« L’antisionisme en question »

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Par Jacqueline Cuche
Présidente de l’AJCF

Conseil National de
l’Amitié Judéo-Chrétienne de France
le 7 janvier 2018

La Présidente de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France, Madame Jacqueline Cuche, comme un certain nombre d’entre nous, a depuis longtemps compris que les déclarations d’antisionisme servent (trop) souvent à masquer un antisémitisme que certains assument (généralement en privé) alors que d’autres ne parviennent même pas à s’avouer à eux-mêmes.
C’est un débat qui reste vaste, même si les tribunaux ont tranché en déclarant que les deux mots recouvrent la même haine et les déclarations d’antisionisme aussi illégales que celles d’antisémitisme..
Cependant, quand la rue crie : « Mort aux Juifs ! », qui la sanctionne ?
Néanmoins, il n’est pas impossible de débattre dans le calme de ce qui interpelle les uns et les autres.
Nous rejetons trop souvent la pensée unique que les médias tentent de nous imposer pour ne pas regarder les choses sous l’angle de ceux qui ne pensent pas comme nous.
« Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser tu m’enrichis ! » écrivait Saint-Exupery.
L’antisionisme était au cœur du discours de Madame Jacqueline Cuche en ouverture de la partie réservée aux Présidents des diverses AJC de France. Le débat qui a suivi fut très riche et tous ont pu s’exprimer.
Vous trouverez ci-joint le texte de ce discours qu’elle a bien voulu nous confier.
Jean-Jacques Hadjadj

Chers amis,

C’est une joie pour nous de trouver ici, pour la première fois, au Centre Edmond Safra, et je tiens à exprimer mes plus vifs remerciements à nos hôtes, et d’abord, de loin, à M. Marc El Nouchi, Président de la Synagogue ENIO, qui se faisait une joie de nous accueillir mais est resté bloqué à New York par une tempête de neige. Je veux remercier aussi le directeur du Centre Safra, M. Ariel Danan, et peut-être plus particulièrement M. Gérard Sfez, administrateur de ce Centre, qui a vraiment fait des pieds et des mains pour nous recevoir au mieux, en trouvant les salles adaptées à nos exigences (un nombre de participants moindre le matin, plus nombreux l’après-midi, un repas à accueillir), alors que deux circoncisions s’ajoutaient au dernier moment, auxquelles il était bien naturel que la communauté ENIO donne la meilleure place. Nous sommes aussi pleins de gratitude envers notre grand ami Armand Abécassis, qui a si bien plaidé notre cause auprès de la Synagogue ENIO et du Centre Safra. C’est grâce à lui surtout que nous sommes ici.

Je voudrais aussi remercier pour leur présence, même si je le redirai cet après-midi en les présentant, le Pr Denis Charbit et le fr. Louis-Marie Coudray, qui tous deux ont bien voulu se joindre à nous dès ce matin pour pouvoir cet après-midi encore mieux répondre à nos questions et à nos attentes. Je les remercie donc vivement de nous donner tant de temps aujourd’hui.

Avant d’en venir au sujet qui nous occupe, je voudrais vous souhaiter à tous une bonne année 2018, en espérant vraiment qu’elle sera, en France et en Israël, mais aussi dans le monde, une année plus fraternelle, où la paix et la solidarité progresseront et qui apportera à chacun la lumière dont il aura besoin pour éclairer son chemin et lui offrir chaleur et réconfort.

