L’équilibre international dépend-il de l’antisémitisme ?

balance.jpgLes Anglais adorent parier

Ils misent sur tout et rien : les résultats sportifs, le prénom du futur bébé de l’une ou l’autre des royales brus, le nombre de grèves en France… mais il y a un sujet imperméable aux paris, c’est celui des résultats des votes à l’ONU, qui obéissent à une partition réglée au métronome.

En effet, l’ONU compte 193 membres, dont 120 appartiennent au Mouvement des Non-Alignés, créé en 1979 à La Havane, pour assurer « l’indépendance nationale, la souveraineté, l’intégrité territoriale et la sécurité des pays non alignés dans leur lutte contre l’impérialisme, le colonialisme, le néo-colonialisme, la ségrégation, le racisme, le sionisme, et toute forme d’agression étrangère, d’occupation, de domination, d’interférence ou d’hégémonie de la part de grandes puissances ou de blocs politiques. (Wikipedia) » Oui, vous avez bien lu : « pour lutter … contre le sionisme ».

À eux seuls, ces 120 pays suffisent pour avoir la majorité à l’ONU, d’autant que parmi eux figurent un certain nombre des 57 pays appartenant également à l’OCI, l’organisation de la coopération islamique, le seul groupe international à seule vocation religieuse. Elle a été créée pour assurer la sauvegarde des lieux saints de l’islam et soutenir la cause palestinienne contre Israël… Et pour faire contrepoids au mouvement des non-alignés sur lequel elle s’aligne depuis des décennies.

Pas de suspense, quel ennui !

En effet, à l’ONU, il n’existe jamais de suspense, puisque les blocs votent automatiquement lors des scrutins de l’Assemblée générale. En revanche, les votes du Conseil de Sécurité ont un mécanisme de… sécurité, qui est le droit de véto de ses membres permanents : la Chine, les États-Unis, la France, la Grande Bretagne et la Russie.

Pour autant, il n’y a pas plus de surprise qu’à l’Assemblée générale : la Russie s’oppose à toute condamnation de l’Iran et de la Syrie et les États-Unis à celles qui accablent Israël, notamment grâce au point 7 de l’ordre du jour, qui lui est exclusivement consacré. Mais il n’existe pas de veto dans les autres instances onusiennes conçues pour délégitimer l’État juif : le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, le Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et la Division des droits des Palestiniens du Département des affaires politiques. Faut-il préciser qu’aucun autre peuple au monde ne bénéficie d’une telle sollicitude, voire d’une seule commission comparable ? Ce qui va sans dire va encore mieux en le disant.

Seules les résolutions du Conseil de Sécurité sont contraignantes, mais cela n’empêche pas de voter les autres. Justement, les habitudes de l’Union européenne étaient ancrées presque aussi fermement que celles de la majorité automatique … jusqu’au 4 décembre 2019, où un retournement de situation inattendu a instillé un peu de bon sens dans la désorganisation des nations désunies.

Pas de suspense, mais une surprise de taille

En effet, ce jour-là, treize pays européens ont voté CONTRE la résolution annuelle de la Division ci-dessus, qu’ils entérinaient habituellement comme un seul mouton.

Ladite résolution, qui était, cette année, coparrainée par des démocraties éclairées : les Comores, Cuba, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Yémen, le Qatar, l’Indonésie, la Jordanie, le Koweït et le Sénégal, a quand même été adoptée par 87 voix. L’inédit, ce sont les 54 voix contre, pas les 23 abstentions. Pour la première fois, des démocraties ont voté pour LA démocratie moyen-orientale et non contre : l’Allemagne, la République tchèque, l’Autriche, la Bulgarie, le Danemark, l’Estonie, la Grèce, la Lituanie, les Pays-Bas, la Roumanie, la Slovaquie, le Brésil et la Colombie.

Inutile de préciser que le pays des Droits de l’Homme s’est abstenu : il y a des pays qui pratiquent les droits de l’homme, des pays « opératifs », et ceux qui en parlent, les « spéculatifs ». La France préfère spéculer sur les banlieues et voter contre l’État hébreu. Elle s’est donc abstenue, comme la Grande-Bretagne et l’Espagne.

Mais en même temps…

Sous l’influence du président lui-même, une proposition de modification de la définition de l’antisémitisme est passée devant l’Assemblée nationale. Il s’agissait de prendre en compte les nouveaux antisémites, qui ne sont plus des militants d’une extrême-droite élue croquemitaine, élevée, logée et nourrie par Mitterrand, avec laquelle nos intellectuels aiment se faire peur, mais de braves humanistes de gauche moyenne et extrême, pour qui l’archétype du Juif se superpose à celui du capitaliste et la figure du Palestinien à celle d’un Gavroche mâtiné de Petit Jésus.

