Par Liliane Messika
Dans une chanson qui a fait les délices matinaux de toute une génération, Stephan Eicher se plaignait que « Les nouvelles sont mauvaises d’où qu’elles viennent ».
Le fait est que lorsqu’on regarde Israël du bout de la lorgnette française, on ne recense que colons arrogants, Gazaouis opprimés par une colonisation qui a cessé en 2005 et Premier ministre accusé de corruption. Et dans l’autre sens, est-ce que cela conforte le chanteur dans son opinion ?
Que voient les Israéliens quand ils regardent la France à travers leur propre lorgnette ?
Les colons français ne sont pas arrogants, ils assument au contraire une posture de culpabilité pour des actes dont ils ne savent pas grand’ chose et qui ont peut-être, ou pas, été perpétrés par leurs grands-parents.
Les « colonisés », eux, sont d’une arrogance comprise, voire justifiée avec compassion par les médias.
OK, ils sont la troisième ou quatrième génération de Français nés en France ; ils n’ont, pour la plupart, jamais mis les pieds dans le paradis fantasmatique que leurs grands-parents ont quitté parce que c’était un enfer quotidien.
Foin du réel ! Ce qui compte, c’est leur sentiment d’être nés victimes et d’être condamnés à le rester quoiqu’ils fassent. Donc mieux vaut ne rien faire.
Ce sentiment, créé de toutes pièces par des politiciens clientélistes, a été soigneusement entretenu et attisé par quelques idéologues bas de plafond dont c’est l’unique – mais très rémunérateur- fonds de commerce.
C’est pas en France qu’un Premier ministre serait accusé de fraude !
Quant au scandale Netanyahou, en France, il est inimaginable : on a des lois sur la transparence. Elles contraignent les élus et les ministres à déclarer leur patrimoine à l’entrée et à la sortie de leurs fonctions. Nananère, NOUS, on est à l’abri des scandales !
Certes, notre Premier ministre actuel a d’abord écrit « Aucune idée » en lieu et place de valeur face à chacun des items de son patrimoine. Ben quoi, c’est transparent… C’est même louable, un Premier ministre qui avoue ses lacunes.
Et puis il a dû finalement se faire une idée, puisqu’il a corrigé sa déclaration.
De plus, le fait que pas une semaine ne passe sans un scandale au sujet d’un élu qui aurait oublié de noter quelques menues (ou grasses) possessions, cela ne fait que souligner la vigueur de la démocratie française.
En Israël, les voitures foncent dans la foule, alors qu’en France…
C’est un article de Maariv, l’un des principaux quotidiens israéliens, qui le relate : un citoyen israélien venu rendre visite à son frère, qui réside à Paris, a échappé de justesse au couteau du chauffeur de son taxi qui l’avait repéré comme juif.
On essaie de trouver confirmation sur les sites français : un incident pareil, ça n’arrive pas tous les jours, c’est du scoop, ça, Coco !
Hélas, cela doit faire partie des nouvelles qu’on estime dangereuses, car susceptibles de faire traiter le journaliste d’islamophobe, voire le média d’allié objectif de l’extrême-droite, vous voyez un peu la galère ?
Un Arabe qui poignarde un Juif, c’est un fou.
Un Juif qui escroque, c’est un Juif.
On imagine la conférence de rédaction dans un média mainstream français :
– Moi j’ai un scoop de chez scoop : le chauffeur de taxi, il ramène un client de Roissy. Il l’entend parler hébreu au téléphone, il appelle un copain à qui il dit qu’il veut fumer le client. Au client, il lui dit, texto : « Je vais te montrer ce que les musulmans font à des gens comme toi ». Le client réussit à se barrer. On dirait un western ! Ça va cartonner, pour une fois qu’on a une histoire originale à raconter !
– Dis donc, toi, tu serais pas payé par le lobby juif, des fois ? Si on t’écoutait, on publierait et une heure après, c’est Beyrouth à Paris : les ratonnades, les manifs avec des panneaux « A mort les Arabes », les attentats contre les mosquées, les petits enfants tués à bout portant dans les écoles coraniques…
– M’enfin, Boss, les Français sont pas des abrutis, ils vont pas faire une ratonnade sous prétexte QU’UN musulman a voulu tuer UN juif ! D’ailleurs, ce n’est jamais arrivé et pourtant, les Juifs, les journalistes et même les Français innocents tués dans des attentats, y en a déjà eu des paquets. Le panneau qu’on voit le plus souvent le lendemain, c’est : « ils n’auront pas ma haine » !
Désolés : on a raté la fin, le réveil a sonné…
Du temps où les journalistes se rendaient à l’étranger sur les lieux des événements, Il était de tradition qu’ils prennent, en arrivant, la température de la situation en demandant son avis à l’homme de la rue, en l’occurrence le chauffeur de taxi qui les ramenait de l’aéroport.
Curieusement, personne aujourd’hui, n’a voulu entendre l’opinion de celui-ci, qui n’en faisait pourtant pas mystère.
Einstein disait que pour défiler au son d’une musique militaire, il n’était pas besoin d’avoir un cerveau, une moelle épinière suffisait. Et pour passer le permis ?
Aie ! Pas sur la tête ! On n’a rien dit contre les journalistes : ce n’est pas leur faute s’ils sont malentendants, voire mal comprenants !
Là, vous voyez comme on est politiquement corrects ? LM♦
21 mars 2018