ajcf

70ème anniversaire de l’Amitié Judéo-Chrétienne
Pour l’Amitié Judéo-Chrétienne de France l’année 2018 sera, vous le savez, riche en événements heureux, puisque nous y célébrerons le 70e anniversaire de notre fondation, et cela de différentes façons : le 5 mars, au cours d’une soirée festive avec les témoignages de personnalités importantes (le grand Rabbin Korsia, Mgr d’Ornellas, le Président Clavairoly, Mgr Emmanuel pour les Églises orthodoxes) et avec de nombreux et joyeux intermèdes musicaux grâce à la présence de deux chorales juive et chrétienne ; les 10 et 11 mai lors de notre Assemblée Générale, en revisitant l’histoire de l’AJCF des origines à aujourd’hui et en essayant de répondre aux nouveaux défis qui s’offrent à nous. Et une autre fois encore, durant une semaine fin octobre, en nous rendant ensemble, pour ceux qui le pourront, en Israël, sur les lieux mêmes qui sont les lieux fondateurs de nos deux traditions, pour mieux nous comprendre les uns les autres, et partager cet attachement, à la fois semblable et différent.

… et 70ème anniversaire de l’État d’Israël
Mais il est un autre anniversaire qui sera célébré cette année, et particulièrement en Israël : la proclamation de son indépendance, il y aura aussi 70 ans (l’AJCF et l’État d’Israël ont été fondés tous deux en mai 1948, à une semaine d’intervalle). Quelle que soit devenue par la suite la complexité de la situation engendrée par ce grand événement, l’AJCF ne pourra pas ne pas partager et la joie et les espoirs de ses amis juifs.

C’est justement d’Israël que nous allons parler aujourd’hui.

Lors de notre Conseil National de l’an dernier (nous étions alors reçus par le MJLF et son rabbin Yann Boissière), nous avions mis au programme de notre rencontre « sionisme et antisionisme », mais nous en sommes finalement restés au 1er terme, ce qui avait eu largement de quoi alimenter notre réflexion.

Aujourd’hui, c’est sur l’antisionisme lui-même que nous voulons centrer notre réflexion. Toujours dans le but, qui est celui de tout Conseil National, d’aider les présidents de groupes, mais plus largement les membres de l’AJCF (qui sont, je le redis, tous invités), à mieux répondre à notre mission.

Ce matin, comme à l’accoutumée, nous serons entre nous pour échanger sur ce sujet, et à cette intention, comme l’an dernier, je vous ai envoyé un petit questionnaire, à partir duquel si vous le voulez bien – mais cela n’a rien d’obligatoire – nous pourrons commencer notre échange.

Mais en préalable à cet échange je voudrais ajouter quelques réflexions rapides, qui pourront peut-être aussi orienter notre réflexion.

D’abord rappeler la solidarité de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France avec la communauté juive, et avec tous les juifs quels qu’ils soient, quelle que soit leur tendance, orthodoxe, libérale, massorti ou laïque (car, je le disais l’an dernier, ce n’est certainement pas à l’Amitié Judéo-Chrétienne de France, et encore moins à ses membres chrétiens de choisir parmi les juifs, en décernant des certificats de bonne judéité), une solidarité totale, conséquence naturelle, logique de cette amitié que nous avons scellée il y a 70 ans. Car c’est une amitié qui engage : c’était le titre choisi par nos amis protestants lors de la belle cérémonie organisée par la Fédération Protestante de France le mois dernier, lorsque le Président Clavairoly remettait au Grand Rabbin de France la déclaration affirmant cette amitié qui doit nous unir, quel qu’ait pu être notre passé et quelles que soient les situations que nous traversons les uns et les autres.

Une amitié qui nous engage, nous le savons, à combattre l’antisémitisme, et c’est un combat qui semble ne jamais devoir cesser. Déjà en 1947, alors que commençaient à être révélées au monde les horreurs de la Shoah, une révélation qui aurait dû entraîner une honte incommensurable, et surtout le reflux, la disparition même de l’antisémitisme, en 1947 donc, le philosophe Jacques Maritain écrivait dans une lettre envoyée aux participants de la Conférence de Seelisberg, à laquelle il ne pouvait se rendre : « Dans beaucoup de pays de l’Ancien et du Nouveau Monde, l’antisémitisme est en croissance, et la leçon d’Hitler fait son chemin dans les esprits. » Que dirait-il aujourd’hui, s’il revenait parmi nous, lui qui fut dès l’origine, le président d’Honneur de l’AJCF ainsi que celui de l’Amitié judéo-chrétienne internationale, l’ICCJ ?