Pour réactualiser la définition en fonction de cette nouvelle donne (qui fêtera bientôt ses 40 ans), il s’agissait d’adopter celle élaborée par l’IHRA, l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, qui a déjà cours au Parlement européen, au Conseil de l’Union européenne et à l’OEA (l’Organisation des États américains), ainsi que dans de nombreux pays : Autriche, Belgique, Bulgarie, République Tchèque, Allemagne, Hongrie, Israël, Lituanie, Macédoine du Nord, Luxembourg, Moldavie, Roumanie, Slovaquie, Royaume-Uni, Pays-Bas, Grèce, Canada et États-Unis.

Une définition exemplaire

L’originalité de cette définition, qui se veut un outil pour lutter contre l’antisémitisme réel (et non fantasmé) dans le monde, est qu’elle donne des exemples. Sont antisémites le fait de :

  • « Tenir les Juifs pour collectivement responsables des actes de l’État d’Israël » ou de
  • « Refuser au peuple juif son droit à l’autodétermination, par exemple en affirmant que l’existence d’un État d’Israël est une entreprise raciste », voire
  • d’appliquer « des politiques différentes en exigeant d’Israël un comportement qui n’est pas attendu ou exigé d’une autre nation démocratique. (AJC France) »

Ces exemples ne sont pas sortis d’un chapeau, mais d’une enquête effectuée en 2018[1] et qui montre que ces « arguments » reviennent régulièrement dans les attaques et les violences contre les Juifs européens.

Le 3 décembre, la définition de l’IHRA a été adoptée, dans la douleur, par l’Assemblée nationale : 154 voix pour, 72 contre et 43 abstentions, sur un total de 577 députés, dont 550 étaient présents deux heures avant ce vote (le Monde). Seuls, trois partis politiques ont voté unanimement : le PS, la FI et le Groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Ils ont voté unanimement contre la nouvelle définition, évidemment.

La caution des Juifs est jouissive pour l’antisémite

Les 11 socialistes, les 14 soumis à l’antisionisme et les 11 gauchos groupés n’ont pas eu besoin d’être convaincus par les 127 Juifs qui avaient signé une lettre ouverte publiée par Le Monde. Ils n’avaient jamais eu l’intention de s’associer de près ou de loin à une mesure destinée à lutter contre les « nouvelles formes » d’antisémitisme.

« Nous, universitaires et intellectuels juifs, d’Israël et d’ailleurs, dont beaucoup de spécialistes de l’antisémitisme et de l’histoire du judaïsme et de l’Holocauste, élevons notre voix contre cette proposition de résolution. » Juste pour rire notons que les 43 signataires israéliens sont tous des fonctionnaires payés par l’entité sioniste. S’ils espèrent que, une fois leur vœu réalisé et Israël détruit, les universités françaises se battront pour remplacer leurs employeurs, c’est qu’ils sont encore plus bêtes que prétentieux. Ces intellectuels, à qui Le Monde ne donne la parole que parce que leur antisémitisme légitime le sien, n’acceptent pas que l’on se mêle d’interdire les nouvelles formes d’antisémitisme, grâce auxquelles leur rôle d’idiots utiles leur rapporte une telle visibilité médiatique.

Les Juifs antisémites servent de caution aux antisémites français et les juifs antisémites recherchent la caution de Juifs disparus dans la Shoah. C’est élégant… « Certains juifs s’opposent au sionisme pour des raisons religieuses, d’autres pour des raisons politiques ou culturelles. De nombreuses victimes de l’Holocauste étaient antisionistes », osent-ils écrire.

L’antisioniste est à l’antisémitisme ce que le mal comprenant est ailleurs

L’expression « antisioniste » date de l’après Guerre des six jours, quand la victoire inopinée des Juifs contre l’Égypte, la Jordanie, la Syrie et le Liban libéra la parole antisémite, qui s’était tue en France pendant vingt ans. Une libération sous caution : on n’osait pas encore s’affirmer antisémite, aussi utilisa-t-on le synonyme « antisioniste ».

Il ne désignait plus la haine de feu les Juifs européens par leurs concitoyens, mais la haine des survivants, qui avaient désormais leur État et étaient donc hors de portée. Les antisémites avaient vu Hitler réaliser leur souhait de débarrasser l’Europe de six millions de Juifs. Les antisionistes, eux, espéraient que les Palestiniens réaliseraient le leur, de débarrasser le monde de l’État juif et de ses six millions d’habitants.

