L’Histoire enseigne, les hommes n’apprennent pas leurs leçons

bomb.jpgPar Liliane Messika*

Cela commence par une histoire drôle : l’organisation Ican (« jepeux », en français) vient d’obtenir le Prix Nobel de la paix 2017.

Pourquoi est-ce une histoire drôle ?

Il y a plusieurs réponses.

1- Le précédent Obama
Le 9 octobre 2009, le prix Nobel de la paix avait été attribué au président américain, élu huit mois plus tôt « pour ses efforts extraordinaires en faveur du renforcement de la diplomatie et de la coopération internationales entre les peuples ».

Euh, efforts extraordinaires ?

Oui, étymologiquement, mais anachroniquement : il n’est pas ordinaire que le président d’un des pays les plus puissants du monde octroie la possibilité d’acquérir la bombe atomique à un adversaire ouvertement acharné à le détruire.

C’est pourtant ce qu’a accompli le Nobel 2009 tout au cours de ses deux mandats, signant avec l’Iran un traité léonin… mais c’est son ennemi qui jouait le rôle du roi des animaux.

Le comité Nobel avait accordé cette haute distinction à un tout nouvel élu dont le principal mérite était à cette époque, justement cette élection, obtenue malgré… ou grâce à la couleur de sa peau.

Dans le cadre des Nobel de la paix octroyés à contre-emploi, on ne peut s’empêcher de comparer l’inefficacité d’Obama avec celle du cru 2017.

2- Que peut Jepeux ?
Ican n’est pas une organisation, mais une campagne.

La différence entre les deux est question d’organisation. C’est la même qu’entre Al Qaida ou Daesh et les individus qui s’en revendiquent pour foncer dans la foule au volant de leur voiture, ou pour poignarder un enfant qui passe dans la rue.

Autrement dit, Jepeux inspire et les organisations qui s’en revendiquent font ce qu’elles peuvent pour proscrire un jour les armes nucléaires de la planète, c’est-à-dire pas grand’ chose.

Pourtant, elles ont obtenu qu’un traité d’interdiction des armes nucléaires soit ouvert à la signature au siège de l’ONU le 20 septembre 2017.

Quarante quatre États l’ont immédiatement signé.

Ce traité vient en complément, explique l’ONU sur son site Internet, du « Traité de non-prolifération des armes nucléaires, entré en vigueur en 1970, qui vise à éviter que la fabrication d’armes nucléaires se répande dans le monde, ainsi que {du} Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), ouvert à la signature en 1996, mais toujours pas entré en vigueur. »

pacifistes_et_musulmans.jpgÉtat des lieux : à des lieues de la disparition des bombes atomiques
On récapitule : un traité qui interdit de fabriquer des armes nucléaires est en vigueur depuis 77 ans, l’âge maximum pour lire Tintin au pays des soviets et Tintin au pays de l’or noir. Dommage, car ce sont des pays lourdement investis dans la fabrication des armes nucléaires…

Un autre traité qui interdit les essais nucléaires a été ouvert à la signature il y a plus de 20 ans, en 1996, mais il n’est pas encore entré en vigueur, c’est-à-dire qu’il n’est toujours pas applicable.

Neuf (9) pays possèdent l’arme atomique et un dixième est en voie d’y parvenir dans les prochains mois. L’ONU estime à environ 15 000 le nombre d’ogives nucléaires disponibles dans le monde.

Jusqu’à présent, un bilan nul à somme positivement négative
53 États ont maintenant signé le traité d’interdiction des armes nucléaires. Parmi eux, aucun n’en possède.

Autrement dit, parmi ceux qui n’ont pas la bombe atomique, certains s’interdisent d’essayer de l’obtenir.

En revanche, tous ceux qui l’ont sont bien décidés à la garder comme dissuasion, et ils ne s’interdisent pas de l’utiliser au cas où cela s’avèrerait nécessaire.

Ce qui va sans dire va encore mieux en le disant, aucun d’entre eux n’a signé le traité.

La République Démocratique de Corée du nord a procédé à un essai nucléaire précisément le mois où a été signé le traité d’interdiction, ce qui a provoqué la colère du président américain. Donald Trump ne faisant pas les choses à moitié, il a menacé les « démocrates » nord-coréens de détruire leur pays.

Et que croyez-vous qu’il arriva ? C’est Trump que le secrétaire général de l’ONU gronda : « des paroles incendiaires peuvent mener à des malentendus fatals ». Et les bombes nucléaires, elles peuvent mener à la concorde universelle ?

« Le pacifisme est à l’ouest et les euromissiles sont à l’est »
C’est en 1983, à Bruxelles, que Mitterrand a prononcé cette phrase, ajoutant : « Je pense qu’il s’agit là d’un rapport inégal ».

On chercherait en vain un euphémisme plus percutant pour décrire, d’un côté, un belligérant doté de l’arme la plus puissante du monde et, face à lui, un mouvement qu’il pilote pour inciter son adversaire à refuser de se battre.

idiot.jpg
Désarmement unilatéral

Entre les deux guerres, l’Allemagne s’était relevée de sa faillite en lançant un programme d’armement tous azimuts, pendant que la France renforçait sa ligne Maginot le long de ses frontières, préparant la cuisante défaite de 1940.

La fin de la deuxième guerre mondiale a marqué un changement d’axe et de degré : la guerre froide opposait deux conceptions du monde, la démocratie américaine et l’impérialisme soviétique.

L’utilisation des idiots utiles pour le désarmement unilatéral est à porter au crédit de l’URSS. C’est à travers le parti communiste français qu’elle commença son offensive et il faut souligner à la fois l’intelligence du concept visant à désarmer l’adversaire de l’intérieur et son originalité, car jusque-là, l’instinct de survie prévalait.

Il faut être deux pour faire la paix, mais un seul suffit pour lancer la guerre
Les pacifistes pour qui « tout vaut mieux qu’une guerre » sont aussi ceux qui menacent l’État islamique de lui refuser leur haine. Ouh la la, qu’est-ce qu’ils doivent être frustrés, les djihadistes !

Frustré, Jean-Marie Collin, porte-parole de Ican France, admet l’être : quand on lui fait remarquer que les pays possesseurs de l’arme nucléaire n’appliqueront pas le nouveau traité et qu’ils n’ont même pas l’intention de le ratifier, il répond que « c’est le plus frustrant. Ceux qui possèdent l’arme nucléaire refusent d’en parler ! » (Voir ici).

Gageons que si Israël en parlait à l’Iran, la République islamique abandonnerait tout projet de destruction de l’État juif. De la même façon, si les États-Unis en discutaient gentiment avec la Corée du nord, cette république démocratique renoncerait immédiatement à ses projets belliqueux.

Le ridicule tue encore
Cette attitude bienveillante face à la barbarie est assez répandue dans les sociétés occidentales trop bien nourries. Il est devenu coutumier de répondre par des lancers de ballons et des allumages de bougies aux attentats meurtriers commis par des fanatiques décidés à extirper liberté et plaisir de la société française.

Logo Liliane MessikaNous semblons n’avoir rien appris de la leçon que l’histoire s’obstine à nous donner : rien ne sert de mourir, il faut répondre à point. Contre le nazislamisme, comme naguère contre le nazisme tout court, les nounours en peluche ne sont pas une arme, juste un aveu de faiblesse. Vis-à-vis d’un ennemi dont le seul mode relationnel est le rapport de force, cela confine au masochisme. LM♦

* Liliane Messika est écrivain (http://www.lili-ecritures.com/)

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