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Jacques Maritain

1947 : la prémonition de Jacques Maritain
Comme partout en Europe, mais peut-être encore plus en France, si l’on regarde les chiffres, les agressions antisémites en paroles ou en actes sont en augmentation. « Les vieux prétextes ne manquent pas », ajoutait Maritain, et en effet, ils ont la vie dure (l’argent, le pouvoir, la place dans la société, etc.), mais il en est de plus récents, qui sont liés à l’existence de l’État d’Israël. Déjà aussi en 1947, Jacques Maritain les pressentait, lui qui écrivait dans cette même lettre : « Il semble que la solution d’un État hébreu en Palestine sera inévitablement la prochaine solution tentée par l’ange d’une histoire toujours douloureuse et contrariée. Si nécessaire et justifiée qu’elle puisse être, nous ne devons pas nous dissimuler que cette solution risquera d’être exploitée par l’antisémitisme aux dépens des Juifs des autres pays… »

C’est en effet le même antisémitisme qui ressurgit, caché sous le masque de l’antisionisme, et qui frappe aujourd’hui les juifs, en France comme en Europe.

Là aussi l’AJCF se doit d’être à leurs côtés et de leur dire sa solidarité, nous qui savons par combien de liens, religieux, culturels, historiques, familiaux, l’immense majorité d’entre eux est attachée à ce pays et qui savons aussi combien il est nécessaire que leur soit toujours offerte la possibilité de trouver un accueil, un refuge pour le cas où la situation leur deviendrait trop difficile en pays de diaspora. C’est pourquoi nous devons affirmer, sans aucune hésitation ni ambiguïté, et en dehors de toute considération politique, un soutien inébranlable à l’existence de l’État d’Israël et ne jamais accepter qu’elle soit remise en question. C’est pourquoi aussi, en ce sens, un chrétien ami des juifs ne peut être que sioniste, vouloir que vive et perdure toujours cet État.

La lutte contre l’antisionisme est un devoir
C’est pourquoi il est aussi de notre devoir de combattre l’antisionisme dont les ravages sont nombreux et redoutables tant il est répandu : il l’est partout dans le monde arabo-musulman, que ce soit celui des pays arabes ou celui de nos banlieues (à l’origine de la plupart des agressions antisémites), mais il atteint de nombreuses autres couches de notre société, et peut-être plus particulièrement celle de gauche, si sensible à la défense des droits de l’homme. C’est cet antisionisme là que nous voulons particulièrement combattre, et contre lequel il nous faut apprendre à faire œuvre de discernement, car il se présente sous les dehors honorables mais trompeurs de défense des opprimés, et, pour ces raisons-là, est malheureusement répandu chez bon nombre de chrétiens.

Il repose la plupart du temps sur des mensonges, des abus de langage, des présentations biaisées de la situation en Israël, des ignorances bien souvent, de la part de ceux qui reçoivent et diffusent les informations venues d’Israël. Et puis, il faut bien le dire, sur le sous-bassement dissimulé mais bien réel du vieil antisémitisme, car comment, sinon, pourrait-on expliquer l’inégalité de traitement infligée à Israël, le nombre incomparable d’accusations qui lui sont adressées par l’ONU ou par tant d’ONG, au regard de celles que reçoivent – au compte goutte – des pays qui, eux, sont des dictatures notoires, où les droits de l’homme sont quotidiennement bafoués et toute liberté d’expression réprimée ? Il s’agit donc pour nous de tâcher de rectifier, de rétablir la vérité ou de préciser de quoi l’on parle, lorsqu’on parle d’occupation, de colonies, d’apartheid, de mur, de loi du retour…, tant de mots qui sont utilisés comme des armes dirigées contre Israël.