Quant aux « nombreuses victimes antisionistes de l’Holocauste » qui peuplent les rêves des signataires de la lettre ouverte, si Israël avait existé au moment où ils étaient envoyés à Auschwitz, il n’y aurait pas eu d’holocauste et il y a gros à parier qu’ils ne s’en seraient pas plaint. À l’époque, ceux qui réussissaient à parvenir jusqu’à Haïfa se voyaient renvoyer par les Britanniques chez leurs bourreaux.

À la veille de la deuxième guerre mondiale, tous les Juifs n’étaient pas sionistes, tant s’en faut. Mais ceux qui ne l’étaient pas n’avaient pas non plus inventé le concept « d’antisionisme. »

L’antisionisme ne lave pas plus blanc

Pour les antisémites, « Juif » est une insulte et Israël un gros mot, trop indigeste pour qu’ils le prononcent, aussi le remplacent-ils par « entité sioniste. »

Le retour à Sion, c’était le vœu exprimé par les Israélites du retour en Israël, pendant l’exil à Babylone. Il figurait déjà dans la Bible, pour décrire les enfants d’Israël esclaves en Égypte. D’où la formule « l’an prochain à Jérusalem » qui clôt les prières du Séder de Pâques, la fête commémorant l’exode.

Le sionisme moderne, en tant que revendication politique de la création d’un État juif, est contemporain des révolutions nationales en Europe, après 1848 : le premier manifeste juif appelant au rétablissement d’Israël a été publié au lendemain des victoires de la guerre d’indépendance italienne et de la publication, à Paris, d’un livre de Ernest Laharanne, qui proposait, en 1860, la reconstitution de la nationalité juive[3]. Ce sionisme moderne a été, en 1896, théorisé dans Der Judenstaat (L’État des Juifs), par Theodor Herzl, journaliste autrichien qui couvrait l’affaire Dreyfus. Il avait alors compris que l’antisémitisme ne permettrait jamais aux Juifs de se sentir chez eux ailleurs que dans leur propre État. L’époque était propice aux mouvements d’autodétermination des peuples : après le peuple italien, au tour du peuple juif !

L’antisionisme : l’anti-État juif, anti-Juifs tout court

« Refuser au peuple juif son droit à l’autodétermination », c’est ni plus ni moins qu’appliquer « une politique différente » en refusant à Israël ce qu’on accorde à tous les autres peuples. C’est ce que certains souhaitent avec tant de passion pour les Palestiniens, qu’ils aimeraient leur donner l’État juif pour qu’ils y remplacent le peuple détesté.

« Pour les Palestiniens, le sionisme représente la dépossession, le déplacement, l’occupation et les inégalités structurelles. (…) Ils s’opposent au sionisme non par haine des juifs, mais parce qu’ils vivent le sionisme comme un mouvement politique oppressif » disent les Juifs signataires, qui savent mieux que les Palestiniens ce que ceux-ci ressentent.

Les Palestiniens, constitués de Jordaniens en Cisjordanie et d’Égyptiens dans la Bande de Gaza, n’ont en commun, en dehors de leur haine réciproque, que celle qu’ils éprouvent pour les Juifs. Les Juifs, pas les Israéliens, comme en témoignent les manuels scolaires qui leur apprennent l’infériorité ontologique du peuple hébreu et la nécessité impérative d’en débarrasser la planète. Comme en témoigne aussi la charte du Hamas : « Le Prophète, qu’Allah le bénisse et lui accorde le salut, a dit : «Le Jour du Jugement ne viendra pas avant que les musulmans ne combattent les Juifs (tuent les Juifs), où le Juif se cachera derrière les pierres et les arbres. Les pierres et les arbres diront Ô Musulmans, Ô Abdallah, il y a un Juif derrière moi, viens et tue-le.» (Article 7)

Les signataires de l’appel à ne pas considérer comme antisémite la volonté d’éradiquer le pays des Juifs mettent en avant leur judéité. Comme si la circoncision était un vaccin contre l’antisémitisme. Comme si la carte d’identité française de Rokhaya Diallo l’empêchait de haïr la France. Comme si celle des Darquier de Pellepoix, des Déat, des Doriot et autres collaborateurs, les avait lavés par avance de leur responsabilité de traîtres. Comme si celle des volontaires de la Légion des volontaires français contre le bolchévisme avait empêché ses membres de prêter un serment de fidélité personnelle à Hitler et de lutter, sous l’uniforme allemand, contre leurs compatriotes.

