L’humour est mort, vive l’amour de la bien-pensance

bien pensant.jpgPar Liliane Messika

Il fut un temps où, dans les écoles de communication, tout un chapitre était consacré aux « leaders d’opinion » qu’il convenait de cibler afin qu’ils répercutent le bon message à la bonne cible : ceux qui leur faisaient confiance.

Dans cette rubrique, se trouvaient hiérarchisés les politiques, les intellectuels, les médias et enfin, les artistes.

Aujourd’hui, force et tristesse sont de constater qu’une seule catégorie – qui ne figurait pas dans l’inventaire d’origine – mérite cette appellation. Il s’agit des humoristes politiquement corrects. L’expression relève de l’oxymore, mais le concept, lui, est présent dans le tout-médias.

Comme son nom ne l’indique pas, la bien-pensance pense peu et mal
Cette a-pensée s’articule autour d’un consensus décidé par une minorité agissante.

Il s’agit de la même pour laquelle cette formule avait été inventée, sauf qu’elle a vieilli et qu’aujourd’hui, elle détient le pouvoir de donner la parole à qui elle coopte et de l’interdire à ceux qu’elle disqualifie par des anatermes : droite (extrême, mouvance), identité et nation, le tout culminant dans le « rappel des heures les plus sombres », alias identité-nationale-concept-de-droite-extrême.

L’humour, à l’inverse, n’est drôle que quand il pense
Penser, ce n’est pas réfléchir au sens de miroir de l’a-pensée du plus puissant.

Penser, c’est mettre en rapport des éléments hétérogènes qui créent du sens une fois reliés les uns aux autres.

Par exemple, voir un signe des temps métaphorique dans la micro-polémique entre le drôle d’humoriste Laurent Gerra (drôle d’humoriste parce que humoriste drôle, donc atypique) et les médias bien-pensants, ceux qui trouvaient, il y a quelques mois, Mehdi Meklat irrésistible.

L’humour s’inverse avec les valeurs
Quand les révolutionnaires de Mai devinrent patrons de presse, ils s’empressèrent de sanctifier la révolution et de promouvoir une novlangue imperméable à la sémantique[1].

Les Juifs devinrent des nazis, les terroristes palestiniens furent sacrés nouveaux juifs, victimes des anciens. Corollairement, les nouveaux antisémites, ceux qui tuaient les vrais juifs, furent interdits de stigmatisation et les antisémites traditionnels, qui se contentaient de les insulter, furent pourchassés avec avidité… mais ils étaient presque introuvables pour cause de quasi extinction de la race.

La vie d’un bien-pensant c’est l’abnégation au service de la négation du bon sens
C’est ainsi que Mehdi Meklat fut érigé en coqueluche de la bien-pensance médiatique.

La trilogie du nouveau Saint-Esprit : Télérama, Les Inrocks et France Inter, eut toutes les indulgences pour la jeune « victime du sysssstème ».

Proférées par un djeune issu des « cités » (terme de la novlangue signifiant « banlieue islamiste »), les insultes antisémites, misogynes et uniformément violentes furent qualifiées d’humour second degré et leur auteur unanimement admiré par la médiacratie au pouvoir.

Laurent Gerra.jpg
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Dis-moi qui est ton idole, je te dirai qui tu hais
Le public de Meklat, composé pour une bonne part de TAMC (Thuriféraires À Mémoire Courte) de Staline, Pol Pot et Dieudonné, se déchaîna contre Laurent Gerra, multirécidiviste hilarant du crime de lèse-Trinité (voir les images ici).

Les Inrocks démolissent tout ce qui dépasse du col Mao, Télérama a détrôné Geneviève de Fontenay en s’érigeant manuel du savoir-rire, mais ni l’un ni l’autre ne conçoit que l’on puisse arroser les arroseurs.

« Je veux me moquer d’une espèce d’élite, plus exactement d’une pseudo-élite, qui est capable de dire tout et n’importe quoi le plus sérieusement du monde », revendique celui qui fait rire de bon cœur, au sens littéral : sans avoir recours à Trump ou à Netanyahou.

Les asociaux des réseaux dits sociaux lui sont tombés dessus…
… non pas à bras, mais à orthographe raccourcie.

Laurent Gerra fait sérieusement son boulot de caricaturiste sans se prendre au sérieux.

Ses victimes se prennent au sérieux en toute ignorance du vocabulaire (ironie, recul, élégance et autodérision, kekséksa ?) et de la grammaire : « Même en costar tu la fera pas, … Faut avoir du talent pour ça, une vraie carrière, du style… » lui a balancé, sérieux comme un pape, un rappeur sur Twitter.

Logo Liliane MessikaEncore un qui doit ignorer la traduction française de Tweet (cui-cui), et le sens de QI ! LM

25 avril 2018

[1] La sémantique est la science du sens des mots.

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