Solidarité souvent mal comprise
Mais cette solidarité que nous affirmons envers Israël est souvent mal comprise et critiquée.

L’AJCF, par exemple, a été plus d’une fois accusée d’être à la remorque du CRIF, d’être comme lui un soutien inconditionnel non seulement d’Israël mais de son gouvernement.

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Sans doute est-ce en effet le cas pour le CRIF. Encore qu’au sein de ses membres eux-mêmes, lorsqu’ils sont entre eux, la liberté de parole soit plus grande et les jugements plus critiques que quand le CRIF s’exprime publiquement. Je me rappelle les propos de notre ami Richard Prasquier, qui fut lui aussi président du CRIF, disant combien cette attitude était compréhensible : il est en effet toujours pénible d’entendre dire du mal de sa famille, de ses amis, et la première réaction est de prendre leur défense. Mais quant on est à l’intérieur de cette famille, de sa communauté, c’est tout autre chose. Cela me rappelle les mots de Cyrano de Bergerac, dans la pièce d’Edmond Rostand, qui n’admettait pas qu’on lui adresse la moindre critique sur son physique disgracieux : « Je me les sers moi-même avec assez de verve, mais je ne permets pas qu’un autre me les serve ».

Que signifie d’ailleurs, pour l’AJCF, être solidaire d’Israël ? Cela signifie-t-il qu’il nous faut, et notamment à nos membres non-juifs, approuver tout ce que fait cet État, en s’abstenant de tout regard critique et en refusant obstinément d’en entendre ? Ce ne serait pas, je crois, rendre service ni aux juifs de France ni à ceux d’Israël.

Je pense toujours à mon cher Péguy qui écrivait, malgré son immense amitié, son immense respect pour le peuple juif – ou plutôt, j’en suis certaine, à cause d’eux : « Il y a une énorme quantité d’imbéciles en Israël et en chrétienté »…

Parce que nous avons une haute idée de la vocation juive, donc aussi de la mission du peuple d’Israël, parce que notre fréquentation constante des juifs, notre amitié et notre écoute nous ont permis de comprendre ce que signifie l’élection du peuple juif, nous voudrions qu’il soit toujours et partout le plus fidèle possible au message de la Torah, au service de Dieu et de l’humanité, y compris dans les conditions difficiles où cette vocation est mise à l’épreuve, comme actuellement en Israël. En fait, nous voudrions qu’il soit un peuple saint, comme nous voudrions d’ailleurs qu’il en soit de même de l’Église. « Soyez saints, comme moi votre Dieu je suis saint », lit-on dans le Lévitique.

Mais en même temps, comment oser parler ainsi, et de quel droit, surtout lorsqu’on est chrétien ? Sommes-nous vraiment les mieux placés pour appeler les juifs à la sainteté lorsque nous-mêmes avons pendant tant de siècles désobéi à l’Évangile ? Je le dis donc en tremblant, comment pouvons-nous prétendre donner des leçons aux juifs d’Israël, à son gouvernement même ? N’est-ce pas, à cause de notre passé, faire preuve d’une outrecuidance inacceptable ?

Et n’en est-il pas d’ailleurs de même pour nos hommes politiques et plus largement pour nos États d’Europe, quand on se rappelle comment les juifs ont été abandonnés de tous, livrés même à leur horrible sort pendant la dernière guerre mondiale ?

La réflexion que nous allons mener ce matin durant notre échange et cet après-midi, surtout, grâce à l’apport de nos deux conférenciers (auquel viendra s’ajouter brièvement Richard Prasquier, qui nous a demandé de lui accorder quelque temps de parole pour nous entretenir de Jérusalem), cette réflexion nous aidera à faire œuvre de discernement et à essayer de parler de la façon la plus juste possible de la situation en Israël ; sachant que ce qui doit toujours nous guider, c’est cette amitié qui nous unit, juifs et chrétiens, celle qui ne cesse d’inspirer l’AJCF. Comme toute amitié véritable, elle est exigeante et attend de chacun de nous qu’il donne le meilleur de lui-même. Mais comme toute amitié véritable, elle est aussi sympathie, empathie profonde. C’est pourquoi, lorsqu’il est question d’Israël, l’AJCF et notamment ses membres chrétiens sont aux côtés des juifs, partagent leurs souffrances, leurs soucis, leurs attentes et leurs espoirs et sont fermement décidés à les soutenir lorsqu’ils sont injustement accusés.

