dans les mêmes écoles avec les mêmes professeurs et avec les mêmes diplômes. Donc les compétences ne manquent pas.

Aujourd’hui ces compétences ne sont malheureusement pas utilisées en Cisjordanie. Par contre, elles le sont de plus en plus en Jordanie, qui a mis en place le programme ambitieux dans ce domaine de rattraper le niveau israélien aussi rapidement que possible. Le plus gros problème restant bien sûr les soutiens financiers à rassembler.

L’objectif d’Israël est de retourner 100 % de ses effluents pour l’agriculture. Les boues sont pratiquement toutes traitées et ne sont plus rejetées en mer.

Récupération des eaux de ruissellement : elle se fait deux de manières :

  • Près de quatre cents réservoirs disséminés dans tout le pays recueillent les pluies dont la saison en Israël dure quatre mois par an. Les autres huit mois, presque rien ne tombe. D’où l’importance de récupérer cette eau pour l’utiliser tout au long de l’année. En revanche, les eaux de ruissellement des villes sont extrêmement polluées et doivent donc être traitées par des méthodes biologiques avant de les réinjecter dans les nappes phréatiques.
  • Diapositive24 Forêt de Yatir (Néguev)
    Forêt de Yatir (Néguev)

    Une autre méthode de récupération consiste à canaliser les eaux de pluie et les amener dans les racines des arbres. Une forêt a ainsi été plantée dans le Néguev sans l’aide d’un autre système d’irrigation. Il s’agit en fait d’une vielle technique des Nabatéens, mise au point il y a 2000 ans, qui leur permettait de vivre avec des moyens autonomes dans le désert. Ainsi pouvaient subsister des villes de trente à quarante mille habitants.

Le dessalement
Cinq usines sont en fonctionnement aujourd’hui, une sixième usine est prévue et clôturera le plan prévu.

DROIT APPLICABLE POUR L’EAU
Aujourd’hui il n’y a pas, à proprement parler, de Droit international concernant l’eau. Mais il commence à y avoir un certain nombre de règles.

Sans entrer dans le détail, les règles les plus contraignantes sont celles des traités de paix signés entre des entités qui partagent le même bassin ou cours d’eau :

  • La Jordanie et Israël ont signé des accords de paix (1999), puis des accords complémentaires depuis, pour le partage de l’eau et des ressources conjointes concernant le Jourdain et le lac de Tibériade essentiellement.
  • Accord informel israélo-palestinien de 1993-5 Oslo et Tabah

Autre série de règles telles que :

  • droit historique et coutumier, c’est-à-dire le droit de ceux qui ont utilisé auparavant les ressources quelles que soient leurs origines ;
  • droit des riverains, c’est-à-dire des États bordant un lac ou une rivière dont les sources ou une partie du cours sont extérieures à leur territoire ;
  • règles juridiques internationales
    Helsinki 1966 puis convention en 1992 ;
    – Traité de Bellagio en 1989 et convention de New-York en 1997
    – Règles Séoul et propositions de Genève établies par l’Association de Droit International et la Commission de loi internationale de l’ONU ;
  • plan Lowdermilk (1944) qui a été adopté par la Société des Nations avant la 2ème guerre mondiale, et qui a été remis au goût du jour en 1944. Ce plan américain pour l’exploitation du bassin du Jourdain au profit des populations arabes de la Transjordanie, puisque tel était le nom à l’époque de l’actuelle Jordanie, et de l’entité nationale juive, qui est devenue l’État d’Israël. Ce plan a été développé par un hydrologue américain envoyé au Moyen-Orient par la SDN. Il a défini comment ces ressources en eau de la nappe phréatique, du lac de Tibériade devaient aller à chacune de ces populations. Les Israéliens se sont obligés à respecter ce plan, à partir du moment où l’État a été créé en 1948, bien que le plan n’ait jamais été accepté ni par les Palestiniens, ni par les Jordaniens, ni par aucun des pays arabes à l’époque. Mais en Israël, ce plan a force de loi.

Quelques propositions de lois commencent à émerger à la Commission Internationale de Loi de l’Eau de l’ONU. Elles n’ont pas encore force de loi dans la mesure où peu de pays les ont déjà signées. La plupart des pays occidentaux dont Israël se sont pourtant obligés à respecter ces lois, basées essentiellement sur le partage équitable des ressources. LR

* Norbert Lipszyc, est ingénieur des Mines, Master of Science de Columbia University , il a longtemps été chargé de l’innovation chez un géant de l’informatique et correspondant en France d’ONG environnementales américaines, anglaises et israéliennes

image005Voir également :
http://crisedeleau.info/
« La gestion de l’eau en Israël un apartheid ? » Quelques rappels factuels

Israël la mer à boire (Les Échos) 

Un commentaire

  1. QUE D’EAU, QUE D’EAU…..
    C’est, parait-il, ce que n’arrêtait pas de répéter un président de la 3e République, n’ayant rien d’autre à exprimer, en visitant les zones inondées d’une région française.
    C’est également ce que je subis depuis une quarantaine d’années lorsque je m’intéresse à une conférence, une documentation ou une information au sujet d’Israël. Bien sûr cela ne concernait pas que l’eau : la société socialiste, le kibboutz, la Histadrout. Puis, avec la victoire de l’économie de marché, ça a été la nation start-up, l’égalité hommes-femmes, Juifs-Arabes, les homosexuels, etc…
    Bref cet Etat Parfait ne réussit pas à être accepté par les forces dominantes de la région. Hier le socialisme panarabe, aujourd’hui les islamismes de tout acabit. Tout comme le Juif parfait faisait enrager ses voisins européens par sa réussite économique.
    En fait celui qui résumait le plus concrètement la situation fut le rabbin Meir Kahana : « maintenant c’est ton jardin, hier c’était mon désert ». Il fut assassiné par un nationaliste arabe, à New-York, sans que les services secrets israéliens n’assurent la protection, due à un homme politique israélien en mission à l’étranger.
    Pourtant, il y a une autre manière d’aborder les relations avec le monde arabe et un exemple nous a été fourni par les intervenants de cette conférence. Incidemment (presque en s’excusant) nous apprîmes qu’aucune usine de dessalement de l’eau de mer ne sera construite à Gaza parce que deux familles gazaouies tiennent le marché de la distribution d’eau.
    Quelle est intéressante l’info ! Pourtant, inexplicablement, personne ne l’exploite. Ni le gouvernement israélien qui n’exige pas la construction de cette usine, faute de quoi certaines fournitures ne seraient plus assurées. Ni les organisations chargées de la défense d’Israël n’exploitent idéologiquement cette situation.
    Pourtant le lien entre économie maffieuse et intransigeance politique ne fait aucun doute. Il est vrai qu’il est moins risqué de combattre implacablement un régime écrasé il y a soixante-dix ans par l’Armée Rouge de Joseph Staline.

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