On pourrait aussi demander à ces 127 intellectuels pourquoi la revendication palestinienne sur Israël leur paraît légitimée par ses 52 ans de lutte armée, alors que celle des Juifs, attestée par 3000 ans d’histoire, d’archéologie, de traditions, de négociations, puis par la reconnaissance de l’ONU, leur semble négligeable. On pourrait, mais on ne le fera pas : les abonnés du Monde connaissent la réponse, qui va dans le sens de leur tropisme. Cette lettre ouverte leur était, justement, réservée.

Dis-moi qui sont tes amis…

Un qui soutiendra sans réserve leur demande, c’est le Belge Talal Magri. Il coordonnait la campagne du parti Islam pour les élections communales de 2018 en Wallonie, et il était la tête de liste du parti à Liège. Il a posté sur Facebook la vidéo d’un imam barbu et aveugle, appelant à l’extermination des Juifs et regrettant de ne pouvoir participer, à cause de son handicap, au djihad contre eux : « Pour ceux qui coopèrent avec les Juifs, travaillent avec les Juifs, et ceux qui complotent avec les Juifs, Ô Allah, prends-les très vite et sans délai, Ô Allah, fais trembler leurs bases et détruis leurs structures. (DH Net) »

Monsieur Magri partage avec les signataires de la lettre ouverte du Monde la conviction que son origine le protège de l’antisémitisme : « Je suis moi-même musulman, donc sémite. Je réfute que la vidéo a un caractère antisémite et fait l’apologie de la violence contre les Juifs. »

Il est contredit par un expert, Khalil Zeguendi, rédacteur en chef du magazine Le Maroxellois, de langue maternelle arabe et spécialiste de l’islam violent : « …contrairement à ce qu’il vous dit, est violemment antisémite et incite au djihad. L’imam n’appelle pas à la destruction d’Israël ou des sionistes, mais à la destruction complète des Juifs, à leur extermination. Dans la vidéo, l’imam implore Allah de le faire bénéficier de la récompense dédiée aux Moudjahidine. Le prêche appelle Dieu à pourvoir à l’extermination des Juifs, c’est clair et net. »

Étant wallon, donc francophone, M. Magri ne devrait pas ignorer la définition de « antisémite : hostile aux Juifs (Larousse) ». L’antisémite est hostile à certains sémites et pas à d’autres, de la même façon qu’un plombier installe des tuyaux (qui ne sont plus en plomb depuis longtemps) dans des salles de bains, mais pas de plombage dans les dentitions.

La France sert maintenant de repoussoir aux Américains

Non seulement les antisémites ne sont hostiles qu’aux Juifs, mais de surcroît, certains sémites sont plus antisémites que les autres, notamment ceux qui ont comme unique objectif dans leur existence (terrestre) d’obéir à Allah, qui demande de les exterminer en faisant « trembler leurs bases et détruis{ant} leurs structures. »

En France, les actes antisémites ont augmenté de 74% en 2018, passant de 311 en 2017 à 541. L’immense majorité des violences a été commise par des individus motivés par l’islam ou par le « propalestinisme » et non par une idéologie d’extrême-droite.

Aux États-Unis, le FBI a constaté que le nombre total de crimes motivés par la haine se montait à 7120 affaires, dont près de 60% étaient dirigés contre des Juifs et des institutions juives.

« Le fait qu’un si faible pourcentage de la population soit victime d’un tel pourcentage d’incidents liés aux crimes motivés par la haine devrait nous inquiéter tous. Vous voyez des chiffres comme celui-ci ou pire dans des pays européens comme la France, où les crimes de haine contre les Juifs sont hors de proportion avec le nombre total de Juifs en France (News24) », a déclaré Ira Forman, conseiller du Département d’État en matière d’antisémitisme.

Pour une fois, la vérité ne vient pas de la bouche d’un enfant, mais de l’oncle Sam…LM♦

Logo Liliane MessikaLiliane Messika, MABATIM.INFO

[1] Expérience et perception de l’antisémitisme / Seconde enquête sur la discrimination et les crimes de haine contre les juifs au sein de l’UE. Agence des droits fondamentaux de l’Union Européenne. Luxembourg : Office des publications de l’Union Européenne, 2018.
[3] La Nouvelle Question d’Orient. Empires d’Égypte et d’Arabie. La reconstitution de la nationalité juive, Paris, 1860.

3 commentaires

  1. La réponse à la question posée en titre est : oui. Si ce n’est que c’est un déséquilibre international nous menaçant de plonger tôt ou tard collectivement dans un trou noir, appelé néant ou triangle des Bermudes comme on préférera, et ce, tant que l’humanité ne sera pas bien sure de savoir si elle choisit d’aller dans le sens de la pulsion de mort ou de la pulsion de vie, préférant jouer sa survie à la roulette russe!

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