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Comment regarder Israël ?
Autant nous refusons de voir en Israël un État exemplaire, échappant à toute critique, dont toutes les décisions seraient bonnes et justifiées, autant nous refusons de voir en lui l’État criminel si régulièrement dénoncé par l’ONU et les media, et surtout de voir en lui le seul responsable des malheurs des Palestiniens (eu égard, notamment, à la responsabilité des pays arabes, leurs voisins et soi-disant frères). Alors comment regarder Israël ? Comment parler de ce pays avec justesse, lorsque le sujet survient dans nos échanges entre nous mais surtout dans nos échanges avec le public lors des conférences ou des rencontres qu’organisent nos groupes ? Ces mots que je citais tout à l’heure d’occupation, de colonies, d’apartheid, de mur, de loi du retour… si souvent utilisés pour accuser les juifs israéliens sont-ils totalement inappropriés ? Les accusations mêmes portées contre l’État d’Israël sont-elles toutes dénuées de fondement ? Les conférenciers de cet après-midi nous aideront à savoir les prendre à bon escient, à exercer notre intelligence. Je lisais dans un livre récent que le mot bina, qui désigne l’intelligence en hébreu, a pour racine ben, qui signifie entre, entre deux. Ayant vécu ou vivant dans ce pays, le fr. Louis-Marie Coudray comme le Pr Denis Charbit le connaissent de l’intérieur. Ils sont donc les mieux placés pour nous aider à faire preuve de ce discernement, c’est à dire à départager ce qui peut-être a quelques fondements (car nous savons bien qu’Israël n’est pas un État exemplaire sur tous les plans – mais, entre nous, quel État peut se vanter de l’être, et surtout lorsque pèsent sur lui tant de menaces ?) de ce qui est outrancier ou tout simplement mensonger, ou bien à voir qu’il y a parfois un peu de tout cela à la fois.

Nous n’oublierons pas non plus que, face à la pluie de mauvaises nouvelles qui, de façon unilatérale, nous sont régulièrement annoncées par nos médias – et aussi fondées soient-elles parfois – nous avons à faire connaître ce qui se passe de positif en Israël, pour que, si possible, soit plus équilibré le jugement général qui est porté sur lui. À cet effet, je vous avais donné l’an dernier toute une liste d’associations où Juifs et Arabes d’Israël œuvrent ensemble pour faire progresser le dialogue et la paix, mais je vous rappelle que sur le site de l’AJCF existe depuis deux ou trois ans la rubrique « Artisans de Paix », qu’alimente régulièrement Bernadette Avon et qui contribue lui aussi bien souvent à diffuser une image plus positive d’Israël. Car nous devons, comme je le disais, être porteurs de bonnes nouvelles, c’est aussi une façon de rendre plus juste car plus nuancée l’image d’Israël.

