Ce poème a été publié en 1994 au Canada par LittéRéalité, revue du Collège Universitaire Atkinson, Université York, Ontario. (« La Poésie contemporaine en France »)
« Que cessent ces bêlements infâmes », demandait déjà la voix du poète à l’époque , pressentant ce qui se préparait. Mais nul n’était prêt à l’entendre. Son auteur, Céline Zins est connue comme traductrice littéraire et comme poète[1].
Marc Nacht
Que dure soit la pensée
I
De quelle puissance l’alarme des temps
pour estomper l’Appel
De quelle douleur durci le corps
naguère voué aux transparences
Dans quel néant effacés
paroles et rites incantatoires
élans :
lueurs révélées inlucides
regards invoyants
Tout cet irrésistible attrait des servitudes
La place en guise de lieu
Le trait commun en guise d’êtreII
Ruines
Lèpres délibérément édifiées
scarifications des paysages
emblèmes des temps
Ruines à ciel ouvert
Ruines sous les masques
Insidieuse corrosion
des édifices vertébraux
fissures occultes, fondements rongés
soudure irréversible d’articulations cérébrales
prolifération de cellules amnésiantes
Cendres
mais braises sous les cendres
diaboliquement remémorantes
Ah pauvre misère des cache-misère
Immense déroute des belles âmes
Que cessent ces bêlements infâmes
Que ruines soient les ruines des prédateurs
Que dure soit la pensée
face aux marchands de temples
Que dure soit la pensée
pour rendre à l’homme, seul,
son statut vertical
Céline Zins
MN♦
[1] – Par l’alphabet du noir (Christian Bourgeois), Adamah (Gallimard), L‘Arbre et la glycine (Gallimard), Éclipses (Voix d’Encre).