Deux réflexions encore, si votre patience n’est pas à bout :

Pas de jugement politique à AJCF
Si l’AJCF en tant que telle n’a pas à porter de jugement sur la politique de l’État d’Israël, car ce n’est pas son rôle, ni de sa compétence, il est évident que chacun de vous, dans son groupe, dans ses échanges avec les milieux qu’il fréquente, a le droit d’exprimer un avis, de porter un jugement, d’émettre même des critiques sur le gouvernement d’Israël, comme sur n’importe lequel des autres gouvernements, et même j’ajouterais que non seulement chacun en a le droit mais que c’est bien. Il est bon que dans nos groupes il y ait une diversité d’opinions, que certains se sentent plus solidaires, plus proches des Palestiniens, d’autres des juifs et que chacun puisse exprimer librement son avis sans se sentir toujours critiqué ou encore plus exclu. Non seulement il serait dommage que nos groupes aient un langage uniforme et qu’on refuse d’y entendre des voix diverses, mais il serait triste et regrettable que notre amitié et notre solidarité avec les juifs nous rendent sourds aux souffrances des autres, y compris lorsque ces autres sont des ennemis de ceux que nous aimons. En revanche, notre amitié nous engage, elle nous engage à faire preuve d’exigence, à rechercher toujours la vérité, à faire preuve, comme je le disais, de discernement. Il y a donc dans nos groupes des limites à ne pas franchir et une amitié à ne pas trahir. Ces limites, ce discernement, encore une fois, ce sont nos conférenciers qui nous aideront à les connaître et à mieux comprendre jusqu’où nous pourrons aller et dans la critique et dans l’approbation.

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Sensibilité au sort des Palestiniens
Enfin une dernière chose : en milieu chrétien, les paroisses, les Églises, les mouvements, sont particulièrement sensibles au sort des Palestiniens. C’est, en un certain sens, à leur honneur, car c’est la marque d’une générosité, d’une attention envers les plus faibles, envers ceux qui ont moins de droits, il faut le reconnaître ; et en même temps cette générosité est la plupart du temps dévoyée par la désinformation ou plutôt par une information à sens unique. Ce qui les pousse souvent à faire des choix ou à avoir des attitudes fort regrettables, à soutenir des mouvement prônant le BDS (le boycott d’Israël), comme le fit récemment encore une paroisse protestante recevant des représentants de l’ONG israélienne De-Colonizer qui étaient invités par des ONG chrétiennes comme la Cimade, Pax Christi, le CCFD, ou même l’ACAT. Le Grand Rabbin Haïm Korsia me disait récemment sa tristesse de voir cela. Les chrétiens de l’AJCF ont là une responsabilité, un devoir de vigilance : veiller si possible à ce que les paroisses, les milieux chrétiens reçoivent des informations plus équilibrées. Ce n’est pas facile, les habitudes sont prises, les réseaux de relations sont créés, et en milieu chrétien un nom à consonance chrétienne inspire confiance. Malheureusement quelques-unes de ces ONG n’ont parfois plus de chrétien que le nom (comme je l’ai appris par un ancien président national de l’ACAT) : il nous faudrait donc pousser nos paroisses, nos lieux de vie à écouter aussi d’autre voix, à inviter aussi d’autres ONG ou associations œuvrant véritablement pour le dialogue et la paix en Israël (tout en se méfiant de celles qui portent ostensiblement le nom d’association « pour la Paix en Palestine »…, car c’est souvent un nom trompeur). Bref tâchons de bien nous informer et surtout de veiller si possible à ce que les milieux que nous fréquentons soient eux-mêmes mieux informés. C’est de notre responsabilité.

Il faudrait aussi parler des pèlerinages, dont les chrétiens rentrent souvent plus hostiles à Israël qu’ils ne l’étaient au départ. Le fr. Louis-Marie Coudray a commencé à prendre à bras le corps ce problème, c’est indispensable, c’est courageux de sa part, car cela n’est pas facile, d’autant que les chrétiens de France et d’Europe ont malgré tout un devoir de solidarité avec les Églises palestiniennes, qui vivent une situation difficile, surtout bien entendu dans les Territoires. Même si leurs positions politiques sont souvent très critiquables (mais sont-elles libres de parler autrement ?), il ne nous faut pas les oublier.

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Mais j’ai assez parlé et même abusé de votre patience. Pardonnez-moi et mettons-nous au travail. Maintenant est venu le temps de notre échange : la parole est à vous. JC♦

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